LES CRAMPES MUSCULAIRES
Hervé de LABAREYRE
La crampe est un problème réputé bénin par excellence en médecine
du sport et nous pensions n’avoir jamais à en parler… La fréquence de ce
petit souci nécessite néanmoins de s’y intéresser pour pouvoir répondre aux
éventuelles questions des patients. 30 à 50% des marathoniens
connaîtraient la crampe au cours de leurs carrières de coureur. Si les sports
d’endurance paraissent plus exposés, la crampe a également été étudiée
dans de nombreuses autres disciplines sportives plus explosives.
On peut définir la crampe comme une contraction musculaire
puissante, douloureuse, spasmodique, involontaire et soudaine qui intéresse
un ou parfois plusieurs groupes musculaires. Cette contraction musculaire
est parfaitement visible et palpable sous la forme d’une saillie musculaire
dure au toucher. Elle est volontiers extensive si le sujet ne fait rien pour en
contrer l’apparition, ce qui n’est pas habituellement ni spontanément
souvent le cas.
Chez le sportif, elle survient préférentiellement à la fatigue lors d’un
effort prolongé ou parfois juste après celui-ci, interdisant formellement toute
continuation de l’activité. Chacun sait néanmoins que certaines crampes se
manifestent au repos, en particulier la nuit, ou qu’elles peuvent survenir à
l’occasion d’une forte contraction volontaire unique. La crampe peut
s’annoncer par une impression de tension préalable ou des fasciculations et,
une fois déclenchée, elle peut durer de quelques secondes à quelques
minutes. Si elle est prolongée, il persiste ensuite un endolorissement
musculaire qui peut durer plusieurs jours avec parfois, là encore, possibilité
de fasciculations.
Il s’agit souvent d’une manifestation isolée et négligée mais certains
sujets présentent des crampes répétitives qui les amènent à consulter. Il
importe alors d’obtenir plus de précisions et, parfois, de faire un bilan à la
recherche d’une étiologie.
Nous nous intéresserons préférentiellement à la Crampe Musculaire
Associée à l’Exercice (CMAE ou EAMC comme Exercice-Associated Muscle
Cramping chez les anglo-saxons) et ne ferons qu’évoquer les crampes
secondaires à une autre pathologie.
LES FACTEURS DE RISQUE – LES CAUSES
- Les facteurs personnels et environnementaux
Le facteur de risque le plus important semble être d’avoir des
antécédents de crampes, ce qui est une menace sans appel… Schwellnus
(2008) ajoute néanmoins le fait de courir à un rythme supérieur à son
rythme habituel chez le marathonien.
La réalisation d’un effort plus intense ou plus long qu’à l’habitude est
un paramètre non négligeable, d’autant plus que cet effort serait réalisé en
atmosphère chaude et humide. Cette notion est à l’origine du terme « la
crampe de chaleur ». La survenue de crampes chez les nageurs en eau froide
et de multiples expériences de course à pied par temps froid ont largement
relativisé cette notion. D’autre part, la température centrale n’augmente pas
en cas de crampe et la chaleur seule ne produit pas l’apparition de crampes.
Les facteurs de risque retrouvés lors d’une étude chez plus de 1300
marathoniens (Marjara et al, 1996) sont l’âge plus élevé, un long passé de
coureur, un Index de Masse Corporelle élevé, une insuffisance de pratique
des étirements et la notion de crampes dans la famille. La vitesse de la
course, sa durée, la notion de côtes sur le parcours et une impression
subjective de fatigue musculaire ont également été notées. Les sujets les
moins performants seraient plus exposés.
La grossesse est une situation qui favorise l’apparition des crampes,
plutôt après le 6ème mois, probablement par l’intermédiaire de désordres
métaboliques. 50% des femmes enceintes seraient touchées.
