LES VOIx DU DIABèTE: ce que j`aurais souhaité que me dise le

DiabetesVoice Septembre 2014 Volume 59 Numéro 3
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LES VOIX DU DIABÈTE:
Ce que j'aurais
souhaité que me dise
ledecin au moment
du diagnostic
Vous souvenez-vous du jour où votre diabète
a été diagnostiqué et de ce que vous avez
ressenti lorsque le médecin vous a expliqué
pourquoi vous ne vous sentiez pas bien ?
« Vous avez développé une condition appelée
diabète. »
De nombreuses personnes ressentent un
sentiment de perte immense, conscientes
que le diabète est incurable et requiert un
traitement et une gestion intensifs. La majorité
des gens, voire la totalité, ne savent pas grand
chose à propos du diabète et auront besoin
d'une éducation à l'autogestion du diabète
(EAGD) et d'une assistance à l'autogestion
du diabète (AAGD) considérables pour aller
de l'avant en toute confiance.
Diabetes Voice a rencontré cinq personnes
atteintes de diabète de type 1, de diabète de
type 2 et de diabète LADA et leur a demandé
de repenser au jour du diagnostic de leur
diabète et, le cas échéant, d'expliquer ce
qu'elles auraient souhaité que leur dise le
médecin au moment du diagnostic...
Le résultat est souvent choquant, et montre
que le combat contre le diabète débute
généralement ce jour-là, dans le cabinet
de consultation. Le premier échange et les
premières consultations influencent souvent
ce qui se passe les jours, les mois, voire les
années, qui suivent.
diabète et société
DiabetesVoice
Septembre 2014 Volume 59 Numéro 3 63
« Début des années 1980, ma prise de sang a indiqué la présence d'un "diabète sucré", mais mon médecin ne m'en a
jamais rien dit. Puis, en 1984, un test de laboratoire a indiqué que ma glycémie dépassait 200 mg/dl [11,1 mmol/l].
Mon nouveau médecin m'a annoncé que j'avais le diabète et que j'aurais besoin d'insuline jusqu'à la fin de mes
jours ! Il m'a expliqué comment faire moi-même les injections dans les cuisses, les bras ou le ventre à l'aide d'une
orange. J'ai quitté son cabinet avec de l'insuline, des seringues et une orange, mais sans rien savoir du diabète.
Ma glycémie était testée trois fois par semaine au cabinet du médecin basé à l'hôpital. Le seul sujet abordé concer-
nant mon diabète était la quantité d'insuline que je devais m'injecter. Je n'ai jamais parlé de mon diabète à personne
et mes journées de travail de douze heures ont repris. J'omettais fréquemment les injections d'insuline, ainsi que
le petit-déjeuner et le déjeuner. L'intérêt des divers professionnels médicaux pour mon état de santé se limitait à
poser la question "Où en est votre diabète ?". Je répondais en affirmant que je n'avais pas "besoin" d'insuline, voire
que je n'avais pas le diabète.
Mon éducation au diabète a réellement débuté après que j'ai subi un quadruple pontage en 2000. J'ai alors appris
l'importance de l'alimentation et de l'activité physique, de réaliser plusieurs tests de glycémie par jour et d'ajuster
quotidiennement ma dose d'insuline.
Au vu de toutes les informations publiques concernant les conséquences négatives du diabète sur l'organisme,
comment ai-je pu négliger autant la gestion de mon diabète jusqu'à ma crise cardiaque ? Pour moi, il faut remonter
à 1984 pour avoir la réponse. Un médecin que j'estimais et en qui j'avais confiance ne m'a pas dit grand chose à
propos du diabète.
Aujourd'hui, je vis avec de nombreuses complications. Après être passé entre les mains de six médecins différents,
j'ai compris que la gestion de mon diabète dépendait de moi. À l'heure actuelle, je m'injecte de l'insuline bolus cinq
fois par jour au moment des repas et de l'insuline basale une fois par jour. Je prends en outre quinze médicaments
sur prescription par voie orale. L'ironie de la chose veut que mes principaux éducateurs en diabète aient été d'autres
personnes atteintes de la condition et les médias, pas mes médecins. »
diabète et société
Une personne atteinte de diabète de type 2
John Morrison, 73 ans,
Connecticut, États-Unis
DiabetesVoice Septembre 2014 Volume 59 Numéro 3
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« Lorsque mon diabète de type 1 a été diagnostiqué dans une salle d'urgence à l'hôpital en 1976,
à l'âge de 12 ans, ma glycémie avoisinait les 1 500 mg/dl. Je m'étais effondrée à l'école sans raison
apparente. Je mesurais 1 m 65 pour 27 kg environ. J'étais faible et à la limite d'un coma ACD
(acidocétose diabétique), mais toujours consciente. Après que nous avoir informés, mes parents et
moi, que j'avais développé un diabète de type 1, le médecin de garde a pris le relais de l'infirmière
pour me conduire dans l'unité de soins intensifs. Tandis qu'il poussait le lit à travers les couloirs,
il m'a expliqué que je mourrais prématurément si je ne faisais pas mes injections d'insuline, mais
que, de toute façon, je souffrirais probablement de cécité et subirais sans doute une amputation.
