© 2005 – Presses de l’Université du Québec
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Tiré de: La présidence des États-Unis, Élisabeth Vallet (dir.), ISBN 2-7605-1364-5 • D1364N
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Avant-propos
Parce que, dans les gouvernements absolus le Souverain est la loi,
dans les pays libres, la loi doit être souveraine
[…]
Et pour qu’il
n’y ait jamais de dérives, démolissons la couronne pour la disper-
ser parmi le peuple auquel elle revient.
Thomas Paine,
Common Sense
,
1776
Ce que je sais, c’est que les lois et les institutions doivent avancer
avec l’esprit humain. Elles doivent progresser tandis que les cir-
constances le font avancer, que de nouvelles découvertes sont
faites, que les manières et les opinions évoluent au même rythme.
Thomas Jefferson,
Lettre à Samuel Kercheval
, 12 juillet 1816
Gouverner c’est faire croire, disait Machiavel. Lorsque Richard Neustadt
parle du pouvoir présidentiel, c’est pour évoquer le « pouvoir de
persuasion » du président. La personnalité du président, sa capacité
de charmer et de convaincre représentent les clés de sa réussite. C’est
sur cette base qu’il sera élu, sur ce fondement qu’il sera jugé. En ce
sens, George Washington, premier président des États-Unis, reste le
symbole incontournable de cette nouvelle nation unie derrière un réfé-
rent charismatique. Et dans ses traces, les présidences modernes
posent leurs pas, en tentant à leur tour d’incarner la stabilité poli-
tique et l’unité nationale. Aussi chaque crise nationale aux États-Unis
révèle-t-elle le rôle, le poids et la dimension mythique du président
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XVI
La présidence des États-Unis
américain. Lui seul, drapé dans « sa splendide solitude
1
» semble
pouvoir incarner l’unité des États-Unis en danger car l’union sacrée
autour du président est un réflexe que porte en elle la nation amé-
ricaine. L’imaginaire américain est parsemé de ces icônes présiden-
tielles et d’instants, gravés dans les mémoires, au cours desquels le
président a changé le sens de l’histoire. Ainsi, en juin 1863, tandis
que 45 000 cadavres jonchent le champ de bataille de Gettysburg, en
Pennsylvanie, le général confédéré Robert E. Lee bat en retraite : l’issue
de la guerre civile vient de se jouer. Dans ce champ de ruines, Abraham
Lincoln va prononcer un très bref discours qui marquera l’histoire du
pays tout entier et son idéal démocratique, « afin que cette nation,
devant Dieu, renaisse à la liberté – et afin que le gouvernement du
peuple, par le peuple, pour le peuple, ne soit pas effacé de cette terre
2
».
Ce discours de Gettysburg, que tous les écoliers américains apprennent
par cœur, appartient à cette histoire complexe. Il est aujourd’hui gravé
à l’intérieur du Monument national de Lincoln à Washington sous une
fresque de Jules Guérin, montrant l’Ange de vérité libérant un esclave.
Lincoln est désormais la figure de la réconciliation nationale, ce sym-
bole qui permet, 140 ans plus tard, de condamner Edgar Ray Killen,
ancien membre du Ku Klux Klan, pour le meurtre de trois militants
des droits civiques en 1964 à Philadelphia au Mississippi
3
. Ainsi, le
président peut être cette figure qui représente, à travers la nation, un
idéal politique et démocratique. Lorsque John F. Kennedy scandait aux
Américains « ne demandez pas ce que le pays peut faire pour vous
mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays », les
États-Unis retrouvaient cet élan patriotique, la grandeur d’âme des
Pères fondateurs, les idéaux des origines.
Pour autant, le président peut aussi être le cliché négatif de ce
symbole. C’est ainsi que Richard Nixon, prenant de vagues allures de
despote paranoïaque, a sombré avec le scandale du
Watergate
, entraî-
nant le pays dans une crise sans précédent. De même, George W. Bush
est, à lui seul, devenu l’emblème d’une politique impériale tant à
l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, conduisant l’antiaméricanisme à
des sommets inégalés depuis la présidence de Ronald Reagan
4
. Sorte
1. Il fait face à un Congrès « divisé, turbulent, bagarreur, assiégé par les groupes
d’intérêt et les lobbies ». Claude Corbo (2004).
Les États-Unis d’Amérique – Les
institutions politiques, Tome 2
, Montréal, Septentrion, p. 217.
2. Abraham Lincoln,
Gettysburg Address
, 19 novembre 1863 ; Roy P. Basler (dir.)
(1953).
The Collected Works of Abraham Lincoln
, New Brunswick, Rutgers Uni-
versity Press, vol. 7, p. 22, adaptation en français par l’écrivain et académicien
André Maurois, en ligne : <http://www.herodote.net/histoire04140.htm> (page
consultée le 15 juin 2005).
3. Ce drame a été porté à l’écran en 1988, et consacré dans la mémoire collective,
par Alan Parker avec le film
Mississippi Burning
.
