
Pendant toute cette période, on assiste donc à une lente diminution de la représentation
des soins de santé conçus comme relevant exclusivement de la religion et une place de
plus en plus grande prise par les paiements des patients et par le gouvernement
provincial
. De plus, dès 1847, les médecins s’organisent en Collège et prennent de plus
en plus de pouvoir dans les établissements de santé, ainsi que le font les infirmières à
partir des années 1940, reléguant en à peine 40 ans le rôle et la place des religieuses à la
marginalité (Charles, 2003).
De la même manière, un changement important s’opère au tournant du XXe siècle dans le
rapport de force qui oppose d’un côté la psychiatrie, la psychologie et la psychanalyse à,
de l’autre côté, la religion. Jusqu’aux années 1950, du fait du pouvoir culturel important
de l’Église et de son contrôle des institutions hospitalières (notamment les institutions de
santé mentale) et celles d’enseignement (les deux facultés de médecine francophones
relèvent d’universités catholiques), psychologie, psychanalyse et psychiatrie sont
marginalisées au sein des formations médicales ou dans les institutions de santé
contrôlées par le clergé, en particulier catholique
.
À partir des années 1960, la prise en main des hôpitaux par le gouvernement provincial
accentue le désengagement clérical, qui s’opérait déjà du fait du pouvoir croissant des
médecins et des infirmières, mais également de l’incapacité des organismes privés à
subvenir seuls aux besoins humains, matériels et financiers croissants qu’accompagne la
modernisation de la médecine et de la chirurgie
. La décennie 1970 voit la généralisation
En termes de financement, la charité est donc le parent pauvre des hôpitaux, à moins de comptabiliser
dans la charité le travail non rémunéré des religieuses et qui permet de maintenir les coûts hospitaliers un
peu plus bas qu'ailleurs. En termes de gestion des établissements, c'est moins clair. Du côté anglophone, les
administrateurs de conseils d’administration sont des représentants de la haute bourgeoisie qui inscrivent
cela à leur agenda philanthropique. Mais le directeur général de l'établissement est rémunéré, de même que
le personnel. Du côté francophone, les religieuses gèrent et engagent des laïcs en nombres et en proportions
toujours croissants.
La psychiatrie a longtemps été critiquée au Québec, où la pensée traditionaliste et nationaliste considérait
comme préférables l’approche caritative et asilaire des communautés religieuses aux représentations
pathologiques modernes et les pratiques parfois contestables de la psychiatrie moderne. Pour constater
l’aversion cléricale envers les nouvelles théories psychologiques, il peut s’avérer fort instructif de consulter
l’un ou l’autre petit Guide ou Précis de morale médicale et autres manuels – comme le Morale et médecine
de Paquin (1960) (très utilisé) – rédigés jusqu’aux années 1960, par des prêtres, à l’usage des étudiants en
médecine ou en soins infirmiers. Le rejet clérical pour les interprétations psychologiques – et notamment
sexualisantes – des troubles mentaux y est manifeste.
De plus, les réformes issues de Vatican II étaient largement interprétées par les clercs comme par les laïcs
comme un encouragement au désengagement clérical de ce type d’œuvres sanitaires.