Expressions parenthétiques dans un corpus parallèle français

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Discours
Revue de linguistique, psycholinguistique et
informatique.A journal of linguistics, psycholinguistics
and computational linguistics
15 | 2014
Varia
Expressions parenthétiques dans un corpus
parallèle français-grec : les adverbiaux de
conviction personnelle
Fryni Kakoyianni-Doa
Éditeur
Laboratoire LATTICE
Édition électronique
URL : http://discours.revues.org/8929
DOI : 10.4000/discours.8929
ISSN : 1963-1723
Référence électronique
Fryni Kakoyianni-Doa, « Expressions parenthétiques dans un corpus parallèle français-grec : les
adverbiaux de conviction personnelle », Discours [En ligne], 15 | 2014, mis en ligne le 19 décembre
2014, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://discours.revues.org/8929 ; DOI : 10.4000/
discours.8929
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d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
Revue de linguistique, psycholinguistique et informatique
http://discours.revues.org/
Expressions parenthétiques
dans un corpus parallèle français-grec :
les adverbiaux de conviction personnelle
Fryni Kakoyianni-Doa
Université de Chypre
Fryni Kakoyianni-Doa, « Expressions parenthétiques dans un corpus parallèle français-grec : les adverbiaux
de conviction personnelle », Discours [En ligne], 15 | 2014, mis en ligne le 19 décembre 2014.
URL : http://discours.revues.org/8929
Titre du numéro : Varia
Coordination : Catherine Bolly et Benjamin Fagard
Expressions parenthétiques
dans un corpus parallèle français-grec :
les adverbiaux de conviction personnelle
Fryni Kakoyianni-Doa
Université de Chypre
Le présent article est consacré à l’étude descriptive et comparative d’un sous-ensemble
d’adverbiaux de phrase français et grecs, dits parenthétiques, qui se réfèrent à la conviction
personnelle du locuteur vis-à-vis de l’information transmise. Plus particulièrement, sont
examinées, dans un corpus réel, des formes adverbiales de conviction personnelle qui ont
des rapports étroits avec les verbes parenthétiques croire et penser.
Mots clés : adverbiaux de conviction personnelle, corpus parallèle, parenthétiques, penser,
croire
This paper aims at describing and comparing a subset of utterance-level French and Greek adverbials
that express the personal conviction of the speaker towards the information transmitted. In particular,
adverbial forms of personal opinion which have close relation with the parenthetical verbs to think,
to suppose are examined in a new French-Greek parallel corpus.
Keywords: adverbs of personal conviction, parallel corpus, parenthetical verbs, think, suppose
1.
1
2
Introduction
Si le comportement des constructions dites « parenthétiques » (constructions qui
présentent une autonomie syntaxique renforcée par un décrochement intonatif ou
par d’autres indices de force illocutoire ; voir Forget, 2000) pose encore d’épineux
problèmes à ceux qui se penchent sur leur analyse linguistique, c’est parce qu’elles
sont difficiles à définir par un ensemble de propriétés homogènes tant à l’oral qu’à
l’écrit. Pour les constructions parenthétiques, malgré l’idée première d’autonomie
syntaxique et prosodique de la phrase dans laquelle elles s’insèrent, il est, en effet,
équemment question de statut prosodique, illocutoire, de propriétés syntaxiques ou
de propriétés de portée qui ne sont pas forcément univoques (Cornulier, 1978 ; DelaisRoussarie, 2005 ; Bonami et Godard, 2008) ; de ce fait, la question des « insertions
parenthétiques » 1 reste un débat ouvert.
En particulier, plusieurs auteurs se sont penchés sur le concept de la parenthéticité
des adverbiaux ; les diverses appellations utilisées pour désigner les adverbiaux ayant
des propriétés de parenthéticité confirment la complexité de la question. L’adverbial
1.
La notion de « verbe parenthétique » a été introduite par Urmson (1952) et l’expression générique
d’« insertions parenthétiques » par Forget (2000 : 15).
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Fryni Kakoyianni-Doa
est nommé soit « parenthétique » (Jackendoff, 1972 ; McCawley, 1982 ; Haegeman,
1991 ; Asher, 2000), soit « incident » (Dessaintes, 1960 ; Marandin, 1998 ; Bonami et al.,
2004), soit « disjoint » (Greenbaum, 1969 ; Molinier et Lévrier, 2000). Bonami et
Godard (2007), plutôt que d’introduire encore de nouveaux termes, ont choisi de
spécialiser les deux termes existants (parenthétique et incident). Pour eux, sont
« parenthétiques » les constituants dont le sens n’est pas ajouté au contenu de l’acte
illocutoire effectué par la phrase dans laquelle ils apparaissent. Par ailleurs, ces auteurs
désignent comme « incidents » les constituants qui sont isolés prosodiquement
du reste de la phrase dans laquelle ils apparaissent. Enfin, ils nomment « ajouts
incidents » les constituants qui ont simultanément une prosodie incidente et une
fonction syntaxique d’ajout (Bonami et Godard, 2007 : 257).
3
4
5
Pour le cas qui nous occupe, à savoir les adverbiaux dits de conviction personnelle
(Kakoyianni-Doa, 2008), rappelons qu’ils sont extérieurs à l’assertion et qu’ils
constituent un commentaire sur l’acte illocutoire puisque le locuteur exprime
sa pensée ou sa croyance. Ces formes, dont la portée s’étend sur toute la phrase,
sont utilisées par le locuteur autant pour exprimer un point de vue subjectif ou
une constatation personnelle, que pour informer l’interlocuteur qu’il est la source
de l’information, qu’il la reprend à son propre compte et que celle-ci n’est donc
pas une vérité absolue. En outre, les adverbiaux de conviction personnelle entrent
dans la catégorie des parenthétiques – comme Borillo (2004 : 39) l’affirme –, étant
extérieurs au contenu sémantique de l’énoncé et jouant à peu près le même rôle
que les formes verbales je crois et je pense, d’ailleurs également considérées comme
parenthétiques par Blanche-Benveniste et Willems (2007 : 217).
