CONDUITE A TENIR DEVANT ... Ann. Kin ésithér. , 1987, t. 14, n° 9, pp. 453-459 © Masson, Paris, 1987 Application de l'analyse de la biomécanique de l'épaule à la rééducation des pathologies de la coiffe G. PIERRON (1), A. LEROY (2), J.c. CHANUSSOT (3), A. ANDRÉ (4) (1) ECK Bois-Larris, B.P. 12, F 60260 Lamorlaye. (2) CPMK Saint-Maurice. La rééducation des pathologies tendineuses dégénératives ou traumatiques opérées ou non opérées reposent toujours sur les mêmes principes, à savoir : - non-sollicitation pendant une période de 3 à 6 semaines suivant la gravité de la lésion; - sollicitation progressive du tendon selon deux procédés : • actif, le tendon étant l'élément de transmission de la force musculaire au levier osseux, sa contrainte est directement proportionnelle à l'intensité de la contraction musculaire. Cette dernière est contrôlable, en fonction de la grandeur du moment résistant extrinsèque appliqué au levier osseux, et en fonction des synergies agonistes ou antagonistes mises en jeu au cours d'un exercice thérapeutique proposé. • passif, par étirement musculo-tendineux, en effet, l'étirement d'un muscle au-delà de sa ~ longueur de repos met progressivement en tension les éléments élastiques parallèles, cette tension est alors intégralement transmise aux éléments tendineux, elle augmente de façon exponentielle avec l'amplitude d'étirement. Partant de ces principes et les appliquant à la biomécanique particulière de l'épaule développée précédemment, nous proposons un protocole de rééducation utilisable dans les pathologies de la coiffe des rotateurs opérée ou non opérée. Dans le cadre de cet exposé, ne seront abordés que les techniques actives; les techniques passives, la physiothérapie, l'entretien des articulations sous-jacentes et du rachis cervicodorsal seront bien entendu associés à celles-ci. Tirés à part: G. PIERRON, ECK Bois Larris, F 60260 Lamorlaye B.P. (3) CMC Les Jockey. (4) Hôpital de Pontoise. Figure 1 : Une pression de direction caudale est appliquée au niveau du moignon de l'épaule, entraînant une sonnette interne passive de l'omoplate, le bras est verticàl, l'avant-bras repose sur l'épaule du thérapeute. Dans cette situation, la gléno-humérale est en abduction maximale, donc les muscles de la coiffe sont en position courte. La verticalité du bras réduit à néant le moment pesanteur. Le thérapeute par la main située dans le creux axillaire, sollicite le maintien actif de la sonnette interne par la contraction du grand pectoral et du grand dorsal, dégageant ainsi la grosse tubérosité sous la voûte acromio-coracoïdienne. Il est alors demandé aux patients un effort de maintien actif du bras vertical, engendrant par là-même une contraction de faible intensité et sur un mode isomètre des muscles de la coiffe et du deltoïde. 12, FIG.1 1IIIIIIII 454 Ann. Kin ésithér., 1987, t. 14, n° 9 3 2 FIG. 2 FIG. 3 Figure 2 : Même position que précédemment, après avoir amené passivement l'omoplate en sonnette interne, il est demandé au sujet un maintien actif de celle-ci, il doit pour cela dégager le moignon de l'épaule de la main du thérapeute. La deuxième main du thérapeute située au niveau du coude a un rôle d'aide ou de parade, le sujet devant maintenir par une contraction isométrique de ses abducteurs mono-articulaires le bras vertical. La flexion importante du coude est à retenir lorsqu'il y a lésion associée de la longue portion du biceps. Figure 3 : Le scapulum est amené passivement et progressivement dans une position de sonnette externe, le bras étant toujours vertical. Cela correspond au niveau de la gléno-humérale à une abduction de moins en moins marquée. Les muscles abducteurs mono-articulaires sont donc sollicités sur une position plus longue, mais, l'intensité de leur contraction demeure toujours faible puisque le moment pesanteur du membre supérieur est toujours réduit du fait de la verticalité du bras. Les deux mains du thérapeute enserrant l'articulation gléno-humérale ont un rôle de guide et d'aide éventuelle, de plus ce contact étroit procure une grande confiance au patient. Figure 4 : L'omoplate est portée en sonnette externe maximale, le bras est vertical et le sujet FIG.4 doit le maintenir