La varroase

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Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1982, 1 (4), 1177-1189.
La varroase
M.E. COLIN*
Résumé : La varroase est une maladie parasitaire des abeilles dont
l'agent pathogène Varroa jacobsoni a été identifié en 1964 en Europe
de l'Est. Depuis cette époque, la maladie s'est répandue dans de nombreux pays en raison de sa grande contagiosité et a détruit des milliers
de ruches.
L'auteur décrit d'abord l'anatomie de l'agent pathogène, son mode
d'alimentation et son cycle évolutif. La contamination est assurée par
les abeilles adultes ou par le couvain. Apis mellifica est très sensible à
l'infestation à la différence d'Apis cerana. Les effets exercés par les
parasites sur les abeilles sont essentiellement de nature irritative et spoliatrice.
La Symptomatologie de la varroase se caractérise par une période
prépatente très longue (au moins deux ans) et une fréquente association
avec des maladies microbiennes intercurrentes. Le diagnostic repose sur
la recherche des acariens (sur les abeilles adultes, le couvain, les débris
hivernaux) mais surtout sur le résultat du traitement d'épreuve. Les
modalités de traitement et les principaux produits utilisables ainsi que
les mesures de prophylaxie sanitaire sont présentés dans la dernière partie de l'article.
Synonymes : varroatose, varroose.
La varroase est une maladie parasitaire grave, très contagieuse, qui atteint
les abeilles adultes et le couvain; elle est due au développement et à la multiplication d ' u n acarien parasite externe macroscopique, Varroa jacobsoni
(Oudemans). Cette parasitose est commune à Apis cerana et à Apis mellifica.
ÉPIDÉMIOLOGIE - HISTORIQUE
Apis cerana porte en effet ce parasite, trouvé fortuitement par Jacobson
sur l'île de Java. Cependant, cet acarien n'est même pas signalé comme étant
pathogène, dans les observations acarologiques d'Oudemans (7). Plus tard,
en 1939, Toumanoff (9), spécialiste des maladies des abeilles, mentionne la
découverte fortuite de cet acarien par une apicultrice indochinoise, sans lui
* Ministère de l'Agriculture, Direction de la Qualité, Services vétérinaires, Laboratoire
national de pathologie des petits ruminants et des abeilles, 63, avenue des Arènes, 06000 Nice
(France).
— 1178 —
accorder un intérêt de pathologiste. De même, en Oussourie soviétique, Varroa a été signalé une première fois en 1950 sur Apis cerana. Les années suivantes, la présence du parasite fut décelée dans toute l'aire géographique
d'Apis cerana (selon les observations de Kœniger (6), la maladie frapperait
seulement les mâles d'Apis cerana). Le passage du parasite sur Apis mellifica
semble dater des années 1960. Car, dans la région soviétique d'Oussourie,
Poltev fit une étude approfondie sur une maladie inhabituelle des abeilles
mellifiques mais cet excellent clinicien ne conclut pas à la présence de Varroa
jacobsoni entre les années 1946 et 1963. Et c'est en 1964 que l'acarien fut
découvert sur Apis mellifica dans cette même zone. Puis, en moins de dix
années, la plupart des ruchers de l ' U . R . S . S . furent atteints, du fait de la
transhumance et du commerce intérieur. Il est aussi probable que le même
phénomène d'adaptation se soit produit dans d'autres régions de brassage des
deux espèces d'abeilles. C'est à partir de ces lieux que la parasitose a été rapidement propagée lors des mouvements commerciaux : ainsi l'Amérique du
Sud a été contaminée par des abeilles importées du J a p o n , qui lui-même avait
acheté des colonies dans l'archipel indonésien.
Dans de nombreux pays, la varroase est considérée comme étant la plus
grave maladie connue à ce jour chez l'abeille domestique. P a r exemple, les
pertes se sont chiffrées en centaines de milliers de ruches rien que pour
l'Europe de l'Est.
ÉTIOLOGIE
A. L ' A G E N T P A T H O G È N E
Embranchement :
Sous-embranchement
Classe :
Ordre :
Sous-ordre :
Famille :
Sous-famille :
Genre :
Espèce :
1.
Arthropodes
Chélicérates
Arachnides
Acariens
Parasitiformes
Dermanissidae (Gamasidae ?)
Varroïnae
Varroa
V. jacobsoni
Anatomie.