Nous verrons effectivement à partir de « Source Corpus », un corpus de données
authentiques que nous avons élaboré, que l’on trouve dans la classe des adverbiaux
de conviction personnelle des formes qui ont des rapports étroits avec les formes
verbales je crois et je pense. Le phénomène est plus évident lorsque ces énoncés
particuliers sont traduits. Nous avons en effet remarqué, dans le corpus parallèle
« Source Corpus » comprenant la paire ançais-grec que nous étudions, que les
correspondants grecs des adverbiaux de conviction personnelle ançais sont souvent
les formes verbales je crois et je pense (c’est-à-dire des verbes parenthétiques, au sens
de Blanche-Benveniste et Willems, 2007) ou des formes pléonastiques qui sont en
cooccurrence avec les verbes croire et penser conjugués à la première personne (selon
moi je crois, à mon avis je pense, si vous voulez mon avis je crois, d’après moi je pense,
etc.). Sur la base de cette constatation, nous avançons l’hypothèse selon laquelle le
concept de parenthéticité serait plus marqué dans le grec moderne qu’en ançais,
et tentons parallèlement de chercher les causes éventuelles de cet écart.
Le présent article comprend trois parties. La première décrit le cadre méthodologique adopté pour le recensement des adverbiaux de conviction personnelle ainsi
que le corpus parallèle ançais-grec choisi à cette fin. La deuxième partie présente
les résultats du recensement des adverbiaux de conviction personnelle, à savoir la
équence des différentes formes adverbiales ainsi que les entrées (« variantes ») dans
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les deux langues. Enfin, seront collationnées, dans une perspective comparatiste,
les propriétés (morpho)syntaxiques, sémantiques et pragmatiques des adverbiaux
de conviction personnelle qui sont en rapport avec les verbes penser et croire dans
les deux langues.
2.
6
7
Cadre méthodologique et corpus
Pour le recensement des adverbiaux dits de conviction personnelle (à mon avis,
selon moi, à mon sens, etc.), nous nous sommes inspirée du modèle de classement des adverbiaux ançais, aussi bien pour ce qui était de la classification
syntaxico-sémantique des adverbiaux monolexicaux (ou simples) (Molinier, 1984 ;
Molinier et Lévrier, 2000) que du classement morphosyntaxique des adverbiaux
polylexicaux (ou complexes) (Gross, 1986). Une première répartition, effectuée au
niveau morphosyntaxique, permet de distinguer les adverbiaux monolexicaux (ou
simples) des adverbiaux polylexicaux (ou complexes). Une deuxième distinction,
s’appuyant sur la notion de compositionnalité, permet de différencier les adverbiaux
productifs et notamment ceux qui sont dérivés d’adjectifs, des adverbiaux non
compositionnels, appelés adverbiaux (semi-)figés. Une troisième répartition est
opérée au niveau fonctionnel, et permet de séparer les adverbiaux intégrés à la
proposition (ceux qui sont rattachés au prédicat verbal ou à tout autre constituant
de la phrase) des adverbiaux de phrase (ceux qui permettent de modifier une
phrase entière). Pour ce qui est des adverbiaux de phrase, ils sont divisés en
deux sous-classes syntaxico-sémantiquement homogènes : d’une part, celle des
adverbiaux conjonctifs servant à établir un lien entre des unités du discours (ceux-ci
correspondraient aux « connecteurs logiques ») et, d’autre part, la sous-classe des
adverbiaux disjonctifs qui expriment la prise de position du locuteur vis-à-vis de
son énoncé ou l’attitude du locuteur par rapport au contenu propositionnel. Enfin,
la dernière distinction est effectuée au niveau sémantique. Les adverbiaux dits
de conviction personnelle prennent place à l’intérieur de la classe des adverbiaux
disjonctifs (ou d’énonciation). La figure 1 en annexe illustre les différents niveaux
de classement des adverbiaux ançais (Gross, 1986 ; Molinier et Lévrier, 2000)
ainsi que les classes et sous-classes établies.
Nous identifions par conséquent les adverbiaux de conviction personnelle, ançais
et grecs, par les propriétés des structures suivantes :
‒ présence dans ces formes syntaxiquement complexes de substantifs tels que
avis (άποψη + γνώμη), point de vue (σκοπιά), jugement (κρίση), accompagnés
du déterminant possessif de première personne mon (δικ[ός-ή-ό] μου, μου),
notre (δικ[ός-ή-ό] μας, μας), ou présence du pronom personnel tonique de
première personne moi (εμένα, μένα, εμέ), nous (εμάς, μας) ;
‒ présence dans des formes phrastiques des verbes d’opinion penser (νομίζω)
et croire (πιστεύω, θεωρώ) à la première personne du présent : à ce que je
pense (απ’ ό,τι νομίζω [Ε + εγώ]).
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Les propriétés de ces adverbiaux une fois spécifiées, nous les avons recherchés au
sein du corpus parallèle ançais-grec « Source Corpus », qui comprend 50 millions
de mots pour le ançais et 30 millions de mots pour le grec (http://sourcecorpus.
eu/ [accès restreint]). Ce corpus, constitué de textes appartenant à des genres divers
(politiques, littéraires, journalistiques et éducatifs), comprend aussi bien des textes
parallèles existants que des textes ançais-grec numérisés et parallélisés par nos
soins. La constitution de ce corpus, s’appuyant sur les dernières tendances de la
linguistique de corpus (Wichmann et al., 1997 ; Partington, 1998 ; Sinclair, 2004),
vient combler un manque et répond à une attente de ressources authentiques pour la
paire linguistique ançais-grec, particulièrement utiles pour les études contrastives,
le domaine de l’enseignement et de la traduction.
