ENA: Rapport sur la rémunération des médecins libéraux

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Promotion 2008-2010
« Émile ZOLA »
Direction de la formation
« Option d’approfondissement »
Groupe n° 13
LA REMUNERATION DES MEDECINS LIBERAUX
4 élèves
Février 2010
Exemplaire personnel de : M.
Lettre de mission
Les médecins libéraux, généralistes et spécialistes, représentent 60% des médecins français.
Au nombre de 115 000, ils sont en France essentiellement payés à l’acte, ce qui a notamment
pour conséquence de les inciter à maintenir une activité soutenue. Leur rémunération est une des
variables clés de régulation de notre système de santé.
Le paiement à l’acte est l’un des principes fondateurs de la médecine libérale. Il n’a pas été
remis en cause par la socialisation des dépenses de santé en 1945, faisant des médecins une
catégorie singulière de libéraux rémunérés en grande partie sur fonds publics. Si ce système a
participé au développement d’une médecine accessible à tous et sans délai d’attente, il soulève
néanmoins un certain nombre de difficultés.
Depuis le début des années 1970, l’impératif croissant de maîtrise des dépenses de santé a
conduit les pouvoirs publics à chercher à limiter l’effet inflationniste du paiement à l’acte et à
encadrer l’activité des médecins : définition de tarifs opposables, références médicales
opposables ou non, et, depuis 2005, augmentation de tarifs conditionnée à une modération des
prescriptions.
Plus récemment, de nouveaux modes de rémunération ont été introduits dans l’objectif d’une
meilleure prise en compte des enjeux de santé publique : création de forfaits pour le suivi des
patients en affection longue durée et pour la permanence des soins, introduction du paiement à la
performance avec la mise en oeuvre du contrat d’amélioration des pratiques individuelles
(CAPI), expérimentation de nouveaux modes de rémunération ouverte par la loi de financement
de la sécurité sociale pour 2008. Ces innovations ont fait avancer l’idée selon laquelle le
paiement à l’acte n’est plus le mode de rémunération incontournable et exclusif de la médecine
de ville.
Toutefois des difficultés demeurent. L’effet inflationniste du paiement à l’acte n’est pas
maîtrisé et des dépassements d’honoraires mettent en cause l’égal accès aux soins. Par ailleurs, la
survalorisation de certains actes entraîne de fortes disparités de revenus entre professionnels,
tandis que les activités de santé publique sont insuffisamment rémunérées. Enfin, favorisant un
exercice isolé de la médecine qui a perdu de son attractivité auprès des jeunes générations, ce
mode de rémunération semble devoir évoluer pour accompagner les réorganisations en cours de
notre système de santé.
Dans le contexte de la négociation de la prochaine convention médicale, le Gouvernement
s’interroge sur l’opportunité et les moyens de poursuivre une réforme de la rémunération des
médecins libéraux.
La diversité des situations, notamment entre médecins généralistes et spécialistes, la
complexité des dispositifs de rémunération et leur impact sur l’organisation du système de soins,
imposent de réaliser un état des lieux préalable afin d’analyser, à la lumière de comparaisons
internationales, les caractéristiques, avantages et limites du système de rémunération français.
Vous déterminerez ensuite, au regard des enjeux auxquels est confronté notre système de
santé et compte tenu des récentes modifications intervenues, les priorités à assigner à une
réforme. Vous présenterez différents scénarios en précisant leur impact financier et les mesures
de nature à favoriser leur acceptabilité. Vous veillerez à distinguer les améliorations qui peuvent
être apportées au système actuel de rémunération, d’une part, de propositions visant à
accompagner et favoriser une réorganisation de notre système de santé, d’autre part.
Votre rapport devra être rendu le 5 février 2010.
Fait à Paris - le 15 janvier 2010
Vu, le 15 janvier 2010
Vu, le 15 janvier 2010
Signée
SYNTHESE
L’activité libérale constitue l’une des deux formes d’exercice de la médecine en France et la
forme principale de l’exercice ambulatoire. Le mode de rémunération qui lui est associé est le
paiement à l’acte, qui lie le revenu du médecin au nombre d’actes pratiqués. Le tarif des actes
médicaux est fixé par une négociation entre l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et
les représentants des médecins. Le paiement à l’acte se distingue du salariat, qui s’applique en
France aux praticiens hospitaliers, et de la capitation, qui prévoit une rémunération en fonction
du nombre de patients suivis.
Les médecins libéraux figurent parmi les professions les mieux rémunérées en France. Il
existe toutefois des disparités importantes entre médecins généralistes et spécialistes, mais aussi
entre spécialités. Si certains écarts sont justifiés par des critères objectifs, d’autres traduisent des
dysfonctionnements. En outre, les médecins généralistes français ont une rémunération
inférieure à celle de leurs homologues étrangers, pour un temps de travail plus élevé.
Le mode de paiement français incite à accroître le nombre d’actes pratiqués et à privilégier
les plus rémunérateurs. Dans le même temps, des dépassements d’honoraires croissants nuisent
à l’accès aux soins. Notre système de rémunération favorise par ailleurs une pratique isolée de la
médecine, orientée vers les activités curatives, qui répond mal aux attentes des professionnels et
aux besoins médicaux liés aux évolutions démographiques et épidémiologiques. Enfin, coûteux
pour la collectivité, il n’est pas pour autant gage d’une qualité optimale.
Pour autant, l’analyse économique montre qu’aucune modalité de rémunération n’est à elle
seule parfaitement satisfaisante. Le paiement à l’acte, qui a pour principal atout dans le contexte
de baisse de la démographie médicale, de maintenir une productivité importante des médecins
doit rester le fondement de notre système. Mais il doit être complété par d’autres modes de
rémunération afin de favoriser l’adaptation de la médecine ambulatoire aux nouveaux enjeux de
notre système de santé.
Malgré les difficultés des négociations conventionnelles, le contexte est favorable à une
réforme. L’évolution des aspirations des médecins l’encourage, comme les récentes innovations
législatives - réorganisation de la gouvernance régionale, définition des missions du médecin de
premier recours, possibilité d’expérimenter de nouveaux modes de rémunération. La situation
des comptes sociaux rend d’autant plus nécessaire la réforme d’un système dont l’efficience est
discutée.
Le rapport envisage, en conséquence, deux voies d’amélioration du système de rémunération
des médecins libéraux.
La première consiste à orienter la politique tarifaire vers la réduction des distorsions dans
l’offre et l’accès aux soins. Il s’agit d’améliorer le fonctionnement actuel du paiement à l’acte,
notamment pour les spécialités techniques auxquelles il est bien adapté. La mission propose de
confier à un comité indépendant, hors des négociations conventionnelles, le soin de fixer et
d’actualiser la valeur des différents actes, en fonction de leur spécificité et selon des critères
objectifs. Cette option doit être préférée aux mesures de plafonnement ou à celles liant le tarif et
le volume des actes telles qu’elles existent parfois à l’étranger (recommandations 1 à 5). La
mission suggère d’introduire des mécanismes de régulation des dépassements. La création d’un
nouveau secteur de conventionnement dit optionnel visant à encadrer la liberté tarifaire,
constitue une piste d’avenir mais devant les risques qu’elle emporte, il en est proposé une mise
en œuvre expérimentale et limitée. Un encadrement régional des dépassements d’honoraires
pourrait, dans le même temps, être mis en œuvre (recommandations 6 à 8).
La seconde voie consiste à engager une diversification des modes de rémunération. Cet
ensemble de recommandations participe de la revalorisation de la médecine de premier recours
engagée par la loi portant réforme de l’Hôpital et relative aux Patients, à la Santé et aux
Territoires (HPST). La mission propose d’introduire des rémunérations forfaitaires pour
encourager la coordination et la coopération entre professionnels de santé et améliorer la prise
en charge des malades atteints de pathologies chroniques (recommandations 9 à 13). Il est
également suggéré de développer le paiement à la performance afin d’associer les médecins à la
satisfaction d’objectifs de santé publique et à la réalisation d’activités de prévention. Enfin, les
modalités de rémunération doivent évoluer de façon à assurer une meilleure répartition de la
médecine de premier recours sur le territoire (recommandations 14 à 17).
*
*
*
SOMMAIRE
LETTRE DE MISSION................................................................................................................................................. 2
SYNTHESE............................................................................................................................................................... 3
INTRODUCTION....................................................................................................................................................... 7
1. MODES ET NIVEAUX DE RÉMUNÉRATION DES MEDECINS LIBERAUX FRANÇAIS..................................................... 7
2. ENJEUX ET OBJECTIFS D’UNE REFORME............................................................................................................... 17
3. PROPOSITIONS : DEUX VOIES D’AMÉLIORATION POUR ADAPTER LA RÉMUNÉRATION DES MÉDECINS LIBÉRAUX
AUX ENJEUX DE LA MÉDECINE AMBULATOIRE................................................................................................... 26
26
CONCLUSION......................................................................................................................................................... 45
LISTE DES RECOMMANDATIONS............................................................................................................................ 46
6
Introduction
Par lettre du 15 janvier 2010 (ci-jointe), le Gouvernement a souhaité que soit réalisée une
étude relative à la rémunération des médecins libéraux. Il s’agissait, au vu de l’analyse des
caractéristiques du mode de rémunération actuel des médecins et des enjeux auxquels est
confronté notre système de santé, d’étudier l’opportunité d’une réforme et de proposer des pistes
d’évolution.
La rémunération des médecins libéraux est une variable clé de la régulation de notre système
de santé. Celle-ci doit être définie de telle sorte qu’elle concilie au mieux :
 pour les médecins, revenus satisfaisants et conditions de travail attractives ;
 pour les patients, qualité et facilité d’accès aux soins ;
 pour l’Etat et l’assurance maladie, équité dans l’accès aux soins, efficience des dépenses et
niveau élevé de santé publique.
La mission a cherché à déterminer dans quelle mesure, à partir du système actuel, les
modalités de la rémunération pourraient mieux répondre aux attentes des acteurs et aux enjeux
du système de santé français.
Parmi les médecins libéraux, différentes situations coexistent : certains exercent de façon
exclusivement libérale, en cabinet ou en établissement privé, d’autres ont une activité mixte,
qu’ils soient salariés à l’hôpital ou dans une autre structure. Les revenus hospitaliers ayant fait
l’objet d’une étude récente de la part de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) 1, la
mission a choisi de concentrer son analyse sur la rémunération de la part libérale de leur activité.
L’étude a été menée à partir d’entretiens réalisés auprès de l’ensemble des parties prenantes :
médecins, représentants syndicaux et associations professionnelles, acteurs publics et
parapublics, associations d’usagers, économistes et statisticiens de la santé. Les propositions du
rapport prennent en compte les expériences menées à l’étranger (Grande-Bretagne, Etats-Unis et
Allemagne notamment), les visites de terrain réalisées par la mission dans différentes régions
françaises et les conclusions des groupes de travail sur les expérimentations en cours.
Après une présentation des modalités et du niveau de rémunération des médecins libéraux en
France (partie 1), le rapport analyse les avantages et les faiblesses du système français. Il montre,
en particulier, que la prédominance du paiement à l’acte favorise une pratique isolée de la
médecine orientée vers les activités curatives qui répond mal aux évolutions épidémiologiques et
démographiques, aux aspirations des médecins et à l’objectif d’efficience des dépenses de santé
(partie 2).
Sur la base de ce diagnostic, le rapport propose deux voies d’amélioration pour favoriser
l’adaptation de la rémunération des médecins libéraux aux enjeux de la médecine ambulatoire. Il
est ainsi recommandé, d’une part, d’orienter la politique tarifaire afin de limiter les distorsions
d’offre et d’accès aux soins en améliorant les mécanismes de détermination du prix des actes et
en régulant les dépassements d’honoraires. D’autre part, il est proposé de poursuivre la
diversification des modes de rémunération par l’introduction de forfaits et de mécanismes de
paiement à la performance destinés à favoriser la transformation de la médecine de premier
recours (partie 3).
1. MODES ET NIVEAUX DE RÉMUNÉRATION DES MEDECINS
LIBERAUX FRANÇAIS
1
Enquête sur la rémunération des médecins et chirurgiens hospitaliers, IGAS, janvier 2009.
On distingue traditionnellement trois modalités de rémunération des médecins : le paiement à
l’acte, le salariat et la capitation. Elles peuvent se conjuguer pour aboutir à des rémunérations
mixtes. Dans un système de paiement à l’acte, le revenu est fonction du nombre de consultations
du médecin. Le salariat rémunère le médecin pour un temps de travail donné, indépendamment
de l'intensité de l'activité. Avec la capitation, le médecin perçoit une somme forfaitaire par
patient inscrit dans son cabinet, indépendamment du volume de soins prodigués. Le paiement à
la performance, qui peut être combiné à chacun des trois modèles précédents, est parfois qualifié
de quatrième mode de rémunération.
1.1.
En France, les médecins libéraux sont principalement payés à l’acte
L’exercice libéral est, en France, associé au paiement à l’acte. Ce mode d’exercice et de
rémunération concerne les médecins généralistes2 et spécialistes, qu’ils exercent en cabinet de
ville ou dans des établissements de santé privés. On oppose traditionnellement les médecins
libéraux aux médecins hospitaliers salariés, bien que certains médecins libéraux aient également
une partie de leur activité à l’hôpital.
1.1.1. Le paiement à l’acte : un principe fondateur de la médecine libérale française que le
système conventionnel n’a pas remis en cause
Enoncés dès 1928 par l’assemblée constitutive de la Confédération des syndicats médicaux
français (CSMF), les cinq principes de la médecine libérale sont le libre choix du médecin par le
malade, le respect du secret professionnel, la liberté de prescription, et, en ce qui concerne la
rémunération, le paiement à l’acte et l’entente directe sur le prix entre le patient et le médecin. Le
paiement à l'acte constitue un des symboles de l'identité libérale. Les médecins le présentent
parfois comme le garant de la relation de confiance qui préside au colloque singulier entre euxmêmes et leurs patients.
Ces principes ont toutefois été progressivement remis en question. Dès 1945, l’entente directe
a été limitée par des conventions départementales destinées à encadrer les tarifs, puis par leur
plafonnement par arrêté ministériel en 1960. Cela n’a pas permis une réelle régulation, les
médecins continuant dans la pratique à déterminer leurs propres tarifs.
La hausse rapide du nombre de médecins dans les années 1960, faisant craindre aux médecins
une diminution de leurs revenus, les a conduits à accepter la première convention nationale en
1971. Les tarifs ont dès lors été fixés par arrêté ministériel et les médecins libéraux volontaires
conventionnés : le paiement à l’acte est maintenu, mais les tarifs sont désormais fixés par la
convention et entérinés par arrêté des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et des
finances. En contrepartie, une part des cotisations sociales du médecin est prise en charge par les
caisses d’assurance maladie. Pour le patient, le tarif opposable constitue la base de
remboursement par l’assurance maladie. De même en 1971 les médecins ont obtenu un numerus
clausus limitant le nombre d’étudiants en médecine3.
