Chtoucas et programme de Langlands pour les corps de fonctions

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Chtoucas et programme de Langlands pour les corps de
fonctions
Vincent Lafforgue
CNRS et MAPMO, Université d’Orléans
18 décembre 2014
Article : “Introduction aux chtoucas pour les groupes réductifs et à la
paramétrisation de Langlands globale”
http://arxiv.org/abs/1404.3998
Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO)
Chtoucas et programme de Langlands
18 décembre 2014
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On montre le sens “automorphe vers Galois” de la correspondance de
Langlands globale pour tout groupe réductif G sur un corps de fonctions.
La correspondance de Langlands relie
les formes automorphes
les réprésentations galoisiennes (plus précisément les paramètres de
Langlands globaux).
On construit une décomposition canonique de l’espace vectoriel des formes
automorphes cuspidales, indexée par des paramètres de Langlands globaux.
Dans le cas où G = GLr cela était déjà connu par Drinfeld pour r = 2 et
Laurent Lafforgue pour r arbitraire.
Remerciements. Ce travail est issu d’un projet avec Jean-Benoît Bost. Il
n’existerait pas non plus sans de très nombreuses discussions avec Alain
Genestier. Je n’aurais jamais pu travailler sur ce sujet éloigné de ma
spécialité d’origine sans la précieuse liberté de chercher permise par le
CNRS. Je remercie mes collègues du MAPMO pour leur soutien constant.
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Le programme de Langlands concerne les deux types de corps “globaux” :
corps de nombres et corps de fonctions.
Un corps de nombres est une extension finie de Q, c’est-à-dire un corps
obtenu en ajoutant à Q des racines d’un polynôme à coefficients dans Q.
Un corps de fonctions F est le corps des fonctions rationnelles sur une
courbe projective X sur un corps fini Fq .
Si q est un nombre premier, Fq = Z/qZ. En général q est une puissance
d’un nombre premier et tous les corps finis de cardinal q sont isomorphes
entre eux, bien que non canoniquement, d’où la notation Fq .
L’exemple le plus simple est F = Fq (t) qui est le corps des fonctions
rationnelles sur la droite projective X = P1 = A1 ∪ ∞ (où A1 est la droite
affine).
Les courbes projectives sur C correspondent aux surfaces de Riemann
complètes. Ces courbes (ou plus généralement les courbes projectives sur
des corps algébriquement clos) servent de cadre au programme de
Langlands géométrique.
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On appelle place d’un corps global une norme (à équivalence près)
c’est-à-dire une façon de le compléter en un corps dit “local”. Par exemple
les places de Q sont
la place archimédienne, en laquelle le complété est R (avec la norme
usuelle)
pour tout nombre premier p, la place p en laquelle le complété est Qp
(la norme dans Qp d’un nombre r ∈ Q est d’autant plus petite que r
est divisible par une grande puissance de p : elle est égale à p −np , où
np ∈ Z est l’exposant de p dans la décomposition de r en un produit
de facteurs premiers).
Soit F le corps des fonctions sur une courbe X sur un corps fini Fq . Alors
les places de F correspondent aux points fermés de X (définis comme les
idéaux maximaux).
Dans le cas où X = P1 = A1 ∪ ∞, les places sont
la place ∞ (en laquelle le complété est Fq ((t −1 )))
les places associées aux polynômes unitaires irréductibles dans Fq [t]
(qui est l’anneau des fonctions sur A1 ) : ils jouent donc un rôle
analogue à celui des nombres premiers dans Z.
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Pour l’instant on prend G = GLr . Lorsque le corps est Q, une forme
automorphe est une fonction sur GLr (Z)\GLr (R). Ce quotient classifie les
Z-modules libres M de rang r munis d’une trivialisation M ⊗Z R = Rr .
Soit maintenant Fq un corps fini et X une courbe projective sur Fq . On fixe
une place v de X pour remplacer la place archimédienne de Q. L’analogue
du quotient ci-dessus classifie les
fibrés vectoriels de rang r sur X munis d’une trivialisation sur le disque
formel autour de v
On omet la trivialisation sur le disque formel autour de v (car dans cet
exposé on ne considère que le cas sans niveau).