4. Voir Denis Lacorne, Jacques Rupnik et Marie-France Toinet (1986).
L’Amérique
dans les têtes – Un siècle de fascinations et d’aversions
, Paris, Hachette et Charles-
Philippe David (dir.) (2003). « Nous antiaméricains ? Les États-Unis et le monde »,
Les Cahiers Raoul-Dandurand
, n
o
7, mars.
Avant-propos
XVII
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de « monarque républicain
5
», le président des États-Unis est désor-
mais l’emblème de l’hyperpuissance
6
qui oppresse, opprime et bafoue
les droits de la personne. Du scandale d’Abou Ghraib à la dénonciation
de l’existence du centre de détention de Guantanamo par un ancien
président devenu prix Nobel de la paix, Jimmy Carter, la présidence
de George W. Bush porte un modèle que le monde ne comprend plus.
De l’icône au leader démoniaque, il n’y aurait bien souvent qu’un pas,
aisément franchi.
La présidence et son titulaire appartiennent cependant à un
ensemble complexe qu’il convient d’expliquer. Il y a, derrière le pré-
sident, tout un appareil décisionnel, un ensemble de contraintes – les
checks and balances
–, des personnalités, des pressions politiques ou
médiatiques, autant d’éléments qui définissent la présidence améri-
caine. Si la présidence est indéniablement « la scène vitale de l’activité
du système
7
», il ne faut pas surestimer la rationalité des décisions et
des décideurs
8
. C’est cette part d’irrationalité, assortie de ses éléments
constants, des facteurs déterminants que nous avons voulu rassembler
ici pour apporter au lecteur les données nécessaires pour comprendre
la présidence américaine, pour décrypter les décisions présidentielles
et appréhender l’étendue du pouvoir d’un seul homme. Présidence
impériale ou présidence en péril, selon son détenteur, il faut la con-
naître pour l’appréhender avec rigueur. C’est sans doute Truman qui
a su le mieux dépeindre l’institution, lui qui a dû décider de l’emploi
du feu nucléaire sur le Japon. Lui qui, lorsqu’il parvint au pouvoir,
n’était vice-président que depuis quelques semaines : être président,
disait-il, « revient à chevaucher un tigre : soit on se tient en selle, soit
on se fait avaler ».
Les jeunes chercheurs de la Chaire Raoul-Dandurand en études
stratégiques et diplomatiques à l’Université du Québec à Montréal ont
donc entrepris cette chevauchée au long de cet ouvrage. Il est vrai
néanmoins que c’est, comme le disait Raoul Girardet, dans les sen-
tiers battus qu’il y a le plus d’ornières
9
. Dès lors, sans complaisance
et avec rigueur, les auteurs ont voulu ici permettre une plus grande
compréhension de ce qu’est la présidence américaine. Il s’agissait de
5. Voir Arthur M. Schlesinger Jr. (1986). « La présidence impériale : vingt ans après »,
dans Marie-France Toinet.
Et la Constitution créa l’Amérique
, Nancy, Presses
universitaires de Nancy, p. 162.
6. Voir Michel Wieviorka (dir.) (2004).
L’empire américain
, Paris, Balland, p. 19-22.
7. Woodrow Wilson (1885).
Congressional Government
, New York, Houghton
Mifflin, p. 18.
Nota Bene
: à moins d’une mention contraire, toutes les citations présentées dans
cet ouvrage sont traduites par les auteurs.
8. Charles-Philippe David (2004).
Au sein de la Maison-Blanche : la formulation de la
politique étrangère des États-Unis
, Québec, Presses de l’Université Laval, p. 29-30.
9. Raoul Girardet (1986).
Mythes et mythologies politiques
, Paris, Seuil, p. 139.
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XVIII
La présidence des États-Unis
dépasser les idées reçues pour montrer la complexité du gouvernement
américain, l’incidence de la psychologie des présidents, l’importance
des poids et contrepoids et le rôle déterminant de la société civile.
Pour aller au-delà des théories du complot, par essence réductrices et
incomplètes, cet ouvrage permet de prendre la mesure de la diversité
des acteurs qui influencent, soutiennent, altèrent, obèrent la prési-
dence et la performance du président. Cette réalisation est avant tout
le fruit du travail collectif d’une belle équipe de recherche, soutenue
par la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diploma-
tiques. En effet, créé il y a plus de trois ans, l’Observatoire sur les États-
Unis de la Chaire Raoul-Dandurand réunit, sous la présidence du pro-
fesseur Louis Balthazar, les spécialistes des questions américaines dans
le monde francophone. Pôle innovateur en études américaines, il dis-
pose aujourd’hui d’une capacité d’expertise reconnue et produit une
série de publications, en français et en anglais, ainsi que des analyses
en ligne
10
. Ce long travail a également bénéficié du soutien de deux
piliers de la recherche québécoise en science politique sur les États-Unis.