La problématique des revenus médicaux a donc été au cœur de la naissance du système
conventionnel. Le système mis en place en 1971, n’a néanmoins duré que neuf ans pour laisser
place à un nouvel espace de liberté tarifaire. En 1980, pour concilier maîtrise des dépenses de
2
Les nouveaux médecins généralistes sont désormais spécialistes en médecine générale. Toutefois, pour des com modités d’expression, tous les généralistes n’ayant pas encore obtenu cette qualification, ils sont désignés dans le
présent rapport sous les termes de médecin généraliste ou d’omnipraticien.
3
Après la réforme des études hospitalières de 1968, les étudiants doivent, à l’issue de la 3 ème année, avoir une activité hospitalière. Le nombre d’étudiants susceptibles d’être accueillis en formation clinique et pratique dans les ser vices hospitaliers est fixé par arrêté chaque année à partir de 1971. La loi de 1979 relative aux études médicales et
pharmaceutiques prévoit la fixation annuelle par arrêté du nombre d’étudiants pouvant entrer en 2ème année.
santé et progression des revenus des médecins, les pouvoirs publics ont décidé la création d’un
deuxième secteur de conventionnement qui autorise les médecins à pratiquer des tarifs libres. Par
opposition au secteur 1, le secteur 2 ne prévoit pas de prise en charge des cotisations sociales. On
désigne par dépassement d’honoraires la part du paiement supérieur au tarif opposable. Certains
dépassements sont également acceptés, par dérogation, en secteur 1.
Devant l’augmentation du nombre de médecins optant pour ce nouveau secteur, initialement
conçu comme devant être l’exception, une nouvelle réforme est intervenue en 1990 afin d’en réserver l’accès aux anciens chefs de cliniques et assistants des hôpitaux publics4.
Aujourd’hui, 99% des 115 000 médecins libéraux sont conventionnés, dont 75% en secteur 1.
Ce chiffre masque néanmoins de fortes disparités entre spécialités et zones géographiques. Si
seulement 13% des généralistes sont en secteur 2, 38% des spécialistes sont à honoraires libres,
dont 52% des gynécologues et 82% des chirurgiens. Certaines régions concentrent les praticiens
à honoraires libres : à Paris, 72% des spécialistes sont installés en secteur 25.
En 2008, les honoraires de la médecine ambulatoire pèsent 21,5 milliards d’euros 6, soit 12,6%
des dépenses consacrées à la consommation de soins et de biens médicaux7. S’y ajoute la prise en
charge de 1,2 milliards d’euros de cotisations sociales, qui représente jusqu’à 18% des revenus
des généralistes de secteur 1 et peut être considérée comme une rémunération indirecte8.
Les dépassements d’honoraires constituent 11% du total des honoraires pour un coût de 2
milliards d’euros. Selon le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), le
montant des dépassements a doublé entre 1990 et 2004, du fait d’une forte progression du
volume d’actes concernés (+30%) et des taux de dépassement pratiqués (+85% en moyenne).
Malgré des tentatives d’encadrement, dont la dernière illustration est la possible mise en œuvre
d’un nouveau secteur dit optionnel, la liberté tarifaire reste la norme en secteur 29.
1.1.2. Le prix des actes est en grande partie fixé par négociation conventionnelle
Un acte désigne la segmentation de la pratique médicale en différentes phases techniques ou
cliniques. Plus aisément identifiable pour les gestes techniques, qui nécessitent des équipements
matériels importants (radiographie ou anesthésie par exemple), la notion d’acte est moins
adaptée aux disciplines cliniques, fondées sur l’examen du patient, comme la médecine générale
ou la psychiatrie. Les actes cliniques représentent 75% des actes réalisés, mais 58% en valeur.
Conformément à l’accord de 1971, le prix des actes médicaux est fixé par une négociation
dite conventionnelle entre le directeur général de l’Union des caisses d’assurance maladie
(UNCAM) et les syndicats médicaux représentatifs. Le prix négocié détermine le tarif opposable.
S’agissant des actes cliniques, les tarifs opposables reposent essentiellement sur des lettresclé : le C détermine le prix de la consultation du médecin généraliste ; le CS celui de la
consultation d’un médecin spécialiste. Une politique de différenciation croissante des tarifs des
actes cliniques a conduit à créer de nouvelles lettres pour certaines spécialités et à appliquer des
majorations au titre de contraintes spécifiques (annexe n°5).
Des nomenclatures ont été établies afin de déterminer le prix des actes en fonction de critères
objectifs : la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) négociée en 1972 à
4
Convention du 9 mars 1990 et arrêtés du 27 mars 1990 et du 12 avril 1991 (avenant 1).
Les dépassements d’honoraires médicaux, IGAS, mars 2007.
6
Les comptes nationaux de la santé en 2008, DREES, septembre 2009.
7
La consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) comprend les soins hospitaliers, les soins ambulatoires,
les transports sanitaires, les médicaments et les autres biens médicaux (optique, prothèses…).
8
En particulier, la quasi totalité des cotisations maladie et les cotisations familiales.
9
Protocole d’accord du 15 octobre 2009 non intégré ce jour dans le cadre conventionnel.
5
laquelle s’est substituée, pour les actes techniques, la classification commune des actes médicaux
(CCAM) en 2005. Elle hiérarchise les actes et doit tendre vers la neutralité, c’est-à-dire ne pas
engendrer d’incitation à réaliser un acte ou à exercer une spécialité plutôt qu’une autre, pour des
raisons uniquement financières.
La nouvelle nomenclature ne se contente pas de fixer la valeur des actes, elle offre une
description analytique qui permet à l’assurance maladie un suivi précis de l’activité des
médecins. Si la CCAM n’est pas formellement dans le champ de la négociation conventionnelle,
les syndicats sont étroitement associés à son évolution au sein de l’observatoire de la CCAM.
Encadré n°1 : la classification commune des actes médicaux (CCAM)
La CCAM concerne près de 7 600 actes techniques des médecins généralistes et spécialistes.
La
valeur de chaque acte est établie à partir de la mesure de deux types de ressources mobilisées par le
praticien :
 le travail médical, analysé à travers une combinaison de critères de durée, de stress, de technicité et
d’effort mental. Cette valeur est déterminée par la commission de hiérarchisation des actes et des
prestations (CHAP), principalement composée des sociétés savantes concernées ;
 le coût de la pratique, qui est l’estimation d’un coût moyen de charges supportées par le praticien
pour la mise en place de l’environnement administratif et technique de son activité. Ce coût est éva lué à partir des données fiscales ou d’enquêtes spécifiques et affecté à chaque acte au prorata du travail médical. Cette valeur est déterminée par l’observatoire de la CCAM qui regroupe l’assurance
maladie, les syndicats et des personnalités qualifiées.
Ce calcul permet à l’assurance maladie de déterminer une valeur cible qu’elle compare à la valeur
héritée des négociations de la NGAP et de déduire une trajectoire de convergence des tarifs vers leurs
valeurs cibles. Certaines professions sont perdantes (valeur NGAP> valeur cible) et d’autres gagnantes
(valeur cible > valeur NGAP). A ce jour, peu de spécialités ont vu leurs tarifs baisser (médecine
nucléaire), tandis que se poursuivent les revalorisations (allergologie, dermatologie, chirurgie,
anesthésie-réanimation notamment).
Source : entretiens de la mission avec l’assurance maladie
1.1.3. Une timide diversification des modes de rémunération des médecins libéraux s’est
opérée dans les années récentes
D’abord, de plus en plus de médecins libéraux étendent leur activité à l’hôpital, en
dispensaires, en centres de soins ou en établissements d'hébergement pour personnes âgées
dépendantes (EHPAD). Ce phénomène, longtemps mal mesuré, est mieux appréhendé
aujourd’hui : parmi les médecins libéraux, 19% des généralistes et 42% des spécialistes ont une
activité mixte. Si ces activités salariées sont diversement rémunératrices, la part des revenus
salariaux représente en moyenne 33% des revenus des médecins ayant choisi de diversifier leur
activité10.
Ensuite, de nouveaux modes de rémunération de l’exercice libéral ont été récemment
introduits, notamment pour les médecins généralistes.
 L’introduction de forfaits
10
Enquête sur la rémunération des médecins et chirurgiens hospitaliers, IGAS, janvier 2009 ; Le revenu global
d’activité des médecins ayant une activité libérale, DREES, 2009.
Un premier pas a consisté en la mise en place du médecin référent en 1997 qui proposait aux
médecins généralistes volontaires un paiement par capitation complémentaire au paiement à
l’acte (le forfait a été fixé à 22,87 euros par patient, puis doublé en 2001). Ce système n’a
toutefois attiré que 10% des généralistes et 1% des patients. Il a été remplacé en 2004 par le
dispositif du médecin traitant, qui ne prévoit pas de rémunération complémentaire pour les
médecins concernés.
Depuis 2000, d’autres rémunérations forfaitaires ont été introduites. Ces forfaits rémunèrent,
en complément du paiement à l’acte, la prise en charge des patients atteints de l’une des trente
pathologies classées comme affection de longue durée (forfait ALD) et l’accomplissement de
missions de service public (rémunération des gardes et astreintes dans le cadre de la permanence
des soins).
Encadré n°2 : forfait ALD et forfait permanence des soins
Instauré par la convention médicale de 2005, le forfait ALD a pour objectif de rémunérer les
médecins pour le travail supplémentaire que représente un patient en ALD (élaboration d’un protocole de
soins et suivi régulier). Le médecin traitant reçoit un forfait annuel de 40 euros par patient, soit un coût
total de 260 millions d’euros pour l’assurance maladie.
Depuis 2005, l’indemnisation des astreintes de la permanence des soins ambulatoire est désormais
effectuée de façon forfaitaire selon les tarifs suivants : 3 C pour la participation à la régulation
téléphonique organisée par le SAMU, 50 euros pour les astreintes en soirée (20h-0h), 100 euros pour la
nuit (0h-8h) et 150 euros pour les dimanches et jours fériés (8h-20h).
Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du
ministère de la santé, ces forfaits représentent une proportion faible, mais en augmentation, de la
rémunération des médecins libéraux : 6% de la rémunération des médecins généralistes et 3% de
celle des anesthésistes en 2008 par exemple.
 L’apparition d’une première forme de rémunération sur objectifs
Depuis les années 1990, plusieurs dispositifs ont tenté de lier la rémunération des médecins
libéraux à la satisfaction d’objectifs de qualité ou de maîtrise des dépenses de santé. Certains,
comme l’accord de bon usage des soins (ACBUS), conditionnent les revalorisations tarifaires à
l’atteinte collective d’engagements. D’autres, comme les références médicales opposables
(RMO), prévoient des sanctions individuelles.
En mars 2009, l’assurance maladie a lancé un nouveau programme de rémunération
individuelle sur objectifs, le contrat d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI). Appelé
paiement à la performance ou paiement à la qualité, ce mode de rémunération complémentaire
s’inspire des systèmes initiés au Royaume-Uni dès 1990. Autorisé par la loi, le CAPI est un
contrat type qui fait ensuite l’objet d’une signature individuelle entre le médecin généraliste
volontaire et l’assurance maladie. Il n’entre pas dans le champ de la négociation conventionnelle.
Il apporte une rémunération complémentaire au paiement à l’acte, en fonction de l’atteinte
d’objectifs de prévention (risques médicamenteux, vaccination, dépistage du cancer du sein
notamment), de suivi des pathologies chroniques (diabète et hypertension artérielle) et
d’efficience des prescriptions (prescription dans le répertoire générique). Le complément de
rémunération peut atteindre 5 600 euros par an, soit plus de 10% de la rémunération annuelle
d’un généraliste. Selon les prévisions de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs
salariés (CNAMTS), l’équilibre financier du CAPI doit être assuré par les économies générées
par la diminution attendue des dépenses de prescriptions (annexe n°8).
Au 1er février 2010, plus de 13 000 médecins ont souscrit un CAPI, soit 30% des
professionnels éligibles, ce qui témoigne de l’intérêt des médecins pour cette nouvelle forme de
rémunération, en dépit de l’opposition des syndicats et du Conseil de l’ordre qui contestent pour
les premiers un dispositif qui les exclut, pour le second, une atteinte aux principes de
déontologie.
Encadré n°3: le pay for performance à l’anglaise
Au Royaume-Uni, un nouveau dispositif de paiement à la performance dit Quality Outcome
Framework fonctionne depuis 2004 et vise l’amélioration des pratiques cliniques de la médecine de
premier recours. Il s’appuie sur des indicateurs de qualité clinique, de satisfaction des patients et
d’organisation du cabinet. Selon les résultats, le cabinet obtient des points, transformés en rémunération.
Les indicateurs de qualité clinique ont le poids le plus important ; ils concernent les pathologies qui sont
des priorités de santé publique et pour lesquelles il est démontré que l’action de la médecine de premier
recours est déterminante. Le Royaume-Uni consacre près de 1,3 milliards d’euros à la rémunération à la
performance, soit 26% des sommes reçues par les cabinets au titre de la capitation. Cette politique
s’inscrit dans une démarche volontariste de revalorisation de la médecine générale, les revenus annuels
des praticiens ayant augmenté de 60% entre 2002 et 2006.
L’évaluation du dispositif est mitigée. Compte tenu d’objectifs de qualité des soins peu ambitieux, la
majorité des médecins ont largement atteint le niveau nécessaire pour percevoir le surcroît de
rémunération. D’autre part, leur réalisation est auto-déclarée. Enfin, on a observé une stagnation de la
qualité lorsque les indicateurs sont atteints et une dégradation de la qualité dans les domaines hors champ
et notamment la continuité des soins11.
Source : Rémunérer les médecins selon leurs performances : enseignements des expériences étrangères, IGAS, 2009.
 L’expérimentation de nouveaux modes de rémunération
La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2008 12 a fait un pas de plus dans la
diversification des modes de rémunération de l’exercice libéral. Elle prévoit que des
expérimentations peuvent être menées jusqu’au 1er janvier 2013 sur de nouveaux modes de
rémunération des professionnels de santé destinés à compléter le paiement à l’acte ou à s’y
substituer. L’objectif de ces expérimentations est de tester dans quelle mesure ces modes de
rémunération favorisent la qualité et l’efficience des soins de premiers recours. La mission a
constaté au cours de séminaires de préparation de ces expérimentations l’intérêt des
professionnels pour ces dispositifs qui seront repris dans la troisième partie.
1.2.