La description porte d'abord sur la femelle adulte de l'acarien car elle
représente la forme de dissémination et de résistance de l'espèce hors du couvain d'abeilles.
La femelle de Varroa jacobsoni mesure environ 1,1 m m de long sur
1,6 mm de large; sa coloration varie du marron clair au m a r r o n foncé; sa
1179
forme est elliptique avec une légère concavité de la partie supérieure de la
carapace; le corps n ' a pas la possibilité de se dilater. Elle est donc visible à
l'œil nu.
Toutes les parties de son corps sont recouvertes de soies plus ou moins
longues ou ondulées.
L'idiosome est constitué de plusieurs plaques cuticulaires. Il porte ventralement quatre paires de pattes courtes et puissantes, chacune terminée par
une ventouse. La première paire de pattes porte des sensilles chémoréceptrices.
Le gnathosome se trouve en avant du corps et fait légèrement saillie. Les
pédipalpes mobiles recouverts de nombreux poils servent d'organes du toucher. Sous les pédipalpes, l'orifice gnathosomal s'ouvre entre les chélicères
qui ont un double rôle sensitif et mécanique dans la perforation de la cuticule
de l'abeille. U n pharynx musculeux permet la succion de l'hémolymphe de
l'hôte après la piqûre.
A l'extrémité postérieure se situe l'orifice anal. Les deux stigmates respiratoires sont placés ventralement et antérieurement; ils sont entourés par un
péritrème muni d ' u n tube péritrémal mobile. L'orifice génital est caché par la
plaque ventrale.
Le mâle et les formes immatures de Varroa jacobsoni n'existent q u ' à
l'intérieur du couvain operculé. Le mâle mesure environ 0,8 mm de diamètre.
Il est grossièrement sphérique, de couleur blanc-gris ou jaune. Sa carapace est
molle. Son appareil buccal n'est pas adapté à la succion de l'hémolymphe.
Les chélicères modifiés permettent le transport des spermatophores.
Les œufs de Varroa jacobsoni sont blanchâtres, entourés d'une enveloppe
contenant le vitellus. Ils mesurent 0,5 m m . La larve enfermée dans la membrane de l'œuf est grossièrement sphérique et mesure 0,5 mm de diamètre.
On distingue les trois paires de pattes et les chélicères.
Les protonymphes issues des larves sont mobiles, mesurent 0,7 mm et
sont de couleur blanchâtre. Il est très difficile de distinguer mâles et femelles
à ce stade.
Les deutonymphes femelles ont à peu près la forme et la taille de l'adulte
mais sont de coloration blanche; il en est de même pour les deutonymphes
mâles qui ressemblent à l'adulte mais sont plus petits et de forme globuleuse
par r a p p o r t à la femelle.
2.
Alimentation.
a) Aux dépens des abeilles adultes :
Seule la femelle de Varroa jacobsoni est parasite des adultes, mâles de
préférence, ouvrières ou reine.
— 1180 —
Les acariens sont portés plus fréquemment par les faux-bourdons ou les
ouvrières récemment écloses qui ne quittent pas la ruche.
Les jeunes femelles de Varroa jacobsoni restent au minimum 4 à 5 jours
sur l'abeille adulte avant d'aller parasiter une larve d'abeille. Selon Smirnov,
un parasite femelle pesant 0,3 mg ferait une prise d'hémolymphe de 0,1 mg
toutes les deux heures pendant la période d'été.
Les protéines de l'abeille passent pratiquement intactes dans l'hémolymphe du parasite, puis plus tard contribuent à la vitellogenèse du Varroa (8).
b) Aux dépens du couvain d'abeilles :
La femelle de l'acarien semble dépendre du stade de développement de
son hôte pour le déclenchement de sa propre ponte. Néanmoins, elle aspire
l'hémolymphe des formes immatures de l'abeille à n'importe quel stade. Les
proto- ou deutonymphes des femelles de Varroa jacobsoni sont parasites
alors que les mâles seraient détritivores.
3.
Cycle.
Chez Apis cerana, le cycle de reproduction n'est complet que dans les
alvéoles du couvain mâle : la femelle de Varroa jacobsoni peut être présente
dans le couvain d'ouvrières mais alors la ponte n'est pas déclenchée.
Au contraire, le couvain de mâles ou d'ouvrières d'Apis mellifica permet
la reproduction du parasite.
