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Tiré de: La présidence des États-Unis, Élisabeth Vallet (dir.), ISBN 2-7605-1364-5 • D1364N
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
XVI
–
La présidence des États-Unis
américain. Lui seul, drapé dans « sa splendide solitude
1
» semble
pouvoir incarner l’unité des États-Unis en danger car l’union sacrée
autour du président est un réflexe que porte en elle la nation amé-
ricaine. L’imaginaire américain est parsemé de ces icônes présiden-
tielles et d’instants, gravés dans les mémoires, au cours desquels le
président a changé le sens de l’histoire. Ainsi, en juin 1863, tandis
que 45 000 cadavres jonchent le champ de bataille de Gettysburg, en
Pennsylvanie, le général confédéré Robert E. Lee bat en retraite : l’issue
de la guerre civile vient de se jouer. Dans ce champ de ruines, Abraham
Lincoln va prononcer un très bref discours qui marquera l’histoire du
pays tout entier et son idéal démocratique, « afin que cette nation,
devant Dieu, renaisse à la liberté – et afin que le gouvernement du
peuple, par le peuple, pour le peuple, ne soit pas effacé de cette terre
2
».
Ce discours de Gettysburg, que tous les écoliers américains apprennent
par cœur, appartient à cette histoire complexe. Il est aujourd’hui gravé
à l’intérieur du Monument national de Lincoln à Washington sous une
fresque de Jules Guérin, montrant l’Ange de vérité libérant un esclave.
Lincoln est désormais la figure de la réconciliation nationale, ce sym-
bole qui permet, 140 ans plus tard, de condamner Edgar Ray Killen,
ancien membre du Ku Klux Klan, pour le meurtre de trois militants
des droits civiques en 1964 à Philadelphia au Mississippi
3
. Ainsi, le
président peut être cette figure qui représente, à travers la nation, un
idéal politique et démocratique. Lorsque John F. Kennedy scandait aux
Américains « ne demandez pas ce que le pays peut faire pour vous
mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays », les
États-Unis retrouvaient cet élan patriotique, la grandeur d’âme des
Pères fondateurs, les idéaux des origines.
Pour autant, le président peut aussi être le cliché négatif de ce
symbole. C’est ainsi que Richard Nixon, prenant de vagues allures de
despote paranoïaque, a sombré avec le scandale du
Watergate
, entraî-
nant le pays dans une crise sans précédent. De même, George W. Bush
est, à lui seul, devenu l’emblème d’une politique impériale tant à
l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, conduisant l’antiaméricanisme à
des sommets inégalés depuis la présidence de Ronald Reagan
4
. Sorte
1. Il fait face à un Congrès « divisé, turbulent, bagarreur, assiégé par les groupes
d’intérêt et les lobbies ». Claude Corbo (2004).
Les États-Unis d’Amérique – Les
institutions politiques, Tome 2
, Montréal, Septentrion, p. 217.
2. Abraham Lincoln,
Gettysburg Address
, 19 novembre 1863 ; Roy P. Basler (dir.)
(1953).
The Collected Works of Abraham Lincoln
, New Brunswick, Rutgers Uni-
versity Press, vol. 7, p. 22, adaptation en français par l’écrivain et académicien
André Maurois, en ligne : <http://www.herodote.net/histoire04140.htm> (page
consultée le 15 juin 2005).
3. Ce drame a été porté à l’écran en 1988, et consacré dans la mémoire collective,
par Alan Parker avec le film
Mississippi Burning
.
4. Voir Denis Lacorne, Jacques Rupnik et Marie-France Toinet (1986).
L’Amérique
dans les têtes – Un siècle de fascinations et d’aversions
, Paris, Hachette et Charles-
Philippe David (dir.) (2003). « Nous antiaméricains ? Les États-Unis et le monde »,
Les Cahiers Raoul-Dandurand
, n
o
7, mars.