Les revenus sont très dispersés
Si les médecins libéraux figurent parmi les professionnels les mieux rémunérés en France
avec un revenu moyen annuel net de 89 000 euros en 2009 13, on constate de fortes disparités de
revenus. La nouvelle méthodologie suivie par la direction de la recherche, des études, de
l’évaluation et des statistiques (DREES), en prenant en compte pour la première fois les revenus
salariaux, a permis d’avoir une vision plus complète. La rémunération moyenne des médecins
aurait été sous-estimée de près de 10% dans les études antérieures.
1.2.1. Les médecins libéraux figurent parmi les professionnels les mieux rémunérés en
France
11
« Effects of Pay for Performance on the Quality of Primary Care in England », New England Journal of Medicine, 2009. Pay-for-performance programs in family practices in the United Kingdom, Doran T, Fullwood C, Gravelle H, Reeves D, Kontopantelis E, Hiroeh.
12
Article 44 de la LFSS pour 2008 et son décret d’application n° 2009-474 du 27 avril 2009 relatif aux conditions
de mise en œuvre des expérimentations de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé.
13
Le revenu global d’activité des médecins ayant une activité libérale, DREES, 2009.
Selon les données de l’association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC),
les médecins libéraux se situent parmi les 5% de cadres les mieux payés. Ils constituent en
France, comme dans l’ensemble des pays de l’OCDE, une des professions les mieux rémunérées
en valeur absolue. Si ces chiffres doivent être interprétés avec prudence 14, ils permettent de situer
les médecins par rapport aux autres professions.
Les médecins libéraux se différencient néanmoins des autres cadres par un déroulement de
carrière spécifique, une installation tardive (35 ans en moyenne) et une forte chute des revenus à
partir de 55 ans15. Leurs revenus sont légèrement inférieurs à ceux des pharmaciens et des
dentistes libéraux (-10%) mais supérieurs à ceux des professionnels de santé salariés, et
notamment des médecins hospitaliers (+26%)16. Ce constat peut être nuancé en termes de niveau
de vie, les conjoints de médecins libéraux étant moins souvent actifs17.
Tableau n°1 : profil de rémunération nette moyenne au cours de la carrière des médecins
En €/an
25-34 ans
35-65 ans
25-65 ans
Médecin libéral
31 700
88 500
74 600
Médecin hospitalier PH temps plein
31 700
74 300
61 500
Cadre supérieur
43 850
78 700
70 200
Source : Note sur les conditions d’exercice et les revenus des médecins libéraux, HCAAM, 2007
Il est difficile de connaître le niveau exact des retraites de médecins. L’installation tardive et
la fréquence des exercices mixtes les conduisent en effet à relever de plusieurs régimes, bien que
la caisse autonome des médecins de France (CARMF) reste le principal. Une étude récente a
toutefois mis en évidence que le revenu de remplacement rapporté au revenu net de carrière des
médecins ne différait pas sensiblement de celui des cadres, sauf pour les spécialistes pour
lesquels il est très inférieur18.
Tableau n°2 : estimation des retraites brutes des médecins en 2007
En €/an
Revenu net de carrière 25/65 ans
Retraite nette
Ratio
Omnipraticien
52 000
41 800
80%
Spécialiste
90 000
50 500
56%
PH
61 500
48 700
79%
Cadre
65 500
55 000
84%
Source : Note sur les conditions d’exercice et les revenus des médecins libéraux, HCAAM, 2007
Enfin, le revenu moyen des médecins libéraux a augmenté plus rapidement que celui de la
moyenne des salariés, notamment sur la période récente. Les revenus moyens tirés de l’activité
libérale ont augmenté de 35% entre 1980 et 2000, contre 15% pour le revenu net moyen dans le
secteur privé et semi-public19. L’écart se creuse encore sur les dernières années, le taux de
croissance du revenu des médecins libéraux entre 2000 et 2008 s’établit, en euros constants, à
15% pour les spécialistes et à 9% pour les omnipraticiens alors que le salaire net moyen annuel
pour les emplois à temps complet dans les entreprises du secteur privé ne progresse que de
2,8%20.
14
L’absence de segmentation des statistiques par secteur conventionnel conduit à appliquer des taux de charges
moyens uniformes qui rendent mal compte de la réalité des revenus. Par ailleurs, les revenus d’activité pris en
compte pour les médecins comprennent les bénéfices non commerciaux et les salaires, mais ils n’incluent pas les revenus du patrimoine professionnel qui peuvent être significatifs pour certaines spécialités.
15
Les revenus des médecins généralistes : trois études économétriques, Anne Laure SAMSON, 2008.
16
Comparaison des revenus des médecins libéraux aux autres professions libérales et des cadres, DREES, 2007.
17
Entretien avec la DREES, 2010.
18
Etude CARMF, IRCANTEC.
19
L'influence des modes de rémunération des médecins sur l'efficience du système de soins, P.ULMANN, 2003.
20
Etude sur l’évolution des salaires en France, BESSIERE et DEPIL, INSEE, 2009.
1.2.2. Il existe de fortes disparités de revenus entre médecins libéraux
Quelques grandes lignes de fracture ressortent particulièrement :
 Entre spécialités cliniques et spécialités techniques
Selon la DREES, le revenu net d’activité des médecins exerçant exclusivement en libéral
s’élevait en moyenne, en 2005, à 113 000 euros par an pour l’ensemble des spécialistes et à
69 000 euros pour les omnipraticiens. Aux deux extrémités, on trouve les radiologues avec un
revenu annuel moyen d’activité de 177 000 euros et les dermatologues et les omnipraticiens,
avec 69 000 euros. Les spécialités à dominante technique se situent au sommet de la hiérarchie
des revenus. Les importants gains de productivité dont elles ont pu bénéficier ont entraîné la
survalorisation de certains actes techniques, qui peut être à l’origine de situations de rente
déconnectant activité et revenus.
Graphique n°1 : revenus annuels des médecins libéraux et part des honoraires techniques dans les revenus (2005)
Les médecins généralistes se situent en bas de l’échelle des revenus. Le tarif de leur
consultation, aujourd’hui de 22 euros (lettre C), reste inférieur à celui des autres spécialistes 21
dont la consultation varie de 23 euros (CS) à 41 euros (CNPSY). Installés à 87% en secteur 1, ils
pratiquent peu de dépassements d’honoraires : 4,8% de leurs honoraires totaux sont constitués de
dépassements contre 30% pour les chirurgiens et 43% pour les stomatologues22.
 A spécialité donnée, en fonction du lieu d’exercice, du sexe, de l’ancienneté et du
secteur de conventionnement
On observe tout d’abord une relation négative entre la densité de médecins sur un territoire et
leurs revenus. Les médecins installés dans des régions où la densité médicale est forte (PACA,
Languedoc-Roussillon par exemple) sont confrontés à une demande moindre que ceux exerçant
dans le Nord ou en Picardie où la densité médicale est relativement faible. En conséquence,
l’activité et les revenus des premiers sont inférieurs (annexe n°4).
21
Depuis peu, à l’appel de quatre de leurs syndicats, certains médecins généralistes, qualifiés spécialistes, ap pliquent néanmoins unilatéralement un tarif de 23 euros.
22
Les revenus libéraux des médecins, Hélène FRECHOU et François GUILLAUMAT-TAILLIET, 2008.
Ensuite, toutes spécialités confondues, les revenus des hommes sont en moyenne 1,7 fois
supérieurs à ceux des femmes. Cette différence s’explique par un temps de travail des
femmes inférieur : elles sont 27% à travailler à temps partiel contre seulement 5% des hommes23.
Des différences importantes de revenus existent par ailleurs en fonction de l’ancienneté. En raison de la difficulté à se constituer une clientèle, les revenus des généralistes sont généralement
faibles en début de carrière. Ils croissent ensuite rapidement pour atteindre un maximum au bout
de 12 années d’activité, avant de décroître fortement à partir de 25 ans d’exercice du fait de la réduction par les médecins de leur temps de travail24.
De plus, il existe de fortes disparités de revenus en fonction de la date d’installation. Les médecins généralistes installés dans les années 1980, qui subissent l’impact du baby-boom et du grand
nombre d’étudiants acceptés en médecine, ont les revenus les plus faibles ; la mise en oeuvre
d’un numerus clausus restrictif tend en revanche à améliorer la situation financière des médecins
installés à partir du milieu des années 1990. Pour les spécialistes, ces différences ont été renforcées par la réforme de 1990 qui a réduit les conditions d’accès au secteur à honoraires libres, bloquant de facto en secteur 1 certains spécialistes qui avaient opté pour celui-ci avant 1990.
Les taux moyens de dépassement pratiqués entraînent des disparités importantes de revenu à volume d’activité identique. Le taux moyen de dépassement des spécialistes de secteur 2 est aujourd’hui de 50%, avec de fortes disparités entre les spécialités, 55% pour la chirurgie ou l’ophtalmologie, 72% pour la neurochirurgie, et entre les régions de 25% en moyenne en Poitou-Charentes à 68% en Ile-de-France. Les différences sont aussi fortes au sein des spécialités. Par
exemples, la moitié des chirurgiens exerçant en établissement de santé privé a un taux de dépassement inférieur à 50%, 10% d’entre eux ont un taux supérieur à 230%. Au regard des spécialistes de secteur 1, les spécialistes de secteur 2 ont obtenu un gain supplémentaire de pouvoir
d’achat d’environ un tiers entre 2001 et 200425.
Enfin, de même qu’il existe une minorité de médecins à très hauts revenus, il existe une minorité
de médecins à faibles revenus : 7% des généralistes ont des revenus mensuels inférieurs à 1,55
SMIC (contre 3% seulement chez les cadres). Ces faibles revenus s’expliquent majoritairement
par le choix de certains médecins de travailler moins26.
1.2.3. Les revenus des médecins généralistes français sont faibles au regard des
comparaisons internationales
S’il est très difficile de mener des comparaisons internationales, pour des raisons de définition
de champ et de grande différence des systèmes de prélèvements obligatoires, l’OCDE a
néanmoins récemment comparé les rémunérations des généralistes et des spécialistes dans
14 pays. Si la rémunération des médecins spécialistes français se situe dans la moyenne des
autres pays de l’OCDE (7ème sur 13), la France est l’un des pays où la rémunération des médecins
généralistes est la plus faible (10ème sur 12).
23
Le temps de travail des médecins, NIEL et VILAIN, DREES, 2001 et Comparaison des revenus des médecins libéraux à ceux des autres professions libérales et des cadres, K. ATTAL-TOUBERT et N. LEGRENDRE, 2007.
24
Les revenus des médecins généralistes : trois études économétriques, rémunération des médecins généralistes,
Anne Laure SAMSON, 2008.
25
Les dépassements d’honoraires médicaux, IGAS, 2007. De plus, les dépassements en établissements de santé privés (470 millions d’euros) sont réalisés à plus de 50% en Ile de France et en Rhône Alpes (235 milliards d’euros).
26
Anne-Laure SAMSON, ibid.
Graphique n°2 : revenus des médecins généralistes en 2005 (OCDE)
Avec une moyenne de 84 000 dollars par an par médecin généraliste, la France est certes
devant la Finlande et la République Tchèque, mais loin derrière le Canada (106 000 dollars),
l’Allemagne (112 000 dollars), le Royaume-Uni (121 000 dollars) ou les États-Unis (146 000
dollars). Cette comparaison doit être rapportée au nombre d’heures travaillées : la France est le
pays de l’OCDE où les médecins généralistes travaillent le plus en moyenne et le seul pays où ce
temps de travail (53 heures par semaine) est supérieur à celui des spécialistes (50 heures). A titre
de comparaison, les généralistes et les spécialistes travaillent respectivement 51 heures et 57
heures au Canada, et 44 heures et 50 heures au Royaume-Uni27.
*
27
The remuneration of general practitioners and specialist in 14 OECD Countries : what are the factors influencing variations across countries ?, OCDE, 2008.
2. ENJEUX ET OBJECTIFS D’UNE REFORME
Les atouts et les défauts des modalités actuelles de rémunération doivent être analysés au regard des enjeux de la médecine ambulatoire afin de dessiner les évolutions nécessaires que les
parties prenantes semblent aujourd’hui prêtes à engager.
2.1.
Malgré ses limites, le paiement à l’acte présente des atouts qu’il
convient de préserver
Du point de vue des médecins, comme de celui des patients et des pouvoirs publics, le système de rémunération actuel présente plusieurs défauts. Mais la souplesse et la productivité qu’il
favorise constituent des avantages par rapport à d’autres formes de rémunération.
2.1.1. Le système peine à concilier attractivité de la profession, égalité d’accès aux soins et
efficience du système de santé
 Pour les médecins, le système est inéquitable et n’est plus suffisamment attractif
Les fortes disparités de revenus entre médecins ne sont pas toujours justifiées par des différences de volume d’activité ou de résultats, ni par des niveaux différents de responsabilité, de pénibilité ou de coût de la pratique.
Outre les sentiments d’inéquité engendrés par ces disparités, celles-ci ont un impact sur
l’orientation des jeunes professionnels. Même si l’attractivité d’une spécialité est déterminée
par de multiples facteurs, on observe que la hiérarchie des choix à l’examen classant national
est proche de celle des rémunérations 28, laquelle est indépendante des priorités de santé
publique. Cette situation peut entraîner des distorsions entre offre et demande de soins : la
moindre rémunération des spécialités cliniques explique pour partie la désaffection dont souffre
la médecine générale.
Par ailleurs, sans que la rémunération
en soit le seul facteur, l’exercice libéral
perd de son attractivité : moins de 10%
des nouveaux inscrits au Conseil national
de l’ordre en 2008 se sont installés en
libéral, 64% optant pour une position de
salarié et 22% pour une situation de
remplaçant. Entre 1995 et 2005, le
nombre de médecin libéraux a augmenté
moins rapidement que celui des médecins
salariés hospitaliers ou non hospitaliers
(4,5% contre respectivement 19% et
29%) Les contraintes inhérentes à
l’exercice de la médecine libérale que
sont l’isolement, la responsabilité
judiciaire individuelle, la charge de
travail hebdomadaire lourde, les tâches
administratives et la permanence des soins sont régulièrement dénoncées par la nouvelle
génération de médecins. Ce sentiment se renforce avec la féminisation de la profession (30% de
femmes parmi les médecins libéraux en 2007 contre 16% en 1983). Les femmes représentent
en 2010 plus de 50% des étudiants en médecine29.
28
29
Enquête sur la rémunération des médecins et des chirurgiens hospitaliers, IGAS, 2009.
Atlas de la démographie médicale en France, 2008.
 Pour les patients, le système est peu lisible et pose des problèmes d’accès aux soins
Comprendre les tarifs de santé est devenu de plus en plus complexe au cours des années
récentes. Aujourd’hui les tarifs diffèrent en fonction du secteur d’installation du médecin, de la
spécialité exercée, des actes pratiqués, de la position du patient dans le parcours de soins, et
enfin de situations particulières (annexe n°15). Dans de nombreux cas, il est difficile pour un
patient de savoir précisément combien lui coûtera une consultation ou un acte médical.