La femelle fécondée se glisse dans l'alvéole juste avant l'operculation;
plusieurs acariens sont capables d'infester la même cellule; ainsi, il est fréquent de trouver cinq à dix femelles dans un alvéole de faux-bourdon. La
ponte débute après que la larve ait tissé son cocon, c'est-à-dire au stade
prénymphal. Chaque femelle dépose de 2 à 8 œufs sur les parois de la cellule.
Le nombre d'œufs pondus dépend partiellement de la saison. A u printemps,
la ponte est maximale, puis diminue quand l'activité de la colonie baisse (le
couvain mâle n'est plus présent) et s'arrête lorsque les abeilles sont en hivernage. Pendant la mauvaise saison, le couvain est en principe absent, mais il
arrive que la gêne causée dans la grappe d'abeilles par la présence du parasite
induise une température suffisante pour la ponte de la reine. Les œufs de
Varroa mûrissent isolément et sont pondus de même. L'embryogénèse dure
24 heures. La transformation de la larve en protonymphe nécessite 24 heures.
Cette phase dure trois jours chez le mâle, cinq jours chez la femelle. Le stade
deutonymphal persiste un jour ou deux.
Finalement, le développement complet du parasite mâle adulte s'étale sur
6 ou 7 jours et celui du parasite femelle sur 8 à 9 jours. L'accouplement a lieu
aussi dans la cellule operculée. Le mâle meurt alors. Les parasites adultes sortent de l'alvéole en même temps que la jeune abeille. Un délai de maturation
d'au moins cinq jours est nécessaire à la jeune femelle avant de pondre. Une
femelle fondatrice de ce parasite ne peut que rarement entreprendre un
second cycle de ponte.
— 1181 —
La durée de vie des acariens femelles est de l'ordre d ' u n mois en période
de reproduction et d'environ six mois sur la grappe d'abeilles pendant la
mauvaise saison.
B. M O D A L I T É S D ' I N F E S T A T I O N
La source de contamination est représentée soit par les abeilles adultes,
quelle que soit leur caste, soit par le couvain. Le rôle des colonies sauvages
est important. La survie des femelles de Varroa jacobsoni hors de leur hôte
ne peut excéder dix j o u r s . Cependant, ce délai assez bref autorise quand
même des contaminations indirectes par des parasites portés par du matériel
apicole n'ayant pas subi une quarantaine adéquate. Certains auteurs ont
remarqué q u ' u n acarien déposé sur une fleur pouvait infester une autre
abeille pendant le butinage. Les guêpes ou les bourdons ne sont qu'exceptionnellement vecteurs de parasites. Le mode essentiel de contamination est donc
direct.
Dans le rucher, le pillage, la dérive des butineuses, les errements des fauxbourdons, les manipulations de l'apiculteur sont les principales causes
d'extension de la parasitose.
De rucher à rucher, la contamination naturelle survient par le pillage, la
dérive ou le vol nuptial de la reine. Selon Smirnov (5), le délai d'infestation
est de 32 jours si les ruchers sont distants de 100 m, de 73 jours si l'intervalle
est de 500 m . E n trois mois (belle saison), l'extension naturelle est de 6 à
11 km, toujours selon cet auteur.
Cette vitesse de propagation naturelle est négligeable par rapport à celle
occasionnée par la transhumance des ruches ou le commerce national ou
international de matériel biologique.
C. F A C T E U R S D E R É C E P T I V I T É
L'espèce j o u e un rôle important puisque Apis cerana ne subit que peu de
dommages, car seul son couvain mâle est infesté gravement, alors que le
même parasite détruit les colonies d'Apis mellifica.
Il semble aussi que des facteurs raciaux puissent être distingués.
Les facteurs climatiques interviennent dans la mesure où ils influencent le
comportement de la colonie; par exemple, la présence de couvain pendant la
plus grande partie de l'année dans les pays méditerranéens modifie le cycle
saisonnier de la parasitose. Le rôle des essaims sauvages est plus important
pour l'extension de la maladie dans ces mêmes pays.
La conduite des colonies est le facteur essentiel de la réceptivité des populations. L'élimination des colonies faibles ou orphelines est une mesure indispensable pour la limitation de cette maladie en particulier. L'âge de la reine
— 1182 —
influence aussi la parasitose. Le nourrissement des colonies semble aussi très
important. Selon Smirnov, la mort de la colonie est inévitable si les acariens
sont au taux de 14 pour 100 abeilles et si la colonie a reçu 10 kg de sucre en
nourrissement. Cette issue fatale ne se produit naturellement q u ' a u taux de
50 acariens pour 100 abeilles.
