LE PROGRAMME ANNUEL DU THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE

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LE
PROGRAMME
ANNUEL
DU
THÉÂTRE
L’EMPORTE
-PIÈCES
DU
NOUVEAU
MONDE
SAISON 2012–2013
Direction de publication
Annie Gascon
Coordination
Pascale Desgagnés
Équipe de rédaction
Patricia Belzil
Michelle Chanonat
LE PROGRAMME ANNUEL DU
Anne-Marie Desbiens
THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE
Hélène Jacques
SAISON 2012–2013
Marie Labrecque
Dominique Lafon
Dépôt légal —
Danielle Laurin
Bibliothèque et Archives nationales
Paul Lefebvre
du Québec, 2012
Dépôt légal —
Recherche iconographique
Bibliothèque et Archives Canada, 2012
Pascale Desgagnés
ISBN : 978-2-9810643-4-9
Loui Mauffette
Révision et correction d’épreuves
© Théâtre du Nouveau Monde
Pascale Desgagnés
84, rue Sainte-Catherine Ouest
Annie Gascon
Montréal (Québec) H2X 1Z6
Marie-Sylvie Hébert
www.tnm.qc.ca
France Ouellet
Conception graphique
Tous droits de traduction
orangetango
et d’adaptation réservés pour tous pays.
Les photographes et ayants droit que
Nous désirons remercier pour
nous n’avons pu retrouver
leur précieuse collaboration
malgré les recherches entreprises
Lyla Film / Françoise Boudreault
sont invités à se manifester
(UBU Compagnie de création)
auprès du TNM.
Louisette Charland
(Théâtre de Quat’Sous)
Le TNM se réserve le droit de modifier
Nathalie Le Coz
la programmation annoncée.
Le service des archives de La Presse
Le service des archives de la Ville
Les opinions exprimées
de Montréal / Le service des archives
dans les articles de cette publication
de Télé-Québec
n’engagent que leurs auteurs.
et les photographes
Angelo Barsetti / Pierre Desjardins
Achevé d’imprimer en Beauce
Christian Desrochers
par CGI – gestion et impression de
Robert Etcheverry
documents d’affaires, août 2012.
Jean-François Gratton
Stéphanie Jasmin / Josée Lambert
Louise Leblanc
André Pichette (La Presse)
Valérie Remise
Yves Renaud / Ros Ribas
Nicola-Franck Vachon
Lorraine Pintal. Photo : Jean-François Gratton
LE THÉÂTRE DE TOUS LES LANGAGES
Le langage vaut mille images. Au théâtre, plusieurs langages se
superposent. La scène est une surface d’inscription complexe où
s’alignent les mots, les corps, les signes, les lumières, les symboles.
Ce qui m’importe comme artiste de théâtre, c’est de partir à la
conquête du sens. De comprendre ce que l’écriture scénique veut
dire et ce que les langages peuvent signifier.
Est-ce une nouvelle écriture théâtrale qui procure un sens
inédit à l’œuvre ? Je crois que oui.
La mission du TNM se veut celle de tous les possibles, ce qui
suppose un ensemble de règles à bouleverser, un ordre des choses
à renverser. Telle œuvre que l’on croyait historique s’avère d’une
modernité déconcertante. Telle pièce contemporaine flirte avec
le passé et sert de courroie de transmission avec les mythologies anciennes. Tel texte prend sa source dans des temps immémoriaux et s’incarne dans la réalité du monde d’aujourd’hui
sans fissure, sans heurt ! Tel théâtre est désormais centenaire
Grand partenaire du TNM
ce qui est le cas de ce magnifique édifice construit en 1912
qu’occupe le TNM depuis 40 ans et qui ne cesse de renouveler
l’expérience au présent des artistes qui l’habitent et des spectateurs qui le fréquentent.
La 5e édition de L’Emporte-pièces nous a permis d’ériger un
système de codification des signes proposés par l’auteur, le metteur en scène et les équipes de création. Elle sert de métaphore
aux mises en scène qui vont créer ces mondes d’invention que
vous allez explorer avec nous.
Nous vous convions à un théâtre qui demande à être lu
autant qu’à être vu. D’où l’importance de parcourir L’Emportepièces qui vous livrera le code des routes empruntées par Patrice
Chéreau, Denis Marleau, Serge Denoncourt, Frédéric Dubois,
René Richard Cyr et moi-même. La voie a été tracée par nos
auteurs de Marguerite Duras à Michel Tremblay en passant par
Molière, Michel Marc Bouchard, Eugène Ionesco et Nancy Huston.
Quand je pense à ces artistes réunis autour de la 61e saison
du TNM, je me dis que la somme des langages en vient à tout
englober. Elle a la force des grandes marées qui échappent à
l’univocité terrestre pour subdiviser les thèmes abordés et
reconfigurer votre perception de l’art théâtral qui se déroule sous
vos yeux.
Vous êtes donc du côté du lisible ou, comme l’écrivait
Roland Barthes, du « scriptible ».
Tout est système de relations et c’est ce qui me permet
de croire que la relation de confiance et de partage que le TNM
établit avec chacun d’entre vous, de saison en saison, tient du
bon voisinage au sens premier du terme : être voisin de cœur,
heureux de l’être et de participer au même projet de société qui
veut que la culture en soit le centre.
Bonne saison en votre compagnie.
Lorraine Pintal Directrice artistique et générale
THÉÂTRE DU NOUVEAU MONDE
— 10 | 11 —
Pour la première fois, Montréal accueille une œuvre théâtrale de Patrice Chéreau, considéré comme l’un des plus grands metteurs en scène français des cinquante dernières
années. Avec La Douleur, il aborde l’écriture envoûtante de Marguerite Duras, portée par
la grande comédienne Dominique Blanc. Spectacle optionnel à l'abonnement.
— 34 | 35 —
L’imposture intellectuelle : pour son premier Molière, voilà un sujet de comédie qui ne
pouvait que plaire à Denis Marleau, dont on connaît l’humour excentrique, la rigueur
de pensée et l’audace technologique. Les Femmes savantes… une production, aussi contemporaine que les idées de Molière en son temps.
— 58 | 59 —
Sous la plume de Michel Marc Bouchard, Christine, la reine-garçon fait revivre un personnage historique hors du commun : Christine de Suède. Serge Denoncourt, dont le sens
aigu de la théâtralité se déploie particulièrement dans les évocations du passé, a choisi
l’électrisante Céline Bonnier pour incarner la plus incandescente des reines du 17e siècle.
— 78 | 79 —
Drôle, sublime, profondément humain, Le roi se meurt illumine tout le théâtre d’Ionesco.
Cet inclassable chef-d’œuvre est mis en scène par Frédéric Dubois qui fait son entrée
au TNM. Et comme l’on meurt toujours trop tôt, il a choisi pour le rôle de Bérenger un
comédien débordant de toute la fougue de la jeunesse, Benoît McGinnis.
— 98 | 99 —
Dans Jocaste reine, Nancy Huston refait brillamment l’histoire d’Œdipe à la lumière de tout
ce que le féminin porte de désir, de volupté et d’amour. Lorraine Pintal, qui partage avec
l’auteure un irrépressible besoin de repenser du point de vue des femmes les fondements
de l’imaginaire collectif, s’est entourée d’une équipe brillante où se distingue en Jocaste
une véritable reine de théâtre : Louise Marleau.