L’information disponible pour les assurés sur le site ameli.fr de l’assurance maladie est encore
trop partielle. La Cour des comptes a récemment qualifié le système actuel de maquis tarifaire
illisible par l’assuré30.
D’autre part, des problèmes d’accès aux soins existent, du fait de la banalisation des dépassements d’honoraires dans certaines régions et spécialités 31. Peu pris en charge par les organismes
complémentaires, ces dépassements sont principalement acquittés par le malade. Ils sont remboursés par les contrats d’assurance maladie complémentaire à hauteur d’un tiers en moyenne,
selon des estimations convergentes de la CNAMTS, du HCAAM et de l’UNOCAM. Les couvertures complémentaires les plus généreuses étant surtout accessibles aux cadres des grandes entreprises, le reste à charge est inégalement réparti 32. 6% des assurés n’ont en outre aucune couverture complémentaire. L’IGAS a par ailleurs mis en évidence que des dépassements sont parfois
facturés aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMUc) en dépit des interdictions
légales. L’augmentation des taux de dépassement dans les années récentes aurait conduit certains
ménages à reporter, voire à renoncer à certains soins33. Ce constat est aggravé par la pratique
des « dessous de table ». Selon l’enquête IPSOS publiée par le collectif interassociatif sur la santé (CISS) en février 2007, 10% des Français se seraient vu demander un « dessous de table » par
un médecin.
Des inégalités géographiques
d’accès
aux
soins
existent
également.
La
densité
des
omnipraticiens libéraux qui est en
moyenne de 100 pour 100 000
habitants en France varie de 71 en
Seine-Saint-Denis à 135 dans les
Pyrénées-Orientales, tandis que la
densité des spécialistes libéraux qui
est de 88 pour la France, chute à 35
en Lozère et culmine à 250 à Paris34.
30
Rapport sur l’application de la LFSS pour 2008, Cour des comptes, 2009.
Enquête Santé et Protection Sociale 2004 : premiers résultats, questions d’économie de la santé, IRDES 2006.
32
La complémentaire maladie d’entreprise, questions d’économie de la santé, IRDES, 2004 et 2006;
33
Les dépassements d’honoraires médicaux, IGAS, 2007.
34
Ecosanté 2010, IRDES.
31
 Pour les pouvoirs publics, un système peu propice à l’efficience
Le système actuel est coûteux et inflationniste. En liant nombre d’actes et revenus, le
paiement à l’acte est susceptible d’orienter la pratique médicale vers un accroissement de
l’offre de soins, par augmentation de la productivité horaire du médecin et de son temps de
travail. Le médecin peut ainsi chercher à accroître sa patientèle ou bien augmenter l’intensité
des soins prodigués à chaque patient, en le faisant revenir plus souvent par exemple.
Le graphique n°5 présente la
corrélation entre le nombre d’actes de
spécialistes par habitant et la densité
de la population : plus la population
est faible, plus les médecins
augmentent le volume d’actes par
patient afin de satisfaire leur objectif
de revenu cible.
Si cette augmentation de l’offre
n’est pas mauvaise en situation de
faible densité médicale, elle devient
un problème lorsque le médecin, du
fait de son expertise, influence
artificiellement la demande de soins.
Ce phénomène dit de demande induite
conduit à une surproduction de soins
coûteuse pour l’assurance maladie.
Les comparaisons internationales montrent que les pays où le paiement à l’acte est le mode
de rémunération dominant ont les dépenses de santé les plus élevées. Elles doivent être
interprétées avec prudence. Les écarts peuvent s’expliquer par d’autres facteurs que le mode de
rémunération. Les dépenses supplémentaires ne signifient pas nécessairement que la production
de soins est inefficace. Il n’en demeure pas moins que des études empiriques ont mis en
évidence en France des phénomènes de demande induite, notamment engendrés par les
médecins généralistes de secteur 135.
Tableau n°3 : rémunération des médecins et dépenses de santé en 2000 (OCDE)
Paiement à l’acte
Dépenses
santé/PI
B
Rémunération mixte
Densité
médicale
Pays
Au dessus
de la
moyenne
Autriche,
Belgique
France,
Allemagne
9,4%
Danemark
En
dessous de
la
moyenne
Canada
9,2%
Australie, N-Z
Japon, Irlande
Norvège
35
Pays
Dépenses
santé/PI
B
Salariat ou capitation
majoritaires
Pays
Dépenses
santé/PIB
8,8%
Grèce, Italie
République
Slovaque
Espagne, Suède
7,8%
7,7%
Royaume-Uni
7,3%
Fixed Fees and Physician-Induced Demand: A Panel Data Study on French Physicians, Health Economics, E.
DELATTRE, E, DORMONT, 2003.
Par ailleurs, il existe une corrélation forte entre le nombre d’actes et le volume des
prescriptions. Ainsi, en France, près de 80% des consultations donnent lieu à prescription d’au
moins un médicament, sans que ces prescriptions soient toujours justifiées 36. La CNAMTS
estime ainsi que 15% des 42 milliards d’euros de prescriptions de soins de ville ne sont pas
médicalement justifiés, soit 6 milliards d’euros. L’impact de ces pratiques, tant sur le plan
financier que sanitaire, peut être très significatif. Elles placent la France dans la position de
premier consommateur de médicaments de l’OCDE avec une consommation supérieure de 50%
à la moyenne des pays occidentaux37.
2.1.2. Le paiement à l’acte a des atouts qu’il convient de préserver
 Dans le contexte de baisse de la densité médicale, le paiement à l’acte permet de
maintenir la productivité des médecins
Si le risque d’une surproduction associée au paiement à l’acte a pu inquiéter les gestionnaires
de l’assurance maladie à partir des années 1980, la question sera moins sensible dans les années
à venir. Certes, le nombre de médecins est aujourd’hui historiquement élevé, mais la
démographie médicale connaît un retournement depuis 2005. Une baisse de 15% de la densité
des médecins sur les dix prochaines années est attendue compte tenu des flux de formation et des
départs en retraite38.
Dans ce contexte, le paiement à l’acte, reliant mieux l’activité à la rémunération, ne paraît pas
devoir être fondamentalement remis en question. La théorie économique montre que l’incitation
du médecin à augmenter son volume d’actes entraîne une productivité supérieure aux systèmes
de capitation ou de salariat39.
Le deuxième avantage du paiement à l’acte est la liberté d’exercice qu’il permet, puisque les
médecins sont libres d’adapter leur temps de travail et leurs revenus globaux à leurs aspirations
individuelles. La souplesse de ce système fondé sur l’autonomie des praticiens a été
régulièrement soulignée par les interlocuteurs de la mission.
 Aucun système pur de rémunération n’est idéal
36
Par d’exemple, pour certaines benzodiazépines, 30% des prescriptions dépasseraient les posologies usuelles
maximales recommandées et 40% dépasseraient les durées de traitement recommandées, CNAMTS, 2003.
37
OCDE, panorama de la santé 2007 – IMS HEALTH – calculs DREES publiés dans le rapport parlementaire sur
la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments, Catherine LEMORTON, avril 2008 et
Actualisation de la note sur le médicament de 2006, HCAAM, 2008.
38
La démographie médicale à l’horizon 2025 : une actualisation des projections au niveau national, DREES, 2008.
Derniers chiffres disponibles.
39
Mode rémunération des médecins, Trésor Eco n°42, DGTPE, septembre 2008.
La théorie économique montre que les différents modes de rémunération des médecins
produisent des incitations différentes sur leur activité. Les études empiriques confirment que
dans l’ensemble les médecins sont sensibles à ces incitations. Chacun de ces systèmes présente
des avantages et des inconvénients différents.
Sur le plan de l’accès aux soins, la capitation invite le médecin à augmenter la taille de sa
patientèle et à réduire d’autant les soins prodigués à chaque patient. Avec le salariat, le médecin
n’a aucune incitation à accroître le nombre de patients ni le volume d’actes qu’il leur offre. Bien
qu’il soit difficile d’isoler l’effet spécifique du mode de paiement, il existe des files d’attentes
dans ces deux systèmes.
Concernant la qualité, le paiement sous forme de capitation a un effet ambigu. Il incite en
théorie le médecin à avoir une pratique médicale efficace et à ne voir ses patients que lorsque
nécessaire. Il peut à la limite entraîner un rationnement des soins. Assurés de toucher leur forfait,
les médecins peuvent être tentés de minimiser le nombre de consultations accordées à chaque
patient, ainsi que leur durée. Il peut même conduire à évincer des patients aux pathologies les
plus lourdes. Quant au salariat, la déconnection entre la rémunération et le nombre d’actes ou de
patients peut inciter le médecin à porter plus d’attention à chacun de ses patients, quitte à y
passer plus de temps. En ce sens, il peut favoriser la qualité des soins. Il pose en revanche un
problème d’incitation à l’effort.
L’annexe 2 présente les propriétés des 3 principaux modes de rémunération. Les analyses
économiques concluent qu’un système de rémunération mixte permet de mieux concilier les
objectifs de qualité et de quantité des soins. La plupart des pays de l’OCDE ont récemment
introduit des systèmes mixtes : capitation et paiement à l’acte au Danemark et aux Pays-Bas pour
les généralistes, salariat et paiement à l’acte pour certains spécialistes aux Etats-Unis.
2.2.
Les nouveaux enjeux de la médecine ambulatoire imposent une évolution des modes de rémunération des médecins libéraux
Le développement des pathologies chroniques et le vieillissement de la population nécessitent
une prise en charge des patients de plus en plus coordonnée et régulière. De nouvelles activités,
comme la prévention et l’éducation thérapeutique doivent être développées. Le mode de
rémunération actuel ne les favorise pas, de même qu’il est mal adapté aux nouvelles missions
confiées au médecin de premier recours.
2.2.1. Le développement des pathologies chroniques nécessite une prise en charge
coordonnée et un suivi régulier des patients
En France comme dans les autres pays
développés, l’amélioration de l’espérance de vie et
la chute de la mortalité liée aux maladies
infectieuses a modifié le paysage sanitaire. Les
pathologies les plus répandues sont aujourd’hui des
pathologies chroniques qui abaissent durablement
la qualité de vie des malades et sont souvent
associées à des complications. A titre d’exemple, 8
millions de personnes, soit 15% des assurés, sont
atteints d’une ALD (progression de 4% par an).
Leur prise en charge représente une part
importante des dépenses de santé (65%), soit 80
milliards d’euros en progression d’un point par an.
Ces pathologies nécessitent le plus souvent une prise en charge coordonnée du patient par
différents professionnels de santé, médecins ou non, un suivi important des malades et une
prévention secondaire, autant de formes d’exercice et d’activités que le système de rémunération
actuel ne favorise pas. Ce dernier incite en effet le médecin à réserver son temps de travail à la
consultation, les activités d’éducation à la santé, de prévention, de conseil et de coordination des
soins n’étant pas spécifiquement rémunérées. Il n’incite pas non plus à un travail collectif,
comme le montre le retard pris par la France dans l’exercice en groupe.
Une enquête menée par le Commonwealth Fund sur la prise en charge des malades chroniques
a montré l’insuffisance de la prise en charge des diabétiques dans le système français, la France
se situant en dernière place sur les huit pays étudiés 40. Si tous les pays affichent des difficultés de
coordination, la France s’illustre par un déficit marqué de continuité du parcours de soins entre
généralistes et spécialistes et entre ville et hôpital. La France est par ailleurs en retard vis-à-vis
d’autres pays européens pour le développement des actions de prévention et d’éducation
thérapeutique41.
Enfin, sur le plan financier, le paiement à l’acte n’est pas adapté au suivi de pathologies qui
nécessitent un recours régulier et plus fréquent au médecin. Une évolution du mode de rémunération semble donc souhaitable afin d’améliorer l’efficience de la prise en charge de ces pathologies.
Encadré n°4 : l’expérimentation SOPHIA : un nouveau mode de rémunération pour la prise en
charge des patients diabétiques
Lancée par l’assurance maladie en 2008 sur onze départements pilotes, SOPHIA expérimente une
prise en charge innovante des patients diabétiques en ALD alliée à une nouvelle rémunération forfaitaire
des médecins. Elle vise un meilleur suivi de ces malades pour éviter les complications. Sur accord du
médecin traitant, les volontaires font l’objet d’un suivi différencié par niveau de risque, essentiellement
assuré par téléphone par cinquante infirmiers-conseil recrutés par l’assurance maladie et spécifiquement
formés. Les médecins traitants sont rémunérés 2C à l’entrée dans le dispositif puis 1C par an.
L’évaluation sera menée en juin 2010. On comptait, en 2009, 40 000 patients dans le dispositif sur les
140 000 contactés. Le coût est évalué par l’assurance maladie à 10 euros par mois par patient en rythme
de croisière, soit environ 10 millions d’euros par an.
2.2.2. Le rôle confié au médecin de premier recours appelle une adaptation de sa
rémunération
Chronic Condition : Experiences of Patients with Complex Health Care Needs, in Eight Countries, 2008, C.
Schoen, R. Osborn, S. K. H. How, M. M. Doty, and J. Peugh, Health Affairs, novembre 2008.
41
Améliorer la prise en charge des malades chroniques : les enseignements des expériences étrangères de « disease
management », IGAS, 2006.
40
Dans son article 36, la loi HPST de juillet 2009 reconnaît le médecin généraliste comme
médecin de premier recours et précise pour la première fois ses missions : prévention, dépistage,
diagnostic, traitement et suivi des patients ; prescriptions de médicaments, produits et dispositifs
médicaux, ainsi que le conseil pharmaceutique ; orientation dans le système de soins et le secteur
médico-social ; éducation pour la santé. L’ambition est de replacer le médecin de premier
recours au centre du système et de contrebalancer la prédominance des activités curatives et des
urgences.
La réorganisation de la médecine de premier recours nécessite un accompagnement. Le
rapport 2006-2007 de l’Observatoire national de la démographie des professionnels de santé
(ONDPS) pointe les ambiguïtés du rôle du médecin généraliste. L’apparition de la fonction de
médecin traitant, la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité et discipline
universitaire, ainsi que la récente définition des soins de premier recours, invitent les médecins
généralistes à prendre une place nouvelle dans le système de soins, fondée sur la reconnaissance
de leur apport médical propre. Accompagner cette revalorisation doit être l’un des objectifs
d’une réforme de la rémunération.
La récente crise sanitaire de la grippe A H1N1 et l’hésitation des pouvoirs publics quant au
rôle à confier aux médecins généralistes dans la campagne de vaccination illustrent
l’inadaptation du mode de rémunération actuel à la réalisation des missions de santé publique. Si
le conditionnement des vaccins sous flacons multidoses explique que la vaccination n’ait pas été,
dans un premier temps, confiée aux généralistes, l’argument du coût qu’aurait représenté autant
de consultations au tarif unitaire de 22 euros a pu également influencer la décision, pourtant en
contradiction avec les missions nouvellement reconnues aux médecins de premier recours. La
détermination ultérieure d’un tarif de l’acte de vaccination à 6 euros par les médecins libéraux a
été jugée trop faible par les médecins rencontrés par la mission.
