Le financement du développement durable, quels

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Le financement du développement
durable, quels enjeux?
C
entré sur l’Homme et sur son
épanouissement personnel, social et culturel, le développement
durable requiert la prise en compte de
l’activité économique dans toutes ses dimensions.
Les progrès faits depuis la Déclaration
du Millénaire, sont contrebalancés par
les défis qui demeurent : vulnérabilité,
précarité et volatilité de l’emploi et du
système financier, changement climatique, dégradation de l’environnement et
de la biodiversité, urbanisation. La croissance de la majeure partie des pays en
développement s’est maintenue durant la
crise économique commencée en 2008,
mais elle a souffert de la stagnation des
aides extérieures, de la baisse du prix des
matières premières et de l’apathie persistante du commerce international. De
plus, les disparités, déjà très marquées,
ont augmenté tant entre pays qu’au sein
des pays : 1% de la population mondiale
possède autant que les 99 autres %.
Pour mieux financer le développement
durable, quatre principes doivent donc
être défendus :
• tenir toujours pour prioritaires l’éradication de l’extrême pauvreté, la réduction des inégalités, le déploiement de
l’entrepreneuriat, la création d’emplois
décents et durables pour les jeunes et
les femmes et la bonne gestion des ressources naturelles ;
• faire apparaître clairement tous les
besoins de financement, de capacité,
de partenariats et de technologies, déjà
connus ou résultant des nouveaux objectifs de développement durable (ODD) ;
• mobiliser toutes les ressources existantes, publiques et privées, domestiques
et externes en les orientant de façon efficace et cohérente et en veillant à leur
prévisibilité, à leur régularité et à leur
additionnalité.
• assurer l’environnement propice pour
mettre en œuvre les politiques et mesures
fiscales nécessaires à la réalisation des
ODD.
Mobiliser de façon plus importante les
ressources identifiées, veiller à leur répartition et améliorer leur allocation, passe
par la limitation de l’érosion fiscale,
l’extension des financements innovants
(sources et méthodes), une meilleure
fiscalité nationale et internationale et
l’emploi d’outils appropriés, en renforçant la bonne gouvernance des finances
publiques et en évitant la fragmentation des instruments de mise en œuvre
(Fonds verticaux et trop spécialisés).
De la nécessaire soutenabilité de la dette
L
a dette est la conséquence normale d’une politique d’investissement bien menée. Mais elle
constitue également un élément de vulnérabilité récurrent. Les pays qui ont
bénéficié d’importants programmes
d’annulation ou de restructuration,
doivent mener à bien la gestion de la
dette subsistante, afin que son poids ne
remette pas en cause leurs choix budgétaires. Ils doivent aussi empêcher
l’apparition d’un nouveau «fardeau
de la Dette», en choisissant des outils
de financement appropriés : des Partenariats Publics Privés mal évalués ou
négociés peuvent conduire à la transformation de dettes privées en dette
publique lourde ; le recours à des mécanismes de marché ou obligations mal
calibrés peut conduire à de nouvelles
difficultés de restructuration. La mise
en œuvre d’indicateurs de vulnérabilité d’une part, l’adoption d’outils statistiques spécifiques d’autre part sont
donc indispensables ; leur élaboration
et les capacités nécessaires à leur mise
en œuvre peuvent être soutenues par
les financements extérieurs.
Le processus de restructuration de la
dette souveraine est aussi l’occasion
d’accroître l’efficacité, la stabilité et la
prévisibilité du système financier international et de faciliter le retour des
pays à une croissance économique inclusive et équitable.
Conditions indispensables à l’optimisation des ressources
S
i les ressources financières existent, les capter et les optimiser
pour le financement des objectifs de
développement durable reste un défi
considérable. Cela ne saurait se faire
sans un environnement économique et
financier stable, fournissant des incitations adaptées à la mobilisation des
fonds et à leur orientation vers les projets et programmes de développement
durable, ni sans la mise en place de
cadres de planification budgétaire et
de gestion financière efficaces.