— 120 | 121 —
Tout dans la puissante fable de Sainte Carmen de la Main appelle la fusion du théâtre,
de la musique et du chant. Le duo René Richard Cyr / Daniel Bélanger déploie dans sa
totale envergure cette œuvre magistrale de Michel Tremblay. Carmen, reine du western,
dont le retour embrase la Main comme le soleil de juin, prend la voix et les traits de la
bouleversante et sensuelle Maude Guérin.
—— 186 —
L’Envers du décor : Du Gayety au TNM, 1912–2012, un hommage au lieu que le TNM
occupe depuis 1972 et qui célèbre cette année ses cent ans d’histoires, les activités en écho
à la saison, les privilèges de l’abonnement, nos partenaires et les forces vives du théâtre.
6|7
INSPIRÉS PAR LE TALENT ET L’ALUMINIUM
Alcoa et ses employés sont fiers de participer à l’essor de la culture québécoise.
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Des gestes durables
une présentation d’ALCOA
de
Molière mise en scène Denis Marleau
du 2 au 27 octobre 2012
Distribution Carl Béchard / Nicolas Boivin-GRAVEL / Henri Chassé
Estelle Clareton / François-Xavier Dufour / Noémie Godin-Vigneau
Denis L avalou / Mur iel Legr and / Sy lvie Léonar d / Bruno Marcil
C h r i s t i a n e P a s q u i e r / S a m u e l R o y L ’ é q u i pe de c r é a t i o n
assistance à la mise en scène Martin Émond scénographie Denis Marleau collaboration
artistique, scénographie et conception vidéo Stéphanie Jasmin costumes Ginette Noiseux
éclairages Marc Parent musique originale Denis Gougeon maquillages et coiffures
Angelo Barsetti coproduction ubu compagnie de création / les châteaux de la drôme /
le manège.mons/centre dramatique
DOUBLE PAGE : Christiane Pasquier et Noémie Godin-Vigneau. Photo : Jean-François Gratton
10 | 11
Argument
Deux clans s’opposent dans la famille de ces femmes
savantes. D’un côté, Philaminte, la mère, Armande,
sa fille aînée, et Bélise, sa belle-sœur, manifestent un
penchant excessif pour la science et une admiration sans
borne pour un poète, Trissotin, malgré le fait que le savant
Vadius se moque de ses vers. De l’autre côté, Chrysale,
le père, son frère Ariste, sa seconde fille Henriette et son
fiancé Clitandre incarnent la simplicité et le sens pratique
bourgeois. Armande reproche à sa sœur Henriette son désir
d’épouser Clitandre – qu’Armande a autrefois éconduit –
puisque, selon elle, l’amour devrait demeurer platonique.
Le mariage et l’amour physique détourneraient en e≠et
la femme des choses de l’esprit, de la philosophie, de la
littérature et des sciences grâce auxquelles elle peut
s’émanciper. Henriette, elle, trouve tout naturel d’aimer
et de s’épanouir dans la vie matrimoniale. Chrysale
approuve le mariage mais, dominé par sa femme, savante
et autoritaire, il ne parvient pas à imposer sa volonté.
les femmes savantes
La mère préfère donner sa fille Henriette à Trissotin et
entend bien qu’on lui obéisse. Tandis que Chrysale se plie
aux souhaits de Philaminte, Clitandre et Henriette
mèneront diverses entreprises pour que la mère accepte
leur projet de mariage. Mais ni les mauvais vers récités par
Trissotin, ni sa querelle grotesque avec Vadius, ni sa joute
verbale avec Clitandre, qui tente de démontrer l’hypocrisie
du pédant, davantage intéressé par la dot que par la fille,
n’ébranleront la confiance de Philaminte en son
intellectuel favori. Devant le notaire convié pour sceller
le mariage, le lâche Chrysale laisse une servante signaler
à l’assemblée que l’autorité paternelle devrait prévaloir.
Mais en vain : Philaminte convainc son mari de marier
Henriette à Trissotin, et Armande à Clitandre en guise
de consolation. Seul un stratagème orchestré par Ariste
réussira in extremis à révéler l’imposture de Trissotin et
permettra aux amoureux de concrétiser leur alliance.
Hélène Jacques
12 | 13
Molière à l’époque des
Femmes savantes
En 1672, la carrière de Molière est à son apogée. Protégé du roi, reconnu et riche, l’auteur
a 50 ans lorsqu’il présente Les Femmes savantes, qu’il peaufine depuis quatre ans. Car après
avoir conçu plusieurs projets à la hâte afin de répondre à des commandes royales, Molière
souhaite écrire une pièce « tout à fait achevée » une comédie en cinq actes et en vers et
approfondir le sujet de son premier succès devant la cour en 1659, Les Précieuses ridicules,
une comédie en un acte mais cette fois en prose, dont le ton se rapprochait de la farce.
Depuis son arrivée à Paris en 1658, Molière suscite l’envie de ses adversaires et
subit de nombreuses attaques. Tandis qu’on cherche à le confiner au rôle d’histrion, il
fait au contraire valoir des mérites d’auteur : il a l’ambition littéraire de transcender les
limites de la farce en proposant des comédies de mœurs et de caractère. Les querelles
de L’École des femmes et du Tartu≠e, en 1663 et 1664, témoignent des rivalités animant
la Cour et de l’agressivité des adversaires de Molière ; elles révèlent également qu’il a
atteint son objectif.
Le projet des Femmes savantes aurait d’ailleurs pour origine un compte à régler
avec l’un de ses adversaires. Si cette pièce évoque la situation des femmes au 17e siècle
et tourne en dérision les excès de la préciosité, il semble que Molière s’y moque autant
des savantes que de l’abbé Cotin, qui lui a inspiré le rôle de Trissotin. L’a≠aire remonte
à la représentation de L’École des femmes, en 1662. Cotin, homme savant et auteur de
fades poésies galantes pourtant appréciées dans les salons, juge sévèrement la pièce de
Molière qu’il considère immorale. Il en remet en 1666 dans La Critique désintéressée sur
les satyres du temps, où il attaque les gens de théâtre et plus particulièrement Molière. Ce
dernier riposte finalement dans Les Femmes savantes, où des bourgeoises précieuses, usant
quantité de compliments hyperboliques, encensent les poèmes aux qualités discutables
Tania Fédor, Charlotte Boisjoli, Olivette Thibault et Jean-Louis Roux dans Les Femmes savantes de Molière, m.e.s. Jean Gascon,
TNM, saison 1959–1960. Photo : Henri Paul
les femmes savantes
du sieur Trissotin, accentuant du coup la pauvreté de ses vers. Or, ces poèmes sont issus
des véritables Œuvres galantes de l’abbé Cotin… De plus, Molière reproduit dans l’échange
entre Vadius et Trissotin une querelle bien connue qui a opposé à cette époque Cotin
à l’homme de lettres Gilles Ménage, ce dernier l’ayant confronté publiquement pour la
médiocrité de l’un de ses poèmes. Molière exécute donc impitoyablement Cotin caricaturé
en Trissotin, le « trois fois sot » que les spectateurs de l’époque reconnaissent aisément1.