Les professeurs Claude Corbo et Charles-Philippe David ont accepté
de consacrer beaucoup de temps à ce projet, en se pliant notamment
au fastidieux exercice de relecture et en participant à la réflexion
d’ensemble. Nous souhaiterions les remercier ici, tout en soulignant
que nous sommes pleinement responsables des maladresses et omissions
que pourrait comporter ce livre. Je voudrais également saluer per-
sonnellement les personnes qui, en coulisses, ont contribué à l’abou-
tissement de ce projet : le personnel de la Chaire Raoul-Dandurand,
Jacqueline et Jean-Claude Vallet pour leurs patientes et longues relec-
tures, et l’équipe des PUQ pour son appui constant. Je souhaite enfin
remercier tout particulièrement les auteurs de ce livre qui ont accepté,
malgré leurs nombreux engagements, de se lancer dans l’aventure.
Peut-être serons-nous parvenus, tous ensemble, à comprendre le tigre,
à défaut de le dompter.
Élisabeth Vallet
Montréal, le 1
er
juillet 2005
10. Sur le site : <www.dandurand.uqam.ca>.
Avant-propos
XIX
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Les présidents des États-Unis
N
o
Nom Mandats Parti Vice Président(s)
1George Washington 1789-1797 Aucun John Adams
2John Adams 1797-1801 Fédéraliste Thomas Jefferson
3Thomas Jefferson 1801-1809 Démocrate-républicain Aaron Burr puis George Clinton
4James Madison 1809-1817 Démocrate-républicain Elbridge Gerry
5James Monroe 1817-1825 Démocrate-républicain Daniel D. Tompkins
6John Quincy Adams 1825-1829 Démocrate-républicain John C. Calhoun
7Andrew Jackson 1829-1837 Démocrate John C. Calhoun puis Martin Van Buren
8Martin Van Buren 1837-1841 Démocrate Richard Mentor Johnson
9William Henry Harrison 1841-1841 Whig John Tyler
10 John Tyler 1841-1845 Whig Aucun
11 James Knox Polk 1845-1849 Démocrate George M. Dallas
12 Zachary Taylor 1849-1850 Whig Millard Fillmore
13 Millard Fillmore 1850-1853 Whig Aucun
14 Franklin Pierce 1853-1857 Démocrate William R. King
15 James Buchanan 1857-1861 Démocrate John C. Breckinridge
16 Abraham Lincoln 1861-1865 Républicain Hannibal Hamlin puis Andrew Johnson
17 Andrew Johnson 1865-1869 Démocrate Aucun
18 Ulysses Simpson Grant 1869-1877 Républicain Schuyler Colfax puis Henry Wilson
19 Rutherford Birchard Hayes 1877-1881 Républicain William A. Wheeler
20 James Abram Garfield 1881-1881 Républicain Chester A. Arthur
21 Chester Alan Arthur 1881-1885 Républicain Aucun
22 Stephen Grover Cleveland 1885-1889 Démocrate Thomas A. Hendricks
23 Benjamin Harrison 1889-1893 Républicain Levi P. Morton
24 Stephen Grover Cleveland 1893-1897 Démocrate Adlai E. Stevenson
25 William McKinley 1897-1901 Républicain Garret A. Hobart puis Theodore
Roosevelt
26 Theodore Roosevelt, Jr. 1901-1909 Républicain
Aucun
puis Charles W. Fairbanks
27 William Howard Taft 1909-1913 Républicain James S. Sherman
28 Thomas Woodrow Wilson 1913-1921 Démocrate Thomas R. Marshall
29 Warren Gamaliel Harding 1921-1923 Républicain Calvin Coolidge
30 John Calvin Coolidge, Jr. 1923-1929 Républicain Aucun puis Charles G. Dawes
31 Herbert Clark Hoover 1929-1933 Républicain Charles Curtis
32 Franklin D. Roosevelt 1933-1945 Démocrate John Nance Garner puis Henry A.
Wallace puis Harry S. Truman
33 Harry S. Truman 1945-1953 Démocrate Aucun puis Alben W. Barkley
34 Dwight David Eisenhower 1953-1961 Républicain Richard M. Nixon
35 John Fitzgerald Kennedy 1961-1963 Démocrate Lyndon B. Johnson
36 Lyndon Baines Johnson 1963-1969 Démocrate Aucun puis Hubert H. Humphrey
37 Richard Milhous Nixon 1969-1974 Républicain Spiro Agnew puis aucun puis
Gerald Ford
38 Gerald Rudolph Ford, Jr. 1974-1977 Républicain Aucun puis Nelson Rockefeller
39 James Earl “Jimmy” Carter, Jr. 1977-1981 Démocrate Walter F. Mondale
40 Ronald Wilson Reagan 1981-1989 Républicain George H. W. Bush
41 George Herbert Walker Bush 1989-1993 Républicain James Danforth Quayle III
42 William Jefferson Clinton 1993-2001 Démocrate Albert A. Gore, Jr.
43 George Walker Bush 2001-2008 Républicain Richard B. Cheney
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