Une forme automorphe sera donc pour nous une fonction sur le groupoïde
discret BunGLr (Fq ) qui classifie les fibrés vectoriels de rang r sur X . Il
s’agit des points sur Fq du champ BunGLr sur Fq dont les S-points (avec S
un schéma sur Fq ) classifient les fibrés vectoriels de rang r sur X × S. Un
champ est comme une variété dont les points ont des groupes
d’automorphismes (par exemple le quotient d’une variété algébrique par un
groupe algébrique est un champ).
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Soit Fq un corps fini. Soit X une courbe projective lisse sur Fq et F son
corps de fonctions.
Soit G un groupe réductif connexe sur F supposé déployé pour simplifier.
Alors BunG (Fq ) classifie les G -torseurs (i.e. G -fibrés principaux) sur X .
C’est un groupoïde discret c’est-à-dire un ensemble dont les objets ont des
groupes d’automorphismes finis. On note Z le centre de G et Ξ un réseau
dans le groupe formé par l’ensemble des objets de BunZ (Fq ) (si G a un
centre fini on peut donc prendre Ξ trivial).
Soit ` un nombre premier ne divisant pas q.
On note Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) le Q` -espace vectoriel de dimension finie
formé des fonctions cuspidales sur BunG (Fq )/Ξ.
On va construire une décomposition canonique de cet espace indexée par
des paramètres de Langlands.
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On note Gb le groupe dual de Langlands de G (groupe déployé sur Q` ). Il
est caractérisé par le fait que ses racines et ses poids sont les coracines et
les copoids de G , et vice-versa. Exemples :
G
Gb
GLn
GLn
SLn
PGLn
SO2n+1
Sp2n
Sp2n
SO2n+1
SO2n
SO2n
Soit F une clôture séparable du corps de fonctions F .
On note Gal(F /F ) le groupe de ses automorphismes.
DEFINITION Un paramètre de Langlands est une classe de conjugaison de
morphisme σ : Gal(F /F ) → Gb(Q` ) continu et semi-simple.
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On va définir les opérateurs de Hecke. Ils ressemblent aux laplaciens sur les
graphes. Soit v comme ci-dessus. Si G et G0 sont deux G -torseurs sur X on
dit que G0 est une modification de G en v si on se donne un isomorphisme
entre leurs restrictions à X \ v . Alors leur position relative [G0 : G] est un
copoids dominant λ de G (lorsque G = GLr il s’agit du r -uplet des
diviseurs élémentaires). On introduit ainsi un opérateur de Hecke
Tλ,v : Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) → Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` )
tel que
Tλ,v (f ) : G 7→
X
f (G0 )
G0 ,[G0 :G]=λ
où la somme (finie) porte sur les modifications de G en v avec position
relative λ. Ces opérateurs commutent entre eux et forment une algèbre
commutative abstraite Hv , dite algèbre de Hecke non-ramifiée en v .
Donc Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) est munie d’une action du produit tensoriel
sur toutes les places v de X des algèbres commutatives Hv .
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Nous allons construire une décomposition canonique
M
Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) =
Hσ
σ
où la somme porte sur les paramètres de Langlands σ. Cette
décomposition sera respectée par l’action des opérateurs de Hecke. En fait
on va construire une algèbre commutative B contenant les Hv telle que
B agit naturellement sur Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` )
chaque caractère ν de B correspond de manière unique à un
paramètre de Langlands σ.
Comme B est commutative
on a une décomposition spectrale canonique
L
H∅,1 ' H{0},1 = ν Hν où ν parcourt les caractères de B (trigonalisation
simultanée d’une famille d’opérateurs qui commutent). En associant à tout
ν un paramètre
de Langlands σ on en déduit la décomposition
L
H∅,1 = σ Hσ attendue. De plus Hv agit sur Hσ par multiplication par un
caractère (restriction de ν à Hv ) qui correspond par l’isomorphisme de
Satake à la classe de conjugaison de σ(Frobv ).
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Pour construire cette décomposition on a besoin de la cohomologie
`-adique des champs de chtoucas.
La cohomologie `-adique des variétés (sur des corps de caractéristique
6= `) est très proche de la cohomologie de Betti des variétés complexes,
mais elle est à coefficients dans Q` ou Q` . Elle a nécessité l’introduction
par Grothendieck de la notion de topos, qui est une généralisation
extraordinaire de la notion d’espace topologique.