La stabilité du système financier international sera un enjeu particulièrement fort pour le succès du programme de développement après
2015. Il faudra par ailleurs veiller à
la cohérence globale de la fiscalité
internationale et assurer une coopération renforcée pour lutter contre les
pratiques d’optimisation fiscale et les
flux financiers illicites, qui affectent
durement les pays en développement,
nuisent à leur développement et à la
paix et à la sécurité. Sur l’ensemble de
ces questions, il est important d’asso-
cier ces pays aux décisions prises et
d’assurer leur participation effective,
y compris les pays les moins avancés et en situation spécifique, au sein
d’institutions telles que les institutions
financières internationales, le Conseil
de stabilité financière, l’Organisation
de coopération et de développement
économiques et le G20.
Les gouvernements ont également un
rôle clef à jouer pour mettre en place
des politiques publiques et des cadres
juridiques et réglementaires permettant de favoriser les investissements,
d’assurer le bon fonctionnement des
entreprises, la qualité des ressources
humaines et la création d’emplois,
ainsi qu’une gestion saine et efficace
des finances publiques.
Ces efforts doivent être soutenus par
un système commercial multilatéral
ouvert et équitable, fermement engagé
contre les distorsions anciennes, telles
que les barrières tarifaires ou les subventions, et nouvelles, en particulier
les barrières non-tarifaires.
Pour une mobisation
efficace des ressources
P
armi l’ensemble des ressources mobilisables pour le financement du
développement durable, les pays s’accordent sur la priorité à donner aux ressources intérieures, publiques et privées.
Leur mobilisation accrue contribuerait
en particulier à renforcer l’appropriation nationale des politiques publiques,
à réduire les risques d’instabilité liés aux
financements extérieurs et à améliorer la
capacité de l’Etat à mettre en place les
bases d’une croissance à large assise, favorisant une plus grande redevabilité de
l’Etat envers les citoyens.
La fiscalité que nous voulons
M
algré les progrès sensibles
enregistrés en matière de
collecte des revenus, les
niveaux de recettes fiscales rapportées
au PIB restent très bas dans les pays à
faible revenu. Pour franchir une nouvelle étape, ils doivent poursuivre leurs
efforts et mettre en place des systèmes
fiscaux transparents, équitables et efficaces, qui contribuent à lutter contre
les inégalités et entraînent l’adhésion
des citoyens. Dans cette perspective,
l’élargissement de la base d’imposition, la réduction du poids de l’économie informelle, l’amélioration de la
lisibilité de l’impôt et de son administration apparaissent indispensables.
Au niveau global, l’évasion fiscale et
toutes les formes de flux financiers illicites sont des obstacles majeurs à une
augmentation significative des recettes
publiques des pays en développement.
Il est primordial que les récents efforts
entrepris pour accroitre la coopération
internationale en matière fiscale et de
répression de la délinquance financière
soient renforcés et accélérés.
Les pays en développement, y compris
les moins avancés, sont désireux de s’y
associer pleinement et de contribuer aux
décisions sur les règles de la fiscalité internationale et leur mise en œuvre, qui
doivent répondre aux besoins de tous les
pays. Pour eux, il est particulièrement
important que les entreprises multinationales paient leurs impôts et taxes dans
les pays où leurs activités et investissements sont réalisés. Ils ont aussi besoin
d’appui pour revoir les codes et traités
fiscaux et d’investissement, en vue d’éliminer les exonérations, lutter contre les
pratiques d’érosion de la base fiscale
et de transfert de bénéfices et résister à la
concurrence fiscale ; pour développer des
statistiques fiables et comparables ; et de
manière générale pour appliquer les mesures de lutte contre l’érosion de la base
d’imposition et le transfert de bénéfices,
ainsi que pour progresser en matière de
transparence et d’échange de renseignements à des fins fiscales.
L’aide publique au développement,
parlons-en !
M
ême si tous les financements
potentiellement
disponibles
sont bien mobilisés, des activités indispensables au développement
durable doivent toujours relever d’un financement public. Il s’agit en particulier
de ce qui est lié à l’articulation du social
et de l’économie (santé et protection sociale, éducation, transports publics, logement social, normalisation), où les montants sont trop élevés pour le financement
solidaire et où risque et durée du retour
sur investissement sont trop importants
pour des opérateurs privés.
L’Aide Publique au Développement
(APD) reste donc essentielle pour traiter
ces besoins spécifiques. Au-delà de ce
rôle direct, elle peut également servir de
catalyseur pour d’autres types de financement, en soutenant des études programmatiques, l’évaluation des projets rentables ou le renforcement des capacités.