PATHOGÉNIE
1.
Action mécanique et irritative.
L'abeille adulte, ouvrière ou faux-bourdon, subit un ralentissement de
son activité si elle porte plusieurs parasites qui occasionnent une surcharge.
Dans le couvain, il semble que l'acarien ait une action irritative sur la
larve d'abeille, qui se traduit par quelques mouvements désordonnés.
2. Action spoliatrice.
Une action spoliatrice globale en protéine a été démontrée. Elle peut aller
jusqu'à 2 0 % du taux de protéines de la nymphe. Le nombre d'hémocytes
diminue aussi. Une spoliation sélective n ' a pas encore été mise en évidence.
Le bilan de cette action se traduit toujours par une diminution de la longévité des abeilles parasitées et aussi par une baisse de l'activité des reproducteurs.
De plus, quand l'infestation des nymphes d'abeille est très importante,
elle provoque des malformations des imagos.
3. Action toxique.
Elle n ' a pas été mise en évidence.
4. Action vectrice.
Les lésions de la cuticule occasionnées par la piqûre de Varroa jacobsoni
sont des portes d'entrée pour des infections secondaires. L'acarien peut aussi
transporter des agents pathogènes de l'abeille qui compliquent la parasitose.
SYMPTÔMES
1. A u niveau du rucher.
Après une période prépatente d'au moins deux ans, les premières mortalités surviennent souvent en automne. Elles sont très importantes et intéressent
la majeure partie des colonies du rucher. Cet affaiblissement brutal entraîne
irrémédiablement la perte des ruches dans les années suivantes.
— 1183 —
2.
A u niveau de la ruche.
On constate la présence de nombreux cadavres d'abeilles adultes, ouvrières ou faux-bourdons parasités par plusieurs femelles de Varroa. Le nombre
d'acariens peut dépasser la dizaine. On note aussi la présence de nymphes ou
de jeunes abeilles mutilées. Les ailes sont souvent plissées, raccourcies. Les
malformations sont moins fréquentes sur les autres parties du corps.
L'activité de butinage ou d'élevage du couvain est fortement réduite, et la
désorganisation de la structure sociale de la colonie s'ensuit à un rythme de
plus en plus rapide.
Après ouverture de la ruche, le couvain apparaît disséminé. La ponte de
la reine est considérablement ralentie. Seul le couvain ouvert est sain, car la
multiplication du parasite s'effectue dans l'alvéole operculé.
Généralement, les opercules restent intacts j u s q u ' a u moment de l'éclosion
de l'abeille. Si la prénymphe ou la nymphe a succombé à un parasitisme trop
important, l'opercule est alors percé par les abeilles nettoyeuses ou peut-être
par les Varroa. On remarque facilement les excréments des acariens, qui se
présentent sous la forme de longues traînées blanches contrastant avec la couleur sombre de l'alvéole. Ce dernier symptôme est encore plus nettement visible dans les larges cellules de faux-bourdons, qui sont préférentiellement
infestées.
En conclusion, il est important de souligner :
— la fréquence d'autres maladies du couvain associées à la varroase,
puisque l'acarien est parfois vecteur d'autres agents pathogènes pour
l'abeille;
— la durée de la période prépatente (au moins deux années), avec ses conséquences en matière de diagnostic et d'extension de la parasitose.
DIAGNOSTIC
Le diagnostic consiste à mettre en évidence le parasite, soit par des
moyens physiques, soit après un traitement d'épreuve.
1.
Moyens physiques.
— Recherche
des Varroas portés par les ouvrières
adultes,
de
préférence
jeunes. O n prélève quelques centaines d'abeilles adultes que l'on ébouillante
ou que l'on endort à l'éther, de façon à détacher les acariens de leurs hôtes.
Ceux-ci tombent dans le récipient au travers d ' u n petit tamis destiné à retenir
les abeilles. Cette technique est peu sensible et ne permet pas de déceler l'acarien dès la première année de l'infestation.