Dans un espace topologique X on a la catégorie dont
les objets sont les ouverts U ⊂ X
les flèches U → V sont les inclusions U ⊂ V
et on a la notion de recouvrement d’un ouvert par une famille d’ouverts. En
considérant une catégorie abstraite avec une notion de recouvrement
vérifiant certains axiomes on obtient la notion de site.
Un topos est la catégorie des faisceaux d’ensemble sur un site.
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Pour définir la cohomologie étale d’une variété algébrique X (lisse pour
simplifier) on considère le site étale dont les objets sont les morphismes
étales
U
X
(un morphisme est étale si sa différentielle est partout inversible), dont les
flèches sont données par les triangles commutatifs
/V
U
X
~
avec toutes les flèches étales et où la notion de recouvrement est évidente.
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Soit I un ensemble fini et W = i∈I Wi une représentation irréductible de
GbI (autrement dit chaque Wi est une représentation irréductible de Gb).
Pour tout schéma S sur Fq on note FrobS : S → S le morphisme qui agit
par f 7→ f q au niveau des fonctions : Frob∗S (f ) = f q .
On définit ChtI ,W comme le champ de Deligne-Mumford (=orbifold) sur
X I dont les points sur un schéma S sur Fq classifient les chtoucas,
c’est-à-dire
des points (xi )i∈I : S → X I , appelés les pattes du chtouca,
un G -torseur G sur X × S,
un isomorphisme
φ : G(X ×S)r(S
i∈I
Γ xi )
∼
→ (IdX × FrobS )∗ (G)(X ×S)r(S
i∈I
Γxi )
où Γxi désigne le graphe de xi , tel que la position relative en xi soit
bornée par le copoids dominant de G correspondant au poids
dominant de Wi .
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On note HI ,W le Q` -espace vectoriel égal à la partie Hecke-finie de la
cohomologie `-adique d’intersection (en degré moitié) de la fibre de
ChtI ,W /Ξ au-dessus du point générique de X I (ou, de façon en fait
équivalente, du point générique de la diagonale X ⊂ X I ).
On remarque que ce qui compte n’est pas l’espace ChtI ,W /Ξ mais le
morphisme
ChtI ,W /Ξ
XI
(qui à un chtouca associe le I -uplet de ses pattes). Depuis Grothendieck les
morphismes sont plus importants que les espaces.
Le Q` -espace vectoriel HI ,W est muni d’une action de (Gal(F /F ))I .
Pour I = ∅ et W = 1 (la représentation triviale), on a un isomorphisme
H∅,1 = Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ).
L
On veut donc construire une décomposition H∅,1 = σ Hσ .
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L’équivalence de Satake géométrique (due à Lusztig, Drinfeld, Ginzburg, et
Mirkovic–Vilonen dans la lignée directe des travaux de Grothendieck et de
ses élèves) fournit une équivalence canonique de catégories tensorielles
entre
une catégorie liée aux modifications de G -torseurs en un point de X ,
la catégorie des représentations de Gb.
En fait cela définit Gb à partir de G .
L’équivalence de Satake géométrique permet alors
a) de définir HI ,W de façon fonctorielle en W ,
b) de comprendre ce qui se passe lorsque certaines des pattes
fusionnent.
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Enoncé de la propriété a)
Pour tout ensemble fini I ,
W 7→ HI ,W , u 7→ H(u)
est un foncteur Q` -linéaire de la catégorie des représentations de (Gb)I vers
la catégorie des représentations de Gal(F /F )I .
Cela signifie que pour tout morphisme
u : W → W0
de représentations de (Gb)I , on a un morphisme
H(u) : HI ,W → HI ,W 0
de représentations de Gal(F /F )I .
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Enoncé de la propriété b)
Pour toute application ζ : I → J, on possède un isomorphisme
∼
χζ : HI ,W → HJ,W ζ
qui est
fonctoriel en W , où W est une représentation de (Gb)I et W ζ désigne
la représentation de (Gb)J sur W obtenue en composant avec le
morphisme diagonal
(Gb)J → (Gb)I , (gj )j∈J 7→ (gζ(i) )i∈I
Gal(F /F )J -équivariant, où Gal(F /F )J agit sur le membre de gauche
par le morphisme diagonal
Gal(F /F )J → Gal(F /F )I , (γj )j∈J 7→ (γζ(i) )i∈I ,
et compatible avec la composition, c’est-à-dire χζ◦ζ 0 = χζ ◦ χζ 0 ,
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Exemples d’utilisation des propriétés a) et b).