Enfin, si elle respecte l’alignement sur les
choix stratégiques et les politiques budgétaires définis par les pays bénéficiaires
et obéit à la coordination, l’APD permet
de renforcer les capacités des institutions
nationales à assurer une gestion efficace
de leurs ressources et finances.
En raison de la crise économique et financière, les principaux bailleurs de fonds
traditionnels, désireux de connaître précisément les flux d’aide au développement,
ont engagé sa redéfinition au Comité
d’aide au développement de l’OCDE, car
très peu de pays sont parvenus à atteindre
l’engagement d’y consacrer 0,7% de leur
RNB.
Puisque les membres de l’OCDE ont renouvelé cet engagement, il faut donc:
• maintenir la distinction entre APD et
« soutien public total au développement
durable »;
• s’assurer que les pays à revenu intermédiaire de tranche inférieure continuent
à recevoir une part adéquate de flux
concessionnels après leur promotion ;
• tenir compte, dans les critères de classification, de la vulnérabilité des pays aux
chocs exogènes ainsi que des besoins sociaux et environnementaux ;
• publier des statistiques de l’aide distinguant l’aide extérieure enregistrée dans
les budgets et mise en œuvre selon les
systèmes nationaux, afin d’aider ces pays
à améliorer leur gouvernance et planifier
leurs dépenses ;
• choisir le système de calcul de la
concessionnalité des prêts le plus simple
et le plus transparent possible, de préférence le système du FMI, avec un taux
d’escompte unifié.
L’innovation au cœur du financement
S
i l’APD a un rôle crucial à jouer, ces
flux restent liés à des impératifs budgétaires et politiques nationaux fluctuants
et peuvent être remis en cause par le
contexte de crises économiques et financières qui affecte les principaux bailleurs
de fonds. Ces difficultés à lever des ressources suffisantes pour financer le développement durable par des moyens
« traditionnels » ont conduit à une quête de
nouveaux financements.
Les financements innovants ont su, en une
décennie, devenir un enjeu de premier
ordre. Ils constituent en effet une opportunité de combler l’écart entre les besoins
de financements et l’offre disponible en
générant des ressources complémentaires,
publiques ou privées. Ils contribuent éga-
lement à corriger les défaillances du marché.
Il est stratégique de développer ces deux
catégories de dispositifs:
• Des sources innovatrices de financement, plus stables et prévisibles et dont la
conception ne se rattache pas à des conditions particulières d’affectations.
• Des mécanismes innovants qui permettent d’optimiser les financements existants
en les multipliant par effet de levier et/ou
en les orientant vers des investissements à
impact sur le développement.
Les dernières années ont permis d’explorer bon nombre de ces financements
innovants ; il est maintenant important de
tirer des leçons de ces initiatives pour les
reproduire à plus large échelle.
La coopération
sous toutes ses
formes
P
uissant levier de la construction
d’un partenariat mondial ouvert,
la coopération est porteuse de progrès
économique et social. Quelle que soit la
forme qu’elle prend (technique, bilatérale, triangulaire, Sud-Sud, Nord-Sud,
Nord-Nord, régionale ou interrégionale), elle doit être vectrice de régulation, de co-apprentissage, d’innovation,
d’accès aux savoirs et technologies et
d’attractivité dans une économie globalisée.
C’est dans ce sens que la coopération
technique, conçue pour favoriser le
partage de savoirs et de savoir-faire de
nature juridique, technique ou financière indispensables au développement
durable, doit montrer son efficacité pour
renforcer les capacités humaines et institutionnelles des pays en développement.
De la même manière, en offrant une
passerelle vers des opportunités de coinvestissement et de diversification
commerciale, la coopération Sud-Sud
devrait plus que jamais être motivée par
une meilleure appropriation des processus nationaux de développement durable et par la transformation même de
l’esprit et de l’approche de solidarité audelà des plateformes institutionnelles.
Enfin, le renforcement des communautés économiques régionales doit en
faire des espaces privilégiés d’échanges
de proximité, d’organisation, de coopération et de collaboration fondés sur des
mécanismes et approches innovants susceptibles d’impulser une meilleure intégration régionale et de mieux affronter
les défis de la mondialisation.
Il est donc essentiel de jeter les bases
d’une coopération renforcée sous toutes
ses formes, et respectueuse de la diversité des peuples et des cultures, pour
faciliter l’élargissement des marchés,
la dynamisation de l’économie et surtout la création d’emplois, en particulier
pour les jeunes et les femmes. Il s’agirait également de consolider des réseaux
institutionnels et professionnels devant
intensifier les relations économiques et
améliorer l’environnement des affaires.