Toutefois, l’attaque dépasse la caricature individuelle : Molière, selon certains, dessine
avec ce personnage plus malhonnête sans doute que ne l’était réellement Cotin le portrait
d’un « autre Tartu≠e, [d’] un imposteur qui falsifie, non plus la dévotion, mais les belleslettres, pour briller dans la société et y chasser les plus riches dots2 ». Su∞sant pédant,
hypocrite enjôleur, ce tartu≠e des salons abuserait de la soif de galanterie et de savoir des
élégantes avec des connaissances relatives et un talent médiocre afin de s’enorgueillir
de leur admiration, mais également de s’enrichir.
En 1672, Molière vit cependant ses derniers mois. Il cumule alors au sein de sa troupe
de multiples fonctions : il est auteur, chef de troupe, metteur en scène et acteur. Il interprète encore les grands rôles qu’il compose, dont Chrysale dans Les Femmes savantes. On
le sait cependant très malade. Même épuisé par une toux persistante (il serait atteint de
tuberculose), usé par le travail et accablé par de multiples revers – sa collaboratrice de
la première heure, Madeleine Béjart, s’éteint ; le roi lui préfère Lulli peu après le grand
succès des Femmes savantes ; il perd son fils âgé de quelques semaines –, Molière ne ralentit
pas le rythme. Il s’éteint en 1673, après la quatrième représentation du Malade imaginaire
dans laquelle il interprétait ironiquement le rôle du malade Argan.
Hélène Jacques
1 Madame de Sévigné parle par exemple de la pièce Tricotin dans une lettre de 1672.
2 Robert Garapon, Le Dernier Molière. Des Fourberies de Scapin au Malade imaginaire, Société d’édition
d’enseignement supérieur, Paris, 1977, p. 119.
Portrait de Molière.
14 | 15
Attaque ciblée :
Molière
contre la bourgeoisie
Le public auquel s’adresse principalement Molière est celui de Versailles, autrement dit un
public issu de la noblesse. Pour conserver ses privilèges, le favori du roi cherche à ménager
ses alliés, à qui ses textes doivent plaire : Clitandre, par exemple, flatte les courtisans, les
oppose aux pédants en a∞rmant qu’à la cour « on peut se former quelque bon goût » (Les
Femmes savantes, Acte IV, scène III). Molière choisit donc de cibler une classe sociale qui
a bien peu de prestige au 17e siècle : la bourgeoisie. Le type bourgeois dont les prétendus
défauts – avarice, couardise, jalousie, su∞sance – sont représentés de façon caricaturale
« a été utilisé très fréquemment par Molière depuis ses débuts et tient dans son théâtre
une place considérable, la première peut-être. » (Paul Bénichou, Morales du grand siècle,
1948) Puisque Molière, lui-même provenant d’une famille bourgeoise, a choisi le métier
de comédien plutôt que celui de tapissier comme son père, on suppose aussi qu’il avait
pour ce milieu une bien piètre estime.
Pourtant, le sens pratique de Chrysale apparaît moins farfelu que les lubies littéraires
et les prétentions intellectuelles des femmes savantes. « Je vis de bonne soupe, et non
de beau langage. / Vaugelas n’apprend pas à bien faire un potage » (Les Femmes savantes,
Acte II, scène VII), dit-il à sa femme lorsqu’elle congédie une servante parce qu’elle
massacre les règles grammaticales. Mais la caractéristique principale de Chrysale est sans
conteste sa lâcheté, en ce sens que le mari craint sa femme, devant qui il n’ose imposer
ses volontés. Tandis que dans une scène il s’a∞rme résolu à donner sa fille à Clitandre,
il plie facilement dès la suivante et consent au désir de sa femme de la marier à un autre.
Puisqu’il est prosaïque et faible, Chrysale est en somme risible. Il rappelle également
que les femmes savantes appartiennent à la bourgeoisie, milieu médiocre selon la cour,
dont elles souhaitent laborieusement s’extirper en imitant les manières des véritables
précieuses, nobles celles-là.
Hélène Jacques
les femmes savantes
Madame
de Scudéry
Ces précieuses
qui veulent savoir :
une certaine
émancipation des femmes
au 17e siècle
Dans Les Femmes savantes, comme il l’avait fait treize ans plus tôt avec ses Précieuses
ridicules, Molière se moque du manque de jugement littéraire des femmes et de leurs prétentions intellectuelles. S’oppose-t-il pour autant, dans ces pièces, à leur émancipation ?
L’auteur y ridiculise en e≠et dans des scènes très semblables les propos naïfs des femmes
au sujet de poèmes médiocres (Acte III, scène II dans Les Femmes savantes, scène IX dans
Les Précieuses ridicules ) et place dans la bouche des pères des répliques revendiquant un
retour au rôle traditionnel de la femme : « Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup
de causes, / Qu’une femme étudie et sache tant de choses. / Former aux bonnes mœurs
l’esprit de ses enfants, / Faire aller son ménage, avoir l’œil sur ses gens, / Et régler la
dépense avec économie, / Doit être son étude et sa philosophie », a∞rme par exemple
Chrysale dans la scène VII de l'Acte II des Femmes savantes. Mais Molière ne défend-il pas
aussi, dans cette pièce et dans plusieurs autres textes dont L’École des femmes, le droit des
jeunes filles de choisir leur mari, à une époque où les mariages forcés sont courants ?
Et finalement qui, dans l’univers moliéresque, est épargné par sa plume critique ? Lors
de la représentation des Précieuses ridicules en 1659, d’ailleurs, les femmes associées au
mouvement de la préciosité n’ont pas été o≠usquées, considérant plutôt que Molière
attaquaient les provinciales naïves qui les imitaient maladroitement, qui surestimaient
la littérature et l’intellectualité – ce qui distord le rapport à la réalité. L’auteur ridiculise
certainement les excès et dérives de la préciosité, mais au-delà de ce portrait caricatural,
il donne un aperçu de ce phénomène social féministe du 17e siècle.
Gravure de Madeleine de Scudéry, artiste anonyme, BNF.
16 | 17
LA RÉVOLUTION DANS LES SALONS
La préciosité apparaît dans les salons : celui de la marquise de Rambouillet qui, vers
1610, reconstitue dans son hôtel particulier une cour où l’on cultive l’art de la conversation ;
ou encore celui, plus tard, de Mademoiselle de Scudéry, fréquenté par plusieurs auteurs
de renom – Mme de Sévigné, Mme de La Fayette, La Rochefoucauld ou Chapelain.
On y discute littérature, religion ou mode, mais aussi politique. Lieux de di≠usion d’idées
progressistes, les salons constitueront de véritables foyers d’opposition au pouvoir, dans
lesquels se préparera d’ailleurs la Fronde. On y présente également des conférences de
savants qui, à l’extérieur des murs des universités, vulgarisent leurs connaissances pour
un public plus vaste. Quelques femmes privilégiées, alors que l’on prive les jeunes filles
d’instruction, ont ainsi accès à une forme d’enseignement.
Dans ces salons où les femmes jouent un rôle prépondérant, les idées modernes qu’on
propage concernent tout particulièrement leur statut social. On revendique la liberté de
choisir un époux, le droit au célibat, au divorce, au contrôle des maternités. On propose
que les femmes s’a≠ranchissent de leur rôle traditionnel de mères et de ménagères et
qu’elles acquièrent leur autonomie, sans tutelle masculine. On réclame le droit des
femmes à l’éducation et la reconnaissance de leurs capacités intellectuelles, car « [c]’est
faire à notre sexe une trop grande o≠ense, / De n’étendre l’e≠ort de notre intelligence /
Qu’à juger d’une jupe et de l’air d’un manteau, / Ou des beautés d’un point, ou d’un brocart
nouveau », déplore Armande à la scène II de l'Acte III des Femmes savantes.
