Au IIIe siècle, l’empire romain décline lentement, les bandes
germaniques et hunniques détruisent tout le monde civilisé et les
jardins d’agrément disparaissent pour ne laisser la place qu'au jardin
d’utilité.
Le récit de la légende de saint Fiacre, saint patron des jardiniers,
donne une idée de la désolation. Pour convertir le peuple au
christianisme, les moines défricheurs vont reconquérir la terre sur la
forêt, pour la mettre en culture*. Ces ordres religieux se vouent aux
soins des malades.
Après la chute de l’empire romain en 476, les aromates sont réduits
dans des buts de piété aux fumigations de romarin et d’encens. Le
renouveau vient de Charlemagne qui encourage la création de
nombreuses écoles religieuses où l’on étudie la base de l’enseignement pharmaceutique par l’étude
des «simples». En 812, Charlemagne recommande dans le «Capitulaire de villis vel curtis
imprialibus» la culture de 94 plantes dont 73 herbes, 16 arbres fruitiers, 3 plantes textiles et 2
plantes tinctoriales. Pour l’abbé de Reichenau, Walafrid Strabo, publiera plus tard «Hortulus sive
de cultura hortorum» ou de la culture des jardins, premier traité botanique.
Au XIe siècle, l’habitation des seigneurs se mue en forteresse, le clos utilitaire se trouve hors
des murs de défense. Sacré ou profane, le jardin médiéval est celui des cinq sens (la vue,
l’ouïe, l’odorat, le toucher, le goût) ; c’est comme le « paradeisos », un jardin des délices
protégé par une clôture de claies, de palissades, de haies ou de murs. Les jardins monastiques
ont pour modèle le plan de l’abbaye de Saint-Gall exécuté vers 830 par Heito, évêque de
Bâle pour Gozbert, abbé de Saint-Gall en Suisse, mais jamais réalisé.
On distingue plusieurs espaces spécialisés dans le plan du jardin médiéval idéal, clos de murs,
dont les trois formes principales sont le jardin de la santé, le jardin de l’âme, le jardin de
l’amour. De la forme carrée ou rectangulaire du cloître, les subdivisions du jardin reprennent
les formes géométriques avec des chemins à angles droits entre des parterres carrés ou
rectangulaires ou des aires de formes et de taille similaires.
L'herbarium : près de l’infirmerie dans le jardin monastique, petit enclos de plantes
médicinales. C’est le jardin de santé.
L'hortus : ou potager, avec ses légumes et ses plantes aromatiques divisé en pièces carrées
surélevées, comme un damier, dans les monastères. L’hortus conclusus : dans les demeures
seigneuriales, carré bien clos au centre duquel jaillit une source d’où partent des rigoles
d’irrigation formant une croix, jardin secret, jardin de rêve de la fin du Moyen Age, possédant
un caractère sacré ou profane selon qu'il était dédié à la Vierge ou à Vénus ; c'était très
souvent un jardin de lis, de roses et de roses trémières appelées alors passe-roses. C’est le
jardin de l’âme.
Le viridarium : un verger parsemé de fleurs, tel un parterre de «mille fleurs» autant destiné à
la récréation et au plaisir de la cueillette dans les châteaux, qu’au verger-cimetière dans les
monastères. Le verger fut le jardin préféré du Moyen Age. Selon les poètes et écrivains
comme Guillaume de Lorris en 1238 dans son célèbre «Roman de la Rose» terminé en forme
de satire par Jean de Meun vers 1305, puis traduit par Geoffrey Chaucer en Angleterre un
siècle plus tard. C’est le jardin idéal, onirique et allégorique, celui de la rencontre amoureuse,
le lieu de plaisance, à l’instar du paradis terrestre, c’est le jardin d’amour.
L’une des plus belles représentations du jardin du Moyen Age est la célèbre tapisserie de la
**«Dame à la licorne» ; de nombreuses espèces de fleurs sont représentées parmi lesquelles
l’ancolie, la giroflée, l’iris, la jonquille, le lis, la marguerite, le muguet, l’oeillet, la pervenche,
la primevère, le souci, la violette…