Pour ce qui est de la problématique du présent article, nous avons porté une
attention particulière à l’une des composantes du « Source Corpus », à savoir le
corpus parallèle politique « Europarl » (Koehn, 2005) qui comprend les actes du
Parlement européen recueillis entre 1996 et 2011, et qui inclut les versions d’une
vingtaine de langues européennes parmi lesquelles le ançais et le grec. Nous avons
choisi « Europarl » pour les raisons suivantes : ⒤ la qualité de l’alignement au niveau
des textes comme au niveau des paragraphes ; (ii) la qualité de l’interprétation ;
(iii) l’étendue du corpus ; (iv) la nature initialement orale des textes, qui justifie
la présence accrue de ces adverbiaux ; ⒱ le fait que ce type de discours – le débat
institutionnel oral des eurodéputés – comporte par définition un grand nombre
d’adverbiaux de conviction personnelle. La figure 2 en annexe présente, à titre
d’illustration, un extrait de discours politique aligné au niveau des adverbiaux dits
de conviction personnelle.
3.
10
11
12
Fryni Kakoyianni-Doa
Fréquences et variantes
Sur la base des critères précités, le recensement nous a permis de rassembler une
quarantaine de types d’adverbiaux de conviction personnelle dans les deux langues,
dont les formes à ce que je crois et à ce que je pense (voir la figure 3 en annexe).
Le moteur de recherche de « Source Corpus » nous a permis par ailleurs d’obtenir
les résultats chiffrés suivants : 8 966 occurrences d’adverbiaux de conviction personnelle
ançais dont 4 581 occupent la position initiale dans la phrase. Pour ce qui est du
grec, on compte 13 413 occurrences d’adverbiaux dont 4 583 se trouvent en tête de
phrase. Bien que le corpus grec (30 millions de mots) soit manifestement moins
important que le corpus ançais (50 millions de mots), nous observons une présence
de ces adverbiaux plus élevée (+ 34 %) que celle en ançais.
Le corpus « Europarl » nous a également permis de recenser de nouvelles
structures non inventoriées auparavant (Kakoyianni-Doa, 2008), aussi bien
en ançais qu’en grec. Pour le ançais, nous avons relevé les formes selon ma
conviction, selon mon avis, selon mon point de vue ainsi que selon mon opinion,
formes non identifiées auparavant. En effet, pour le ançais, la préposition selon
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combinée avec les substantifs avis, opinion, point de vue est représentée dans le
corpus « Europarl » alors qu’elle l’est moins dans les corpus de textes disponibles
sur le web. Nous notons par ailleurs, d’une part, une alternance équente entre
les prépositions selon et à dans les types de constructions précités et, d’autre part,
une combinaison des substantifs avis, opinion avec l’adjectif personnel comme dans à
mon avis personnel / selon mon avis personnel / selon mon opinion personnelle. Enfin, les
formes à ce que je pense, à ce que je crois, à mon avis, je pense / je crois ont également
été recensées. Pour ce qui est du grec moderne, les nouvelles données sont plus
nombreuses. Nous avons compté 8 334 formes comprenant le déterminant possessif
réduit (ou simple) contre 60 comprenant le possessif complexe 2. Nous avons repéré
des constructions telles que : ⒤ κατά την πεποίθηση / γνώμη / άποψη τη δική μου
(« selon la conviction / avis / point de vue la / le mien ») ; (ii) κατά την ειλικρινή μου
γνώμη / κατά την ειλικρινή μου άποψη (« à mon sincère avis / à mon sincère point
de vue ») ; (iii) για (εμένα + μένα) προσωπικά (« pour moi personnellement ») ;
(iv) από ό, τι νομίζω (« à ce que je pense »), κατά τη γνώμη μου, πιστεύω (« à mon
avis, je pense »). À noter que dans notre article, une traduction mot à mot (entre
parenthèses dans le corps du texte ou entre crochets dans les exemples) est proposée
après chacun des segments grecs.
13
14
Il convient ici de mentionner – en le regrettant – que la langue source des exemples
tirés du corpus « Europarl » n’est pas définie, car le corpus ne présente pas d’annotations
qui permettent d’identifier le locuteur en question 3. Nous sommes consciente des
inconvénients – indépendants de notre volonté – que cela peut représenter pour les
chercheurs et espérons pouvoir y remédier à l’avenir.
4.
Propriétés (morpho)syntaxiques, sémantiques et pragmatiques
4.1.
Propriétés morphosyntaxiques
Les adverbiaux que nous avons appelés « adverbiaux de conviction personnelle »
(Kakoyianni-Doa, 2008 : 229), contiennent un morphème déictique de première
personne (pronom personnel sujet, tonique ou possessif), comme à mon avis (κατά
τη [γνώμη + άποψή] μου), selon moi (κατ’ εμέ), et ont été en partie décrits par Nølke
(1993), Molinier et Lévrier (2000), Borillo (2004), Coltier et Dendale (2004),
et par Kakoyianni-Doa (2008) dans une étude comparative entre ançais et grec
moderne. Par ailleurs, comme il a été déjà dit plus haut, ces adverbiaux de conviction
2.
3.
La règle veut qu’en grec « le possessif soit hors enclave et placé derrière le substantif lorsque celui-ci
n’est pas qualifié par un adjectif » (Tonnet, 2006 : 187-188). Ainsi nous avons κατά τη γνώμη μου / kata tin
gnomi mou [« à la avis ma »].
En effet, seuls certains documents ont des marqueurs qui permettent d’identifier la langue source : « Some
documents have the SPEAKER tag attribute LANGUAGE which indicates what language the original speaker was
using ». Voir la page intitulée « European Parliament Proceedings Parallel Corpus 1996-2011 », en ligne à
l’adresse suivante : http://www.statmt.org/europarl/.