FEMMES DE TÊTE, FEMMES DE CŒUR
Afin de redéfinir les relations entre les hommes et les femmes, les précieuses
condamnent le mariage et, du moins en littérature, privilégient le modèle de l’amitié
tendre. Publiée dans son roman Clélie, histoire romaine, la célèbre « Carte de Tendre » de
Mademoiselle de Scudéry, qui d’ailleurs ne s’est jamais mariée, peut être interprétée ainsi.
Dans ce pays allégorique où le soupirant chemine vers une femme pour l’obtention de
son amitié, il emprunte une route le menant à Tendre, passant par les villages de Billets
doux ou de Petits Soins et tâchant d’éviter le Lac d’Indi≠érence. Au-delà de Tendre, les
terres sont inconnues et dangereuses : il s’avère donc imprudent de franchir les limites
de l’amitié tendre et de s’engager dans la voie du mariage.
Si les précieuses accordent par ailleurs une grande importance à la passion amoureuse,
elles s’inspirent du modèle courtois, où l’amour est sublimé, où l’homme occupe le rôle
de l’adorateur plutôt que celui de l’époux. Fuir le mariage, éviter de se « claquemurer
aux choses du ménage », transcender les instincts sensuels en recourant à l’intelligence,
voilà ce que propose Armande à sa sœur Henriette pour lui donner accès à de « plus
Gravure La Carte de Tendre par François Chauveau, 1654, Paris, BNF.
les femmes savantes
Madame
de Sévigné
nobles plaisirs » : « Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie, / Qui nous monte au-dessus
de tout le genre humain, / […] Soumettant à ses lois la partie animale, / Dont l’appétit
grossier aux bêtes nous ravale » (Les Femmes savantes, Acte I, scène I). Et si mariage il y a,
le couple doit être redéfini et la femme s’y trouver égale à l’homme en termes de droits
et de responsabilités. Philaminte, détenant sur son mari Chrysale un pouvoir absolu,
incarne un nouveau partage des rôles – bien qu’ils soient ici tout simplement inversés.
LE BEAU PARLER FRANÇOIS
La préciosité correspond enfin à un goût pour les belles manières, à la volonté de se
distinguer, de sublimer le quotidien médiocre. Les précieuses entreprendront à cet égard
de ra∞ner tout autant les mœurs que la langue. D’une part, elles proposent de retrancher les « syllabes sales » qui, selon Philaminte, « dans les plus beaux mots produisent
des scandales » et « font insulte à la pudeur des femmes », (Les Femmes savantes, Acte III,
scène II) ou même de proscrire les mots vulgaires. Quelques-unes de leurs suggestions de
simplification orthographique seront d’ailleurs retenues par l’Académie française : on doit
aux précieuses le retrait de lettres dans certains mots, comme « autheur », par exemple,
qui devient grâce à elles « auteur ». D’autre part, les précieuses développent un langage
où abondent les néologismes, les hyperboles, les comparaisons et les périphrases. Dans
Le Grand Dictionnaire des Précieuses ou la Clef de la langue des ruelles publié en 1660, Antoine
Baudeau de Somaize répertorie les expressions et mots de la langue précieuse dans une
intention moqueuse. En consultant cet ouvrage, on peut dès lors comprendre qu’assise
auprès du supplément de soleil (chandelle) et du siège de Vulcain (cheminée), la précieuse
sent s’échau≠er ses trônes de la pudeur (joues) et verse quelques perles d’iris (larmes)
lorsqu’elle parcourt, sur l’e≠ronté qui ne rougit pas (papier), les vers furieusement (tout à
fait) passionnés de son alcoviste (galant). Elle prend alors un bain intérieur (verre d’eau)
et regarde le flambeau du silence (lune) en se délabyrinthant (démêlant) les cheveux.
Certaines de leurs expressions sont devenues courantes, comme « les miroirs de l’âme »
qui désignent les yeux.
Mais ce « jargon » et ces manières parfois exagérément a≠ectées seront ciblés par les
adversaires des précieuses. Il n’y a qu’un pas de la recherche de distinction à l’a≠ectation,
du savoir au pédantisme prétentieux : il semble qu’aujourd’hui ce soit davantage les dérives
du style et des valeurs précieuses que l’on associe au terme préciosité, péjoratif, qui font
ombrage au phénomène social précurseur d’une vie intellectuelle et littéraire au féminin.
Hélène Jacques
Portrait de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné, par Claude Lefèvre, Musée Carnavalet.
18 | 19
LA MANIÈRE UBU
PARCOURS DE CRÉATION
DE DENIS MARLEAU
En 1981, lorsqu’il présente Cœur à gaz et autres textes Dada au Musée d’art contemporain
de Montréal, Denis Marleau propose une esthétique étonnante, s’engage dans une voie
que nul autre metteur en scène au Québec n’avait encore empruntée : celle d’un théâtre
qui s’appuie sur un répertoire littéraire original, voire méconnu, et sur un jeu de l’acteur
aux antipodes de l’improvisation ou du réalisme psychologique alors dominants sur les
scènes québécoises. Il fonde un an plus tard, avec Anne-Marie Rocher et Denis Leclerc,
le Théâtre Ubu (aujourd’hui UBU, compagnie de création) et, depuis, il peaufine et
module cette « manière UBU » si singulière. L’esthétique de Denis Marleau repose
sur une approche concrète du texte littéraire, dans la mesure où le metteur en scène
cherche à « faire entendre » les mots, c’est-à-dire, selon les deux acceptions du terme, faire
comprendre le sens du texte, mais aussi faire percevoir ses sonorités. Ainsi, la profération
du texte par l’acteur, qui module son débit, sa vitesse d’élocution, ses intonations, ses
tonalités, est au cœur d’un théâtre où la manière de dire le texte pour le transmettre au
spectateur est toujours nuancée et précisément travaillée.
La critique départage généralement le parcours de Marleau en deux périodes, en
fonction de ses choix dramaturgiques. La première correspond aux années 1980, durant
laquelle le metteur en scène se tourne vers le répertoire des avant-gardes historiques. Les
spectacles, conçus à partir des œuvres de Tzara, Schwitters ou Khlebnikov, sont souvent
présentés dans des musées, et conçus en collaboration avec des artistes issus entre autres
des arts visuels et de la composition contemporaine qui créent les scénographies et les
musiques. Le metteur en scène réalise des collages de textes où se succèdent numéros et
petits récits souvent absurdes, que les acteurs interprètent en inventant des modalités de
jeu inédites : dans un jeu physique surprenant, ils adoptent une démarche et e≠ectuent
des gestes non naturalistes, souvent en décalage avec le propos ; ils profèrent le texte,
Christiane Pasquier dans Une fête pour Boris de Thomas Bernhard, texte français Claude Porcell, m.e.s. Denis Marleau,
coproduction UBU / Festival d’Avignon / Festival TransAmériques / Usine C / Manège.mons / Maison de la culture d’Amiens /
Espace Jean Legendre, Théâtre de Compiègne / Cankarjev Dom (Slovénie), 2009. Photo : Stéphanie Jasmin
parfois en chœur, en jouant avec ses sonorités, les volumes de la voix et les vitesses du
débit. En somme, les acteurs exposent la théâtralité, exacerbent l’artificialité de leur
jeu, et le public assiste, réjoui et parfois abasourdi, à une performance spectaculaire
d’acteurs virtuoses. Oulipo Show (1988), ou Les Ubs (1991) d’après Jarry, dont le nom du
célèbre personnage inspire celui de la compagnie, constituent deux moments marquants
de cette période créatrice.