Pour tout ensemble fini I on note ζI : I → {0} l’application tautologique
(où {0} est un choix de notation arbitraire pour désigner un singleton).
Si W1 et W2 sont deux représentations de Gb, on a par b) un isomorphisme
canonique
∼
χζ{1,2} : H{1,2},W1 W2 → H{0},W1 ⊗W2
associé à ζ{1,2} : {1, 2} → {0}. On note la différence entre W1 W2 qui est
une représentation de (Gb)2 et W1 ⊗ W2 qui est une représentation de Gb.
Un autre exemple d’application de b) est l’isomorphisme
χ−1
ζ
∅
cusp
H{0},1 −−
∼→H∅,1 = Cc (BunG (Fq )/Ξ, Q` )
associé à ζ∅ : ∅ → {0}. Grâce à cet isomorphisme nous sommes ramenés à
construire une décomposition
M
H{0},1 =
Hσ .
σ
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Pour toute fonction f ∈ O(Gb\(Gb)I /Gb) on peut trouver une représentation
W de (Gb)I et x ∈ W et ξ ∈ W ∗ invariants par l’action diagonale de Gb tels
que
f ((gi )i∈I ) = hξ, (gi )i∈I · xi.
(0.1)
Soit (γi )i∈I ∈ (Gal(F /F ))I . L’endomorphisme SI ,W ,x,ξ,(γi )i∈I de
χ−1
ζ
∅
cusp
H{0},1 −−
∼→H∅,1 = Cc (BunG (Fq )/Ξ, Q` )
est défini comme la composée
H(x)
χζ−1
(γi )i∈I
χζ
H(ξ)
I
I
H{0},1 −−−→ H{0},W ζI −−
∼→HI ,W −−−−→ HI ,W −−
∼→H{0},W ζI −−−→ H{0},1
où x : 1 → W ζI et ξ : W ζI → 1 sont considérés ici comme des morphismes
de représentations de Gb (W ζI est simplement W muni de la représentation
diagonale de Gb). On montre qu’il ne dépend pas du choix de W , x, ξ
vérifiant (0.1), et on le note aussi SI ,f ,(γi )i∈I .
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Heuristiquement on a
?
HI ,W =
M
Hσ ⊗ W σ I ,
σ
où WσI est la représentation de Gal(F /F )I obtenue en composant la
représentation W de GbI avec le morphisme σ I : Gal(F /F )I → GbI .
Dans cette heuristique l’endomorphisme SI ,f ,(γi )i∈I = SI ,W ,x,ξ,(γi )i∈I de
χ−1
ζ
∅
?
H{0},1 −−
∼→H∅,1 =
M
Hσ
σ
agit sur Hσ par la composée
χ ζ∅
IdH ⊗x
(σ(γi ))i∈I
IdH ⊗ξ
χ−1
ζ
∅
σ
σ
Hσ −−
∼→Hσ ⊗ 1 −−−−−→ Hσ ⊗ W −−−−−−→ Hσ ⊗ W −−−−−→ Hσ ⊗ 1−−
∼→Hσ
c’est-à-dire par le scalaire
hξ, (σ(γi ))i∈I · xi = f ((σ(γi ))i∈I ).
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A l’aide des propriétés a) et b) mais sans utiliser l’heuristique précédente on
montre que
1) l’algèbre B d’endomorphismes de H{0},1 ' H∅,1 engendrée par les
SI ,f ,(γi )i∈I quand I , f et (γi )i∈I varient est commutative et que les
SI ,f ,(γi )i∈I vérifient entre eux un certain nombre de relations (attendues
par l’heuristique),
2) pour chaque caractère ν de B il existe un unique paramètre de
Langlands σ tel que pour tous I , f et (γi )i∈I ,
ν(SI ,f ,(γi )i∈I ) = f ((σ(γi ))i∈I ).
Comme B est commutative
on a une décomposition spectrale canonique
L
H∅,1 ' H{0},1 = ν Hν où ν parcourt les caractères de B (trigonalisation
simultanée d’une famille d’opérateurs qui commutent). En associant à tout
ν un unique paramètreL
de Langlands σ comme dans 2) on en déduit la
décomposition H∅,1 = σ Hσ attendue.