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Fryni Kakoyianni-Doa
personnelle présentent des formes qui contiennent les verbes croire et penser conjugués
à la première personne (à ce que je crois, à ce que je pense), considérés comme verbes
parenthétiques ou de rection faible, à valeur épistémique (Blanche-Benveniste et
Willems, 2007 : 217).
15
En ançais, nous trouvons équemment dans le corpus les deux formes susceptibles
des deux types de réalisation : le détachement transcrit par l’utilisation de virgules
(exemple [1]) et le détachement transcrit sans l’utilisation de virgules (exemple [2]).
[1]
C’est et c’était bien ainsi et, à ce que je crois, couronné de succès.
(Europarl fr)
[2]
En travaillant ensemble, nous sommes parvenus à ce que je pense être un bon
compromis.
(Europarl fr)
En grec moderne, ces deux formes sont moins d’usage. Dans le corpus, seule la
forme από ό,τι νομίζω (« à ce que je pense »), forme de conviction personnelle, s’y
trouve recensée :
[3]
Θα ήταν ευχάριστο και ικανοποιητικό να μπορέσουμε να μεταφέρουμε στο Όσλο
και το Ρεϋκιαβίκ το μήνυμα του Ευρωπαϊκού Κοινοβουλίου και, από ό,τι νομίζω, της
Επιτροπής ότι η όλη Βόρεια Ένωση Διαβατηρίων έχει περισσότερες δυνατότητες να
επιβιώσει στα πλαίσια μιας ρύθμισης στην Ευρώπη. (Europarl gr)
[Ce serait agréable et satisfaisant de pourrons de transmettre au Oslo et le Reykjavik
le message du Parlement européen et, de ce que je pense, de la Commission que
toute la Nordique Union des Passeports a plus de possibilités de survivre dans le
cadre d’une réforme en Europe.]
16
Par ailleurs, en grec moderne, les adverbiaux de conviction personnelle sont
attestés avec les verbes de croyance et de pensée conjugués à la première personne.
En effet, il est notoire que dans le corpus parallèle, les correspondants équents
des adverbiaux à mon sens, à mon avis, selon moi sont, en grec, les verbes θεωρώ
(« considérer », « croire », « supposer », « tenir pour »), comme en [4], νομίζω (« croire »)
en [5], ou πιστεύω (« penser ») en [6], certaines fois précédés par l’adverbial προσωπικά
(« personnellement ») comme en [7] et [8]. Par exemple :
[4]
C’est à mon sens une grave omission. (Europarl fr)
Aυτό το θεωρώ μεγάλη παράλειψη. (Europarl gr)
[Ceci le je considère grande omission.]
[5]
À mon avis l’intervention de Mme Reding au nom de la Commission est tout aussi
positive dans la mesure où elle vise la modification du rôle d’intervention de la
Commission. (Europarl fr)
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Νομίζω 4 έχει μια θετική παρέμβαση και η κ. Reding εκ μέρους της Επιτροπής, για να
τροποποιηθεί ο ρόλος της παρέμβασης της Επιτροπής. (Europarl gr)
[Je pense il a une positive intervention et la Mme Reding de part de la Commission,
pour changer le rôle de sa intervention de la Commission.]
[6]
Cette situation est, selon moi, vraiment insupportable.
Πιστεύω ότι η κατάσταση αυτή είναι πραγματικά απαράδεκτη.
[Je crois que la situation celle-ci est vraiment inadmissible.]
[7]
À mon avis, rien ne garantit que l’on va gagner du temps. (Europarl fr)
Προσωπικά, νομίζω, ότι τίποτα δεν εγγυάται ότι θα πάμε πιο γρήγορα. (Europarl gr)
[Personnellement, je crois, que rien ne garantit que nous irons plus vite.]
[8]
C’est à mon avis l’une des conférences les plus enrichissantes auxquelles j’aie assisté
pendant mon mandat de député européen. (Europarl fr)
Προσωπικά, θεωρώ ότι αυτή ήταν μία από τις πλέον αποδοτικές Διασκέψεις που έχω
παρακολουθήσει κατά τη διάρκεια της θητείας μου ως βουλευτής του Ευρωπαϊκού
Κοινοβουλίου. (Europarl gr)
[Personnellement, je considère que celle-ci était une de les plus rentables
conférences que j’ai suivies durant la durée de la mandat mon comme député du
Parlement européen.]
17
Les adverbiaux de conviction personnelle du ançais et du grec moderne qui sont
en cooccurrence avec les verbes d’opinion croire et penser conjugués à la première
personne sont également recensés dans le corpus examiné (selon moi je crois, à
mon avis je pense, si vous voulez mon avis je crois, d’après moi je pense, etc.) ; voir les
exemples [9] et [10].
[9]
À mon avis, je crois qu’il est temps d’abandonner les modèles traditionnels de lutte
contre la criminalité. (Europarl fr)
Κατά τη γνώμη μου, πιστεύω πως έφτασε η στιγμή να εγκαταλείψουμε τα παραδοσιακά
πρότυπα καταπολέμησης του εγκλήματος. (Europarl gr)
[À mon avis, je crois, que est arrivé le moment de abandonnons les traditionnels
modèles lutte du crime.]
[10]
Aussi, à mon avis, je pense que la Commission ferait bien d’appuyer bon nombre
d’amendements présentés par le Parlement. (Europarl fr)
Επομένως, κατά τη γνώμη μου, η Επιτροπή θα έπραττε καλώς αν στήριζε πολλές από
τις τροπολογίες που υποβάλλει αυτό το Κοινοβούλιο. (Europarl gr)
[Par conséquent, à la avis ma, la Commission agirait bien si elle soutenait plusieurs
de les amendements que soumet ce le Parlement.]
4.
L’adverbial à mon avis correspond au verbe νομίζω (« je pense ») du grec moderne dans le corpus.