- Les facteurs hydroélectrolytiques
Eichner (2007) incrimine formellement la déperdition en sodium. Il
existe pour lui une triade critique qui associe perte en sodium,
déshydratation et fatigue musculaire. Pour lui, si on remonte 100 ans en
arrière, il apparaît que les crampes des ouvriers de l’industrie et des
travailleurs de force étaient soulagées par l’apport de sel alors que la
privation expérimentale de sel en favorisait l’apparition. Pour lui toujours,
les sportifs sujets aux crampes ont une sueur plus salée que les autres et
enfin, derniers arguments, l’apport de sel dans l’alimentation ou les boissons
a un effet préventif et l’injection intra-veineuse de chlorure de sodium fait
disparaître les crampes. CQFD.
Des publications anciennes (souvent anecdotiques) mais également
d’autres, récentes, vont dans le même sens, accusant les sudations
abondantes et des désordres électrolytiques concernant le sodium surtout
mais également le potassium, le chlore, le calcium et le magnésium. Ainsi,
celle concernant des joueurs de football américain (Stofan et al, 2005).
D’autres, plus nombreuses, sont beaucoup moins affirmatives et ne
retrouvent pas de différence d’hydratation ou de concentration en sodium
entre les sujets à crampes et les autres dans des populations de
marathoniens (Schwellnus et al, 2004 – Maughan, 1986) et de triathlètes
extrêmes (Sulzer et al, 2005 – Drew, 2006). On est donc loin d’obtenir un
consensus et les données récentes contredisent plutôt les notions anciennes.
- Le dysfonctionnement neuro-musculaire
De nombreux auteurs se sont posé la question du pourquoi d’une
réaction localisée isolée en cas de désordres électrolytiques généraux.
D’autre part, les crampes surviennent à l’évidence uniquement au niveau
des muscles qui travaillent, ce qui n’est pas en faveur d’une cause générale.
Actuellement il semble plutôt que les CMAE soient la conséquence
d’une diminution du contrôle neuro-musculaire au niveau médullaire sur le
motoneurone α, conséquence d’un exercice fatigant et entraînant une
authentique sensation de « fatigue musculaire ». Cette diminution du
contrôle du motoneurone α au niveau médullaire entraîne une plus grande
activité de celui-ci. Le motoneurone α est contrôlé au niveau spinal par le
muscle lui-même : les fuseaux musculaires sont excitants et les organes
tendineux de Golgi sont freinateurs. La fatigue musculaire traduirait la
combinaison d’une augmentation de l’excitabilité des fuseaux musculaires
de type Ia et II et d’une diminution de l’effet inhibiteur des organes
tendineux de Golgi sur les fuseaux musculaires de type Ib, ce qui conduirait
à la crampe. Cela expliquerait la survenue plus facile de la crampe lorsque le
muscle est en position raccourcie. Le tendon n’étant plus sous tension, l’effet
inhibiteur des organes de Golgi ne s’effectue plus. Inversement l’étirement
volontaire du muscle « crampé » va rétablir ce contrôle.
Les choses n’étant pas si simples, ces altérations pourraient être
provoquées par des désordres électrolytiques locaux (!). Ces notions résultent
d’études animales, d’études épidémiologiques concernant l’activité réflexe
médullaire à la fatigue ainsi que des électromyogrammes réalisés pendant
une crampe (Sulzer et al, 2005).
LE BILAN BIOLOGIQUE
De multiples études ont été effectuées. Il faut admettre actuellement
qu’on ne retrouve pas de désordres électrolytiques accompagnant les CMAE.
Les enzymes musculaires (CPK) sont augmentés lorsqu’ils sont
demandés après la survenue d’une crampe. On peut néanmoins se
demander si l’activité qui a causé la crampe n’est pas susceptible de montrer
la même chose…
L’ELECTROMYOGRAMME
Réalisé pendant une crampe, il montre des potentiels d’unité motrice
normaux, de haut voltage mais de plus haute fréquence que lors d’une
contraction normale. A noter que la contracture musculaire est silencieuse.