activement sans l'aide du thérapeute. Lorsque l'extension du coude est permise, ces 4 premiers exercices peuvent être repris dans l'ordre avec le coude en extension ce qui déplace distalement le centre de gravité du membre supérieur et rend plus difficile le maintien du bras à la verticale. Figure 5 : Le scapulum est amené passivement en position de sonnette externe, le bras est vertical, l'amplitude d'abduction de la glénohumérale est de ce fait incomplète. D'une main Ann. Kin ésithér., 1987, t. 14, n° 9 ( -~) 6 455 ~-.L.?) ~ Flo. 6 5 Flo.5 placée dans le creux axillaire, le thérapeute sollicite le passage actif en sonnette interne du scapulum par contraction du grand pectoral et du grand dorsal. Ces derniers dégagent la tête humérale et, le bras demeurant vertical au cours de l'exercice il se produit une abduction terminale dans la gléno-humérale. Cet exercice conjugue sur un mode actif concentrique contre très faible résistance la synergie grand pectoral- grand dorsal, deltoïde, muscles de la coiffe. i F">---- Figure 6: L'omoplate est amenée passivement en sonnette interne, puis maintenue activement dans cette position par la contraction du grand pectoral et du grand dorsal. Ceux-ci dégagent la tête et réalisent une protection active des muscles de la coiffe. Il est alors demandé au sujet de contrôler par paliers successifs étalés dans le temps un retour du bras vers le corps. L'inclinaison progressive du segment brachial par rapport à la verticale entraîne une augmentation graduée du moment pesanteur alors que les muscles abducteurs mono-articulaires de la gléno-humérale se trouvent en position de plus en plus allongée. L'inclinaison du bras doit rester modérée, inférieure à 45° par rapport à la verticale afin de ne pas solliciter simultanément les tendons par allongement et intensité de la contraction. 7 Flo. 7 Figure 7: L'omoplate est amenée passivement en sonnette externe, le bras vertical. D'une main située dans le creux axillaire, le thérapeute sollicite la sonnette interne active par la contraction du grand pectoral et du grand dorsal, alors que l'autre main appliquée au niveau du coude y exerce une force progressivement croissante au cours de la rééducation, dirigée verticalement de haut en bas. Il est demandé au sujet de pousser le coude vers le zénith. Cet exercice correspond à la chaîne d'allongement latéral du 456 Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, nO 9 J 7) /? ~~A 'C7\ § FIG.9 FIG.8 bras, et nécessite la contraction simultanée des muscles de la sonnette interne et des muscles de l'abduction de la gléno-humérale. Ils agissent tous sur un mode de contraction concentrique et contre une résistance qui peut devenir importante. La coiffe des rotateurs demeure cependant sous la protection de l'abaissement actif de la tête. Au cours de la progression, la position de départ du bras doit être progressivement inclinée par rapport à la verticale. Figure 8 : L'omoplate est placée en sonnette externe, et le bras incliné par rapport à la verticale. Le thérapeute d'une main placée dans le creux axillaire résiste à la sonnette interne alors que l'autre main placée sur la face latérale externe du coude résiste à l'abduction de la gléno-humérale. Il s'agit d'une résistance en couple sollicitant d'une façon particulièrement intense la contraction du grand pectoral, du grand dorsal, du deltoïde et des muscles de la coiffe. Cette cinèse est particulièrement importante et devra être automatisée par le patient. Figure 9 : La progression se poursuit en installant le sujet assis, le thérapeute par une double résistance en couple, recrute la même cinèse que dans l'exercice 8, de façon à poursuivre l'automatisation de celle-ci en posi- FIG. 10 FIG. Il tion plus fonctionnelle. En effet, pour ces patients, il est important de développer l'abductionpréalable de la gléno-humérale par l'intervention du grand pectoral et du grand dorsal, induisant ainsi une protection active des muscles de la coiffe par recentrage de la tête humérale, avant d'obtenir l'élévation du bras par sonnette externe de l'omoplate. ;~ Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 9 457 moignon de l'épaule en élévation et donc le scapulum en sonnette externe. Le sujet doit alors réaliser le mouvement opposé, abaissementsonnette interne par recrutement des grands dorsal- pectoral. Il : Figure A partir du même montage et après avoir réalisé l'abaissement-sonnette interne, le sujet déplace le bras en élévation latérale, recrutant ainsi sur un mode concentrique le muscle deltoïde et les muscles de la coiffe. La progression est obtenue par adjonction d'haltères manuels. 