— Recherche
des acariens dans le couvain
mâle. O n désopercule une cen-
taine de cellules et on examine une à une les nymphes et les alvéoles pour
1184
déceler la présence du parasite. Cette technique est plus sensible que la précédente mais ne semble être efficace que si le nombre d'acariens dans la colonie
est supérieur à cent.
— Recherche des acariens dans les débris hivernaux. Sur le plancher des
ruches on place une feuille de papier fort recouverte d ' u n treillis avec des
mailles de 3-4 m m . Ce dispositif sert à recueillir les acariens morts pendant
l'hiver sans que les abeilles puissent nettoyer le plancher de la ruche. La présence éventuelle d'acariens est décelée soit après décantation des débris dans
l'alcool à 5 0 % , soit après avoir fait bouillir les débris quelques minutes dans
l'eau. Les acariens tombent alors au fond. Cette technique est la plus sensible
d'entre les moyens physiques.
2.
Traitement d'épreuve.
Les meilleurs résultats sont obtenus par ce procédé. La présence du parasite peut être remarquée dès la première année de l'infestation. Il faut bien
sûr mettre en place une feuille sur le plancher de la ruche pour recueillir les
acariens tués. P o u r le choix des produits les plus actifs, voir plus loin le paragraphe : « Chimiothérapie ».
3.
Diagnostic différentiel.
a) Braula caeca ou pou de l'abeille :
Insecte de l'ordre des Diptères et de la famille des Braulidae. A l'œil nu,
ce parasite externe de l'abeille est difficile à distinguer du Varroa, car il a
approximativement la même taille et la même couleur. L'examen à la loupe
permet la reconnaissance de l'insecte.
b) Acariens parasites du couvain :
Tropilaelaps clareae (Laelaptidae) : En zone tropicale, ce parasite occasionne de grands dégâts dans les ruchers d'Apis mellifica et les colonies
d'Apis dorsata.
Neocypholaelaps indica (Laelaptidae) : Parasite d'Apis cerana.
c) Autres acariens de la ruche :
D'après les travaux de Grobov (3), plus de 100 espèces d'acariens ont été
inventoriées dans la ruche.
PRONOSTIC
Le pronostic dépend essentiellement de la précocité du diagnostic. Si l'on
attend les premiers symptômes cliniques, la perte de la colonie est inéluctable.
A ce stade, il est préférable de ne pas traiter mais d'éliminer la colonie.
Si la présence du parasite est décelée suffisamment tôt, le recours aux traitements médicamenteux, associés ou non à certaines techniques d'élevage,
1185
permet une production quasi-normale. Cependant, les recontaminations sont
très fréquentes, ce qui conduit à envisager l'arrêt des traitements avec la plus
grande prudence.
TRAITEMENT
A. T E C H N I Q U E S A P I C O L E S D E L I M I T A T I O N DE L ' I N F E S T A T I O N
L'idée directrice est de piéger les acariens femelles dans un fragment de
cadre et ensuite de détruire les alvéoles contaminés. Dans cette optique, on a
recours à l'emprisonnement de la reine sur un cadre, après avoir ôté le couvain ouvert. L'acarien est donc obligé de parasiter les cellules du cadre où se
trouve la reine d'abeilles, pour assurer sa reproduction. De même, l'apiculteur peut favoriser l'élevage de couvain mâle sur un cadre précis, en vue de
l'éliminer une fois que ces mêmes cellules seront operculées.
D'autres techniques plus complexes sont employées et souvent associées à
un traitement médicamenteux. P a r exemple, la production d'essaims s'accompagne d'une application d'acaricide sur chaque essaim nouvellement formé.
D ' u n e façon générale, les résultats sont bons bien que les acariens ne
soient pas tous éliminés, mais les nombreuses manipulations qui sont nécessaires entraînent une charge économique importante, incompatible avec une
apiculture de haut rendement.
B. C H I M I O T H É R A P I E
Le médicament miracle réclamé par les apiculteurs de tous les pays existet-il actuellement ? Certes non. Beaucoup d'acaricides ont été proposés, mais
ils ont tous une activité partielle, comprise entre 50 et 9 9 % , et variable selon
les colonies, les climats, les races d'abeilles, l'époque du traitement, etc. Dans
la grande majorité des cas, seuls les acariens portés par les abeilles adultes
sont accessibles à l'activité des substances thérapeutiques. Les parasites enfermés dans le couvain operculé ne sont jamais ou sont très partiellement
atteints. Dans ce but, quelques préparations à action systémique ont été
essayées mais sans résultats vraiment indiscutables. Il faut encore signaler
l'apparition de résistance de quelques souches de Varroa à certains acaricides. Les auteurs japonais notent l'utilisation de doses croissantes de phénothiazine et de tétradifon.