Au cours des années 1990, Marleau délaisse les avant-gardes. Les collages de textes
font place à des œuvres denses et complexes issues de répertoires divers, tant québécois
(Chaurette), que germanique (Gœthe, Bernhard), contemporain (Pliya, Koltès, Fosse)
ou historique (Büchner, Shakespeare). Le metteur en scène poursuit néanmoins son
travail de découvreur de textes, mettant en scène des œuvres peu montées au Québec
comme celle de Maeterlinck. Il approfondit également l’approche multidisciplinaire
de la première période, en travaillant notamment avec le sculpteur Michel Goulet qui
conçoit les scénographies de plusieurs spectacles.
Ce changement de répertoire entraîne une rupture dans le jeu de l’acteur, qui se
transforme radicalement, surtout à partir du moment où Marleau monte Beckett. Dans La
Dernière Bande, pièce qu’il a mise en scène à deux reprises, en 1994 et 2002, un vieil homme
interprété par Gabriel Gascon écoute l’enregistrement de sa voix sur un magnétophone.
Immobile, recueilli et penché sur l’appareil, il exprime grâce aux subtiles expressions
de son visage les émotions suscitées par la voix du magnétophone. Une interprétation à
des lieues, en somme, de l’exubérance spectaculaire de la première période de création !
En e≠et, la gestualité exacerbée et la virtuosité vocale se muent durant les années 1990
en des modalités de jeu caractérisées par l’épure et la retenue. Les acteurs réduisent les
gestes redondants et déplacements inutiles sur la scène, demeurant souvent en position
frontale. Ils dépouillent aussi la profération du texte, n’ajoutant pas d’e≠ets de jeu : dans
une interprétation mesurée, ils e≠acent le superflu, réfrènent le pathétique et l’a≠ectation
pour laisser entendre le texte, les émotions et obsessions des personnages, avec sobriété.
Trop vouloir « jouer le texte », dans cette optique, consiste à émettre un commentaire,
L’Histoire du roi Lear de Shakespeare, traduction Normand Chaurette, m.e.s. Denis Marleau, scénographie Guillaume Lachapelle,
vidéo Stéphanie Jasmin, TNM, en collaboration avec UBU, saison 2011–2012. Photo : Yves Renaud
à y plaquer un sens. Le travail de l’acteur chez Marleau consiste plutôt à faire entendre
ce qui compose le texte et que le spectateur doit déchi≠rer : son rythme, ses sonorités,
ses multiples sens, et l’humanité du personnage qui émerge du langage. Parmi les
nombreuses productions représentatives de cette décennie de création, mentionnons
Maîtres anciens (1995), adaptation du roman de Thomas Bernhard, ainsi que les mises en
scène remarquées des pièces de Normand Chaurette, Le Passage de l’Indiana (1996), Le Petit
Köchel (2000) et Les Reines (2005).
La direction artistique de la compagnie est partagée, depuis 2002, avec Stéphanie
Jasmin qui travaille aussi auprès de Denis Marleau en tant collaboratrice artistique
et à la conception vidéo. À cette complicité soutenue correspond l’intégration de plus
en plus importante, à partir des années 2000, de technologies de l’image et du son
dans plusieurs créations. Dans Les Aveugles (2002), par exemple, admirable production
qui a connu un grand rayonnement, les visages filmés des acteurs, absents de la
représentation, sont projetés sur des masques en relief. Cette « installation-théâtre »
provoque un e≠et de réel surprenant tout autant qu’elle suscite une atmosphère inquiétante
propre à l’univers symboliste de Maeterlinck. La technologie sur la scène d’UBU permet
également de créer un environnement sonore complexe et un mode de di≠usion de la
voix des acteurs précisément ajustée, ce qui favorise la transmission limpide du texte sur
laquelle Marleau fonde son travail. Ces moyens technologiques, en somme, constituent
des outils qui permettent de creuser une démarche remarquable de cohérence, où
l’ensemble des composantes de la scène, du jeu de l’acteur aux techniques convoquées,
plonge le spectateur dans l’espace du texte.
Figure marquante dans le paysage théâtral québécois, Denis Marleau a obtenu
plusieurs prix et distinctions, dont le Prix du Gouverneur général pour les arts du
spectacle, tout récemment (2012). Cette reconnaissance dépasse les frontières nationales : bien connu en France, notamment, le metteur en scène a été invité à créer
des spectacles dans des lieux mythiques, comme Nathan le Sage de Lessing dans
la Cour d’Honneur du Palais des Papes au Festival d’Avignon de 1997 et Agamemnon de
Sénèque à la Comédie-Française (2011).
Hélène Jacques
Henri Chassé et Gabriel Gascon dans Maîtres anciens de Thomas Bernhard, adaptation et m.e.s. Denis Marleau, traduction Gilberte
Lambrichs, coproduction UBU / Festival de théâtre des Amériques / Centre national des arts, 1995. Photo : Josée Lambert
Le Château de Grignan
Les Fêtes nocturnes et Madame de Sévigné
Au cours de l’été 2012, Les Femmes savantes,
mises en scène par Denis Marleau, ont été créées aux
Fêtes nocturnes du Château de Grignan. Durant cette
manifestation, qui anime depuis 1987 le petit village de
Grignan situé dans la région Rhône-Alpes
en Provence, le château accueille dans sa cour une œuvre
du répertoire classique.
Juché sur son promontoire rocheux, le château surplombe le village depuis le Moyen Âge.
Au cours des siècles, cette forteresse médiévale a été aménagée en splendide palais de style
Renaissance que Madame de Sévigné (1626–1696), femme d’esprit bien connue dans les
salons parisiens, dépeint dans sa correspondance. La célèbre épistolière, contemporaine de
Molière, y a en e≠et séjourné à quelques reprises et y est décédée. Sa fille, Françoise-Marie,
a épousé en 1669 le comte de Grignan, François de Castellane-Adhémar de Monteil,
et a rejoint son mari au château peu de temps après le mariage. Sou≠rant de l’absence de
sa fille, Madame de Sévigné a entretenu avec elle une correspondance à travers laquelle
on peut suivre l’histoire du règne de Louis XIV tout autant que celle, quotidienne et
intime, d’une aristocrate éduquée du 17e siècle.
La notoriété de la marquise a d’ailleurs joué un rôle important dans la renommée du
village et la restauration de l’édifice, détruit lors de la Révolution française. Marie Fontaine,
une riche Parisienne, a fait l’acquisition du château ; entre 1913 et 1931, elle lui a restitué
son faste perdu dans des travaux de reconstruction nourris par une volonté d’authenticité.
Lieu touristique, le château accueille aujourd’hui des manifestations cultu­relles et
abrite une collection d’objets d’art et de mobiliers du 16e au 20e siècle. Entre ses murs
réside toujours quelque chose de l’aura littéraire et intellectuelle de Madame de Sévigné,
que Les Femmes savantes de Marleau ont ressuscitée le temps des Fêtes nocturnes.
