
INFECTIOLOGIE 627
1.2. DUREE DE L’ANTIBIOTHERAPIE PROBABILISTE
Les objectifs sont de limiter l’utilisation des antibiotiques aux seules situations qui
la justifient et de faire un choix raisonné de l’antibiothérapie de façon à obtenir la plus
grande efficacité possible en terme d’éradication bactérienne tout en présentant un
risque d’intolérance faible ainsi qu’un impact sur l’écologie hospitalière et sur la flore
barrière des patients, le plus modeste possible [1-11].
Ainsi, la nécessaire discussion du bien fondé d’une association et le retour lorsqu’il
est possible, à une molécule plus ancienne et/ou de spectre plus étroit, s’intègre dans
les recommandations pour le bon usage des antibiotiques à l’hôpital [1]. Il est sûrement
plus délétère de laisser de façon prolongée une antibiothérapie empirique que de débu-
ter de façon raisonnée et documentée, une antibiothérapie probabiliste même à spectre
large et de la simplifier secondairement après l’avoir réévaluer.
Cette réévaluation doit intervenir entre le 2e et le 3e jour, date à laquelle on dispose
le plus souvent de l’identification bactérienne des germes responsables et de leur profil
de sensibilité. Il faut parfois savoir décider d’un arrêt de l’antibiothérapie probabiliste
quand l’ensemble des données microbiologiques est négatif et orienter alors la recher-
che diagnostique vers une étiologie non infectieuse.
Au-delà du 3ème jour, les situations cliniques justifiant encore une antibiothérapie
probabiliste doivent être exceptionnelles. Cette stratégie n’est réaliste que si les prélè-
vements adéquats, permettant le diagnostic microbiologique, ont été initialement
effectués avant l’administration de la 1ère injection d’antibiotique. En effet, l’impact
d’une antibiothérapie récente sur le résultat des cultures bactériennes des prélèvements
peut être important et doit être pris en compte pour l’interprétation des résultats [12].
Néanmoins, le cas particulier des patients immunodéprimés et du traitement des
infections à germes anaérobies doit bénéficier d’une stratégie différente :
• Les patients leucopéniques (< 1 000 GB.mL-1) ou neutropéniques (< 500 PNN.mL-1)
et fébriles doivent bénéficier d’une antibiothérapie probabiliste prolongée. Cette stra-
tégie a prouvé son efficacité en termes d’amélioration de la survie et elle est bien
documentée dans la littérature médicale [13, 14, 15]. Elle fait appel à des protocoles
parfaitement définis dans les services prenant en charge ces patients.
• De même, la culture des bactéries anaérobies est souvent difficile et plus prolongée
que pour les germes aérobies. Ainsi, lorsque la situation clinique est fortement évo-
catrice d’une infection à bactéries anaérobies (péritonite par perforation colique,
cellulite extensive…), il est légitime de maintenir une antibiothérapie active contre
ces germes pendant au moins 5 jours, temps nécessaire au retour définitif des cultu-
res à condition que des prélèvements adéquats sur milieu spécifiques aient été réalisés
lors de la prise en charge.
Enfin, il n’existe aucun examen bactériologique pour lequel la sensibilité et la spé-
cificité soient absolues. Ainsi, la documentation microbiologique doit être cohérente
avec la situation clinique et doit s’intégrer dans l’ensemble des données cliniques, bio-
logiques et radiologiques pour pouvoir raisonnablement influencer la prescription. Un
prélèvement stérile alors que tout plaide pour une infection bactérienne évolutive ou un
prélèvement monomicrobien dans une situation où l’étiologie plurimicrobienne est très
probable (cas des péritonites par perforation colique) doit pouvoir être remis en ques-
tion sous peine d’exposer le patient à un risque d’échec thérapeutique.
A l’opposé, un prélèvement quantitatif positif, même avec un seuil considéré com-
me significatif, chez un patient ne présentant aucun argument clinique, radiologique ou
biologique de sepsis, doit fortement être suspect de contamination. L’importance de la
qualité de la stratégie diagnostique initiale reposant sur des prélèvements bactériologi-
ques fiables est donc déterminante pour la prescription d’une antibiothérapie de qualité.