1.
a)
Composés à propriétés acaricides d'utilisation ancienne et phénothiazine.
Soufre.
On effectue un traitement par combustion de soufre trois fois par mois,
mais le dosage doit être strictement respecté, soit 0,2 g/ruche. On observe
une assez grande mortalité d'abeilles adultes.
— 1186 —
b) Naphtaline.
Généralement utilisée en poudrage (0,5 g par espace compris entre
2 cadres). Deux traitements à 10 jours d'intervalle. Il existe un risque de passage dans le miel. D'autre part, il faut agir à basse température.
c) Mélange soufre 2 parties-naphtaline 10 parties.
8 à 10 g par colonie.
d) Thymol.
Utilisable en poudre à raison de 2 à 5 g par colonie ou p a r évaporation à
partir d ' u n tampon imbibé de 10 g de solution. Traitement employé surtout
en U . R . S . S .
e) Menthol.
Essayé en évaporation lente, il a peu de vertus acaricides.
f) Acide formique.
Des flacons munis d'une mèche permettent une évaporation de 6-8 ml
d'acide formique à 9 8 % par jour. La durée du traitement est de 4 semaines.
Le respect strict des doses conditionne l'absence de toxicité pour le couvain.
Cette substance a surtout été essayée en Allemagne par Ritter (1).
g) Phénothiazine.
Largement répandue, elle est présentée sous forme de poudre qui est distribuée à raison de 1,5 g/colonie ou sous forme de tickets ou tablettes fumigènes à une dose variant entre 0,75 g et 1,5 g. Elle est aussi la base de mélanges (ND* : Z P K 15, Varroasin).
2. Acaricides organiques de synthèse.
2.1. Carbinols - groupe souvent rattaché à celui du D.D.T. contenant des
acaricides spécifiques.
a) Chlorbenzilate (pratiquement abandonné en agriculture). N D : Folbex.
Utilisé à doses assez élevées quatre fois à trois jours d'intervalle, au printemps et à l'automne.
b) Dicofol. N D : Keltane.
Acaricide d'origine américaine, réputé non dangereux pour les abeilles,
employé 4 fois à trois jours d'intervalle au printemps et à l'automne par
aspersion des abeilles.
c) Bromopropylate.
Acaricide ovicide de contact, de rémanence assez longue, il est utilisé en
solution à 2 - 3 % par aspersion. On l'essaie actuellement sous forme de ticket
fumigène. N D : Folbex fort.
* Nom déposé.
— 1187 —
d) Mélanges.
N D : Sinéacar, contenant du chlorbenzilate, du bromopropylate et du
tétradifon. Cette p o u d r e est pratique d'emploi mais d'efficacité variable; elle
n'est pas toxique pour le couvain. Traitement largement utilisé en Roumanie
(Marin, 4).
2.2.
Sulfones.
Elles sont en général recommandées pour la destruction des œufs et des
larves d'acariens phytopathogènes. Employées quand même en apiculture,
elles sont peu toxiques pour l'abeille.
a) Chlorfénizon : Ethersulfonate (ND).
En combustion deux fois, à une semaine d'intervalle.
b) Tétradifon : Tédion, Sulfenon (ND), d'origine hollandaise.
P r o v o q u e la stérilité de certaines femelles d'acariens. Réputé non dangereux pour les abeilles. Administré en poudrage, trois fois à une semaine
d'intervalle.
c) Chlorfensulfide.
Actif sur les acariens phytophages, il est associé à un carbamate dans le
Milbex (ND) en p o u d r e ou en combustion, deux à trois fois à deux jours
d'intervalle.
2.3.
Organophosphorés.
Malathion.
Les vapeurs de ce composé ont un effet acaricide certain mais il est d'une
utilisation délicate car il a aussi des propriétés insecticides.
2.4.
Quinoxaline.
Chinométhionate (ND : Varrostan).
Acaricide spécifique. Le traitement s'effectue par combustion d'une boîte
en haut des cadres, quatre fois à une semaine d'intervalle.
2.5.
Formamidine.