Il a poussé le lit jusqu'à une fenêtre de la clinique externe du diabète de l'hôpital afin que je puisse
voir de mes propres yeux les victimes du diabète. J'étais tellement mal que je pouvais à peine tenir
la tête droite mais il m'a obligée à regarder dans les yeux un homme amputé d'une jambe assis
dans une chaise roulante, avant de m'ordonner de regarder une jeune femme avec des bandages
sur les yeux. En route vers le bureau des infirmières, il m'a informée que je ne pourrais pas avoir
d'enfants et que je pouvais m'estimer heureuse si j'étais toujours en vie à 35 ans. Il a également
fait part à mes parents de son avis dans une version plus polie le jour suivant.
Les enfants peuvent faire preuve de beaucoup d'intuitivité. Malgré mon état de faiblesse, je sa-
vais que je vivais une expérience bizarre. Quelque chose m'a dit que cette chose appelée diabète
rendait les gens fous.
Déterminée à triompher de cet avenir bien sombre avec le diabète, je me suis fait le serment
(tandis que je reposais seule sur mon lit d'hôpital cette nuit-là) de vaincre cette maladie dont je
savais si peu de choses. Bien que de nombreuses personnes atteintes de diabète aujourd'hui soient
solides et aient appris à gérer les hauts et les bas, le fardeau émotionnel peut être immense. Je dois
avouer que les propos du médecin, l'horreur des complications et les tactiques d'intimidation
similaires utilisées par d'autres professionnels médicaux ont laissé des cicatrices qui ont mis des
années à guérir. Une fois que j'ai récupéré, j'ai repris suffisamment confiance en moi pour me
mettre en quête d'une équipe médicale faisant preuve de compassion. Aujourd'hui, je vis sans
complications majeures et j'ai une magnifique fille de 14 ans. »
Elizabeth Snouffer est rédactrice de Diabetes Voice et
fondatrice de www.diabetes247.org.
diabète et société
Une personne atteinte de
diabète de type 1
DiabetesVoice
Septembre 2014 Volume 59 Numéro 3 65
« Le jour où mon diabète a été diagnostiqué en 2000, j'étais enceinte de mon premier fils. Mon médecin m'a
expliqué que j'étais à la limite du diabète gestationnel, ce qui, d'après elle, était bizarre car j'étais jeune et
mince et ne faisais donc pas partie des personnes à haut risque de diabète. Elle m'a affirmé que tout ce que
je devais faire était d'éviter de manger des sucreries telles que des biscuits et des gâteaux. Elle n'a fait aucune
allusion aux glucides en général ou à la surveillance de la glycémie. Elle ne m'a pas non plus expliqué qu'une
glycémie élevée pouvait avoir des conséquences négatives pour mon bébé.
Toutes les informations que j'ai lues à propos du diabète gestationnel disaient de suivre les instructions du
médecin. C'est donc ce que j'ai fait. J'ai évité les biscuits et les gâteaux et, pour satisfaire mes envies de sucré,
j'ai mangé des fruits et bu du jus de fruit. Je pensais qu'il s'agissait d'alternatives saines. Je n'imaginais pas que
j'étais en train de saturer mon organisme de sucre. Et j'ignorais que mon bébé serait anormalement grand à
la naissance, ce qui entraînerait un accouchement difficile et terrifiant.
Deux ans plus tard, j'étais enceinte de mon deuxième fils. Mon diabète gestationnel était désormais bien réel,
et plus un cas limite. J'ai reçu des instructions rapides m'enjoignant de vérifier ma glycémie et de faire des
injections d'insuline chaque soir avant d'aller dormir. J'en savais plus sur le diabète à l'époque car, par un
curieux hasard, un diabète de type 1 avait été diagnostiqué chez mon mari en 2002, de sorte que, ensemble,
parfois en faisant nos injections côte à côté, nous avons appris beaucoup de choses sur ce que signifie le fait
de dépendre de l'insuline pour survivre. Mais aujourd'hui, plus de dix ans plus tard, avec le recul, je me dis
que les injections que nous effectuions à l'époque s'apparentaient à des tirs à l'aveugle.
