Chtoucas et programme de Langlands pour les corps de fonctions Vincent Lafforgue CNRS et MAPMO, Université d’Orléans 18 décembre 2014 Article : “Introduction aux chtoucas pour les groupes réductifs et à la paramétrisation de Langlands globale” http://arxiv.org/abs/1404.3998 Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 1 / 28 On montre le sens “automorphe vers Galois” de la correspondance de Langlands globale pour tout groupe réductif G sur un corps de fonctions. La correspondance de Langlands relie les formes automorphes les réprésentations galoisiennes (plus précisément les paramètres de Langlands globaux). On construit une décomposition canonique de l’espace vectoriel des formes automorphes cuspidales, indexée par des paramètres de Langlands globaux. Dans le cas où G = GLr cela était déjà connu par Drinfeld pour r = 2 et Laurent Lafforgue pour r arbitraire. Remerciements. Ce travail est issu d’un projet avec Jean-Benoît Bost. Il n’existerait pas non plus sans de très nombreuses discussions avec Alain Genestier. Je n’aurais jamais pu travailler sur ce sujet éloigné de ma spécialité d’origine sans la précieuse liberté de chercher permise par le CNRS. Je remercie mes collègues du MAPMO pour leur soutien constant. Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 2 / 28 Le programme de Langlands concerne les deux types de corps “globaux” : corps de nombres et corps de fonctions. Un corps de nombres est une extension finie de Q, c’est-à-dire un corps obtenu en ajoutant à Q des racines d’un polynôme à coefficients dans Q. Un corps de fonctions F est le corps des fonctions rationnelles sur une courbe projective X sur un corps fini Fq . Si q est un nombre premier, Fq = Z/qZ. En général q est une puissance d’un nombre premier et tous les corps finis de cardinal q sont isomorphes entre eux, bien que non canoniquement, d’où la notation Fq . L’exemple le plus simple est F = Fq (t) qui est le corps des fonctions rationnelles sur la droite projective X = P1 = A1 ∪ ∞ (où A1 est la droite affine). Les courbes projectives sur C correspondent aux surfaces de Riemann complètes. Ces courbes (ou plus généralement les courbes projectives sur des corps algébriquement clos) servent de cadre au programme de Langlands géométrique. Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 3 / 28 On appelle place d’un corps global une norme (à équivalence près) c’est-à-dire une façon de le compléter en un corps dit “local”. Par exemple les places de Q sont la place archimédienne, en laquelle le complété est R (avec la norme usuelle) pour tout nombre premier p, la place p en laquelle le complété est Qp (la norme dans Qp d’un nombre r ∈ Q est d’autant plus petite que r est divisible par une grande puissance de p : elle est égale à p −np , où np ∈ Z est l’exposant de p dans la décomposition de r en un produit de facteurs premiers). Soit F le corps des fonctions sur une courbe X sur un corps fini Fq . Alors les places de F correspondent aux points fermés de X (définis comme les idéaux maximaux). Dans le cas où X = P1 = A1 ∪ ∞, les places sont la place ∞ (en laquelle le complété est Fq ((t −1 ))) les places associées aux polynômes unitaires irréductibles dans Fq [t] (qui est l’anneau des fonctions sur A1 ) : ils jouent donc un rôle analogue à celui des nombres premiers dans Z. Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 4 / 28 Pour l’instant on prend G = GLr . Lorsque le corps est Q, une forme automorphe est une fonction sur GLr (Z)\GLr (R). Ce quotient classifie les Z-modules libres M de rang r munis d’une trivialisation M ⊗Z R = Rr . Soit maintenant Fq un corps fini et X une courbe projective sur Fq . On fixe une place v de X pour remplacer la place archimédienne de Q. L’analogue du quotient ci-dessus classifie les fibrés vectoriels de rang r sur X munis d’une trivialisation sur le disque formel autour de v On omet la trivialisation sur le disque formel autour de v (car dans cet exposé on ne considère que le cas sans niveau). Une forme automorphe sera donc pour nous une fonction sur le groupoïde discret BunGLr (Fq ) qui classifie les fibrés vectoriels de rang r sur X . Il s’agit des points sur Fq du champ BunGLr sur Fq dont les S-points (avec S un schéma sur Fq ) classifient les fibrés vectoriels de rang r sur X × S. Un champ est comme une variété dont les points ont des groupes d’automorphismes (par exemple le quotient d’une variété algébrique par un groupe algébrique est un champ). Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 5 / 28 Soit Fq un corps fini. Soit X une courbe projective lisse sur Fq et F son corps de fonctions. Soit G un groupe réductif connexe sur F supposé déployé pour simplifier. Alors BunG (Fq ) classifie les G -torseurs (i.e. G -fibrés principaux) sur X . C’est un groupoïde discret c’est-à-dire un ensemble dont les objets ont des groupes d’automorphismes finis. On note Z le centre de G et Ξ un réseau dans le groupe formé par l’ensemble des objets de BunZ (Fq ) (si G a un centre fini on peut donc prendre Ξ trivial). Soit ` un nombre premier ne divisant pas q. On note Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) le Q` -espace vectoriel de dimension finie formé des fonctions cuspidales sur BunG (Fq )/Ξ. On va construire une décomposition canonique de cet espace indexée par des paramètres de Langlands. Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 6 / 28 On note Gb le groupe dual de Langlands de G (groupe déployé sur Q` ). Il est caractérisé par le fait que ses racines et ses poids sont les coracines et les copoids de G , et vice-versa. Exemples : G Gb GLn GLn SLn PGLn SO2n+1 Sp2n Sp2n SO2n+1 SO2n SO2n Soit F une clôture séparable du corps de fonctions F . On note Gal(F /F ) le groupe de ses automorphismes. DEFINITION Un paramètre de Langlands est une classe de conjugaison de morphisme σ : Gal(F /F ) → Gb(Q` ) continu et semi-simple. Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 7 / 28 On va définir les opérateurs de Hecke. Ils ressemblent aux laplaciens sur les graphes. Soit v comme ci-dessus. Si G et G0 sont deux G -torseurs sur X on dit que G0 est une modification de G en v si on se donne un isomorphisme entre leurs restrictions à X \ v . Alors leur position relative [G0 : G] est un copoids dominant λ de G (lorsque G = GLr il s’agit du r -uplet des diviseurs élémentaires). On introduit ainsi un opérateur de Hecke Tλ,v : Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) → Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) tel que Tλ,v (f ) : G 7→ X f (G0 ) G0 ,[G0 :G]=λ où la somme (finie) porte sur les modifications de G en v avec position relative λ. Ces opérateurs commutent entre eux et forment une algèbre commutative abstraite Hv , dite algèbre de Hecke non-ramifiée en v . Donc Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) est munie d’une action du produit tensoriel sur toutes les places v de X des algèbres commutatives Hv . Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 8 / 28 Nous allons construire une décomposition canonique M Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) = Hσ σ où la somme porte sur les paramètres de Langlands σ. Cette décomposition sera respectée par l’action des opérateurs de Hecke. En fait on va construire une algèbre commutative B contenant les Hv telle que B agit naturellement sur Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) chaque caractère ν de B correspond de manière unique à un paramètre de Langlands σ. Comme B est commutative on a une décomposition spectrale canonique L H∅,1 ' H{0},1 = ν Hν où ν parcourt les caractères de B (trigonalisation simultanée d’une famille d’opérateurs qui commutent). En associant à tout ν un paramètre de Langlands σ on en déduit la décomposition L H∅,1 = σ Hσ attendue. De plus Hv agit sur Hσ par multiplication par un caractère (restriction de ν à Hv ) qui correspond par l’isomorphisme de Satake à la classe de conjugaison de σ(Frobv ). Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 9 / 28 Pour construire cette décomposition on a besoin de la cohomologie `-adique des champs de chtoucas. La cohomologie `-adique des variétés (sur des corps de caractéristique 6= `) est très proche de la cohomologie de Betti des variétés complexes, mais elle est à coefficients dans Q` ou Q` . Elle a nécessité l’introduction par Grothendieck de la notion de topos, qui est une généralisation extraordinaire de la notion d’espace topologique. Dans un espace topologique X on a la catégorie dont les objets sont les ouverts U ⊂ X les flèches U → V sont les inclusions U ⊂ V et on a la notion de recouvrement d’un ouvert par une famille d’ouverts. En considérant une catégorie abstraite avec une notion de recouvrement vérifiant certains axiomes on obtient la notion de site. Un topos est la catégorie des faisceaux d’ensemble sur un site. Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 10 / 28 Pour définir la cohomologie étale d’une variété algébrique X (lisse pour simplifier) on considère le site étale dont les objets sont les morphismes étales U X (un morphisme est étale si sa différentielle est partout inversible), dont les flèches sont données par les triangles commutatifs /V U X ~ avec toutes les flèches étales et où la notion de recouvrement est évidente. Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 11 / 28 Soit I un ensemble fini et W = i∈I Wi une représentation irréductible de GbI (autrement dit chaque Wi est une représentation irréductible de Gb). Pour tout schéma S sur Fq on note FrobS : S → S le morphisme qui agit par f 7→ f q au niveau des fonctions : Frob∗S (f ) = f q . On définit ChtI ,W comme le champ de Deligne-Mumford (=orbifold) sur X I dont les points sur un schéma S sur Fq classifient les chtoucas, c’est-à-dire des points (xi )i∈I : S → X I , appelés les pattes du chtouca, un G -torseur G sur X × S, un isomorphisme φ : G(X ×S)r(S i∈I Γ xi ) ∼ → (IdX × FrobS )∗ (G)(X ×S)r(S i∈I Γxi ) où Γxi désigne le graphe de xi , tel que la position relative en xi soit bornée par le copoids dominant de G correspondant au poids dominant de Wi . Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 12 / 28 On note HI ,W le Q` -espace vectoriel égal à la partie Hecke-finie de la cohomologie `-adique d’intersection (en degré moitié) de la fibre de ChtI ,W /Ξ au-dessus du point générique de X I (ou, de façon en fait équivalente, du point générique de la diagonale X ⊂ X I ). On remarque que ce qui compte n’est pas l’espace ChtI ,W /Ξ mais le morphisme ChtI ,W /Ξ XI (qui à un chtouca associe le I -uplet de ses pattes). Depuis Grothendieck les morphismes sont plus importants que les espaces. Le Q` -espace vectoriel HI ,W est muni d’une action de (Gal(F /F ))I . Pour I = ∅ et W = 1 (la représentation triviale), on a un isomorphisme H∅,1 = Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ). L On veut donc construire une décomposition H∅,1 = σ Hσ . Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 13 / 28 L’équivalence de Satake géométrique (due à Lusztig, Drinfeld, Ginzburg, et Mirkovic–Vilonen dans la lignée directe des travaux de Grothendieck et de ses élèves) fournit une équivalence canonique de catégories tensorielles entre une catégorie liée aux modifications de G -torseurs en un point de X , la catégorie des représentations de Gb. En fait cela définit Gb à partir de G . L’équivalence de Satake géométrique permet alors a) de définir HI ,W de façon fonctorielle en W , b) de comprendre ce qui se passe lorsque certaines des pattes fusionnent. Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 14 / 28 Enoncé de la propriété a) Pour tout ensemble fini I , W 7→ HI ,W , u 7→ H(u) est un foncteur Q` -linéaire de la catégorie des représentations de (Gb)I vers la catégorie des représentations de Gal(F /F )I . Cela signifie que pour tout morphisme u : W → W0 de représentations de (Gb)I , on a un morphisme H(u) : HI ,W → HI ,W 0 de représentations de Gal(F /F )I . Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 15 / 28 Enoncé de la propriété b) Pour toute application ζ : I → J, on possède un isomorphisme ∼ χζ : HI ,W → HJ,W ζ qui est fonctoriel en W , où W est une représentation de (Gb)I et W ζ désigne la représentation de (Gb)J sur W obtenue en composant avec le morphisme diagonal (Gb)J → (Gb)I , (gj )j∈J 7→ (gζ(i) )i∈I Gal(F /F )J -équivariant, où Gal(F /F )J agit sur le membre de gauche par le morphisme diagonal Gal(F /F )J → Gal(F /F )I , (γj )j∈J 7→ (γζ(i) )i∈I , et compatible avec la composition, c’est-à-dire χζ◦ζ 0 = χζ ◦ χζ 0 , Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 16 / 28 Exemples d’utilisation des propriétés a) et b). Pour tout ensemble fini I on note ζI : I → {0} l’application tautologique (où {0} est un choix de notation arbitraire pour désigner un singleton). Si W1 et W2 sont deux représentations de Gb, on a par b) un isomorphisme canonique ∼ χζ{1,2} : H{1,2},W1 W2 → H{0},W1 ⊗W2 associé à ζ{1,2} : {1, 2} → {0}. On note la différence entre W1 W2 qui est une représentation de (Gb)2 et W1 ⊗ W2 qui est une représentation de Gb. Un autre exemple d’application de b) est l’isomorphisme χ−1 ζ ∅ cusp H{0},1 −− ∼→H∅,1 = Cc (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) associé à ζ∅ : ∅ → {0}. Grâce à cet isomorphisme nous sommes ramenés à construire une décomposition M H{0},1 = Hσ . σ Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 17 / 28 Pour toute fonction f ∈ O(Gb\(Gb)I /Gb) on peut trouver une représentation W de (Gb)I et x ∈ W et ξ ∈ W ∗ invariants par l’action diagonale de Gb tels que f ((gi )i∈I ) = hξ, (gi )i∈I · xi. (0.1) Soit (γi )i∈I ∈ (Gal(F /F ))I . L’endomorphisme SI ,W ,x,ξ,(γi )i∈I de χ−1 ζ ∅ cusp H{0},1 −− ∼→H∅,1 = Cc (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) est défini comme la composée H(x) χζ−1 (γi )i∈I χζ H(ξ) I I H{0},1 −−−→ H{0},W ζI −− ∼→HI ,W −−−−→ HI ,W −− ∼→H{0},W ζI −−−→ H{0},1 où x : 1 → W ζI et ξ : W ζI → 1 sont considérés ici comme des morphismes de représentations de Gb (W ζI est simplement W muni de la représentation diagonale de Gb). On montre qu’il ne dépend pas du choix de W , x, ξ vérifiant (0.1), et on le note aussi SI ,f ,(γi )i∈I . Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 18 / 28 Heuristiquement on a ? HI ,W = M Hσ ⊗ W σ I , σ où WσI est la représentation de Gal(F /F )I obtenue en composant la représentation W de GbI avec le morphisme σ I : Gal(F /F )I → GbI . Dans cette heuristique l’endomorphisme SI ,f ,(γi )i∈I = SI ,W ,x,ξ,(γi )i∈I de χ−1 ζ ∅ ? H{0},1 −− ∼→H∅,1 = M Hσ σ agit sur Hσ par la composée χ ζ∅ IdH ⊗x (σ(γi ))i∈I IdH ⊗ξ χ−1 ζ ∅ σ σ Hσ −− ∼→Hσ ⊗ 1 −−−−−→ Hσ ⊗ W −−−−−−→ Hσ ⊗ W −−−−−→ Hσ ⊗ 1−− ∼→Hσ c’est-à-dire par le scalaire hξ, (σ(γi ))i∈I · xi = f ((σ(γi ))i∈I ). Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 19 / 28 A l’aide des propriétés a) et b) mais sans utiliser l’heuristique précédente on montre que 1) l’algèbre B d’endomorphismes de H{0},1 ' H∅,1 engendrée par les SI ,f ,(γi )i∈I quand I , f et (γi )i∈I varient est commutative et que les SI ,f ,(γi )i∈I vérifient entre eux un certain nombre de relations (attendues par l’heuristique), 2) pour chaque caractère ν de B il existe un unique paramètre de Langlands σ tel que pour tous I , f et (γi )i∈I , ν(SI ,f ,(γi )i∈I ) = f ((σ(γi ))i∈I ). Comme B est commutative on a une décomposition spectrale canonique L H∅,1 ' H{0},1 = ν Hν où ν parcourt les caractères de B (trigonalisation simultanée d’une famille d’opérateurs qui commutent). En associant à tout ν un unique paramètreL de Langlands σ comme dans 2) on en déduit la décomposition H∅,1 = σ Hσ attendue. Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 20 / 28 Idée de la preuve de 1) : preuve d’une première relation. Soit ζ : I → J une application et W une représentation de (Gb)I . On montre la relation SJ,W ζ ,x,ξ,(γj )j∈J = SI ,W ,x,ξ,(γζ(i) )i∈I à l’aide du diagramme commutatif χ−1 ζJ H{0},1 /H {0},W ζI χ−1 ζI H(x) H ζ O : J,W (γj )j∈J χζ / HI ,W /H J,W ζ O χζ (γζ(i) )i∈I / HI ,W χ ζJ χ ζI $ / /H {0},W ζI H(ξ) H{0},1 où la ligne du bas est égale au membre de droite et celle du haut est égale au membre de gauche. Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 21 / 28 Idée de la preuve de 1) : preuve d’une deuxième relation (qui implique la commutativité de B). On montre SI1 ∪I2 ,W1 W2 ,x1 x2 ,ξ1 ξ2 ,(γ 1 )i∈I i 1 ×(γi2 )i∈I2 = SI1 ,W1 ,x1 ,ξ1 ,(γ 1 )i∈I ◦ SI2 ,W2 ,x2 ,ξ2 ,(γ 2 )i∈I i i 1 2 à l’aide du diagramme commutatif H{0}∪{0},1 H(x1 x2 ) H(x1 1) H{0}∪{0},W ζ1 1 1 χ−1 ζ ×Id ( /H ζ ζ {0}∪{0},W1 1 W2 2 H(Id x2 ) χ−1 ζ ×ζ χ−1 ζ ×Id 1 1 1 HI1 ∪{0},W1 1 /H ζ I1 ∪{0},W1 W2 2 H(Id x2 ) γ 1 ×1 χ−1 Id ×ζ2 γ 1 ×1 HI1 ∪{0},W1 1 /H ζ I1 ∪{0},W1 W2 2 χ−1 Id ×ζ2 χζ1 ×Id 1 /H ζ ζ {0}∪{0},W1 1 W2 2 H(ξ1 1) χ−1 Id ×ζ 2 H(ξ1 Id) H{0}∪{0},1 H(1x2 ) / HI ∪I ,W W 1 2 1 2 1×γ 2 χζ1 ×Id H(Id x2 ) H{0}∪{0},W ζ1 1 γ 1 ×γ 2 γ 1 ×1 H(Id x2 ) χζ1 ×Id 2 ( / HI ∪I ,W W 1 2 1 2 /H ζ {0}∪{0},1W2 2 χ−1 Id ×ζ Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) 2 χζ1 ×ζ2 χζ1 ×Id /H ζ {0}∪I2 ,W1 1 W2 1×γ 2 H(ξ1 Id) ( / HI ∪I ,W W 1 2 1 2 /H ζ {0}∪I2 ,W1 1 W2 χId ×ζ2 H(ξ1 Id) / H{0}∪I ,1W 2 2 1×γ 2 ( /H ζ ζ {0}∪{0},W1 1 W2 2 H(ξ1 ξ2 ) H(ξ1 Id) / H{0}∪I ,1W 2 2 χId ×ζ2 Chtoucas et programme de Langlands /H ζ {0}∪{0},1W2 2 ' / H{0}∪{0},1 H(1ξ2 ) 18 décembre 2014 22 / 28 Idée de la preuve de 1) : preuve d’une troisième relation. On montre SI ,W ,x,ξ,(γi (γi0 )−1 γi00 )i∈I = SI ∪I ∪I ,W W ∗ W ,δW x,ξevW ,(γi )i∈I ×(γi0 )i∈I ×(γi00 )i∈I δW : 1 → W ⊗ W ∗ et evW : W ∗ ⊗ W → 1 sont les morphismes naturels. Pour montrer cette relation on utilise SI ∪I ∪I ,W W ∗ W ,δW x,ξevW ,(γi (γi0 )−1 γi00 )i∈I ×(γi (γi0 )−1 γi00 )i∈I ×(γi (γi0 )−1 γi00 )i∈I comme étape intermédiaire. Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 23 / 28 Idée de la preuve de 2) en supposant pour simplifier que l’image de σ est finie. On considère le quotient grossier (Gb)n //Gb, où Gb agit par conjugaison diagonale, c’est-à-dire que h ∈ Gb agit par (g1 , ..., gn ) 7→ (hg1 h−1 , ..., hgn h−1 ). D’après Richardson, les points de (Gb)n //Gb correspondent aux classes de conjugaison de n-uplets semi-simples d’éléments de Gb (un n-uplet est dit semi-simple si pour tout parabolique qui le contient il existe un Levi associé qui le contient). Autrement dit pour tout n-uplet (g1 , ..., gn ) d’éléments de Gb, sa classe de conjugaison {(hg1 h−1 , ..., hgn h−1 ), h ∈ Gb} est fermée si et seulement ce n-uplet est semi-simple. Cela est bien connu pour n = 1 : la classe d’un élément est fermée si et seulement si cet élément est semi-simple. Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 24 / 28 Idée de la preuve de 2) (suite). Soit ν un caractère de B. En prenant I = {0, ..., n}, on a un isomorphisme ∼ (Gb)n //Gb → Gb\(Gb){0,...,n} /Gb, (g1 , ..., gn ) 7→ (1, g1 , ..., gn ). On veut montrer l’unicité et l’existence de σ paramètre de Langlands vérifiant (0.2) ν(SI ,f ,(γi )i∈I ) = f ((σ(γi ))i∈I ) pour tous I , f et (γi )i∈I . Pour tous n et (γ1 , ..., γn ) arbitraire, en appliquant (0.2) à I = {0, ..., n}, γ0 = 1 et f arbitraire, on voit que (0.2) détermine la classe de conjugaison semi-simplifiée de (σ(γ1 ), ..., σ(γn )). En prenant n et (γ1 , ..., γn ) tels que Image(σ) = {σ(γ1 ), ..., σ(γn )} on voit que σ est déterminé à conjugaison près par la classe de conjugaison (semi-simplifiée) de (σ(γ1 ), ..., σ(γn )). Les relations vérifiées par les SI ,f ,(γi )i∈I (avec I = {0, ..., n + 3}) permettent de montrer que σ est un morphisme de groupes . Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 25 / 28 Remarques finales. 1) Dans un article en cours de rédaction, Alain Genestier et moi-même montrerons la paramétrisation locale à semi-simplification près et la compatibilité local-global. 2) Dans ce travail on obtient une paramétrisation mais pas de multiplicités (on ne sait même pas montrer que les multiplicités sont non nulles). Les formules de trace permettent de calculer des multiplicités pour les espaces de formes automorphes ou de cohomologie (Drinfeld, Laumon, Laurent Lafforgue, Ngo Bao Chau, Eike Lau, Ngo Dac Tuan, Badulescu, Roche). Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 26 / 28 Remarques finales (suite). 3) On espère que la décomposition Cccusp (BunG (Fq )/Ξ, Q` ) = M Hσ σ est définie sur Q (au lieu de Q` ) et indépendante de `. En fait on espère que tous les opérateurs d’excursion sont définis sur Q (et si les considère sur C ils seraient alors normaux donc diagonalisables, autrement dit B ⊗Q C serait une C ∗ -algèbre commutative et la décomposition ci-dessus serait une diagonalisation au lieu d’être seulement une trigonalisation). Cela serait évident si on savait réaliser les constructions de cet article de façon motivique. En effet les motifs de Grothendieck forment une catégorie Q-linéaire et unifient les cohomologies `-adiques pour les différents ` (un motif est un morceau d’une cohomologie universelle d’une variété). Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 27 / 28 Hommage à Alexandre Grothendieck. Comme tous les articles actuels en géométrie algébrique, celui que je viens d’exposer est entièrement fondé sur les travaux de Grothendieck : définition fonctorielle des schémas et des champs, construction Quot pour BunG , cohomologie étale, topos, motifs, formalisme tannakien. Les merveilleuses découvertes de Grothendieck que sont la vision des motifs et la théorie des topos ont déjà entraîné des conséquences immenses mais d’autres au moins aussi importantes sont sans doute encore à venir. Des travaux récents de Scholze définissent des analogues des chtoucas locaux sur Qp . Un analogue des champs de chtoucas sur Q donnerait des résultats semblables à ceux de ce travail pour les formes automorphes sur les corps de nombres. Un tel analogue ne peut pas être un objet géométrique au sens usuel et il est à l’heure actuelle totalement hypothétique, mais s’il existe on peut penser qu’il fournira (voire sera lui-même) un ... topos ! Il est extrêmement important de poursuivre et d’intensifier les recherches sur les motifs et les topos. Vincent Lafforgue (CNRS et MAPMO) Chtoucas et programme de Langlands 18 décembre 2014 28 / 28