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© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
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transmet lors du vêlage, lorsque les femelles le réexcrètent. Les petits le portent ensuite tout au long de leur vie,
sans que cela leur cause le moindre trouble. « Fascinant !, s'exclame le professeur Alain Vanderplasschen,
responsable du service d'immunologie-vaccinologie de la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université
de Liège. Le summum de l'adaptation en termes d'évolution, puisqu'au fil du temps, il est devenu tout à fait
apathogène pour son hôte. Passer tout à fait inaperçu, c'est quand même le paroxysme du parasitisme ! »
Mais si ce micro-organisme vit des jours tranquilles chez son hôte-réservoir, la situation se complique lorsqu'il
s'invite chez d'autres espèces. Les éleveurs Massaï, qui ont pour habitude de faire paître leur bétail dans
les réserves du Serengeti et du Masai Mara, l'ont appris à leurs dépens : ils savent désormais qu'il vaut
mieux éviter de côtoyer des gnous en transhumance sous peine de voir leurs vaches mourir au terme
de souffrances aigües, causées par la fièvre catarrhale maligne induite par l'AlHV-1. Les animaux infectés
finissent généralement prostrés, tête vers le bas, puis présentent des inflammations au niveau de l'œil et
des muqueuses nasales et buccales. Leurs sécrétions deviennent purulentes. Ils souffrent de fortes fièvres.
Plus longue sera la survie, plus les symptômes s'aggraveront. Dans les zoos, cette maladie peut également
atteindre des animaux qui a priori n'auraient jamais dû être en contact avec des gnous, comme certaines
espèces de cerfs ou de buffles. Trente-trois espèces ont été référencées comme se révélant particulièrement
sensibles à cette infection.
Le vaccin du hasard
L'étude de ce singulier virus passionne Benjamin Dewals , chercheur qualifié FNRS au département
d'immunologie et de vaccinologie de la faculté de médecine vétérinaire de l'ULg, depuis plus de dix ans.
Lorsqu'il entama sa thèse de doctorat sur ce sujet en 2002, son objectif était d'apprendre à connaître tous
les secrets de cette pathologie. Tant et si bien qu'il a fini par découvrir… un vaccin ! « Les lois du hasard »,
sourit-il modestement.
Mais sa découverte est loin d'être modeste. « Elle aura sa place dans les livres de référence de virologie,
prédit Alain Vanderplasschen, qui a supervisé ses recherches. Benjamin a fourni un travail impressionnant.
Il ne s'est pas contenté de venir mettre sa cerise sur le gâteau en utilisant des techniques développées par
d'autres. Il a dû élaborer ses propres outils pour obtenir des résultats. Certaines thématiques qui concernent
directement l'homme (le cancer, l'asthme, etc.) trouvent souvent plus d'écho au niveau du grand public… »
Les investigations scientifiques du département vétérinaire ont à tout le moins attiré l'attention de la revue
américaine PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), qui leur a consacré dix pages dans
leur édition de mai (1).
L'herpèsvirus alcélaphin 1 n'a rien d'une découverte. « J'en avais entendu parler pour la première fois en
1986 », se souvient Alain Vanderplasschen. S'il agite les esprits des spécialistes depuis belle lurette, c'est
parce que sa singularité est assez rare. Seul un autre virus au monde s'adapte parfaitement chez son hôte-
réservoir mais induit des syndromes foudroyants chez d'autres espèces : la maladie d'Aujeszky, inoffensive
pour le porc mais provoquant des encéphalites fulgurantes chez certains carnivores et ruminants.
Cul-de-sac épidémiologique
Mais l'AlHV-1 possède une spécificité supplémentaire : sa latence. Au début de leur étude, grâce à des
expérimentations sur des lapins, Benjamin Dewals et l'équipe liégeoise ont constaté une caractéristique
étonnante. « Une fois l'animal atteint, il meurt mais est incapable d'aller le transmettre à un autre. C'est un
cul-de-sac épidémiologique !, décrit-il. Cela nous interpellait, car on observait une lymphoprolifération, une