Chlordiméforme (ND : Galekron : fumigation, ou K 79 : action systémique).
Très actif sous forme de K 79, mais son homologation semble difficile en
raison de certaines propriétés secondaires. U n e des premières substances à
action systémique essayée p a r Ruttner (1).
PROPHYLAXIE
Elle consiste en la protection des ruchers indemnes et en l'éradication des
foyers de maladies. Mais des particularités de l'apiculture telles que l'étendue
de l'aire de butinage des insectes, la très grande mobilité des ruchers (transhumance) ou le commerce intensif d'essaims et de reines, font que les foyers de
— 1188 —
maladies sont mal délimités et que bien des élevages sont contaminés et déplacés avant d'être contrôlés.
Cependant, il est d'abord logique de protéger un pays indemne par une
prohibition des importations, même en provenance de pays se déclarant
indemnes. Bien que nécessaires, ces mesures ne peuvent pas, de toute façon,
enrayer l'extension naturelle de la maladie et les premiers cas de parasitose se
déclareront. Du fait de la longueur de la période prépatente de l'épizootie
(deux ans) et de la mobilité des ruchers, il faut d'emblée déclarer l'ensemble
du territoire suspect de cette parasitose et inciter les éleveurs à entreprendre
des diagnostics par traitement d'épreuve dans le double but de connaître les
foyers d'infection et de diminuer les conséquences économiques et épidémiologiques de l'expression clinique brutale de la maladie. Seules les ruches fortes des ruchers situés dans la zone d'observation autour des foyers subiront le
traitement complet de la parasitose.
De cette façon, les sources de parasites seront connues et fortement réduites sans que l'apiculteur subisse un préjudice économique trop dissuasif.
La protection des élevages sains consistera d'abord à éviter les sources de
contamination, comme les zones de maladies ou l'introduction de matériel
biologique sans garantie sanitaire. Et, plus encore que pour les autres maladies, il sera essentiel de surveiller l'état sanitaire du rucher régulièrement et de
garder des colonies fortes à reine jeune.
L a varroase fait l'objet d'un chapitre du Code Zoo-sanitaire International
de l ' O . I . E . (ch. 3.8.2.).
VARROASIS. — M.E. Colin.
Summary : Varroasis is an invasive disease of bees the causative pathogen of
which, Varroa jacobsoni, was identified in 1964 in Eastern Europe. Since that
time, the disease has spread over many countries because of its high contagiousness, leading to the destruction of thousands and thousands of hives.
First the morphology, feeding behaviour and development cycle of the
pathogen are described. The disease is transmitted by adult bees or by the
brood. Contrary to Apis cerana, Apis mellifica is highly susceptible to infestation. The action of the parasite on bees is mainly of an irritative and spoliatory
nature.
Symptomatology of varroasis is characterised by a very long prepatent
period, extending over at least two years, and frequent combination with intercurrent microbial diseases. Diagnosis is based on the finding of Varroa mites on
adult bees, the brood and winter litter, but above all on test treatment results.
The final part of the paper gives information on treatment procedures and the
main chemicals which can be used, as well as on sanitary control measures.
—
1189 —
LA VARROASIS. — M.E. Colin.
Resumen : La varroasis es una enfermedad parasitaria de las abejas cuyo agente
patógeno Varroa jacobsoni fue identificado en ¡964 en Europa oriental. Desde
entonces, se ha venido propagando la enfermedad por muchos países, debido a
su gran contagiosidad, destruyendo miles de colmenas.
Describe el autor primero la anatomía del agente patógeno, su forma de alimentación y su ciclo evolutivo. La contaminación la llevan a cabo las abejas
adultas o la cresa. Apis mellifica es muy sensible a la infestación a diferencia de
Apis cerana. Los efectos ejercidos por los parásitos en las abejas son principalmente de índole irritativa y espoliadora.
Se caracteriza la sintomatologia de la varroasis por un período prepatente
muy largo (por lo menos dos años) y una frecuente asociación con enfermedades microbianas intercurrentes. El diagnóstico se basa en la indagación de los
ácoros (en las abejas adultas, la cresa, los residuos invernales), pero sobre todo
en el resultado del tratamiento de prueba. En la última parte del artículo, se
presentan las modalidades de tratamiento y los principales productos utilizables, así como las medidas de control sanitario.
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BIBLIOGRAPHIE
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