2.2.3. La qualité des pratiques professionnelles doit constituer un objectif des politiques de
santé
Le système français de santé est reconnu pour sa qualité. L’organisation mondiale de la
santé (OMS) place notre pays au premier rang en termes de performance globale des systèmes de
santé (2000). Toutefois sur certains segments de l’activité médicale (prévention secondaire,
mortalité prématurée notamment), l’OCDE met en évidence des résultats décevants42.
Si le serment d’Hippocrate prêté par l’ensemble des praticiens les engage à délivrer une
médecine de qualité, le mode de rémunération peut également y concourir. Le paiement à l’acte a
un effet ambigu sur la qualité. Combiné au libre choix du médecin, il incite le praticien à se
constituer une patientèle importante et à satisfaire au mieux les attentes de ses malades,
notamment dans un contexte de forte densité médicale. Toutefois, la satisfaction ressentie par le
patient n’est pas forcément synonyme de qualité car elle peut résulter de la bonne volonté du
médecin à prescrire.
D’autre part, l’incitation à augmenter la productivité horaire peut avoir pour effet pervers de
raccourcir la durée de la consultation au détriment de la qualité de celle-ci. Ce phénomène
semble toutefois peu observé en France, la durée de la consultation étant plutôt plus longue
qu’ailleurs. La durée moyenne d’une consultation auprès d’un médecin généraliste en France est
de 16 minutes, auxquelles il convient d’ajouter une moyenne de 4 minutes de charges
administratives entre chaque patient. Selon l’Union régionale des médecins libéraux (URML)
d’Ile de France, cette moyenne est plus faible en région parisienne.
42
La santé dans le monde, OMS, 2000 ; Pour un système plus performant, Health panorama, OCDE, 2009.
Surtout, le paiement à l’acte constitue une obligation de moyens pour le praticien, non de
résultats. Sans épuiser le sujet de la qualité, la mise en œuvre du CAPI représente à cet égard une
avancée intéressante, notamment en ce que le dispositif permet au médecin y adhérant de
disposer d’indicateurs du suivi de sa patientèle et d’avoir ainsi une meilleure visibilité sur le
résultat global de sa pratique.
2.3.
Malgré les difficultés actuelles des négociations conventionnelles, une réforme paraît opportune
Une nouvelle convention devait être approuvée début 2010, mais, comme lors des précédentes
négociations, de nombreuses difficultés liées au jeu des acteurs et aux enjeux financiers ont
empêché sa conclusion. Pourtant, le regard des médecins et de leurs représentants sur le mode de
rémunération évolue. De son côté, le législateur a pris conscience de la nécessité d’une réforme.
2.3.1. Les négociations conventionnelles, régulièrement difficiles, sont aujourd’hui
soumises à arbitrage
Les négociations sont régulièrement difficiles et les conventions instables. Jusqu’en 1996, le
système conventionnel a fonctionné sur un équilibre entre l’assurance maladie (alors cogérée par
FO et le CNPF) et la CSMF, syndicat plutôt conservateur, marqué par des dissensions entre
généralistes et spécialistes. Dénonçant une étatisation de la médecine, FO s’est retirée pour
laisser la place à la CFDT. MG France, syndicat anti-système à ses débuts, s’est substitué
pendant un temps à la CSMF comme syndicat privilégié.
La dernière convention médicale, signée le 12 janvier 2005 entre l’UNCAM et trois syndicats
médicaux (CSMF, SML et Alliance) et dénoncée par la CSMF et le SML en juillet 2009, arrive à
échéance en février 2010. Toutefois, sur fond de débat sur le calendrier des élections
professionnelles, sur les critères de représentativité ainsi que sur la loi HPST, les négociations de
la prochaine convention ont échoué. Un arbitre a été désigné, le 15 janvier 2010, conformément
aux dispositions juridiques le prévoyant43.
S’agissant des rémunérations, les enjeux de la future convention sont multiples. Pour les
généralistes, les syndicats médicaux revendiquent principalement une hausse des tarifs
opposables (augmentation du tarif de la consultation de 22 à 23 euros, possibilité pour les
généralistes de coter CS leur consultation). Pour les spécialistes, la revendication de nouveaux
espaces de liberté tarifaire reste vive.
Le règlement arbitral doit être rendu le 15 avril 2010. Un accord a minima est le plus
probable. La reconduction tacite de la convention actuelle sera privilégiée en attendant la
négociation d’une nouvelle convention fin 2010, après les élections professionnelles prévues à
l’été 2010.
Pour contrer ces difficultés, les pouvoirs publics tendent à privilégier les vecteurs législatifs
(LFSS, HPST) ou contractuels (CAPI) pour faire évoluer les modalités de rémunération et les
conditions d’exercice des médecins libéraux.
43
Article L. 162-14-2 du code de la sécurité sociale.
2.3.2. Le regard des médecins et de leurs représentants sur le paiement à l’acte évolue
L’attachement des médecins de ville au paiement à l’acte a longtemps représenté un obstacle
important au changement du mode de rémunération.
Une évolution récente se fait néanmoins jour. Selon un sondage IFOP réalisé pour le
Quotidien du médecin en mars 2008, 45% des médecins libéraux sont favorables à
l’expérimentation de nouveaux modes de rémunération (55% en zones rurales mais seulement
35% à Paris). Cette évolution permet d’envisager une réforme. Les médecins, davantage
préoccupés par le niveau que par le mode de rémunération, y semblent prêts.
Si le syndicalisme médical traditionnel reste attaché au paiement à l’acte, la plupart des
partenaires envisagent de le compléter par d’autres formes de rémunération. MG France prône
ainsi un élargissement du mode de rémunération vers une plus grande part de forfaitisation.
Même la CSMF, pourtant fortement attachée aux principes libéraux, se prononce pour une
forfaitisation de la rémunération pour certains aspects de la pratique comme la prévention et la
permanence des soins.
2.3.3. Le législateur a pris conscience de la nécessité d’une réforme
La possibilité d’expérimenter des nouveaux modes de rémunération ouverte par la LFSS pour
2008 témoigne de la prise de conscience des limites du système actuel. L’exposé des motifs de la
loi précise que ces expérimentations permettront de promouvoir un mode d’exercice qui répond à
la fois aux aspirations d’un nombre croissant de professionnels en termes de qualité de travail et
de vie, tout en améliorant la qualité des soins rendus aux patients. Ces expérimentations doivent
également favoriser l’émergence de nouveaux modes de coopération entre les professionnels de
santé concourant à une meilleure prise en charge du patient.
Le vote de la loi HPST illustre également cette nouvelle impulsion. Au-delà de la définition
des missions du médecin généraliste, la loi prévoit des modalités nouvelles d’organisation du
dispositif de premier recours via les schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS). Un
cadre cohérent, organisé et territorialisé, se met donc progressivement en place avec l’objectif
d’assurer une offre de soins primaires de qualité pour tous. Un consensus parlementaire s’est formé lors des débats sur la nécessaire évolution des modalités de rémunération en conséquence. La
mission a constaté cette détermination lors de ses entretiens auprès de députés et sénateurs.
Enfin, le Président de la République a pris acte de cette évolution. La mission confiée au Président du Conseil national de l’ordre pour une refondation de la médecine libérale traduit la volonté politique de réforme. Interrogé par la mission, ce dernier a confirmé son intérêt pour les
nouveaux modes de rémunération.
*
3. PROPOSITIONS : DEUX VOIES D’AMÉLIORATION POUR
ADAPTER LA RÉMUNÉRATION DES MÉDECINS LIBÉRAUX AUX
ENJEUX DE LA MÉDECINE AMBULATOIRE
Le paiement à l’acte comporte des atouts à préserver mais semble mal adapté aux nouveaux
enjeux de notre système de santé. La mission recommande donc d’une part, de limiter les effets
négatifs du paiement à l’acte tout en le maintenant comme base de la rémunération des médecins
libéraux, d’autre part, de poursuivre la diversification des modes de rémunération par la mise en
place de forfaits destinés à rémunérer des activités insuffisamment valorisées aujourd’hui.
Il est ainsi proposé d’avancer dans la constitution d’un système mixte de rémunération et de
moduler les combinaisons des différents modes de rémunération en fonction du degré de
technicité des disciplines médicales et de leurs missions dans le parcours de soins.
Les recommandations formulées tiennent compte de l’impératif de maîtrise des dépenses de
santé. La mission a cherché à identifier les marges de manœuvre permettant de financer les
mesures qui entraînent un coût supplémentaire. Certaines des mesures proposées, sans permettre
de gain financier direct à court terme, auront un impact positif à moyen ou long terme sur les
dépenses de l’assurance maladie. La poursuite des efforts déjà engagés pour réduire le poids
financier des prescriptions, pour responsabiliser le patient et pour rationnaliser les dépenses
hospitalières doit aussi à terme permettre de dégager des marges de manœuvre financières.
L’annexe n°1 synthétise, pour chacune des recommandations, son acceptabilité, son coût, le
vecteur et le calendrier proposé de sa mise en œuvre.
3.1.
Orienter la politique tarifaire vers la réduction des distorsions d’offre et
d’accès aux soins
Cet ensemble de recommandations vise à améliorer le fonctionnement et les bases de
tarification du paiement à l’acte avec deux objectifs : éviter que les distorsions de tarifs
n’entraînent des arbitrages en faveur des spécialités et des actes les plus rémunérateurs ;
empêcher que la liberté tarifaire ne remette en cause l’égal accès aux soins.
3.1.1. Fixer le prix des actes de façon à mieux lier activité et revenu
Il est proposé d’améliorer les mécanismes de détermination du tarif des actes médicaux afin
de lutter contre les effets de rente dont bénéficient certaines spécialités médicales ou, au
contraire, de prévenir des pertes de rentabilité incitant les professionnels à augmenter leurs dépassements d’honoraires ou à abandonner des spécialités pourtant nécessaires du point de vue de
la demande de soins. Il ne s’agit donc pas d’instaurer une politique de revenus qui remettrait en
cause le statut libéral des médecins, mais de se donner les moyens de mener une politique de tarifs, destinée à mieux rapprocher le prix de l’acte du coût de la pratique.
3.1.1.1. Assurer la neutralité tarifaire des actes techniques
La nomenclature CCAM constitue a priori une base indispensable pour fixer la rémunération
des médecins, en particulier s’agissant des spécialités techniques, pour lesquelles il est plus aisé
de rapprocher le prix des actes de leur coût réel. Néanmoins, les conditions de la mise en œuvre
de cette nomenclature n’ont pas permis de tirer tous les avantages attendus : la hiérarchie antérieure des actes ainsi que leur valeur n’ont pas été profondément remises en cause, l’actualisation
des critères n’a pas été suffisamment dynamique et des coefficients modificateurs, contraires à
l’esprit de la CCAM, ont été introduits. La mission propose en conséquence d’améliorer la démarche de la CCAM.
La forte croissance des actes techniques (5% par an en moyenne) supérieure à celle de l’objectif national des dépenses d'assurance maladie (3% dans la LFSS pour 2010) justifie une tarification plus objective de ceux-ci.
Recommandation n° 1 :
Transformer l’observatoire de la CCAM en un comité indépendant
chargé de l’actualisation régulière de la classification
La logique de la CCAM voudrait qu’elle échappe à la négociation et soit confiée à des experts
afin que la classification des actes soit la plus objective possible. Pourtant, au sein de
l’Observatoire de la CCAM, les rapports de forces entre syndicats médicaux ont, dans une
certaine mesure, paralysé son travail44. Ils n’ont pas permis que la hiérarchie antérieure des actes,
largement issue des négociations conventionnelles, soit remise en question. Par ailleurs, afin
d’éviter de faire des perdants, il a été prévu que la convergence des tarifs s’étale dans le temps, et
que soit seulement appliquées, dans un premier temps les revalorisations tarifaires, engendrant
une dépense de 270 millions d’euros pour l’assurance maladie 45. Enfin le coût de la pratique, qui
constitue l’un des deux déterminants de la hiérarchisation des actes de la CCAM, n’a pas été
actualisé depuis 2005.
En conséquence, la mission propose de faire évoluer l’observatoire de la CCAM pour qu’il
devienne un comité d’experts indépendant, chargé d’actualiser la classification des actes
existants, d’intégrer les actes nouveaux et de proposer à l’assurance maladie des tarifs cibles et
des trajectoires de convergence. Ces deux derniers éléments, qui relèvent de la tarification et non
de la classification, doivent continuer à être discutés par les partenaires conventionnels, mais sur
la base de données objectivées fournies par le comité.
Le comité d’experts, sur le modèle américain du Relative value update committee46, serait
composé de membres de la HAS et de membre des sociétés savantes représentant l’ensemble des
spécialités médicales, ainsi que de la fédération des spécialités médicales en cours de
constitution. Les experts de la famille d’actes pourraient être tirés au sort dans une liste fournie
par la société savante et le rôle, aujourd’hui marginal, des économistes de la santé et des
statisticiens serait renforcé.
Si le HCAAM et l’assurance maladie ont indiqué être favorables à cette démarche, son
acceptabilité est difficile pour les syndicats médicaux qui ne seront plus représentés au sein du
comité. L’objectif d’équité qui sous-tend la démarche doit cependant pouvoir être entendu par
les praticiens. Un accord conventionnel est nécessaire pour la création de ce comité.
Recommandation n°2 :
Supprimer les modificateurs tarifaires contraires à l’objectif de
neutralité de la CCAM
Des coefficients modificateurs ont été progressivement introduits pour moduler la tarification
des actes en fonction de leurs conditions de réalisation (intervention d’urgence ou de nuit,
intervention sur un enfant de moins de 5 ans) ou de leur auteur. Si l’application des premiers se
justifie par des différences objectives de coût ou de difficulté de réalisation d’un acte, les
modificateurs qui différencient le coût des actes en fonction de leur auteur sont contraires à la
recherche de neutralité économique et d’équité entre professionnels qui caractérise la démarche
de la CCAM. A titre d’exemple, une radiographie pulmonaire réalisée par un généraliste est
cotée au tarif simple sans modificateur mais réalisée par un pneumologue ou un rhumatologue, le
tarif est majoré de 15,8%. Réalisée par un radiologue, le tarif est majoré de 21,8%.
44
Un tiers des membres sont des syndicats alors que le calcul du coût de la pratique n’est pas soumis à négociation.
Les médecins libéraux : démographie, revenu et parcours de soins, Cour des comptes, 2007.
