REVUE MÉDICALE SUISSE
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24 février 2016
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Tour d’horizon de la dialyse péritonéale
La dialyse péritonéale est une technique d’épuration extrarénale
largement utilisée dans le monde. En Suisse, malgré une récente
augmentation de son incidence, elle reste peu proposée aux pa-
tients en insuffisance rénale terminale avec une prévalence en
2014 de 7,3 % comparée à 92, 7% pour l’hémodialyse, malgré des
indications similaires et plusieurs avantages. Du point de vue
technique, un cathéter idéalement placé au niveau du cul-de-sac
de Douglas permet l’instillation de dialysat dans la cavité périto-
néale. L’épuration des molécules ainsi que le passage de l’eau sont
rendus possibles par les propriétés de membrane semi-perméa-
ble du péritoine. Dans cet article, nous reverrons les modalités
techniques de la dialyse péritonéale ainsi que ses indications et
ses avantages, de même que ses principales contre-indications et
complications.
Overview of peritoneal dialysis
Peritoneal dialysis is a dialysis modality used worldwide. Despite of-
fering several advantages, its prevalence in Switzerland in end stage
renal disease population is dramatically lower than hemodialysis
(7,3 % vs 92,7 % in 2014) although its incidence has recently pro-
gressed. Technically, a catheter is inserted into the Douglas’ pouch,
enabling dialysate to be infused into the peritoneal cavity. The peri-
toneum acts as a semi-permeable membrane allo wing for the remo-
val of toxic substances and excess water. In the following article we
will give an overview of peritoneal dialysis including its technical
modalities, indications and main advantages as well as its contra-
indications and complications.
INTRODUCTION
Outre la transplantation, il existe deux méthodes d’épuration
extrarénale pour les patients en insuffisance rénale terminale:
l’hémodialyse (HD) et la dialyse péritonéale (DP), cette der-
nière étant actuellement faiblement employée en Suisse (7,3%
vs 92,7% en 2014, données du Registre suisse de dialyse). Il faut
cependant s’attendre à une progression de cette prévalence
car l’incidence de la DP augmente depuis deux ans. Cette tech-
nique est basée sur l’utilisation du péritoine comme mem-
brane semi-perméable, permettant ainsi des échanges entre
le sang circulant dans les capillaires péritonéaux et le dialysat
situé dans la cavité péritonéale. Historiquement, la première
utilisation documentée d’une forme de DP remonte au XVIIIe
siècle lorsque Christopher Warrick traita une ascite récur-
rente en drainant celle-ci puis en infusant dans la cavité péri-
tonéale un mélange de vin de Bourgogne et d’eau de Bristol.1
TECHNIQUE DE LA DIALYSE PÉRITONÉALE
Membrane péritonéale et modèle des trois pores
Le péritoine est composé principalement de trois éléments:
les vaisseaux capillaires, le tissu de soutien (interstice) et la
couche superficielle de cellules mésothéliales. La membrane
capillaire constitue la barrière la plus importante à la filtra-
tion. La compréhension de la physiologie du transport de l’eau
et des solutés au travers de cette membrane capillaire passe
par le modèle, développé par le mathématicien Rippe, qui dé-
finit trois types de pores 2 (figure 1): les petits pores, espaces
intercellulaires avec un rayon moyen de 40 à 50 Å, permettant
le passage de l’eau et des solutés de faible poids moléculaire;
les grands pores, espaces intercellulaires plus importants (rayon
moyen de 250 Å), permettant le passage de molécules de grand
poids moléculaire et finalement les ultra-petits pores (aqua-
porines), canaux transcellulaires d’un rayon moyen de 3 à 5 Å,
laissant passer uniquement l’eau.
Physiologie diffusion convection et genèse
del’ultrafiltration
Le transport des solutés et de l’eau à travers la membrane péri-
tonéale s’effectue suivant deux mécanismes physiques dis-
tincts: la diffusion et la convection.2,3 Le phénomène de diffu-
sion est un transfert passif bidirectionnel selon le gradient de
concentration des molécules de part et d’autre de la mem-
brane péritonéale. La convection est un transfert unidirection-
nel lié au gradient généré par un agent osmotique ainsi qu’à la
pression hydrostatique. Il s’ensuit un mouvement d’eau à tra-
vers la membrane péritonéale entraînant le passage des molé-
cules du sang vers le dialysat. Outre l’épuration, la convection
permet la genèse d’une ultrafiltration (UF), à savoir la sous-
traction d’un volume d’eau passant du sang au dialysat. Une
partie du dialysat peut être réabsorbée (rétrofiltration) via les
pores ou par les vaisseaux lymphatiques.3 L’UF nette, corres-
pondant à l’UF capillaire moins la réabsorption, est quantifiée
en soustrayant le volume de dialysat infusé au volume drainé.
Drs STÉPHANIE LAPERROUSAZ a et VALÉRIE JOTTERAND DREPPER b
Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 408-12
a Service de médecine interne générale, b Service de néphrologie,
Département des spécialités de médecine, HUG, 1211 Genève 14
fig 1 Modèle des trois pores
V eau ; V petites molécules ; V grandes molécules.
Lumière
capillaire
Aquaporine Petit pore Grand pore
Cavité
péritonéale
Endothélium
vasculaire
(Selon réf. 2).
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