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Idée de la preuve de 1) : preuve d’une première relation. Soit ζ : I → J une
application et W une représentation de (Gb)I . On montre la relation
SJ,W ζ ,x,ξ,(γj )j∈J = SI ,W ,x,ξ,(γζ(i) )i∈I
à l’aide du diagramme commutatif
χ−1
ζJ
H{0},1
/H
{0},W ζI
χ−1
ζI
H(x)
H ζ
O
: J,W
(γj )j∈J
χζ
/ HI ,W
/H
J,W ζ
O
χζ
(γζ(i) )i∈I
/ HI ,W
χ ζJ
χ ζI
$
/
/H
{0},W ζI H(ξ) H{0},1
où la ligne du bas est égale au membre de droite et celle du haut est égale
au membre de gauche.
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Idée de la preuve de 1) : preuve d’une deuxième relation (qui implique la
commutativité de B). On montre
SI1 ∪I2 ,W1 W2 ,x1 x2 ,ξ1 ξ2 ,(γ 1 )i∈I
i
1
×(γi2 )i∈I2
= SI1 ,W1 ,x1 ,ξ1 ,(γ 1 )i∈I ◦ SI2 ,W2 ,x2 ,ξ2 ,(γ 2 )i∈I
i
i
1
2
à l’aide du diagramme commutatif
H{0}∪{0},1
H(x1 x2 )
H(x1 1)
H{0}∪{0},W ζ1 1
1
χ−1
ζ ×Id
(
/H
ζ
ζ
{0}∪{0},W1 1 W2 2
H(Id x2 )
χ−1
ζ ×ζ
χ−1
ζ ×Id
1
1
1
HI1 ∪{0},W1 1
/H
ζ
I1 ∪{0},W1 W2 2
H(Id x2 )
γ 1 ×1
χ−1
Id ×ζ2
γ 1 ×1
HI1 ∪{0},W1 1
/H
ζ
I1 ∪{0},W1 W2 2
χ−1
Id ×ζ2
χζ1 ×Id
1
/H
ζ
ζ
{0}∪{0},W1 1 W2 2
H(ξ1 1)
χ−1
Id ×ζ
2
H(ξ1 Id)
H{0}∪{0},1
H(1x2 )
/ HI ∪I ,W W
1 2
1
2
1×γ 2
χζ1 ×Id
H(Id x2 )
H{0}∪{0},W ζ1 1
γ 1 ×γ 2
γ 1 ×1
H(Id x2 )
χζ1 ×Id
2
(
/ HI ∪I ,W W
1 2
1
2
/H
ζ
{0}∪{0},1W2 2
χ−1
Id ×ζ
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2
χζ1 ×ζ2
χζ1 ×Id
/H
ζ
{0}∪I2 ,W1 1 W2
1×γ 2
H(ξ1 Id)
(
/ HI ∪I ,W W
1 2
1
2
/H
ζ
{0}∪I2 ,W1 1 W2
χId ×ζ2
H(ξ1 Id)
/ H{0}∪I ,1W
2
2
1×γ 2
(
/H
ζ
ζ
{0}∪{0},W1 1 W2 2
H(ξ1 ξ2 )
H(ξ1 Id)
/ H{0}∪I ,1W
2
2
χId ×ζ2
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/H
ζ
{0}∪{0},1W2 2
'
/ H{0}∪{0},1
H(1ξ2 )
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Idée de la preuve de 1) : preuve d’une troisième relation. On montre
SI ,W ,x,ξ,(γi (γi0 )−1 γi00 )i∈I = SI ∪I ∪I ,W W ∗ W ,δW x,ξevW ,(γi )i∈I ×(γi0 )i∈I ×(γi00 )i∈I
δW : 1 → W ⊗ W ∗ et evW : W ∗ ⊗ W → 1 sont les morphismes naturels.
Pour montrer cette relation on utilise
SI ∪I ∪I ,W W ∗ W ,δW x,ξevW ,(γi (γi0 )−1 γi00 )i∈I ×(γi (γi0 )−1 γi00 )i∈I ×(γi (γi0 )−1 γi00 )i∈I
comme étape intermédiaire.
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Idée de la preuve de 2) en supposant pour simplifier que l’image de σ est
finie.
On considère le quotient grossier (Gb)n //Gb, où Gb agit par conjugaison
diagonale, c’est-à-dire que h ∈ Gb agit par
(g1 , ..., gn ) 7→ (hg1 h−1 , ..., hgn h−1 ).