46
Le relative value update committee (RUC) est un comité spécialisé regroupant un panel de médecins représentant
l’ensemble des spécialités médicales. Il actualise le coût des pratiques et propose à l’administration une valeur relative pour chaque nouvel acte. Il effectue une révision générale de la nomenclature tous les 5 ans.
45
Les modificateurs sont principalement un héritage de l’ancienne NGAP. Ils ont été maintenus
afin de renforcer l’adhésion des praticiens à la CCAM. De nouveaux modificateurs ont été
introduits depuis, en particulier pour les chirurgiens entre 2005 et 2007.
En dépit de la portée symbolique qui leur est attachée, la mission propose d’engager
l’assurance maladie dans une démarche de suppression des modificateurs qui distinguent l’auteur
de l’acte. Les marges de manœuvre financières ainsi dégagées pourraient être utilisées pour
favoriser la convergence à la hausse des actes sous-valorisés.
Recommandation n°3 :
Renforcer le mécanisme de décote des actes techniques en série
La CCAM ne permet toutefois pas aujourd’hui de réduire suffisamment les écarts de revenu
entre les spécialités. Pour des revenus totaux moyens fixés à 100, les écarts de revenus moyens
entre la spécialité la moins rémunératrice et la plus rémunératrice sont de 46 et 217 avant
l’application de la CCAM cible et de 49 et 200 après 47. On constate que la convergence des
revenus reste faible et que les spécialités qui pratiquent le plus d’actes techniques restent les plus
rémunératrices.
C’est pourquoi des dispositions particulières sont d’ores et déjà prévues pour les actes
effectués le même jour sur le même patient : dans ce cas, le deuxième acte réalisé est tarifé à
50% de sa valeur. Mais de nombreuses exceptions autorisent encore les professionnels à coter
l’acte à sa valeur pleine. L’UNCAM a récemment mis fin à l’une des exceptions concernant la
radiologie conventionnelle.
La mission propose de poursuivre cette démarche, d’une part en mettant fin de façon
progressive aux régimes dérogatoires non justifiés, d’autre part en étendant le champ
d’application du dispositif. Il est proposé d’étendre ce mécanisme au-delà du deuxième acte.
Cette démarche pourrait s’appuyer sur les référentiels d’actes en série élaborés par l’assurance
maladie et actuellement validés par la HAS, comme le prévoit l’annexe 9 de la LFSS pour 2009.
Un premier pas a été réalisé pour les actes en série de rééducation. Ce travail pourrait être
poursuivi, en commençant par les spécialités dans lesquelles de nombreuses associations d’actes
sont réalisées (radiologie par exemple). A terme, une tarification de la série d’actes pourrait être
envisagée.
3.1.1.2. Ecarter la piste d’une classification analytique des actes cliniques
Recommandation n°4 :
Renoncer à fonder le prix des actes cliniques par une CCAM ad hoc
L’élaboration d’une CCAM pour les actes cliniques a été prévue par un engagement
conventionnel signé en février 2005. Sans avoir encore été réalisée, cette idée n’a cependant pas
été abandonnée par l’assurance maladie, qui a récemment relancé la réflexion. Cela reviendrait à
éclater la lettre C/CS, dont la valeur couvre aujourd’hui la moyenne des consultations pratiquées,
en plusieurs valeurs selon les caractéristiques de la consultation (durée et difficulté du
diagnostic, simple consultation de suivi, renouvellement d’ordonnance…). Elle remplacerait
ainsi la NGAP, qui continue à s’appliquer pour les actes cliniques.
La mission propose de renoncer à cette piste pour deux raisons. D’une part, il est très délicat
d’évaluer l’effort intellectuel et d’en déduire un juste prix pour une consultation. L’analyse des
déterminants de la durée des séances pour les généralistes ne débouche guère sur des éléments
objectifs qui permettraient de fixer le prix de la consultation en fonction du temps passé 48.
D’autre part, le contrôle du contenu des consultations est difficile ; une telle différenciation
47
48
Chiffres CNAMTS, 2004 et estimations du secrétariat général du HCAAM recueillies par la mission.
Les conditions d’exercice et les revenus des médecins libéraux, HCAAM, 2007.
comporterait un risque d’inflation des actes cliniques les mieux cotés. Afin de parer à cette
difficulté, un nombre maximal d’actes les mieux cotés pourrait être défini par médecin, mais
cette mesure de contrainte risquerait de créer une nouvelle opposition entre les médecins et
l’assurance maladie.
Il ressort des entretiens que l’intérêt de l’assurance maladie pour cette nouvelle nomenclature
n’est pas toujours partagé, en particulier par le HCCAM.
3.1.1.3. Renoncer au plafonnement de l’activité
Recommandation n°5 :
Ecarter à court terme la mise en place des systèmes d’enveloppe
fermée, de plafonnement individuel des honoraires et de droits de tirage
Certains pays européens ont choisi d’associer les mesures portant sur le prix des actes à un
plafonnement global de l’activité des médecins, afin d’éviter l’effet inflationniste du paiement à
l’acte. Plusieurs modalités de plafonnement existent49.
Un premier dispositif consiste à définir ex post la valeur de la consultation en fonction d’un
budget préalablement fixé (système dit d’enveloppe fermée avec points flottants). Par exemple,
un dépassement de 10% de l'enveloppe conduit à une baisse équivalente du tarif de la
consultation. Cette piste a été explorée au Québec dans les années 1970, en Allemagne dans les
années 1980 et aux États-Unis pour les soins dispensés à des patients couverts par Medicare.
Toutefois, cet encadrement collectif du volume d’activité a des effets pervers, chaque médecin
ayant intérêt à réaliser un grand nombre d'actes pour se prémunir du risque de voir le prix de la
consultation baisser. En France, un dispositif de reversement avait été prévu dans les
ordonnances d’avril 1996 issues du plan Juppé : les organismes de sécurité sociale pouvaient
exiger des médecins libéraux le remboursement des dépenses excédant l’objectif national. Ces
mécanismes se heurtent à une opposition forte des médecins et à des obstacles juridiques
importants. Les modalités de reversement prévues par le Plan Juppé ont été annulées à deux
reprises : une première fois en 1998 par le Conseil d’Etat, et en 1999 par le Conseil
constitutionnel, au motif que le reversement ne dépendait pas du comportement individuel du
médecin. En 2000, une nouvelle tentative a modulé la valeur des lettres clefs en fonction de la
consommation de soins de ville et de l’enveloppe d’ONDAM correspondante. Peu efficaces, ces
lettres clefs flottantes ont été supprimées en 2003.
Une deuxième piste consiste à plafonner individuellement les honoraires. Ce mécanisme a
existé en France avec des plafonds très élevés pour les professions d'infirmier et de
kinésithérapeute. Fixé à ce niveau, le mécanisme a un intérêt limité en termes de modération de
l’activité. Fixé à un niveau plus bas, il est plus pertinent mais conduit à sanctionner les médecins
en milieu de carrière (du fait de leur courbe d’activité). Le plafonnement de l'activité médicale se
heurte aussi au développement du temps partiel. Surtout un tel dispositif ne permet pas de lutter
contre les phénomènes de demande induite : les médecins qui ont ce type de comportement ne
sont pas forcément ceux qui ont le volume d'activité le plus élevé.
Une troisième piste vise à réguler le volume de soins produit par patient (mécanisme dit de
droit de tirage). Il consiste à définir un plafond d’activité pour le médecin en fonction du nombre
de patients vus sur une période donnée. Une fois le quota atteint par le médecin, celui-ci n'est
plus payé par les caisses d'assurance maladie. Ce dispositif existe en Allemagne sous le nom de
Praxisbudget, où il a effectivement permis de réduire le nombre d'actes. Le système peut être
assoupli pour les médecins exerçant dans les zones à faible densité médicale ; certains actes, qui
constituent des priorités de santé publique, peuvent également ne pas être décomptés.
49
Mode de rémunération des médecins, Trésor Eco, DGTPE, septembre 2008.
Toutefois, ce mécanisme n'est pas non plus exempt d'effets pervers. Il peut inciter le médecin
à augmenter sa patientèle, si possible avec des patients ayant une faible morbidité. Surtout, ce
mode de rémunération n'est efficace que si le régulateur est à même de fixer un quota d'actes
pertinent. L’adaptation du volume de l’enveloppe à la patientèle nécessite par ailleurs des
systèmes d’information dont la France ne dispose pas aujourd’hui.
L’évolution de la démographie médicale et les difficultés qui existent déjà dans certaines
régions pour satisfaire la demande laissent à penser qu’un mécanisme de plafonnement de
l’activité, compliqué et risqué, ne se justifie pas aujourd’hui. A moyen terme, l’évolution du
volume d’actes et de la démographie médicale pourra amener à réévaluer la pertinence de telles
mesures.
3.1.2. Réguler les dépassements d’honoraires pour préserver l’égalité d’accès aux soins
L’évolution tendancielle des dépassements d’honoraires inquiète : malgré les mesures visant à
contrôler l’accès au secteur 2, la part des spécialistes qui s’y installe augmente, ainsi que le taux
moyen de dépassement demandé. Dans certaines spécialités comme la chirurgie, où 82% des
praticiens sont en secteur 2, la possibilité pour un patient d’être soigné au tarif opposable n’est
plus garantie. Plusieurs interlocuteurs rencontrés par la mission se sont accordés sur l’idée qu’audelà d’une minorité de praticiens qui pratiquent des dépassements très élevés, c’est
l’augmentation de la part et du taux moyen des dépassements qui représente à terme un risque
pour l’accès aux soins.
3.1.2.1. Améliorer la transparence et l’information des usagers sur les tarifs pratiqués
Recommandation n°6 :
Inciter la profession à utiliser les outils de contrôle et de transparence
tarifaire
Les médecins du secteur 2 fixent librement leurs tarifs avec tact et mesure (article 4.4.3. du
code de déontologie médicale). Cette notion, qui a servi de base à plusieurs décisions
juridictionnelles, n’est pas véritablement définie par le Conseil de l’ordre, mais encadrée par des
principes directeurs, parmi lesquels la prestation effectuée, le temps et le service rendu au
patient, ainsi que les caractéristiques du praticien (notoriété) et du patient (fortune).
La LFSS pour 2008 est venue renforcer les obligations de transparence du médecin sur ses
honoraires. Au-delà des règles d’affichage des tarifs dans les cabinets, le médecin pratiquant un
dépassement doit désormais fournir une information écrite préalable au patient lorsque les
honoraires totaux facturés sont supérieurs à 70 euros50.
En 2005, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des
fraudes (DGCCRF) a mis en évidence une faible implication des médecins et une dégradation du
respect des règles d’affichage. Les fourchettes d’honoraires affichées sont d’une trop grande
amplitude (1 à 2, voire 1 à 3), diminuant la portée de l’information délivrée. Elles ne
correspondent peu ou pas à la réalité : les cardiologues et urologues par exemple pratiquent
uniquement un ou deux tarifs. 43% des contrôles de la DGCCRF se sont ainsi soldés par l’envoi
d’un courrier au médecin lui rappelant ses obligations.
Les dépassements excessifs pratiqués par certains médecins font du tort à la profession dans
son ensemble. Pour cette raison, il est proposé d’inviter la profession à mieux utiliser les outils à
50
Arrêté du 2 octobre 2008 fixant le seuil prévu à l'article L. 1111-3 du code de la santé publique.
sa disposition. Dans un premier temps, le Conseil de l’ordre pourrait rappeler aux professionnels
leurs obligations légales et formuler une définition plus précise de la notion de tact et mesure.
Une charte de bonnes pratiques pourrait être diffusée par l’Ordre dans un but pédagogique à
l’ensemble des praticiens de secteur 2.
Le code de déontologie (article 80) pourrait être modifié afin de faire figurer les honoraires
pratiqués dans les annuaires à usage du public. Les informations disponibles sur le site de
l’assurance maladie www.ameli.fr devraient par ailleurs être complétées (les fourchettes
d’honoraires des médecins ne sont pas encore systématiquement renseignées). Ces informations
pourraient aussi être mises à disposition dans les pharmacies et les caisses primaires d’assurance
maladie. Dans le même temps, une meilleure diffusion de l’information aux patients par
l’assurance maladie, aussi bien sur leurs droits, que sur les tarifs pratiqués, renforcerait la portée
des dispositions légales.
Quant à la pratique illégale des dessous de table, ce thème pourrait faire l’objet d’une étude de
l’IGAS, en coordination avec les services fiscaux, afin de mesurer l’importance de cette pratique
et de prévoir, le cas échéant, les mesures nécessaires.
3.1.2.2. Introduire un plafonnement des dépassements d’honoraires
Recommandation n°7 :
Ouvrir le secteur optionnel aux seuls praticiens des spécialités de
bloc pour une durée limitée et sous la forme d’une expérimentation
L’article 53 de la loi HPST avait donné aux partenaires conventionnels jusqu’au 15 octobre
2009 pour conclure un avenant à la convention médicale prévoyant la mise en place d’un
troisième secteur de tarification, dit secteur optionnel. Un protocole d’accord a été signé à cette
date entre l’assurance maladie, les représentants des médecins et les organismes
complémentaires. Les médecins adhérents à ce nouveau secteur s’engagent à réaliser 30% de
leurs actes au tarif opposable et à pratiquer des dépassements normés sur le restant de leurs actes
(dans une limite de 50% au-dessus du tarif de la sécurité sociale), qui seraient remboursés par les
organismes complémentaires adhérents. En contrepartie, les professionnels bénéficient de la
prise en charge partielle de leurs cotisations sociales. Contrairement aux autres secteurs,
l’adhésion est réversible à tout moment à la demande du praticien.
Selon les termes de l’accord du 15 octobre 2009, le secteur optionnel, ouvert dans un premier
temps aux médecins des spécialités de bloc51 exerçant en secteur 2 et en secteur 1 avec droit à
dépassement, a été prévu pour être généralisable à l’ensemble des spécialités et pourrait, dans un
second temps, s’ouvrir aux médecins du secteur 1. Ce dispositif, prévu pour trois ans, a été
accepté à la suite d’une négociation difficile. L’accord cherche également à associer les
cliniques : la possibilité leur a été ouverte par la loi HPST de participer aux missions rémunérées
de service public à condition qu’une part suffisante de leurs chirurgiens adhère au secteur
optionnel.
Outre l’opposition des associations de défense des patients (CISS et UFC-Que choisir ?), la
mission a constaté de fortes divergences entre experts sur ce nouveau dispositif. Le HCAAM
s’est notamment montré très réservé.
Pour ses défenseurs, le secteur optionnel constitue une avancée intéressante, en ce qu’il tente
d’encadrer, pour la première fois, les dépassements d’honoraires, et articule l’intervention des
organismes complémentaires avec celle de l’assurance maladie.