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Il est à noter qu’en grec moderne, la forme complexe et assez redondante
(adverbial + verbe) est équente, quoiqu’elle ne se rencontre pas avec le verbe
νομίζω (« penser »). À mon avis, je pense est traduit par l’adverbial κατά τη γνώμη μου
dans l’exemple [10].
Selon Borillo (2004 : 37), puisque les adverbiaux de conviction personnelle, qu’elle
appelle « adverbes d’opinion forte », font référence à l’univers de pensée ou de croyance
du locuteur, plus particulièrement à sa croyance, à sa connaissance, à son jugement
et non à une autre faculté ou à un autre aspect de sa personne, et que les formes
verbales de pensée et de croyance telles que je crois et je pense se réfèrent exactement
au même univers, leur combinaison est sentie comme une sorte de redondance. En
outre, Borillo (1982) classe le verbe croire parmi les verbes assertifs ; or, si ces verbes
étaient des éléments assertifs, représentant une vérité absolue, ils ne pourraient pas
se combiner avec des éléments basés sur un sentiment ou une opinion personnelle.
Malgré cela, la reprise pléonastique, voire « erronée », est d’emploi attesté dans le
corpus « Europarl » (voir les exemples [8], [9] et [10]). Nous constatons que dans
les deux langues, un état mental subjectif est impliqué ; la personne qui croit, qui
pense se place souvent d’un point de vue qui lui est particulier. L’incompatibilité
de type platonicien entre la croyance (subjective) et la connaissance (scientifique)
pourrait alors être posée comme une propriété discriminatoire qui rendrait cette
reprise pléonastique entre les adverbiaux de conviction personnelle et les verbes de
pensée ou de croyance, déplacée, « erronée ». Cette combinaison conflictuelle serait
présente pour montrer que le locuteur fait tout pour prendre des distances par rapport
à ce qu’il dit. Or ces adverbiaux refusent, dans les deux langues, la cooccurrence
avec des verbes à la première personne dénotant des sensations, des affects ou des
impressions, car le locuteur est le seul juge, d’un point de vue objectif.
[11]
*(À mon avis + Selon moi), je ne me sens pas bien.
*(Κατά τη γνώμη μου + Κατ’ εμέ), δεν αισθάνομαι καλά.
[(À la avis mon + Selon moi) je crois, ne je ressens bien.]
[12]
*(À mon avis + Selon moi), j’ai l’impression que tu exagères.
*(Κατά τη γνώμη μου + Κατ’ εμέ), έχω την εντύπωση ότι υπερβάλλεις.
[(À la avis mon + Selon moi) j’ai la impression que tu exagères.]
4.2.
Propriétés syntaxiques
Du point de vue syntaxique, les adverbiaux de conviction personnelle peuvent se
placer librement parmi les constituants majeurs de la phrase (voir les exemples [13]
à [15]), bien que la position finale de ces adverbiaux soit moins courante en grec
moderne (exemple [14]).
[13]
(À mon avis + Selon moi + À ce que je pense), il serait un très bon candidat.
(Κατά τη γνώμη μου + Κατ’ εμέ + Απ’ ότι νομίζω), θα ήταν ένας πολύ καλός υποψήφιος.
[(À la avis mon + Selon moi + À ce que je pense), il serait un très bon candidat.]
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[14]
11
Il serait un très bon candidat, (à mon avis + ?selon moi + ?à ce que je pense).
Θα ήταν ένας πολύ καλός υποψήφιος, (?κατά τη γνώμη μου + ?κατ’ εμέ + ?απ’ ότι
νομίζω).
[Il serait un très bon candidat (?à la avis ma + selon moi + à ce que je pense).]
[15]
Il serait, (à mon avis + selon moi + à ce que je pense), un très bon candidat.
Θα ήταν, (κατά τη γνώμη μου + κατ’ εμέ + απ’ ότι νομίζω), ένας πολύ καλός υποψήφιος.
[Il serait (?à la avis ma + selon moi + à ce que je pense) un très bon candidat.]
21
Si toutefois l’autonomie intonative est généralement marquée par la ponctuation
ou les tirets incitant à la pause comme dans l’exemple [16],
[16]
Cela aidera – à mon avis – beaucoup à la résolution de ce problème.
θα βοηθήσει – κατά τη γνώμη μου – πολύ στη λύση αυτού του προβλήματος.
[Cela aidera – à la avis ma – beaucoup à la solution celui du problème.]
les adverbiaux de conviction personnelle ici recensés qui proviennent, rappelons-le,
d’un discours initialement oral, semblent avoir été réalisés avec une prosodie ordinaire,
similaire à celle qui serait utilisée pour un complément du verbe comme dans les
exemples [17] et [18] ci-dessous. Dans les deux langues, nous rencontrons en effet
souvent ces adverbiaux sans aucun indice de ponctuation :
[17]
Cette proposition est à mon avis tout aussi absurde. (Europarl fr)
Κατ’ εμέ αυτή η πρόταση είναι εξίσου παράλογη. (Europarl gr)
[Selon moi cette la proposition est aussi absurde.]
[18]
Nous voulons modifier l’alinéa 5 de la résolution, et elle sera alors acceptable à mon
avis. (Europarl fr)
Όσον αφορά το ψήφισμα, θέλουμε να αλλάξουμε την παράγραφο 5, οπότε θα μπορούμε
κατά τη γνώμη μου να δεχθούμε το ψήφισμα. (Europarl gr)
[En ce qui concerne la résolution, nous voulons changer la paragraphe 5 auquel cas
on pourrait à mon avis de accepter la résolution.]
22
23
Cette absence de ponctuation systématique est autant imputable à la nature
initialement orale du texte examiné qu’à une tendance générale des adverbiaux qui,
selon Bonami et Godard (2007 : 279), ont un « comportement prosodique incident »,
sans « réalisation prosodique univoque ».