Hélène Jacques
La troupe des Femmes savantes de Molière, m.e.s. Denis Marleau, présentées au Château de Grignan, été 2012.
Photo : Stéphanie Jasmin
L’HUMOUR
CHEZ DENIS MARLEAU
Rares sont les comédies dans le parcours de Denis Marleau. Il a mis en scène Chaurette,
Beckett, Shakespeare, Tchekhov et Maeterlinck, si bien qu’on associe davantage
son esthétique tout en clair-obscur à des univers dramaturgiques mélancoliques,
voire tragiques, abordant avec inquiétude des questions métaphysiques et le thème de la
mort. Mais en remontant le fil de son parcours, on remarque que l’humour, loin d’en être
absent, surgit de manière récurrente.
Dans les premières créations du metteur
en scène, le jeu des acteurs est sans conteste fondé sur des stratégies suscitant le rire.
La diction exagérée, les modulations vocales extravagantes, les gestes grandiloquents,
les parodies des modes de jeu surannés, comme la déclamation emphatique, tout concourt
à conférer aux acteurs une allure de clowns absurdes. Les spectateurs qui ont assisté,
en 1988 ou lors de la reprise en 2011, au spectacle Oulipo Show se souviendront de ce jeu
physique et vocal d’une grande e∞cacité comique. Récitant un collage de textes composé principalement des Exercices de style de Queneau, Carl Béchard, Pierre Chagnon,
Bernard Meney et Danièle Panneton répètent continuellement la même histoire
en variant la manière et en exagérant le trait. Dans un autre spectacle phare de la
compagnie, les mêmes Béchard et Panneton, en plus de Pierre Lebeau et d’Alexis
Martin, parmi une distribution nombreuse, interprètent les personnages de l’univers
de Jarry dans Les Ubs (1991), véritable fête ludique. A≠ublés de costumes déformant
« Ah ! Vous dire les bonheurs de cette
mise en scène heureuse et libre que l'on
doit au très grand artiste québécois
Denis Marleau ! »
Critique des Femmes savantes, Le Figaro, 28 juin 2012.
leur corps et maquillés à grands traits, les acteurs exagèrent les accents et les émotions théâtrales, gesticulent et courent sur la scène comme des pantins désarticulés.
De plus, quelques textes auxquels s’intéresse Marleau, sans appartenir à proprement parler au genre comique, contiennent leur part d’humour. C’est le cas des
œuvres de l’Autrichien Thomas Bernhard, dont le ton dominant est l’humour cynique. Révoltés, nihilistes, les personnages bernhardiens s’expriment par l’hyperbole
et l’exagération, dans une logorrhée où s’accumulent, surabondantes, méchancetés
et attaques sarcastiques. Dans Maîtres anciens (1995), la charge enragée et ironique de
Reger, personnage dédoublé et interprété par Gabriel Gascon et Pierre Collin, devient
drôle à force d’exagération, tandis qu’Alexis Martin, bou≠on, accentue la bêtise de son
personnage de gardien de musée. Avec une grande intelligence du texte, Christiane
Pasquier a également livré sans faille, dans Une fête pour Boris (2009), un torrent verbal
tout empli de cet humour décapant.
Cette dernière était tout aussi étonnante dans
Les Reines de Normand Chaurette (2005), pièce dont l’humour n’apparaît pas d’emblée
mais que Marleau a su mettre en lumière en révélant, derrière leur masque royal,
les travers de ces personnages avides de pouvoir. Lorsqu’on se souvient que c’est en reine
Élisabeth décoi≠ée et dégringolant les escaliers que Pasquier a fait son entrée en scène,
on se dit que le style ubuesque des premières années n’est pas loin, non plus que les
bou≠onneries moliéresques.
Hélène Jacques
Carl Béchard et Christiane Pasquier dans Les Femmes savantes de Molière, m.e.s. Denis Marleau,
présentées au Château de Grignan, été 2012. Photo : Stéphanie Jasmin
UBU parle la langue
de Molière
Entretien avec
Denis Marleau et Stéphanie Jasmin
On retrouve peu d’auteurs classiques dans votre parcours. Pouvez-vous expliquer ce
qui vous a menés vers Molière et ce qui vous intéresse dans Les Femmes savantes ?
Denis Marleau : Le projet a pour origine une invitation qui m’a été lancée par
la direction culturelle du château de Grignan dans la Drôme. Un site patrimonial
remarquable qui a hébergé de célèbres châtelaines dont la fille de Madame de Sévigné.
Celle-ci, grande auteure épistolière, y vécut ses dernières années. Ses nombreuses
lettres, que nous avons parcourues, racontent avec beaucoup de détails les mœurs,
la vie quotidienne et l’état d’esprit de son siècle, le dix-septième. Et assez naturellement,
nos lectures se sont orientées vers Molière qui a retenu plus spécifiquement mon attention.
Pour deux raisons : d’abord, après Lear, je voulais enchaîner avec une comédie et, ensuite
et surtout, parce que jusque-là je n’avais jamais abordé Molière comme metteur en scène,
même si ma toute première expérience théâtrale à seize ans fut Le Médecin volant, où j’ai
joué Sganarelle sur les planches d’une salle d’école secondaire… Depuis 1987 se tient donc
à Grignan un événement culturel durant tout l’été qui s’appelle Les Fêtes nocturnes où
pendant deux mois est présentée une œuvre classique sur une scène en plein air devant
la façade renaissance du château qui surplombe cette belle région provençale. Après une
visite du site, je me suis projeté sans hésitation dans cette aventure qui me déplace ailleurs,
puisque c’est le premier théâtre d’été qu’UBU va vivre sur une aussi longue période,
exception faite du Festival d’Avignon où nous avons déjà présenté six de nos créations.
Photo : Angelo Barsetti
les femmes savantes
Stéphanie Jasmin : Souvent ce sont des intuitions qui nous portent vers un texte.
Après, on peut s’expliquer ce choix par quelques mises en relation évidentes et des raisons plus
souterraines. Ainsi, de prime abord mais de façon lointaine, le comique des Femmes savantes,
leurs jeux obsessifs et parfois risibles avec le langage nous ont rappelé des personnages
de Thomas Bernhard. Comme Molière, il se moquait de l’imposture intellectuelle et de
la prétention des grands bourgeois de son temps, pour ne penser qu’à Maîtres anciens
ou Une fête pour Boris. Puis, nous nous sommes intéressés à l’histoire du château et à
l’écrivaine qui y a séjourné, Madame de Sévigné, qui était une vraie femme savante,
de surcroît contemporaine de Molière. Dans sa correspondance, elle évoque d’ailleurs
une lecture publique des Femmes savantes comme « d’une fort plaisante chose ». Ensuite,
nous est apparue fascinante l’idée de monter cette pièce devant le château où elle a
terminé ses jours auprès de sa fille avec qui elle entretenait une relation passionnelle,
un amour fusionnel. Ce lien trouve un écho réel dans la pièce, qui décrit une journée
dans la vie d’une famille, puisque Molière y place au cœur de celle-ci la relation entre une
mère et ses filles aux prises avec leurs choix, leur destin de femmes. Tout cela à ce moment
de l’histoire où une nouvelle voie s’o≠rait aux femmes par le biais de la connaissance, de
l’écriture et de la di≠usion de la culture, à travers les salons littéraires et philosophiques
par exemple. De façon plus indirecte, on pourrait faire aussi un lien avec Jackie d’Elfriede
Jelinek, que nous avons montée à l’Espace GO et qui donnait à entendre la voix d’une
icône du 20e siècle, Jackie Kennedy, qui a incarné pour toute une génération le drame
d’une femme modèle et surtout captive de son image, celle d’une jeune femme brillante,
épouse et mère à la fois.