Davantage d’investissements en faveur du développement durable !
L
a croissance économique, sans
politiques de soutien, ne stimule pas toujours le développement durable et représente parfois un
danger pour la survie de l’Homme et
de l’environnement. Il faut donc intégrer l’impératif de développement durable dans les décisions à la fois politiques, économiques et sociales. C’est
un défi majeur pour les gouvernements
afin de légitimer la notion universelle
de progrès.
Il est crucial de façonner la gestion
des dépenses publiques pour une allocation appropriée et une utilisation
adéquate des ressources. Il s’agit de
favoriser les investissements au profit de dynamiques qui ne mettent pas
en péril les efforts des populations les
plus vulnérables et l’équilibre des liens
unissant l’homme à la nature. Dans
cette optique, il nous apparaît important d’utiliser des instruments participatifs et adaptés de planification du développement durable pour financer les
investissements physiques pertinents
et des interventions ciblées de renforcement de capacités. La comptabilité
environnementale reflétant la consom-
mation des ressources naturelles et les
flux qui en découlent trouve toute sa
crédibilité dans ce processus.
Il est tout aussi crucial de rendre plus
efficaces les flux de capitaux en les
orientant vers le financement des projets locaux et nationaux dont la rentabilité ne peut être assurée qu’à long
terme. Il est également stratégique de
veiller à ce que les flux licites de capitaux ne soient pas détournés des efforts
de développement durable par le biais
de l’optimisation fiscale et de contrats
qui sont au détriment des pays producteurs de richesses.
C’est dans ce cadre qu’il peut être
opportun de fournir une assistance
à l’investissement pour canaliser les
transferts de fonds considérables des
migrants en faveur du développement
durable.
Enfin, le besoin de transparence et
d’intégration des impératifs de développement durable s’applique également au secteur privé qui doit s’y
engager résolument au travers de démarches de Responsabilité Sociétale
des Entreprises.
Cette brève est publiée par l’Organisation internationale de la Francophonie
Supervision:
Paul Robert Tiendrébéogo
Rédaction:
Hervé Cronel, Chantal Line Carpentier, Laurence Arnould, E. Lionelle
Ngo-Samnick et Claire Schiettecatte
Conception graphique:
CN Consulting
Le commerce pour le développement, tout un programme
L
e commerce interagit étroitement
avec avec différents aspects du développement (emploi, sécurité alimentaire, etc.). Les exportations compensent
la petite taille des marchés intérieurs, en
particulier pour les petits pays; les importations favorisent les transformations
structurelles, la diversification et l’expansion des capacités de production.
Le commerce international génère des ressources financières considérables. Les recettes publiques provenant du commerce
varient de 1% pour les pays développés
à 6% pour les pays à faible et moyen revenu et jusqu’à plus de 20% de la totalité
des recettes publiques pour l’Afrique subsaharienne. C’est une source majeure de
financement du développement.
Au niveau privé, le commerce international suscite également des investissements
importants, créant ainsi des externalités
positives et alimentant un financement
indirect pour le développement d’une nation.
Les gouvernements peuvent augmenter
les recettes issues du commerce international grâce à trois outils pertinents :
• les taxes sur les produits et services importés, sous forme de droits de douane et
mesures para-tarifaires (taxes ad hoc pour
constituer des ressources permettant de
supporter des objectifs domestiques tels
que la protection de l’industrie domestique naissante;
• les taxes sur les produits et services qui
sont exportés, particulièrement sur les recettes provenant des exportations de produits de base ;
• les paiements directs des exportations
qui peuvent être captés par les économies
nationales
Les gains d’exportation exceptionnels
obtenus sur les marchés boursiers et obligataires internationaux et qui alimentent
les fonds souverains doivent davantage
être orientés pour stabiliser les recettes
fiscales et accroître la résilience des pays
face aux fluctuations des prix internationaux.
Enfin dans une économie de plus en plus
globalisée et ouverte avec des exigences
différenciées de production, les subventions aux énergies fossiles et aux produits agricoles restent de nature à fausser
l’équité du commerce international. En
effet, alors que le système de commerce
international permet aux pays bien capitalisés de supporter leurs secteurs clés, cet
espace fiscal et politique est restreint pour
les pays en développement.
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