En outre, ce type adverbial est souvent précédé, dans les deux langues, du
verbe être (είναι), comme en [19], et de la tournure c’est (είναι), comme en [20],
qui renvoie à ce qui précède (Grevisse, 2001 : 1033). Le verbe être à l’imparfait, au
participe présent ou au conditionnel (exemples [21], [22], [23]), peut également
précéder les adverbiaux de conviction personnelle, ce qui montre leur compatibilité
avec tous les temps et les modes.
Discours, 15 | 2014, Varia
12
Fryni Kakoyianni-Doa
[19]
Garder cela à l’esprit est à mon sens très important. (Europarl fr)
Το να έχουμε αυτό κατά νου είναι κατά την άποψή μου εξαιρετικά σημαντικό.
(Europarl gr)
[De avoir cela en tête est à mon sens très important.]
[20]
Pourtant c’est à mon sens le point le plus important… (Europarl fr)
Ωστόσο είναι κατά τη γνώμη μου το σημαντικότερο στοιχείο… (Europarl gr)
[Toutefois c’est à mon avis le plus important point…]
[21]
Cette décision était, à mon avis, mauvaise. (Europarl fr)
Κατά την άποψή μου, αυτή ήταν εσφαλμένη απόφαση. (Europarl gr)
[À la avis ma, celle-là était mauvaise décision.]
[22]
Monsieur le Président, la ligne 15 05 55 étant, à mon sens, couverte par ma déclaration
antérieure, nous n’avons pas besoin de la mettre aux voix. (Europarl fr)
Κύριε Πρόεδρε, πιστεύω ότι η γραμμή 15 05 55 καλύπτεται από την προηγούμενη
δήλωσή μου, και έτσι δεν χρειάζεται να ψηφίσουμε επ’ αυτής. (Europarl gr)
[Monsieur Président, je crois que la ligne 15 05 55 est couverte de la précédente
déclaration ma, et ainsi ne pas nécessaire de voter pour celle-là.]
[23]
Renoncer à cela serait, à mon avis, faire un gros cadeau aux Américains. (Europarl fr)
Η άρνησή τους σημαίνει, κατά την άποψή μου, ότι κάνουμε ένα μεγάλο δώρο στους
Αμερικανούς. (Europarl gr)
[Le refus leur signifie, à mon avis, que nous faisons un grand cadeau aux Américains.]
24
Toutefois, le grec ne réalise pas toujours l’insertion du verbe être (είναι) au
participe présent ou au conditionnel suivi de l’adverbial, mais utilise plutôt le verbe
croire (πιστεύω), en tant que verbe parenthétique (Urmson, 1952 ; Blanche-Benveniste
et Willems, 2007) (voir les exemples [24] et [25]).
[24]
Monsieur le Président, la ligne 15 05 55 étant, à mon sens, couverte par ma déclaration
antérieure, nous n’avons pas besoin de la mettre aux voix. (Europarl fr)
Κύριε Πρόεδρε, πιστεύω ότι η γραμμή 15 05 55 καλύπτεται από την προηγούμενη
δήλωσή μου, και έτσι δεν χρειάζεται να ψηφίσουμε επ’ αυτής. (Europarl gr)
[Monsieur Président, je crois que la ligne 15 05 55 est couverte de la précédente
déclaration ma, et ainsi ne pas nécessaire de voter pour celle-là.]
[25]
Il serait, à mon sens, plus facile d’augmenter le revenu des agriculteurs en diminuant
le poids des intrants plutôt qu’en recourant à des primes, ou moyens de ce type.
(Europarl fr)
Πιστεύω πως θα ήταν πιο εύκολο να αυξηθεί το εισόδημα των αγροτών μειώνοντας το
βάρος των εισροών παρά καταφεύγοντας σε πριμοδοτήσεις ή άλλα παρόμοια μέτρα.
(Europarl gr)
URL : http://discours.revues.org/8929
Expressions parenthétiques dans un corpus parallèle français-grec…
13
[Je crois que ce serait plus facile d’augmenter le revenu des agriculteurs en diminuant
le poids des intrants plutôt qu’en recourant à des primes, ou autres semblables
moyens.]
4.3.
25
Propriétés sémantiques et pragmatiques
Les adverbiaux de conviction personnelle ont un double rôle sémantique : ils indiquent
l’adhésion du locuteur à la source de son information tout en alertant, de façon
sous-jacente, sur le degré de vérité que le locuteur accorde à son énoncé. Ils servent
ainsi à décharger le locuteur de la responsabilité d’exercer une influence sur son
interlocuteur, montrant qu’il n’assume pas ou n’assume pas entièrement l’information,
et donc en limite le crédit auprès du destinataire. Les adverbiaux de conviction
personnelle servent, par ailleurs, à représenter le contenu propositionnel comme une
opinion résultant d’une réflexion, d’une impression ou d’un sentiment personnel
de la part du locuteur. La présence de l’adjectif possessif ou du pronom personnel
à la première personne indique que le locuteur présente un point de vue subjectif,
une constatation personnelle ; ce faisant, il informe l’interlocuteur que la source de
l’information vient de lui-même et donc que celle-ci n’est pas une vérité absolue. Le
locuteur s’engage alors sans demander l’assentiment de son interlocuteur, informe
qu’il est dans son univers de pensée (Borillo, 2004 : 33) et que son opinion peut ne
pas être partagée ou peut être contredite, que son jugement n’est pas obligatoirement
juste. Il peut même signaler explicitement la possibilité d’un démenti, comme dans
l’exemple suivant :
[26]
Ce jeu est, selon moi, très dangereux.
Κατά τη γνώμη μου, αυτό το παιχνίδι είναι επικίνδυνο.
[À la avis mon / ma, ce le jeu est dangereux.]