Un tel dispositif comporte néanmoins des risques non négligeables :
51
Chirurgie, anesthésie-réanimation et gynécologie-obstétrique.
 seuls les praticiens qui pratiquent des dépassements inférieurs ou proches de 50% du tarif
opposable auront intérêt à s’y engager. Dans ce cas, la mesure sera inefficace (pas de
baisse des dépassements) et coûteuse pour l’assurance maladie (prise en charge des
cotisations) ;
 par ailleurs, si le secteur optionnel est ouvert aux praticiens de secteur 1 (comme souhaité
par leurs représentants), le risque est grand que de nombreux praticiens s’y engagent et
qu’apparaisse de facto un nouveau tarif constituant une revalorisation de 50% du prix des
actes, avec pour conséquence une réduction de l’offre de soins au tarif opposable ;
 ensuite, au-delà des critères déjà fixés (bénéficiaires de la CMUc, situation d’urgence), un
risque d’arbitraire existe quant au choix du médecin d’appliquer ou non le tarif opposable;
 enfin, la signature par l’UNOCAM du protocole ne vaut pas engagement des différents
organismes complémentaires dans le dispositif. Les organismes complémentaires
rencontrés par la mission ont exprimé le souhait que leur engagement soit, comme celui
des médecins, réversible.
Devant ces risques, la mission recommande une mise en œuvre expérimentale du secteur
optionnel pour les seuls praticiens de secteur 2 des spécialités mentionnées dans l’accord du 15
octobre 2009. Lors de l’inscription de cette expérimentation dans la prochaine convention
médicale, les points suivants devront faire l’objet d’une vigilance particulière :
 l’objectif étant, à terme, de limiter le poids du secteur 2 au profit du secteur optionnel, et
non pas de vider le secteur 1, la clause qui conditionne l’entrée en vigueur du dispositif à
un équilibre satisfaisant entre praticiens du secteur 2 et praticiens du secteur 1 doit être
maintenue ;
 l’implication des organismes complémentaires est nécessaire pour équilibrer le dispositif.
L’outil des contrats responsables pourrait être mobilisé afin de les inciter à prendre en
charge la part de dépassement autorisée dans le cadre de ce nouveau secteur ;
 les critères de sélection des patients ayant droit au tarif opposable doivent être précisés.
L’évaluation de l’expérimentation pourrait être réalisée par une commission multipartite
(assurance maladie, organismes complémentaires, représentants des médecins, associations
d’usagers).
La mission recommande que l’ouverture du secteur optionnel à d’autres spécialités ne soit pas
réalisée avant que ne soient tirées les conclusions de l’expérimentation, de même que son
extension aux praticiens de secteur 1.
Recommandation n°8 :
Donner aux agences régionales de santé (ARS) la possibilité de
limiter temporairement l’accès au secteur 2 dans les zones où l’offre
à tarif opposable est insuffisante
La mission propose parallèlement une régulation régionale des dépassements d’honoraires
afin de résoudre le problème des zones où l’offre en tarif opposable est restreinte. A partir d’un
zonage établi en fonction de l’offre disponible et de l’équilibre entre secteurs 1 et 2 par spécialité
dans la région, l’ARS pourrait contraindre les médecins, disposant des titres nécessaires à l’accès
au secteur 2, à s’installer en secteur 1.
Pour des raisons d’acceptabilité et de non rétroactivité du dispositif pour les médecins déjà
installés, cette limitation du droit à dépassement ne pourrait être appliquée qu’aux nouvelles
installations. Par ailleurs, afin d’éviter que l’application du nouveau plafond aux seuls entrants
entretienne des disparités de rémunération entre générations de médecins, l’obligation d’exercer
en secteur 1 devrait être limitée dans le temps (pour les trois, cinq ou dix premières années
d’exercice par exemple). Par ailleurs, les plafonds seraient amenés à évoluer en fonction de la
démographie médicale locale.
La mise en œuvre de cette proposition améliorera à terme l’accès aux soins des patients dans
les zones où la part de médecins de secteur 1 est faible, en obligeant les nouveaux arrivants à
pratiquer des soins au tarif opposable. Interrogé par la mission, le préfigurateur de l’ARS d’Ile de
France a jugé ce dispositif particulièrement adapté à la situation de sa région.
Il est proposé de créer un groupe de travail pour préparer la mise en oeuvre de ce dispositif. Y
seraient conviés des représentants de l’assurance maladie et des médecins, des parlementaires
engagés sur ces questions, des préfigurateurs d’ARS.
3.2.
Diversifier les modes de rémunération pour favoriser l’adaptation de la
médecine de premier recours aux nouveaux enjeux de notre système de
santé
Cet ensemble de recommandations est fondé sur le constat de l’inadaptation du seul paiement
à l’acte à l’accomplissement des missions nouvellement définies de la médecine de premier
recours. Il vise à revaloriser la médecine générale et à favoriser par le levier de la rémunération
l’évolution de ses modalités d’exercice et de ses activités.
Depuis la mise en œuvre du système conventionnel, la revalorisation des médecins
généralistes (et autres spécialités cliniques) a principalement pris la forme d’augmentation du
tarif de base de la consultation afin de permettre aux revenus de ces praticiens d’évoluer en
même temps que l’inflation. Les calculs économiques montrent qu’une augmentation du tarif de
la consultation de 2 euros tous les 5 ans correspond au rythme de l’inflation 52. Il a ainsi été prévu
en 2007 une augmentation du C de 1 euro au 1 er juillet 2007, soit 22 euros, et une nouvelle
augmentation à 23 euros, initialement envisagée au 1er juin 2008, mais non encore réalisée53.
Il pourrait être proposé, dans le cadre des négociations conventionnelles, de rompre avec cette
logique de revalorisation unique et d’adopter un système de revalorisation à plusieurs étages.
Par exemple, la moitié des revalorisations tarifaires pourrait être accordée sous forme
d’augmentation du tarif du C (1 euro tous les 5 ans en moyenne) et l’autre moitié sous forme de
forfaits ou de rémunération à la performance (à hauteur de 250 millions d’euros environ). Ainsi
revalorisation de la médecine générale et diversification de sa rémunération dans le sens d’une
meilleure adaptation de celle-ci aux enjeux de notre système de santé pourraient aller de pair.
La mission estime qu’un accord de ce type ne pourra intervenir qu’après l’augmentation du
tarif du C à 23 euros, soit une dépense de 250 millions d’euros. Le respect des engagements
conventionnels pris par les pouvoirs publics conditionne le rétablissement de la confiance entre
les médecins généralistes et l’Etat, préalable à toute réforme. Du fait de la procédure de
stabilisateur automatique introduite par la LFSS pour 2008, l’entrée en vigueur de cette
revalorisation interviendra six mois après l’accord, si aucune procédure d’alerte ONDAM n’est
engagée.
52
Entretiens de la mission avec la direction du budget et la direction de la sécurité sociale.
Les économies réalisées dans le cadres des actions de maîtrise médicalisée depuis 2005 n’atteignant qu’un taux de
réalisation de 73% des objectifs (2,5 milliards d’euros) et compte tenu de l’intervention du comité d’alerte pour le
respect de l’ONDAM, la revalorisation de la lettre clef C à 23 euros, prévue dans l’avenant 23 de la convention de
2005 n’a pu être appliquée.
53
3.2.1. Adapter le système de rémunération pour favoriser la coordination et la coopération
des professionnels de santé
De nombreuses qualités sont prêtées à l’exercice coordonné de la médecine, notamment en
maisons de santé pluridisciplinaires. Outre le fait que l’exercice coopératif semble mieux
correspondre aux attentes des nouvelles générations (souplesse de l’organisation du travail et
travail en équipe), il améliore la qualité du suivi des patients et permet d’augmenter l’efficience
des dépenses de santé, en particulier par l’optimisation du temps médical.
Ces atouts ont récemment été confirmés par une étude de l’Institut de recherche et de
documentation en économie de la santé (IRDES) portant sur neuf maisons de santé
pluridisciplinaires54. Ces maisons semblent offrir un meilleur équilibre entre vie personnelle et
cadre d’exercice pour les professionnels, une plus grande accessibilité horaire et une gamme plus
étendue de soins pour les patients. L’étude ne conclut en revanche pas sur l’augmentation ou la
réduction des dépenses de soins de ville des patients suivis dans ces structures.
L’émergence de ces nouvelles modalités d’exercice nécessite la conjonction de plusieurs
facteurs, parmi lesquels la mise en place de nouveaux modes de rémunération. L’une des
conditions est de réduire la concurrence entre professionnels liée au paiement à l’acte et de
valoriser le temps de travail collectif.
Aujourd’hui, bien que 44% des médecins libéraux exercent de façon regroupée, la
coordination et la coopération entre professionnels de santé sont encore peu développées.
D’ailleurs, si le regroupement en un même lieu facilite le travail coopératif, la coopération des
professionnels de santé peut s’appuyer également sur des structures telles les réseaux de soins.
3.2.1.1.
Favoriser, par la mise en place de forfaits, l’exercice coordonné de la médecine libérale
Recommandation n°9 :
Mettre en place un forfait de coordination pour les structures de
groupe et les réseaux de médecins libéraux
De nombreuses mesures financières visent à encourager le regroupement des professionnels
de santé dans des lieux partagés. Elles sont mises en place par les collectivités locales qui
souhaitent assurer la couverture médicale de leur territoire, mais également par l’Etat et
l’assurance maladie. L’avenant 20 à la convention nationale a ainsi prévu en 2007 une
majoration de 20% par l’assurance maladie des honoraires des médecins qui s’installent en
groupe dans les zones déficitaires. Ces derniers ont aussi cofinancé en 2009 des projets de
maisons et de pôles de santé pour environ 10 millions d’euros (fonds d’investissement à la
qualité et à la coordination des soins -FIQCS-, Contrats de plan Etat-Région et pôles
d’excellence rurale)55. Dans la LFSS pour 2010, 100 millions d’euros ont été provisionnés pour
le financement de cent maisons de santé supplémentaires.
54
Une évaluation des maisons de santé de Franche-Comté et de Bourgogne, IRDES, 2009.
Ont été consacrés aux maisons de santé, 2,2 millions d’euros à travers le fonds FIQCS 14 millions d’euros dans à
travers les pôles d’excellence rurale, dont 5 financés par l’Etat et 14 millions dans les contrats de plan Etat-Région
(Etat + collectivités locales), in rapport IGAS sur Le bilan des maisons de santé et des pôles de santé et propositions
pour leur déploiement, janvier 2010.
55
Les collectivités locales tirent souvent un revenu locatif de ces structures, ce qui les rend, à
terme, rentables pour la collectivité56. Il apparaît en conséquence plus satisfaisant de leur laisser
la prise en charge de ces incitations. Après l’effort consenti en 2010, l’Etat pourrait restreindre
ses aides à celles motivées un souci de répartition territoriale et organiser son retrait en s’assurant
du concours des banques, des assureurs et des organismes publics de financement (Caisse des
dépôts et des consignations) au financement des structures d’exercice groupé.
Les économies dégagées par l’Etat devraient servir au financement d’un forfait de
coordination. Au-delà de la couverture des frais administratifs, ce forfait permettra la mise en
œuvre de réunions interprofessionnelles régulières (par exemple pour la prise en charge des
patients diabétiques et hypertendus ou le suivi des plaies) et de séances d’éducation
thérapeutique ou des séquences de prévention (dépistage, vaccins…)57. L’investissement
informatique nécessaire à un suivi coordonné des patients (outils de partage d’information entre
médecins notamment) doit être perçu comme un préalable au versement du forfait.
Une part de ce forfait doit être modulée en fonction d’indicateurs de performance (par
exemple, taux de vaccination contre la grippe saisonnière, suivi du dossier médical commun,
taux d’utilisation des véhicules sanitaires légers) afin d’éviter les effets d’aubaine et le
gonflement artificiel du nombre de professionnels membres de chaque réseau ou structure.
Un forfait de ce type est aujourd’hui expérimenté par la direction de la sécurité sociale dans le
cadre de l’article 44 de la LFSS pour 2008 pour les professionnels exerçant de façon regroupé,
pour un coût moyen de 40 000 euros par maison de santé. Il comporte :
 une dotation annuelle de base correspondant à la taille de la patientèle ;
 une dotation variable, fonction du nombre de professionnels de santé de la structure et
conditionnée à la satisfaction d’objectifs suivis à l’aide d’indicateurs.
La mission propose, dans le cadre de la possibilité ouverte par la loi, d’élargir cette
expérimentation aux réseaux de professionnels de santé souhaitant s’engager dans la démarche.
Si le nombre de professionnels d’un réseau de santé atteint une taille critique, leur
coordination peut nécessiter l’émergence d’une fonction de coordination médicale dont plusieurs
études montrent l’utilité face aux nouveaux enjeux de notre système de santé 58. Cette fonction
peut occuper quelques heures par semaine dans une maison de santé pluridisciplinaire ou un
réseau de taille moyenne, voire un temps plein dans les structures les plus importantes.
Le coordinateur aurait pour mission de programmer les réunions interprofessionnelles,
d’organiser les séances d’éducation thérapeutique, de planifier la permanence des soins et de
développer les outils d’évaluation des pratiques.
Afin de faire émerger cette fonction, le forfait de coordination pourrait comporter de façon
optionnelle un complément de rémunération pour un coordinateur qui peut être l’un des
professionnels de santé du groupement ou une personne extérieure (animateur, administratif ou
autre). Le montant de ce complément au forfait pourrait être modulé en fonction du nombre de
médecins coordonnés.
56
A titre d’exemple, le projet de maison de santé pluridisciplinaire étudié lors par la mission en Eure-et-Loir prévoit
la réhabilitation d’un bâtiment pour 900 000 euros : un emprunt sur 12 ans de la collectivité remboursé par les
loyers, des crédits publics, notamment par le contrat projet, et 200 000 euros de subventions de la collectivité, qui
seront amortis après le remboursement du prêt.
57
Pratiques étudiées dans l’évaluation exploratoire de 6 maisons de santé, IRDES citée ci-avant.
58
La régulation et l’organisation de la médecine de ville : les enseignements des expériences étrangères, IGF, 2003.
Encadré n°5 : les prémices d’une fonction de coordination à l’échelle d’un territoire,
l’exemple du Pays Perche d’Eure-et-Loir
Le Pays Perche d’Eure-et-Loir est un territoire rural composé de 74 communes. 39 médecins
généralistes y sont aujourd’hui installés. Préoccupés par la fragilité de la démographie médicale et le
vieillissement de la population, les élus ont recruté une animatrice territoriale de santé afin de dynamiser
le projet de santé du territoire. Un comité de pilotage composé des professionnels de santé libéraux et
hospitaliers, des élus, des institutions, notamment l’URCAM, et d’associations soutient cette initiative.
L’animatrice a pour mission de réaliser un diagnostic partagé de l’offre sanitaire et des besoins de la
population, d’élaborer un programme territorial d’action (objectifs prioritaires de prévention, rencontres
entre professionnels…) et d’accompagner les acteurs dans sa mise en œuvre. L’animatrice est diplômée
en droit et politique de santé (master 2).