D.M. : Avec ce projet moliéresque, j’avais envie aussi de reconstituer une troupe,
le désir de convoquer des acteurs qui ont marqué mon trajet artistique (Carl Béchard,
Henri Chassé, Christiane Pasquier, Muriel Legrand et, plus récemment, Sylvie Léonard
et Bruno Marcil) et aussi d’en réunir d’autres pour la première fois (Denis Lavalou,
François-Xavier Dufour, Estelle Clareton et Noémie Godin-Vigneau). Un bel équilibre
de plateau avec des acteurs qui ont pour la plupart plus d’expérience de Molière que moi
et dont certains ont même « pratiqué » Les Femmes savantes, comme Christiane qui a mis
en scène la pièce au Théâtre du Trident à Québec il y a une douzaine d’années, ou encore
Carl qui a joué dans le spectacle de Lorraine Pintal à la NCT et Denis Lavalou, dans deux
ou trois autres productions. Pour toute l’équipe, c’est vraiment un projet exceptionnel,
dans la durée comme dans l’espace, puisque nous serons neuf mois ensemble d’avril à
décembre 2012, de la Provence à Montréal et en tournée au Québec.
Est-ce impressionnant de présenter Molière en France ?
D.M. : Comment dire, autant et pas tellement plus que d’aller présenter Faust
de Gœthe à Weimar, Les Aveugles de Maeterlinck à Bruxelles ou Les Trois Derniers
Jours de Fernando Pessoa d'après le récit d'Antonio Tabucchi, à Lisbonne. Molière
appartient au répertoire universel avec son théâtre qu’on recrée régulièrement et
qu’on s’approprie partout dans le monde. En tout cas, pour les Français, je ne suis
certainement pas un metteur en scène de la tradition classique qui va inscrire
la pièce en continuité ou en rupture, comme Planchon, Vitez ou Mnouchkine, par
rapport à une culture de sa représentation. Molière reste pour moi un territoire
étranger dont le matériau textuel est aussi complexe et dense qu’une pièce de
Jelinek. Autrement dit, j'aborde Les Femmes savantes, comme un texte d’aujourd’hui
et surtout pas dans le but d’en faire un exercice de reconstitution archéologique,
par exemple, sur la manière baroque de dire les alexandrins et encore moins de
chercher à dépoussiérer une œuvre. Au fond, ce qui compte pour moi, c’est de trouver
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des relations ludiques et sensibles avec ce texte dont je me mettrai entièrement à l’écoute,
de partir de tout ce qu’il peut mettre en orbite aujourd’hui comme lieux de tension ou
problématiques irrésolues et vivantes. Cela se produira surtout avec les acteurs sur le
plateau. Ceci dit, comme prémisses de travail, Stéphanie et moi avons trouvé certaines
résonances québécoises qu’on a envie de creuser et qui pourront éventuellement servir
d’appui à notre approche de mise en scène.
S.J. : Par exemple, les « femmes savantes » qui, à leur époque, ont réellement
di≠usé la culture, nous ont rappelé qu’ici, au Québec, les femmes ont également joué
un rôle important dans la transmission de la culture et de la connaissance au sein
du noyau familial, avant la Révolution tranquille, au moment où la culture n’était
pas forcément valorisée dans la société civile, en dehors des collèges classiques.
Les femmes de la pièce de Molière souhaitent légitimement s’élever par le savoir,
la science, les belles-lettres, les beaux-arts, la philosophie, mais, en adoptant une posture
intellectuelle sans pouvoir la maîtriser, elles deviennent, à l’exception d’Henriette,
risibles et naïves.
Faudra-t-il considérablement adapter le spectacle, qui sera d’abord présenté en
plein air et ensuite sur la scène du TNM ?
D.M. : Pour moi, le défi c’est de réaliser une seule mise en scène qui permettrait
aux acteurs de développer le même esprit de jeu au TNM qu’à Grignan. La question du
lieu scénique, bien évidemment, reste entière, puisque nous créerons la pièce dans un
décor presque « naturel », avec des sensations réelles de vent, de lumière, de piaillements
d’oiseaux ; un décor dont l’architectonie est vraiment inspirante. À Grignan, elle sera
perçue par les spectateurs comme le château de plaisance de cette famille qui en prend
possession au cours de l’été. À Montréal, on jouera plutôt le château comme un souvenir
à travers le dispositif et les images qu’il renverra aux spectateurs.
Aborderez-vous Molière comme les textes que vous mettez en scène généralement,
en vous appuyant sur le langage ? L’approche est-elle différente lorsqu’il s’agit d’un
classique ? Également, est-ce que l’écriture en vers représentera une contrainte
supplémentaire ?
D.M. : Comment monter Molière sans se documenter sur son époque, sans faire
quelques recherches pour comprendre les idées, les préoccupations et obsessions des personnages ! En m’appuyant sur le langage de ces « femmes savantes » dont l’e≠et d’étrangeté
me semble tellement plus grand que dans une pièce de Thomas Bernhard, il y a en e≠et
un lexique à déchi≠rer, un usage des mots et d’expressions idiomatiques dont il faut au
préalable bien traduire la pensée. Ce qui m’intéresse évidemment c’est la forme du vers,
sa musicalité, une contrainte parfaitement oulipienne, dont les règles d’exécution seront
à préciser entre nous.
S.J. : La versification est certes une contrainte, et dans celle-ci, on doit trouver le
moyen de faire entendre toute l’humanité du personnage. Les acteurs devront en jouer
toutes les nuances, faire entendre leurs répliques comme si elles s’inventaient au fur
et à mesure. C’est un défi d’autant plus grand lorsqu’il s’agit d’une musique qu’on croit
connaître comme celle de Molière.
les femmes savantes
Dans vos premières créations, un jeu physique très comique était développé. Dans la
mesure où Molière privilégiait lui-même le jeu corporel, comptez-vous explorer cet
aspect dans la construction du personnage ?
D.M. : Dans les premiers spectacles de la compagnie, nous explorions surtout, les
acteurs et moi, des répertoires rarement visités sur nos scènes, des textes dadaïstes,
futuristes et ceux de Jarry. Avec Carl Béchard, Pierre Lebeau, Pierre Chagnon et Danièle
Panneton, nous avions développé en e≠et un style de jeu qui versait dans la marionnettisation de l’humain à travers des figures qui nous y incitaient, d’ailleurs, comme Père
Ubu, Mère Ubu et d’autres. Avec Molière, nous entrons dans un tout autre univers.
S.J. : Cela dit, dans Les Femmes savantes, il y a des scènes qui donnent beaucoup de
place à l’exagération. Molière force quelquefois le trait en jouant sur certains contrastes
ou en appuyant sur des motifs nobles et poétiques, mais qui se révèlent absurdes, risibles
et même pathétiques. Il ne faut pas perdre de vue que Molière est un styliste du langage
et qu’il développe dans cette pièce une versification très sophistiquée. Il y a donc un
équilibre à trouver entre ce que le corps peut raconter et la déclamation qui ne doit jamais
empêcher la vérité de la situation, la vérité de ce qui se joue réellement dans les débats
entre les personnages.
