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restres – la découverte des branchies articielles le
donnait à supposer.
Mon goût de l’aventure se réveilla. Mes yeux
s’habituaient peu à peu à la lueur mystérieuse et je
commençais à bouger plus hardiment. Brassant l’eau
avec mes bras, je m’approchai du petit lac luisant ;
des algues et des herbes s’enroulaient autour de mes
chevilles, chacun de mes pas remuait un sable rouge
trèsnetmecoûtaitungrandeffort.Despoissons,
avecdestentaculesetdesnageoiresbizarres,laientà
mes côtés. Au-delà du lac, j’ai cru discerner des lignes
verticales et régulières, ce qui renforça ma conviction
que j’avais échoué dans un endroit habité par des êtres
évolués.
Quand j’ai atteint avec beaucoup de difculté
le bord du lac, j’ai pris conscience d’un phénomène
incompréhensible : au fond de la mer, je voyais un
lac qui était séparé du reste de la masse d’eau. Je me
suis penché au-dessus de la surface lumineuse et j’ai
vu mon visage pâle, défait, ma bouche crispée, les
deux disques verts sur mes oreilles. J’ai pris dans le
creux de ma main un peu du liquide qui formait le lac,
j’ai essayé de l’approcher de mes yeux, mais de pe-
tites boules luisantes s’échappaient entre mes doigts.
J’avais du mercure dans la main, le petit lac au fond
de la mer était formé de ce métal liquide. J’ai pataugé
dans le mercure et j’ai vu déler des troupeaux de
poissons inconnus des livres de sciences naturelles,
des algues, des araignées de mer, des crabes, des lé-
zards ; je me trouvais certainement dans une profon-
deur jusqu’alors inexplorée.
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