La vaccination contre la grippe saisonnière en danger après l

La vaccination contre la grippe saisonnière
en danger après l’épidémie H1N1 de 2009?
Auteur
Dr Omar Kherad, Médecin responsable, Service de Médecine Interne, Hôpital de La Tour.
Introduction
En 2009, suite à l’annonce par l’Organisation
Mondiale de la Santé d’une nouvelle pandémie de
grippe H1N1, des mesures de prévention sans
précédent ont été prises par le pouvoir politique,
relayées par la plupart des institutions de santé. Cet
emballement médico-politique a suscité de
nombreuses polémiques et s’est heurté à la réticence
de la population, qui a, en grande partie, refusé la
vaccination. Dans le milieu hospitalier suisse,
seulement 60% des médecins et 30% des infirmiers
et aides-soignants se sont fait vacciner en moyenne
en 2009, ce qui correspond quasiment aux taux
annuels usuels de vaccination contre la grippe
saisonnière.
Annoncée initialement comme une épidémie
meurtrière, la grippe H1N1 s’est finalement avérée
beaucoup moins grave que prévue, comme en
témoignent les données des HUG rapportant
seulement 19 admissions aux soins intensifs et 2
décès.1
1
D’aucuns ont alors évoqué la théorie du complot,
allant jusqu’à accuser l’OMS d’être de connivence
avec les boîtes pharmaceutiques produisant le
Tamiflu et le vaccin. Si ces accusations peuvent
paraître quelque peu risibles, il est toutefois à
craindre que toute cette affaire n’ait une influence
négative sur les taux de vaccination pour les années
à venir, ce d’autant plus que les futurs vaccins
contiendront la souche H1N1. Or, il convient de
rappeler que les épidémies de grippe saisonnière
sont associées à une morbi-mortalité importante, en
particulier chez les personnes âgées souffrant de
maladies chroniques. En Suisse, 400 à 1’000
personnes meurent chaque année d’une
complication du virus de la grippe et 1’000 à 5’000
personnes sont hospitalisées en raison de la grippe.
La couverture vaccinale contre la grippe
saisonnière chez les patients
Grâce à une étroite collaboration entre les
institutions de santé publique et les prestataires de
santé, la couverture vaccinale gériatrique (>65 ans)
à Genève est passée de 31% en 1991 à 59% en 2000.
Cela demeure toutefois insuffisant. A titre
d’exemple, les Etats-Unis se sont fixé un objectif de
couverture vaccinale dans cette population de plus
de 90% en 2010. Une étude récemment publiée1 a
cherché à déterminer les facteurs limitant la
vaccination, selon l’avis des médecins de famille
genevois. Si le refus et la crainte du patient
constituaient les barrières principales à la
vaccination, il est inquiétant de constater que 28%
des médecins répondant au questionnaire estimaient
que la vaccination n’était pas indiquée chez toutes
les personnes âgées de plus de 65 ans, allant ainsi à
l’encontre des recommandations de l’OFSP.2
Quand on sait que la conviction du médecin de
famille et l’information du patient ont été établies
2
comme étant des facteurs clés pour favoriser la
vaccination, l’on comprend aisément l’impact négatif
sur la vaccination de la population. Le travail
d’information et d’éducation doit donc se
poursuivre, non seulement dans la population en
général, mais également chez les prestataires de
santé, afin d’améliorer au maximum la couverture
vaccinale dans notre population.
La couverture vaccinale au sein du personnel de
santé
Dans le cadre de l’étude genevoise précitée, 90% des
médecins de famille répondant au questionnaire ont
indiqué s’être fait vacciner. En milieu hospitalier, en
moyenne 60% des médecins se font vacciner, mais ce
taux est divisé par deux concernant le personnel
infirmier ou aide soignant. Or, la vaccination du
personnel médical est hautement recommandée,
essentiellement pour protéger les patients âgés - les
plus fragiles -, chez qui la mortalité pourrait être
ainsi diminuée de 50%. En effet, l’efficacité du vaccin
est de seulement 50-60% chez les personnes âgées
et la meilleure manière de les protéger est de
protéger leur entourage. Malheureusement, selon
plusieurs sondages, la grande majorité du personnel
médical se vaccine pour se protéger lui-même, et la
moitié du personnel refusant le vaccin avance
l’argument de ne pas se sentir en danger.
Un vaccin ou un masque ?
A l’Hôpital de La Tour comme aux HUG, une politique
offensive a été menée en terme de vaccination. S’il
est impensable d’imposer la vaccination à l’ensemble
du personnel médical, en revanche, les deux
établissements ont imposé le port du masque au
personnel non vacciné en situation d’épidémie H1N1
en 2009. Bien que moins efficace que la vaccination,
le port du masque permet de responsabiliser le
personnel soignant. Il ne serait pas surprenant que
cette mesure soit reprise chaque année dans la
plupart des établissements médicaux.
Conclusion
L’épidémie de la grippe H1N1, beaucoup moins
sévère que prévue, ne doit pas faire oublier
l’importance de la vaccination contre la grippe
saisonnière. A cet égard, le personnel médical a une
responsabilité importante : elle doit à tout prix
protéger ses patients, principalement les plus
fragiles. Afin d’atteindre l’objectif ambitieux de plus
de 90% du personnel vacciné dans un proche avenir,
il faut impérativement poursuivre les efforts
d’information. A l’avenir, en cas d’émergence
d’épidémie plus sévère, des mesures plus offensives
verront peut-être le jour. L’OFSP discute d’ailleurs en
ce moment même la possibilité de l’introduction de
l’obligation de se faire vacciner pour certaines
catégories de la population, en avançant la loi
fédérale sur les épidémies.
Références :
1 Lucker et al, Clinical features and outcome of hospitalized adults and children with H1N1 infection at Geneva's
University Hospital, Poster SSMI Basel 2010
2 OFSP, http://www.bag.admin.ch
3 Kherad et al, Obstacles to influenza vaccination in the frail elderly receiving home care: the primary care
physician's perspective. Swiss Med Wkly. 2009 Oct 17;139(41-42):615-6
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