Un diagnostic de diabète ne peut se limiter à une simple liste de choses à faire et à ne pas faire. Donner à
un patient atteint de diabète une prescription d'insuline et un ensemble d'instructions revient à remettre
les clés d'une voiture à une personne qui n'a jamais conduit et à lui dire de faire le plein, de ne pas oublier
d'utiliser les clignotants, de vérifier le niveau d'huile de temps à autre et de se mettre en route. Au final, le
diabète est une condition autogérée. Tout patient atteint de diabète doit donc se voir offrir les connaissances
et la confiance requises pour mener une vie de qualité avec le diabète.
En 2008, alors que j'étais enceinte de mon troisième fils, j'étais aussi prête que l'on puisse l'être pour un autre
diagnostic de diabète réel. Depuis plusieurs années, mon taux de glycémie était légèrement élevé et les mé-
decins ne cessaient de me répéter que je finirais par développer le diabète de type 2. Je suspectais une toute
autre vérité, de sorte que lorsque le médecin a à nouveau diagnostiqué un diabète gestationnel, j'ai déclaré "Je
ne souffre pas de diabète gestationnel". J'ai demandé à être testée pour les anticorps généralement associés
au diabète de type 1. J'avais effectivement développé ces anticorps. "J'ai donc un diabète LADA ?", ai-je de-
mandé au médecin. Il a haussé les épaules et m'a dit "Peu importe le nom que vous lui donnez. L'important
est que vous le traitiez correctement.»
Jessica Apple est fondatrice et rédactrice de ASweetLife.org et de DiabetesMediaFoundation.org
diabète et société
Une personne atteinte de diabète LADA
DiabetesVoice Septembre 2014 Volume 59 Numéro 3
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« Un voyage en Allemagne. Un festival d'aliments délicieux avec pizzas de pommes de terre et saucisses
Bratwurst indescriptibles au menu.
« Ne ferions-nous pas un examen médical complet ? » Rien de bien méchant. Un hôpital. Des tests sanguins.
L'ingestion de glucose et une consultation, le tout en une heure. Tic-tac.
« Désolé de devoir vous annoncer cette nouvelle, mais elle souffre de diabète de type 2. Nous pensons »,
larmes, « que c'est dû à son surpoids. Des mesures immédiates sont requises, avant toute escalade. Elle est
jeune », sanglot, « elle devrait s'en sortir. »
Rien de plus. Chaque médecin m'a renvoyée vers un autre, jusqu'au jour où j'ai dû quitter le pays. Aucune
information. J'aurais aimé savoir.
Le diabète de type 2 touche plusieurs membres de ma famille : mon père, tous mes grands-parents. Cette
condition n'avait plus de secret pour nous. Mais cela aurait été bien qu'on nous le dise officiellement.
« Tu devras juste apprendre à dire non à toutes les crasses que tu n'arrêtes pas de manger », m'a dit ma mère.
Les larmes coulent sur mes joues et le poids des ans marque mon visage. Apparition de trois cheveux gris le
premier mois.
L'ironie veut que ma mère prêchait, mais ne mettait pas en pratique. La maison continuait de regorger d'ali-
ments trop gras.
Qu'est-ce que le diabète ? Rien ne me venait à l'esprit. J'aurais aimé savoir alors. J'aurais aimé qu'on me le dise.
« Chut. Tout ce que tu dois savoir, c'est que tu guériras si tu arrêtes de manger. » Jeunesse insouciante.
Engendrant des troubles alimentaires. Non. Ca n'existe pas. C'est une maladie qui touche les fous. Tu n'es
même pas mince. Si tu étais mince, nous y réfléchirions. Si tu étais mince, tu n'aurais pas de diabète de type 2.
La vie a continué, tandis que la nourriture diminuait et, bientôt, le moment de retourner à l'hôpital est arrivé.
« L'anémie est une maladie qui touche les végétariens », ah, comme j'aimerais pouvoir briser les stéréotypes.
Même si quelques pilules ont suffi pour traiter cette anémie, je voudrais tant pouvoir le faire.
« Elle est guérie, alors? Fini le diabète ? »
« Désolé, Madame. »
« Désolé quoi ? Elle n'a pas mangé, elle a suivi son régime, elle mange à peine. Que voulez-vous d'autre ? »
« Déficience » Silence. Larmes, torpeur. Qui s'en soucie encore ?
Je l'ai appris à mes dépens. À présent, les larmes ont séché. Une alimentation équilibrée. Un style de vie sain.
J'aurais aimé savoir. Si seulement j'avais su. »
diabète et société
Une personne ayant développé le
diabète de type 2 durant sa jeunesse
Propos d'une jeune fille de 14 ans à propos de son
diagnostic et de sa vie avec le diabète de type 2
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