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LE NÉOLIBÉRALISME
politique et méthode d’émancipation, et de montrer qu’il fonde
dès le XIX siècle une orientation forte du socialisme².
Le mot « libéralisme » apparaît en 1818 avec Maine de Biran
qui le définit comme « doctrine favorable au développement
des libertés ». L’année suivante, l’Oxford English Dictionary lui
donne le même sens. Le libéralisme désigne d’abord la liberté
politique et la liberté de conscience. Ces libertés s’affirment
avec la séparation de l’Église et de l’État, le refus de l’autocratie
et de l’inégalité des droits (notamment le suffrage censitaire et
le suffrage masculin), la limitation constitutionnelle du pouvoir
avec l’État de droit.
Le terme libéralisme est ambivalent : libéral veut dire de
gauche aux États-Unis car cette doctrine induit la nécessité de
lois sociales pour protéger les populations pauvres et étendre
leurs droits et leurs libertés. Le libéralisme économique n’est pas
moins ambivalent, car deux courants qui se réclament du
libéralisme politique ont des conceptions économiques diffé-
rentes. Dans la lignée de Locke (1632-1704) et, au XX siècle,
de Friedrich Hayek et de Robert Nozick, on y plaide pour un
État minimum. Dans la filiation de Jérémie Bentham (1748-1832),
de John Stuart Mill (1806-1873) et de John Rawls (1921-2002),
on y fait la théorie de la social-démocratie. Au début des années
1970, John Rawls a relancé la réflexion sur la justice, dans le
cadre d’une philosophie politique libérale, en prônant un prin-
cipe de différence qui justifie l’intervention redistributive de l’État
et l’introduction de mesures de discrimination positive en faveur
de populations en difficulté.
Dans son ouvrage classique, L’Ère des tyrannies, Élie Halévy
souligne que « le socialisme depuis sa naissance, au début du
XIX siècle, souffre d’une contradiction interne : héritier de la
révolution de 1789, il se présente à la fois comme un mouvement
pour la liberté et comme une réaction contre l’individualisme
et le libéralisme³ ». Cette dualité est antérieure au marxisme.
Donc le débat entre libéralisme et anti-libéralisme est interne au
socialisme. Comme l’écrit encore Monique Canto-Sperber : « Le
socialisme libéral est la continuation et l’accomplissement du
2. M. CANTO-SPERBER, op. cit., p. 8.
3. E. HALÉVY, L’Ère des tyrannies (1938), Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1990, p. 213.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris-Descartes - Paris 5 - - 193.51.85.60 - 27/04/2013 16h50. © Editions du Cerf
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