En début et en fin de crampe, on note des fasciculations dont l’origine est
neurologique et non musculaire
En dehors de la crampe, le niveau d’activité musculaire de base est
supérieur à la normale chez les sujets « à crampes ». Celà reflète une
hyperexcitabilité neuro-musculaire et une hyperactivité des motoneurones α.
LES AUTRES ETIOLOGIES
La « crampe » est un symptôme fréquent. Il s’agit parfois plutôt d’une
douleur musculaire, secondaire à une pathologie sous-jacente. Cette crampe
ne répond plus tout à fait à la définition que nous avons donnée plus haut.
Parisi et al (2003) ont proposé une classification permettant de
différencier les différentes crampes :
- Les crampes paraphysiologiques rencontrées chez le sportif et au
cours de la grossesse. S’y ajoutent les crampes occasionnelles qui
surviennent chez un sujet sain en dehors d’une circonstance sportive ou
d’une grossesse,
- Les crampes idiopathiques (dont font partie les crampes nocturnes)
qui peuvent être d’origine familiale ou entrer dans le cadre de certaines
pathologies neurologiques rares,…
- Les crampes symptomatiques qui sont retrouvées dans de très
nombreux contextes : syndromes neurologiques centraux ou périphériques
(radiculopathies +++), maladie de Parkinson, hypothyroïdie, insuffisance
surrénalienne, hypercorticisme, diabète, artériopathies, insuffisance
veineuse, désordres électrolytiques, myopathies métaboliques, maladies
neurologiques motrices,…
- On y ajoute les crampes médicamenteuses ou toxiques
(hypolipémiants, anti-hypertenseurs, beta-bloquants, insuline, contraceptifs
oraux, diurétiques, alcool,…). La supplémentation en créatinine a été
soupçonnée de favoriser l’apparition des crampes, cette notion semble
maintenant contredite (Greenwood et al, 2003 – Dalbo et al, 2008).
LES ELEMENTS QUI DOIVENT FAIRE SOUPCONNER AUTRE CHOSE
QU’UNE CMAE
Des recherches doivent être effectuées si on obtient une réponse « oui »
à l’une des questions suivantes :
- la crampe survient-elle lors d’un exercice léger ou un peu long ?
- la crampe survient-elle au repos ?
- la crampe est-elle associée à d’autres symptômes, tels que paresthésies,
douleurs, diminution de la sensibilité, faiblesse musculaire ?
- la crampe survient-elle systématiquement lors de tout effort ?
- la crampe est-elle plutôt aggravée par l’étirement ?
- existe-t-il des antécédents familiaux importants de crampes ?
- existe-t-il la notion de prise médicamenteuse ?
- la crampe s’accompagne-t-elle de l’émission d’urines foncées après
l’exercice ?
UNE CRAMPE A PART – LA CRAMPE DE L’ECRIVAIN
Il s’agit plus d’un dysfonctionnement lors d’un geste manuel spécifique
que d’une vraie crampe. Le geste ne peut plus être réalisé correctement mais
cela ne s’accompagne pas nécessairement d’une douleur (écriture,
instrument de musique). Il s’agirait d’une dystonie focale. La perturbation
apparaît plus ou moins tôt dans l’activité et s’accroît ensuite rapidement en
entraînant une crispation qui diffuse de l’extrémité à la racine du membre.
TRAITEMENT
- Une valeur sûre dans « l’urgence »
Il est de notoriété publique qu’il faut combattre la crampe qui survient
en arrêtant l’effort en cours, en étirant le muscle « crampé » et en stimulant
la musculature antagoniste. Cet étirement forcé n’a cependant rien à voir
avec les étirements classiques qui s’effectuent sur un muscle détendu.
Certains proposent la cryothérapie, probablement à visée antalgique.
- Existe-t-il une prévention ?
La pratique du stretching n’aurait pas d’influence notable sur la
survenue des crampes mais on a vu que certains considèrent que la non-
pratique des étirements expose plus facilement au problème…
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