12 FIG. 12 Figure 10 : Application de ces principes en pouliethérapie. Un batonnet largement garni de mousse est placé dans le creux axillaire. Ses deux extrémités donnent attache aux deux extrémités d'une même élingue, solidaire d'un poids, ce montage induit une force qui tend à porter le \ FIG. 13 Figure 12 : Autre exemple d'utilisation de montage pouliethérapique : dans ce cas, le sujet tient à la main un batonnet donnant attache aux deux extrémités de l'élingue, laquelle après réflexion sur poulie, reçoit en son milieu une poulie mobile solidaire d'un poids. La progression se réalise en passant de la position 1 à la position 3. Position 1 : les deux brins de l'élingue sont obliques en crânial et latéral et tendent à écarter le bras du corps. Le sujet ramenant la main vers le médial et le caudal réalise simultanément une - 458 Ann. Kin ésith ér., 1987, t. 14, n° 9 adduction de la gléno-humérale associée à une sonnette interne. Par une contraction sélective du grand pectoral et du grand dorsal. Position 2 : Les deux brins de l'élingue sont dirigés verticalement en crânial, de ce fait ils ont tendance à remonter le membre supérieur et par la-même le moignon de l'épaule vers le haut et à porter l'omoplate en sonnette externe. Le sujet effectue l'abaissement-sonnette interne et l'omoplate, associé à une stabilisation de la glénohumérale entraînant un recrutement progressif et doux des abducteurs mono-articulaires. Position 3 : les deux brins de l'élingue sont dirigés obliquement en crânial et médial et portent cette fois non seulement le moignon de l'épaule en élévation-sonnette externe, mais encore la gléno-humérale en adduction. Le sujet effectue contre cette résistance un abaissementsonnette interne du scapulum associé à un déplacement latéral du bras, c'est-à-dire une abduction de la gléno-humérale. Cet exercice recrute alors la synergie grand-pectoral, grand dorsal, deltoïde, muscles de la coiffe. Figure 15 : Sollicitation de la sonnette interne par dégagement du moignon de l'épaule et maintien actif aidé du bras. Figure 16 : En progression, sollicitation de la sonnette interne associée à une poussée du coude vers le zénith. La main du thérapeute placée au niveau du coude n'oppose pas de résistance mais guide le mouvement. Figure 17 : Exercice en balnéothérapie (im- Figure 13-14 : L'application à une rupture opérée maintenue par plâtre thoraco-brachial : sujet assis entraînant un abaissement sonnette interne de l'omoplate par effacement du moignon .sous l'épaulette plâtrée. FIG. 16 \ 17 FIG. 15 FIG. 17 Ann. Kin ésithér., 1987, t. 14, nO 9 459 _~i).(_ ------- ------- ~ u=- -'l/-~ ---------~ ----------- ~ ----------- 1 /-_-.....--' / \ ~ '- '- •... -- ) /1 19 FIG. 18 FIG. 19 mersion sternale). Le sujet tient un flotteur (ou ballon), lequel tend à élever le membre supérieur. La position de départ impose par ellemême une contraction statique des adducteurs (pré-tension), le sujet devant alors effectuer un abaissement actif du moignon de l'épaule le flotteur servant de point fixe. d'autant plus intense que le bras s'approche de l'horizontale. Figure 18 : Élévation du membre supérieur en immersion sternale. A partir de l'exercice précédent le sujet contrôle activement l'élévation latérale par un travail excentrique des muscles grands pectoral et dorsal dont la sollicitation est Figure 19 : Élévation du membre supeneur en immersion variable. Au cours du mouvement d'élévation latérale, les muscles abducteurs vont se substituer (par une contraction concentrique) aux muscles freinateurs (grands pectoral et dorsal). Cette substitution est d'autant plus précoce que le niveau d'immersion est bas, ce qui permet de solliciter progressivement les abducteurs en course interne, puis moyenne, puis totale. t 1 ••