Cet exemple peut se traduire par : « Il a eu tort de jouer, mais je peux me tromper ».
Dans ce cas, l’adverbial semble jouer une fonction pragmatique d’atténuation (Borillo,
2004). Selon Bonami et Godard (2007 : 258), « le caractère spécifique des parenthétiques d’un point de vue illocutoire se manifeste particulièrement clairement dans les
interrogatives : quand un parenthétique est présent, il ne fait pas partie de la question
qui est posée, mais semble participer d’un acte illocutoire secondaire, similaire à une
assertion ». Ainsi dans :
[27]
Pourquoi, à ton avis, est-ce qu’ils font ça ?
Γιατί, κατά την γνώμη σου, το κάνουν αυτό ?
[Pourquoi, à la avis mon / ma, le font cela ?]
la question posée est la question de savoir pourquoi ils font cela. L’autonomie sémantique pourrait ainsi se vérifier par la possibilité de supprimer l’adverbial inséré sans que
cela n’affecte le sens de l’énoncé. En effet, comme le dit encore Borillo (2004 : 33-34),
« la présence d’éléments déictiques de première personne est le signe que l’univers
d’énonciation et l’univers de croyance se rapportent à la même personne ». Si l’on dit :
Discours, 15 | 2014, Varia
14
Fryni Kakoyianni-Doa
[28]
Selon moi, il n’y a pas de secret lorsque l’on est jeune.
la forme adverbiale renvoie à la personne du locuteur, alors que dans :
[29]
Il m’a raconté comment, selon lui, l’accident s’est passé.
selon lui signifie « d’après l’opinion de N », ce qui nous renvoie effectivement à un
point de vue différent de celui du locuteur. Ici, nous avons affaire à un « usage
oblique » de ce même adverbial, grâce auquel le locuteur évoque l’univers de croyance
de la personne ou du collectif dont il parle, au lieu de se rapporter au sien propre,
qui pourrait éventuellement l’orienter vers un point de vue différent. Le locuteur
se démarque ainsi des autres personnes pour dire ce qu’il pense, ce qu’il croit ou
ce qu’il sait.
26
27
28
Il ressort de l’analyse qui précède qu’il est pertinent d’écarter des adverbiaux
de conviction personnelle, les formes des autres personnes grammaticales du type
selon lui, à ce qu’il pense, qui peuvent se référer à la personne tout entière et non à la
source de l’énoncé. Il est en effet difficile de dire dans certains cas si pour moi, par
exemple, a une valeur épistémique (exemple [30]) ou si l’adverbial est un marqueur
d’univers de discours (exemple [31]).
[30]
Pour moi c’est une histoire de fou. (valeur épistémique ?)
[31]
Pour moi la question ne se posait pas. (marqueur d’univers de discours ?)
5.
Conclusion
Cette étude nous a d’abord permis de repérer pour le ançais et pour le grec
moderne, à partir d’un corpus parallèle de ces deux langues, une quarantaine de
types d’adverbiaux de conviction personnelle ainsi que de nouvelles structures
et combinaisons, y compris des formes qui incluent les verbes croire / πιστεύω et
penser / νομίζω (par exemple, à ce que je crois / απ’ ότι πιστεύω, à ce que je pense / απ’
ότι νομίζω). Nous avons par la suite pu relever des formes qui sont en cooccurrence
avec les verbes parenthétiques croire / πιστεύω et penser / νομίζω dans les deux langues
(par exemple, à mon avis, je crois / κατά τη γνώμη μου, πιστεύω). Enfin, nous avons
pu évaluer la équence de ces adverbiaux et avons relevé et examiné, dans une
perspective contrastive, le comportement des formes qui sont en cooccurrence avec
ces deux verbes.
De cette comparaison, ressortent des points communs entre les deux langues :
⒤ présence des mêmes formes adverbiales simples ou complexes (pléonastiques) ;
(ii) variation dans la pratique de segmentation marquant l’autonomie de l’adverbial
de la phrase (virgules, tirets ou absence totale de ponctuation) ; (iii) incompatibilité
des adverbiaux de conviction personnelle avec des verbes à la première personne
dénotant des sensations, des affects ou des impressions (à mon avis, je ne me sens
pas bien / κατά την γνώμη μου δεν αισθάνομαι καλά) ; (iv) libre position syntaxique
URL : http://discours.revues.org/8929
Expressions parenthétiques dans un corpus parallèle français-grec…
15
des adverbiaux de conviction personnelle ; ⒱ autonomie sémantique puisqu’il y a
possibilité de supprimer l’adverbial sans que cela n’affecte le sens. Des différences
ressortent également : ⒤ présence des adverbiaux de conviction personnelle plus
élevée en grec qu’en ançais ; (ii) préférence du grec moderne pour les verbes
νομίζω (« penser ») et πιστεύω (« croire ») par comparaison avec les adverbiaux de
conviction personnelle moins équents ; (iii) préférence du grec moderne pour
les verbes νομίζω (« penser ») et πιστεύω (« croire ») lorsque la phrase comporte un
conditionnel ou un participe présent ; (iv) rareté relative de la position finale des
adverbiaux de conviction personnelle en grec moderne.
29
Ces comparaisons et analyses permettent de constater, en ce qui concerne les
adverbiaux de conviction personnelle, des disparités entre la parenthéticité en grec
moderne et en ançais. À l’adverbial ançais correspond souvent un verbe grec
conjugué à la première personne du singulier, construction considérée comme
parenthétique dans la littérature. On observe également des tours pléonastiques, à
la limite de l’erreur, dans les deux langues. La recherche des motifs expliquant ces
écarts génère plusieurs hypothèses, mais bute sur la non-détermination de la langue
source dans ce corpus particulier qui se présente comme écrit (« Europarl »), mais
qui est en réalité retranscrit à partir de débats oraux : si, par exemple, c’est le grec
moderne qui est la langue source, l’amplification parenthétique de l’énoncé peut
être perçue comme une enflure rhétorique de locuteur politique, que les interprètes
professionnels, par nécessité, restituent en la minimisant, d’où une restitution alors
plus « économique » en ançais. Mais lorsque l’interprète perçoit cette amplification
comme volonté du locuteur d’ajouter un deuxième élément à l’adverbial initial parce
qu’il lui est nécessaire d’insister sur la représentation qu’il se fait de ce qui est débattu
(Forget, 2000 : 24), il a le souci de restituer la totalité du tour, fût-il pléonastique.