Terminons avec la question de la position de Molière à l’égard des femmes. Dans la
pièce, il souhaite qu’Henriette puisse choisir son époux, mais il se moque du fait que
les savantes répriment leur instinct amoureux au bénéfice de leur soif de connaissance. Sa position vous paraît-elle ambiguë ?
S.J. : Chaque personnage propose des nuances intéressantes dans leur rapport au
savoir qui est un moyen d’accéder à la liberté pour ces trois femmes savantes, Armande,
Philaminte et Bélise. Par exemple, Armande en opposition à Henriette dit vouloir se couper
des émotions viles du corps et de la matière pour se consacrer de façon presque dogmatique aux plus nobles réflexions sur le monde, mais on sent bien qu’elle n’est pas tout à fait en
accord avec ce principe, qu’elle est troublée, sinon brisée intérieurement. Bélise est beaucoup
plus romanesque et en proie à des lubies. Quant à Philaminte, elle est en quelque sorte
la reine-mère de la maisonnée, la figure la plus pragmatique dans ses activités intellectuelles de salon qu’elle règle avec ouverture et fermeté. Molière met donc en relief une
approche dualiste plus ou moins rigide ou assumée chez l’une comme chez les autres,
selon leurs aspirations et leurs statuts de mère, de célibataire ou de jeune femme. Ces
ambivalences et ces désirs de transcender le réel en font des figures finalement plus
mouvantes, alors que les hommes semblent plus habités de pensées monolithiques et
engagés dans des trajectoires de certitude. Molière n’épargne personne avec son observation pleine d’acuité des comportements de ses contemporains…
D.M. : Chaque trajet de personnage se révèle d’une grande complexité et recèle de
nombreux états intérieurs, entre le drame et la comédie. Pour citer Jacques Copeau, un
des premiers grands metteurs en scène du 20e siècle, il faut essayer « d’inventer au-dedans,
d’emplir de réalité, de saturer de poésie tout ce qui se fait et se dit sur la scène, sans
jamais outrer la signification, sans jamais déborder ce que j’appelle la pure configuration
des chefs-d’œuvre. » (Anthologie inachevée à l’usage des jeunes générations, 2012)
Propos recueillis et mis en forme par Hélène Jacques, le 15 février 2012
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Christiane Pasquier
En eaux profondes
Christiane Pasquier, c’est le bonheur de créer à l’état pur. Fusionnelle jusqu’à la
démesure avec ses personnages, sa quête la porte dans les profondeurs abyssales
de la condition humaine pour insuffler vie à ces femmes ardentes, complexes,
lumineuses, tragiques. Comme elles, la comédienne aspire à plus que la vie ordinaire.
Ce qui la démarque vraiment, en plus de son immense talent, c’est son standard
d’excellence. Elle met simplement la barre très haute… Assoiffée d’absolu, elle aime
remettre en question, se tordre les méninges, changer les angles de la réalité, juste
pour voir ce qui se cache au fond des choses. Tête chercheuse, cœur généreux,
elle porte en pleine lumière les joyaux bruts de la création, qu’elle cisèle avec une
éblouissante maîtrise.
Christiane Pasquier est femme de contrastes et son parcours est loin d’être linéaire.
Elle qui a su, en début de carrière, se faire adorer des téléspectateurs québécois grâce
à une présence quasi continue, s’est pourtant retrouvée propulsée dans le cercle des
initiés du théâtre d’art. Alors qu’au Québec, dans les années 70, la culture devenait
une question d’identité nationale, la jeune actrice se tournait davantage vers l’ailleurs.
Un séjour de trois ans à Londres lui fait découvrir sa niche artistique. Elle en revient avec
un féroce appétit de jouer et un désir de faire jaillir l’inédit. Dès lors, elle n’aura de cesse
d’approfondir ses connaissances d’actrice, de prendre l’exacte mesure de ses capacités et
d’en élargir les possibilités.
Des mots et des gens S’attardant d’abord au côté profondément humain et universel
des textes, cette artiste d’une grande exigence prend tous les moyens nécessaires pour
transmettre l’exacte pensée de l’auteur, dans toute sa profondeur et sa complexité, que ce
soit directement au spectateur quand elle joue, ou partagée avec son équipe lorsqu’elle
assure la mise en scène ou qu’elle dirige des ateliers. Sa façon de penser le théâtre, elle a le
bonheur de la partager lors de collaborations intenses : lumineuse avec Claude Poissant,
profonde avec Denis Marleau. « La vision de Claude m’a apporté une grande joie et beaucoup
de permissivité dans le travail. Et j’ai trouvé en Denis une résonance évidente dans ma
façon d’aborder les choses. C’est un privilège de pouvoir développer un tel rapport de
confiance, que seul le temps peut permettre, parce que dans ce type de travail exploratoire,
on ne sait pas ce qu’on cherche tant qu’on ne l’a pas trouvé. Il y a nécessairement un abandon
de soi. C’est vertigineux, exigeant et tellement enrichissant pour tous ! » Christiane Pasquier dans Le dieu du carnage de Yasmina Reza, m.e.s. Lorraine Pintal, TNM, saison 2010–2011. Photo : Yves Renaud
les femmes savantes
S’engager Ce n’est pas que sur les planches que Christiane Pasquier a∞che cette
propension à aller au fond des choses, avec une grande intégrité. « Dans les années 80,
Lise Payette faisait plus qu’écrire pour la télé, elle donnait aux femmes de 30 ans leur
place dans la société ! Parce que je voulais me rendre utile, je lui ai envoyé une lettre
témoignant de mon désir de faire partie de l’aventure (La Bonne Aventure et, plus tard,
Un signe de feu). Pour moi, c’était beaucoup plus qu’un gagne-pain, c’était ma façon de
légitimer mon métier. » C’est toujours la notion de quête qui mène Christiane Pasquier en
d’autres endroits. Ce besoin de plonger, toujours plus loin. Elle est venue à l’enseignement
parce qu’elle avait besoin de transmettre, de donner. À la mise en scène, pour la nécessité
de porter une parole en laquelle elle a foi. Et elle revient toujours au jeu parce qu’elle a
une fascination absolue pour les êtres, et qu’elle n’en finit jamais de questionner, creuser,
fouiller l’expérience de vivre.
Anne-Marie Desbiens
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distribution
Carl Béchard Trissotin | Nicolas Boivin-Gravel 2 Julien, Valet acrobate |
Henri Chassé3 Chrysale | Estelle Clareton4 Martine | François-Xavier Dufour5
Clitandre | Noémie Godin-Vigneau6 Armande | Denis Lavalou7 Vadius,
Le Notaire | Muriel Legrand8 Henriette | Sylvie Léonard9 Bélise |
Bruno Marcil10 Ariste | Christiane Pasquier11 philaminte | Samuel Roy12
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L’Épine, Valet acrobate
Photos : 1 Julie Perreault 3 Maude Chauvin 4 Stéphane Najman 5 David Ospina 6 Yanick MacDonald 7 Jean-Sébastien Baillat 9 Monic Richard
10 Stéphane Dumais 11 Dominique Malaterre
repères biographiques des artistes tnm.qc.ca
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