Une restriction alimentaire et une mutation génétique favorable

Les expériences concernant les mécanismes de la
longévité sont de plusieurs types. Certaines étudient les effets
de la surexpression ou de l’extinction d’un gène sur la survie.
D’autres s’intéressent aux modifications de l’environnement
telles que la température, les conditions sanitaires ou les
apports alimentaires. D’autres enfin testent des molécules
susceptibles de ralentir les effets du vieillissement. Ces
approches ont pour objectif de mieux comprendre l’influence
de telle voie métabolique ou de tel système de signalisation
dans le déterminisme des processus de vieillissement, et, si
possible, de mettre au point des traitements ou des conseils de
prévention applicables à l’homme.
Les résultats obtenus ces dernières années par les
laboratoires qui se sont engagés dans cette direction sont très
encourageants. Plusieurs interventions ont conduit à des
augmentations de durée de vie moyenne ou maximale de 50 à
100% dans des modèles expérimentaux comme la mouche
drosophile, le vers Caenorhabditis elegans, la souris ou le rat
de laboratoire. La variété de ces approches expérimentales
pose évidement la question d’un mécanisme commun ou de la
juxtaposition de processus indépendants. Pour y répondre,
une méthode consiste à associer des interventions de natures
différentes et à voir si leurs effets sont additifs ou pas. C’est
cette démarche qu’ont choisie deux équipes anglaise et
allemande qui se sont intéressées aux effets de la restriction
alimentaire chez des mouches drosophiles porteuses de la
mutation chico. Cette mutation affecte la voie de signalisation
de l’insulin/insulin-like growth factor (IIS), un facteur de
croissance lié aux récepteurs de l’insuline.
L’espérance de vie des mouches drosophiles portant la
mutation chico est supérieure à celles des témoins. Par
ailleurs, des expériences maintenant classiques avaient
montré qu’une restriction alimentaire était capable
d’augmenter la durée de vie moyenne des drosophiles. La
méthode utilisée pour contrôler la prise alimentaire de ces
mouches consistait à diluer la solution nutritive mise à leur
disposition. L’effet sur la survie est progressif, avec un
maximum atteint pour une dilution de 35% au dela de
laquelle l’espérance de vie des drosophiles diminuait,
probablement par carence alimentaire.
Si la mutation chico augmente l’espérance de vie de la
drosophile par le même mécanisme que la restriction
alimentaire, alors cette dernière ne devrait pas avoir d’effet
supplémentaire. Si au contraire ces deux situations jouent sur
la longévité par des mécanismes différents, alors leurs effets
devraient être cumulatifs. Lorsque les auteurs font varier la
dilution de la solution nutritive, ils s’aperçoivent que si
l’optimum de survie est atteint pour une dilution de 0.65 chez
les drosophiles témoins, il est déjà obtenu pour une dilution
de 0.80 chez les mutants. Cette première observation suggère
que la mutation chico a tendance à réduire soit la prise
alimentaire spontanée, soit l’assimilation des éléments
nutritifs par les drosophiles. Lorsqu’on compare maintenant
les durées de vie atteintes par les drosophiles témoins et
mutantes lorsque leurs apports alimentaires étaient optimisés
par ces dilutions, on s’aperçoit qu’elles sont identiques,
indiquant que les effets de la mutation chico et de la
restriction alimentaire ne sont pas cumulatifs.
Ces expériences montrent tout d’abord qu’en ce qui
concerne les études portant sur la longévité, les comparaisons
de différents traitements ou interventions génétiques doivent
se faire pour des conditions optimales, celles-ci pouvant être
différentes entre les groupes expérimentaux. Elles suggèrent
également que les modifications de la voie de signalisation
liée à l’IIS emprunteraient des mécanismes communs à ceux
de la restriction alimentaire, ou inversement que la réduction
des apports alimentaires influencerait les substrats ou les
récepteurs du système IIS.
B. Corman
CEA/Saclay, Gif-sur-Yvette
Une restriction alimentaire et une mutation génétique
favorable peuvent-elles avoir des effets cumulatifs sur la
longévité ?
©2002 Successful Aging SA
Clancy DJ, Gems D, Hafen E, Leevers SJ, Partridge L. Dietary restriction in long-lived dwarf flies. Science 2002, 296:319.
Apports nutritifs en %
de la valeur contrôle
Témoin Mutants chico
100 49 53
80 52 56
65 56 51
50 54 50
30 48 43
15 42 31
Durée de vie moyenne, en jours
Af 38-2002
1 / 1 100%
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