Une autre explication à ces disparités peut résider dans la nécessité de restituer les
effets prosodiques liés à l’incidente verbale (décrochement intonatif, pause) par des
tournures de reprise. Si c’est le ançais qui est la langue source, et qu’un verbe grec
conjugué à la première personne du singulier correspond à l’adverbial de départ,
cela peut se comprendre dans le contexte de la nécessité d’une économie verbale
des professionnels de l’interprétariat. La détermination attendue de la langue source
dans les bases de données européennes devrait permettre de mieux comprendre ces
écarts et ajouts et de mieux affiner leur analyse.
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Fryni Kakoyianni-Doa
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Discours, 15 | 2014, Varia
URL : http://discours.revues.org/8929
quantifieur
focalisateur
de temps
de point de vue
modifieur verbal
orienté vers le sujet
DÉRIVÉ
(LIBRE)
NON DÉRIVÉ
(FIGÉ)
...
MANIÈRE
formulation de l’énoncé
source de l’information
disposition psychologique
Niveau
fonctionnel
Degré de figement
(productivité)
Niveau morphologique
individuation
INTÉGRÉ À LA
PROPOSITION
Niveau
syntaxicosémantique
SIMPLE
ADVERBE
DE STYLE
(ÉNONCIATION)
DE PHRASE
PRODUCTIF
(LIBRE)
(SEMI-)FIGÉ
DISJONCTIF
CONJONCTIF
Niveau
syntaxicosémantique
COMPLEXE
D’ATTITUDE
(ÉNONCÉ)
reformulatif
transitionnel
justifieur
égalisateur
incrémenteur
modal
orienté vers le sujet
évaluatif
d’habitude
concessif
adversatif
consécutif
inférentiel
appositif
PCPC
énumératif
PPCO
PJC
PCDC
PECO
PVCO
PConj
PF
PAC
PCA
PCPN
PV
PD et C
PCDN
PC
PAdv
Niveau morphosyntaxique
18
Fryni Kakoyianni-Doa
Annexe
Figure 1. Classification des adverbiaux français (Gross, 1986 ; Molinier et Lévrier, 2000)
19
Expressions parenthétiques dans un corpus parallèle français-grec…
Figure 2. Extrait du corpus « Europarl » français-grec :
alignement au niveau des « adverbiaux de conviction personnelle »
20
338
À mon sens, le principe de stabilité relative
est un principe juridique fondamental de la
politique commune de la pêche et toute
proposition le bouleversant serait
juridiquement irrecevable.
θεωρώ όχι η αρχή της σχετικής
σταθερότητας συνιστά θεμελιώδη νομική
αρχή της κοινής αλιευτικής πολιτικής και μια
πρόταση ανατροπής της θα ήταν νομικά
απαράδεκτη.
23
À mon avis, la commission chargée de
l’élaboration du rapport n’a pas
suffisamment pris en considération cet
aspect dans son propre rapport, et c’est
pourquoi, au nom de la commission de
l’industrie, du commerce extérieur, de la
recherche et de l’énergie, j’attire l’attention
de la Commission européenne là-dessus.
Τούτα, κατά την άποψή μου, δεν έτυχαν της·
δέουσας· προσοχής στην ίδια την έκθεση
που συνέταξε η επιτροπή/ συνεπώς, από την
πλευρά της Επιτροπής Βιομηχανίας εφίστώ
την προσοχή της Επιτροπής στο
συγκεκριμένο θέμα.
351
Figure 3. Table de répartition des adverbiaux de conviction personnelle
FRANÇAIS
GREC MODERNE
Entrée adverbiale
Entrée adverbiale
pour moi
d’après moi
selon moi
για (εμένα + μένα)
κατ’ εμέ
à mes yeux
à mon avis
à mon point de vue
à mon sens
à mon sentiment
de mon point de vue
selon mon intuition
selon mon jugement
στα δικά μου μάτια
κατά τη δική μου (γνώμη + άποψη)
κατά τη δική μου αντίληψη
κατά τη δική μου εκτίμηση
από (τη δική μου σκοπιά + δικής μου σκοπιάς)
?κατά τη δική μου διαίσθηση
Κατά τη δική μου κρίση
–
στα μάτια μου
κατά τη(ν) (γνώμη + άποψη) μου
κατά την αντίληψή μου
κατά την εκτίμησή μου
?από τη σκοπιά μου
?κατά τη διαίσθησή μου
Κατά την κρίση μου
à mon humble avis
κατά την ταπεινή μου (γνώμη + άποψη)
κατά την προσωπική μου (γνώμη + άποψη)
κατά την προσωπική μου αντίληψη
κατά την προσωπική μου διαίσθηση
κατά την προσωπική μου κρίση
à ce que je crois
à ce que je pense
si vous voulez mon avis
si vous me demandez mon avis
απ’ (ό,τι + ?όσο) πιστεύω (Ε + εγώ)
απ’ (ό,τι + ?όσο) (νομίζω + θεωρώ) (Ε + εγώ)
(εάν + αν) θέλετε τη(ν) (γνώμη + άποψή) μου
(εάν + αν) ζητάτε τη(ν) (γνώμη + άποψή) μου
Total : 16 entrées
Total : 25 entrées (18 adverbiaux)
Discours, 15 | 2014, Varia
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