D’après Richardson, les points de (Gb)n //Gb correspondent aux classes de
conjugaison de n-uplets semi-simples d’éléments de Gb (un n-uplet est dit
semi-simple si pour tout parabolique qui le contient il existe un Levi associé
qui le contient).
Autrement dit pour tout n-uplet (g1 , ..., gn ) d’éléments de Gb, sa classe de
conjugaison {(hg1 h−1 , ..., hgn h−1 ), h ∈ Gb} est fermée si et seulement ce
n-uplet est semi-simple. Cela est bien connu pour n = 1 : la classe d’un
élément est fermée si et seulement si cet élément est semi-simple.
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Idée de la preuve de 2) (suite). Soit ν un caractère de B.
En prenant I = {0, ..., n}, on a un isomorphisme
∼
(Gb)n //Gb → Gb\(Gb){0,...,n} /Gb,
(g1 , ..., gn ) 7→ (1, g1 , ..., gn ).
On veut montrer l’unicité et l’existence de σ paramètre de Langlands
vérifiant
(0.2)
ν(SI ,f ,(γi )i∈I ) = f ((σ(γi ))i∈I )
pour tous I , f et (γi )i∈I . Pour tous n et (γ1 , ..., γn ) arbitraire, en
appliquant (0.2) à I = {0, ..., n}, γ0 = 1 et f arbitraire, on voit que (0.2)
détermine la classe de conjugaison semi-simplifiée de (σ(γ1 ), ..., σ(γn )).
En prenant n et (γ1 , ..., γn ) tels que Image(σ) = {σ(γ1 ), ..., σ(γn )} on voit
que σ est déterminé à conjugaison près par la classe de conjugaison
(semi-simplifiée) de (σ(γ1 ), ..., σ(γn )). Les relations vérifiées par les
SI ,f ,(γi )i∈I (avec I = {0, ..., n + 3}) permettent de montrer que σ est un
morphisme de groupes .
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Remarques finales.
1) Dans un article en cours de rédaction, Alain Genestier et moi-même
montrerons la paramétrisation locale à semi-simplification près et la
compatibilité local-global.
2) Dans ce travail on obtient une paramétrisation mais pas de multiplicités
(on ne sait même pas montrer que les multiplicités sont non nulles). Les
formules de trace permettent de calculer des multiplicités pour les espaces
de formes automorphes ou de cohomologie (Drinfeld, Laumon, Laurent
Lafforgue, Ngo Bao Chau, Eike Lau, Ngo Dac Tuan, Badulescu, Roche).
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Remarques finales (suite).
3) On espère que la décomposition
Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) =
M
Hσ
σ
est définie sur Q (au lieu de Q` ) et indépendante de `. En fait on espère
que tous les opérateurs d’excursion sont définis sur Q (et si les considère
sur C ils seraient alors normaux donc diagonalisables, autrement dit
B ⊗Q C serait une C ∗ -algèbre commutative et la décomposition ci-dessus
serait une diagonalisation au lieu d’être seulement une trigonalisation).
Cela serait évident si on savait réaliser les constructions de cet article de
façon motivique.
En effet les motifs de Grothendieck forment une catégorie Q-linéaire et
unifient les cohomologies `-adiques pour les différents ` (un motif est un
morceau d’une cohomologie universelle d’une variété).
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Hommage à Alexandre Grothendieck.
Comme tous les articles actuels en géométrie algébrique, celui que je viens
d’exposer est entièrement fondé sur les travaux de Grothendieck : définition
fonctorielle des schémas et des champs, construction Quot pour BunG ,
cohomologie étale, topos, motifs, formalisme tannakien.
Les merveilleuses découvertes de Grothendieck que sont la vision des motifs
et la théorie des topos ont déjà entraîné des conséquences immenses mais
d’autres au moins aussi importantes sont sans doute encore à venir.
Des travaux récents de Scholze définissent des analogues des chtoucas
locaux sur Qp . Un analogue des champs de chtoucas sur Q donnerait des
résultats semblables à ceux de ce travail pour les formes automorphes sur
les corps de nombres. Un tel analogue ne peut pas être un objet
géométrique au sens usuel et il est à l’heure actuelle totalement
hypothétique, mais s’il existe on peut penser qu’il fournira (voire sera
lui-même) un ... topos !
Il est extrêmement important de poursuivre et d’intensifier les recherches
sur les motifs et les topos.
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