L’ART À L’ÉPOQUE CAROLINGIENNE Le renouveau culturel et artistique qui se développe à partir de 780 jusqu’au milieu du Xe siècle environ, pendant le règne de Charlemagne et de ses successeurs, est traditionnellement désigné renaissance carolingienne. Celle-ci se caractérise par un retour aux modèles antiques. Charlemagne, empereur d’Occident couronné en 800 à Rome par le pape Léon III, a des ambitions politiques comparables à celles des empereurs de l’Antiquité. Dans le domaine culturel, il désire aussi restaurer en Occident l’héritage romain. Ainsi, dans la production artistique de l’époque carolingienne, les influences romaine et byzantine se mêlent avec les éléments barbares, notamment francs. L’empereur, avide lui-même de connaissances, s’entoure de clercs qu’il fait parfois venir de l’Angleterre anglo-saxone, de l’Irlande ou de l’Italie. Alcuin12, qu’il a rencontré en Italie, est l’un de ses conseillers efficaces, peut-être le plus proche et le plus respecté. Dans les écoles palatines – dont la première est fondée à Aix-la-Chapelle, ville où Charlemagne s’installe définitivement en 795 – les architectes, les artistes et autres intellectuels travaillent pour l’empereur. Les uns bâtissent des édifices religieux et civils, les autres les décorent. Les moines, dans les ateliers monastiques, produisent des manuscrits enluminés, les orfèvres créent des bijoux et des objets de culte. Pendant ses nombreux voyages en Italie, Charlemagne admire les monuments romains, mais aussi ceux de Ravenne et de Milan, et il décide de s’en inspirer à son retour à Aix-laChapelle. Ceci explique en partie pourquoi à ses débuts, la 12 En latin, Albinus Flaccus (vers 735-804), savant et religieux d’origine anglaise est l’un des maîtres de l’école palatine fondée par Charlemagne. Il a joué un rôle considérable dans la renaissance carolingienne. 29 renaissance carolingienne imite très souvent les œuvres antiques romaines. Rares sont les édifices de la période carolingienne qui ont survécu jusqu’à nos jours. Par contre, beaucoup de musées européens abritent bon nombre d’objets d’art – manuscrits enluminés, sculptures sur ivoire, objets en métal, réalisations d’orfèvres – qui nous sont parvenus à travers des siècles. Les œuvres de la renaissance carolingienne, peut-être les plus nombreuses, sont les manuscrits enluminés, fruit du travail minutieux de copistes, calligraphes et peintres. À la demande de Charlemagne, ils copient et décorent des Évangiles, des ouvrages liturgiques, ainsi que des œuvres littéraires, philosophiques et scientifiques d’auteurs de l’Antiquité. Les différents ateliers monastiques, présents un peu partout dans l’Empire, développent leur propre style. Parmi les plus importants, il faut nommer le style de l’École de la cour de Charlemagne dont les enluminures sont inspirées, entre autres, des mosaïques de Ravenne en Italie, le style de Tours, de Reims, de Metz, etc. Souvent, les manuscrits terminés sont assemblés, reliés et les plats de la reliure décorés par orfèvres et ivoiriers, comme par exemple le Psautier de Charles le Chauve ou le Sacramentaire de Drogon13, tous les deux conservés à la Bibliothèque nationale de France. 13 Fils de Charlemagne, évêque de Metz 30 14) Plaques de reliure du psautier de Dagulf. La minuscule caroline, nouvelle écriture datant du VIIIe siècle (vers 780), élaboré sous l’impulsion de Charlemagne, facilite la lecture et l’écriture. Dans cette écriture sont rédigés des codex, des capitulaires et des textes religieux. Sous le règne de Charlemagne et de ses héritiers, l’architecture connaît un essor remarquable. On construit beaucoup : des résidences royales, des églises, des monastères. Malheureusement, il ne reste presque rien des palais carolingiens. De l’immense palais de Charlemagne à Aixla-Chapelle, il ne subsiste plus que la chapelle palatine, aujourd’hui incorporée à la cathédrale. Parmi les églises qui demeurent sur le territoire de la France actuelle, rappelons celle de Germigny-des-Prés dans le Loiret, consacrée en 806. La voûte de son abside centrale est ornée d’une mosaïque de pâte de verre unique en France et exceptionnellement bien conservée. La morphologie des visages des anges et des séraphins qui entourent l’Arche de l’alliance ainsi que le fond or témoignent de l’influence byzantine dans l’art carolingien. Selon les experts, la scène est inspirée par les mosaïques de la basilique Saint-Vital de Ravenne. D’autres exemples de l’architecture de cette période sont la 31 crypte de l’Abbaye Saint-Pierre à Flavigny ou encore la crypte de l’église Saint-Irénée à Lyon. 15) Germigny-des-Prés: deux petits chérubins avec leurs ailes intérieures qui se touchent. La sculpture se limite à la décoration des chapiteaux où dominent les motifs végétaux et les entrelacs, et à la décoration des couvertures de livres en ivoire parmi lesquelles on trouve de véritables chefs-d’œuvre. L’auteur de la célèbre statuette équestre de Charlemagne (peut-être de Charles le Chauve) s’est probablement inspiré des statues antiques de ce type, comme par exemple le monument équestre dédié à Marc Aurèle, situé place du Capitol à Rome. La statuette en bronze doré fait partie des collections du Louvre. 32 16) Statuette équestre de Charlemagne ou de Charles le Chauve. L’orfèvrerie a évolué par rapport à la période précédente. Le cloisonné recule au profit d’une nouvelle technique, le repoussé. Les œuvres d’orfèvres (reliquaires, reliures de textes sacrés, calices, ciboires, croix, couronnes, chandeliers, autels faits en or et incrustés de pierres précieuses, de perles et d’émaux) sont liées avant tout à la liturgie. La collection d’orfèvrerie religieuse exposée à l’Abbaye Sainte-Foy de Conques contient plusieurs objets datant de l’époque carolingienne. C’est la statuereliquaire de Sainte-Foy (IXe siècle) qui est la pièce maîtresse du trésor de Conques. 33 17) Détail de la statue-reliquaire de Sainte-Foy. L’une des plus belles pièces d’orfèvrerie de l’époque carolingienne se trouve dans la basilique Saint-Ambroise de Milan. Toute en or et argent doré, elle a été réalisée pour l’évêque de Milan qui l’avait commandée au maître orfèvre Volvinius. Les reliefs de ce reliquaire fabuleux illustrent la vie du Christ ; sur sa face postérieure, figurent les scènes de la vie de saint Ambroise. De par ses dimensions extraordinaires (longueur de 2,20 mètres, hauteur de 85 centimètres et profondeur de 1,22 mètre) et pour sa beauté éblouissante, il est vraiment le « monument » de l’orfèvrerie carolingienne. Les architectes et les artistes qui avaient participé au développement de l’art carolingien ont préparé le terrain pour un nouveau style et ont contribué à l’essor de l’art roman. 34