Source : déplacement de la mission en région Centre
En cas d’évaluation positive, la généralisation du forfait de coordination nécessitera un
engagement financier important. Dans l’expérimentation actuellement menée par la DSS, la
dotation annuelle de base du forfait est fixée entre 6 900 et 45 000 euros selon le nombre de
patients de la structure. Compte tenu de la dotation variable du forfait, le coût total est évalué
entre 30 000 et 60 000 euros par établissement et par an. La généralisation du forfait aux 160
maisons et 25 pôles de santé existants, coûterait entre 5,5 millions d’euros et 11 millions d’euros.
3.2.1.2.
Rémunérer la coopération entre les différentes professions de santé
Au-delà de la coordination entre médecins, il convient d’établir une meilleure interaction
entre médecins et personnels paramédicaux. A ce jour, des obstacles de diverses natures (cadre
légal, formation initiale, statut libéral mode de rémunération et culture professionnelle) entravent
cette coopération. Parmi eux, le mode de rémunération actuel entraîne une répartition sousoptimale des actes entre professionnels (médecin et pharmacien, médecin et infirmier). En zone
sur-dense, les professionnels de santé pratiquent des actes marginaux au regard de leurs
compétences pour assurer leur revenu59. En zone sous-dense a contrario, du temps médical
pourrait être dégagé par une meilleure répartition des tâches.
Dans les conditions de rémunération actuelles, l’augmentation d’activité du médecin résultant
d’une meilleure répartition des tâches ne permet pas de compenser la rémunération du
collaborateur. Une expérimentation de coopération entre orthoptistes et ophtalmologues a montré
que seuls les médecins exerçant en secteur 2 et augmentant leur activité de 30% avaient
économiquement intérêt à déléguer des actes. De même, l’expérimentation « Asalée » de
l’assurance maladie (intervention d’infirmières dans le suivi de patients diabétiques) a révélé que
le salaire de l’infirmière n’était pas compensé par l’augmentation d’activité du médecin60.
Des mesures ont déjà été prises pour favoriser cette coopération. La Convention de 2005
prévoit la possibilité pour un médecin qui salarie un auxiliaire médical de facturer les actes
effectués par ce professionnel. Par ailleurs, la LFSS pour 2010 autorise une forme de partage
d’acte dans le cadre de la télémédecine : un professionnel peut facturer pour un autre un acte
qu’il n’est pas lui-même habilité à accomplir. Enfin la loi HPST ouvre une brèche en permettant
aux professionnels de santé d’opérer entre eux des transferts d’activité et de réorganiser leurs
modes d’intervention auprès du patient, au moyen de protocoles validés par la HAS puis l’ARS.
59
Selon la DSS, la proportion d’actes infirmiers de soins (hygiène, nursing, par opposition aux actes médicaux infirmiers prescrits par un médecin) consommée augmentait avec la densité d’infirmiers dans un territoire donné.
60
Comment favoriser des formes nouvelles de coopération entre professionnels de santé, HAS et ONDPS, 2008.
Sans négliger les obstacles à l’acceptabilité de ces mesures, auxquelles les ordres regroupés
dans le CLIO santé61 s’opposent, la mission formule plusieurs recommandations pour avancer
vers l’objectif d’une meilleure coopération entre professionnels de santé.
Recommandation n°10 : Expérimenter un dispositif incitant à la coopération entre
professionnels de santé dans le cadre de l’exercice collectif
Dans certaines maisons de santé déjà engagées dans le forfait de coordination,
l’expérimentation d’une incitation à la délégation de tâches entre professionnels de santé pourrait
être réalisée : sur la base de protocoles de coopération validés par la HAS, l’assurance maladie
s’engagerait à reverser sous forme de complément au forfait de coordination de l’année n+1, une
partie des marges financières dégagées par la délégation d’actes pendant l’année n. Les
structures participant à l’expérience pourraient pratiquer des transferts d’activité.
Cette expérimentation entre dans le cadre de celles permises par l’article 44 de la LFSS pour
2008. L’évaluation de ce dispositif devra déterminer les économies dégagées, la pertinence et
l’efficience des délégations de tâche effectuées, ainsi que leur impact sur la charge de travail et la
rémunération de chacune des professions de santé.
Encadré n°6 : mesures d’accompagnement des professionnels dans la mise en œuvre des nouveaux
modes de rémunération
La mise en œuvre des expérimentations permises par l’article 44 de la LFSS pour 2008 permet de
tirer les premiers enseignements suivants pour accompagner le déploiement de ces dispositifs novateurs :
 des professionnels de santé sont prêts à s'impliquer dans ces dispositifs sous réserve d'être
accompagnés dans l'élaboration de leur projet. Ils attentent des interlocuteurs (CPAM notamment)
une aide à la concrétisation de leur projet et des réponses claires à leurs interrogations ;
 la profession doit être associée très en amont du dispositif afin d'en faciliter la déclinaison sur le
terrain. Ce travail concerté est la garantie d'une plus grande acceptabilité et permet de recenser les
mesures préalables au lancement du dispositif (rédaction de protocoles de coopération en
particulier) ;
 l'importance du système d'information est majeure afin d’assurer le suivi de la prise en charge du
patient et l'efficience des soins ;
 enfin les objectifs des nouveaux dispositifs doivent être définis de façon précise afin d’assurer leur
lisibilité et leur pertinence, gages de l’engagement des professionnels dans la démarche.
Source : déplacement de la mission en région Rhône Alpes
Recommandation n°11 : Expérimenter le partage de la rémunération d’un acte entre
différents professionnels de santé
Dans l’objectif de faciliter la délégation d’actes, la question du partage de la rémunération de
l’acte doit être posée. On pense par exemple aux coopérations possibles entre médecins
61
Comité de liaison des institutions ordinales.
généralistes et infirmiers : dans le cadre d’un exercice groupé, l’infirmier peut effectuer un
certain nombre de gestes en amont ou en aval de la consultation médicale proprement dite
(pesée, prise de la tension, explicitation de la prescription médicale, notamment pour les
personnes âgées, ou du régime alimentaire etc.). Ce mode d’exercice permet de dégager du
temps médical tout en assurant une meilleure prise en charge du patient.
Plusieurs pierres d’achoppement doivent cependant être contournées. Il s’agit d’abord de
deux comportements proscrits par le code de déontologie : le compérage62 et la dichotomie63. Le
Conseil de l’ordre a déjà fait évoluer la notion de dichotomie, mais il interdit encore aujourd’hui
que les honoraires d’un même acte soient partagés entre professionnels. Ensuite, un revenu
satisfaisant pour chacun des professionnels de santé doit être maintenu. Une solution pourrait
consister en la création d’un nouveau tarif de consultation « Cp » ou consultation partagée qui
donnerait droit à majoration. Toutefois, le risque est grand de voir les « Cp » se substituer
systématiquement au C dès que l’exercice est groupé, ce qui conduit à écarter cette piste.
Il est proposé dans un premier temps d’expérimenter le partage de la rémunération de l’acte
sur un territoire donné, en prenant appui sur les protocoles de coopération que vont mettre en
œuvre les ARS, une fois les décrets d’application de la loi HPST publiés. Une démarche
progressive pourrait être proposée aux structures expérimentatrices fondée sur l’analyse de
situations et d’actes concrets (vaccination antigrippale par exemple).
Si la coopération concerne non pas deux professionnels mais une équipe, le paiement
forfaitaire pour le traitement d’un épisode de soins est vraisemblablement plus adapté. Un tel
forfait devrait être envisagé prioritairement pour la prise en charge des malades chroniques, pour
lesquels la coopération semble la plus importante. Cette proposition fait l’objet de la
recommandation n°13.
3.2.1.3.
Adapter la rémunération à la prise en charge des maladies chroniques
Les maladies chroniques constituent un enjeu majeur de santé publique. Parce qu’elles
demandent un suivi régulier du patient, un effort particulier de prévention secondaire et une
coopération importante entre professionnels de santé, elles nécessitent une évolution des
modalités d’exercice et de rémunération des médecins.
Recommandation n°12 :
Conditionner le versement du forfait ALD à la rédaction effective
de protocoles de soins par le médecin
La convention de 2005 a prévu le versement au médecin traitant d’un forfait annuel de
40 euros par patient en ALD, en sus du paiement des actes réalisés. Le médecin rédige en
contrepartie pour chaque patient un protocole de soins validé par le médecin-conseil de
l’assurance maladie. Le coût annuel de ce forfait est de 260 millions d’euros par an pour
l’assurance maladie.
62
Article 23 du Code de déontologie: « Tout compérage entre médecins […] est interdit ».
Article 22 du Code de déontologie (article R.4127-22 du code de la santé publique) : «Tout partage d'honoraires
entre médecins est interdit sous quelque forme que ce soit, hormis les cas prévus à l'article 94.
L'acceptation, la sollicitation ou l'offre d'un partage d'honoraires, même non suivies d'effet, sont interdites ».
Article 94 (article R.4127-94 du code de la santé publique) : « Dans les associations de médecins et les cabinets de groupe, tout versement, acceptation ou partage de sommes d'argent entre praticiens est interdit, sauf si les
médecins associés pratiquent tous la médecine générale, ou s'ils sont tous spécialistes de la même discipline, et sous
réserve des dispositions particulières relatives aux sociétés civiles professionnelles et aux sociétés d'exercice libéral ».
63
Les obligations du médecin font toutefois l’objet de peu de contrôles, comme l’a souligné la
Cour des comptes, et sont, de fait, peu respectées. Ce forfait engendre parfois aussi des effets
d’aubaine : certains médecins le percevraient sans avoir reçu le patient de l’année. Enfin, le
montant unique du forfait ne correspond pas à la diversité des trente pathologies d’ALD et son
faible montant ne permet pas de rémunérer le médecin pour un véritable suivi du patient.
A court terme, il est proposé un renforcement des contreparties attendues de la part des
médecins (vérification de l’obligation de rédaction d’un protocole de soins et contrôle par
échantillon de sa conformité aux référentiels de bonnes pratiques). Le versement du forfait
annuel pourrait par ailleurs être conditionné à une visite effective du patient sur cette période.
Recommandation n°13 : Créer un forfait à la pathologie partagé par l’ensemble des
professionnels de santé impliqués dans le suivi de certains patients
et se substituant au paiement à l’acte
A terme, le forfait ALD devra être remplacé, au moins dans un certain nombre de cas, par
des forfaits à la pathologie. Afin de permettre une amélioration de l’efficience de la prise en
charge des maladies chroniques, ce forfait doit rémunérer la prise en charge coordonnée d’un
patient atteint d’une pathologie. Le forfait serait donc attribué à une équipe de professionnels,
qui renoncent à être rémunérés à l’acte pour une séquence de soins déterminée. Il est proposé que
le partage du forfait entre l’ensemble des professionnels impliqués soit réalisé par les
professionnels eux-mêmes sur la base d’un cahier des charges opposable, afin de leur laisser la
liberté d’organisation de leur coopération.
Le montant du forfait doit être ajusté ex ante au risque sanitaire et aux besoins des patients et
répondre à une utilisation optimale du système de soins. Il garantirait ainsi l’efficience de ce
mode de rémunération, tant sur le plan de la qualité (meilleur suivi du patient) que du coût
(moindre redondance des actes, incitation à la prévention et à l’éducation thérapeutique qui
limitent le nombre de consultations par patient et les complications).
La fixation optimale de ce mode de tarification est délicate : elle dépend de la nature des actes
et d’une définition des différentes formes de chaque pathologie (segmentation des patients), mais
également de l’équilibre démographique et économique des professions concernées et de la
pression de la demande. A ce titre, plusieurs difficultés doivent être levées : la gestion des
patients qui présentent plusieurs pathologies ; la détermination du panier optimal de soins à
intégrer dans chaque forfait ; l’actualisation régulière des données.
Le respect par le patient du parcours de soin, essentiel pour garantir la soutenabilité
économique du dispositif, nécessitera par ailleurs un travail d’accompagnement du malade et de
sensibilisation des associations de patients.
L’expérimentation d’un forfait à la pathologie pour le diabète dans une maison ou un réseau
de santé peut constituer une voie d’entrée dans ce dispositif (encadré n°6). Cette pathologie est
en effet bien connue, ce qui facilite l’établissement de protocoles de soins, et des marges de
progression importantes existent en termes de respect des bonnes pratiques.
La CNAMTS pourrait conduire cette expérimentation, dans le cadre de la possibilité ouverte
par l’article 44 de la LFSS pour 2008, après validation du protocole de soins par la HAS et
définition des différents niveaux de forfaits en fonction d’une segmentation des patients. Ce
forfait devra inclure la participation du patient à un programme d’éducation thérapeutique.
Encadré n°7 : propositions pour un forfait de prise en charge du patient diabétique
Le diabète est une augmentation du taux de glucose dans le sang qui peut entraîner de nombreuses
complications. Plus de 2,5 millions de diabétiques ont été traités en 2007 en France. Le remboursement
des soins de ces patients s’est élevé à 12,5 milliards d’euros, soit une hausse de 5,4 milliards par rapport
à 2001. Ces remboursements représentent 10% des dépenses totales de l’assurance maladie ; 10% des
diabétiques concentrent 50% des remboursements.
On distingue le diabète de type 1 (15% des diabétiques, insulino dépendants) et de type 2 (85% des
diabétiques, non insulino dépendants). Le coût moyen d’un diabétique de type 1 est de 6 670 euros ;
3 150 euros pour un diabétique de type 2. Les soins sur lesquels il est possible de faire des gains
d’efficience sont l’autocontrôle, l’hospitalisation pour bilan, la surveillance et le traitement, la mise sous
insuline et l’utilisation de génériques (statines). Des progrès restent à faire dans le suivi du traitement
conforme aux recommandations.
La mission propose d’expérimenter quatre forfaits pour le traitement de diabétiques de type 2
(environ 1 million de personnes) dans quatre régions différentes :
 forfait actes de médecine générale : 6 actes de généraliste par an ;
 forfait 6 actes de médecine générale par an + 1 200 € de prescriptions médicaments (5% en dessous
des coûts actuels) pour traiter toutes les pathologies ;
 forfait 6 actes de médecine générale + 1 200 € médicaments + 100 € de dispositifs médicaux + 70€
de biologie + 100 € de soins infirmiers ;
 forfait global toutes prestations, y compris hospitalisation : environ 2 500 €.
Le versement du forfait sera conditionné à des indicateurs de qualité du suivi : indicateurs sur le
rythme du suivi biologique, couverture par statine et aspirine des patients à risque, surveillance du pied
œil, contrôle de la glycémie).
Source : Entretien de la mission avec la CNAMTS et la HAS.
3.2.2. Rémunérer la participation des médecins aux enjeux de santé publique
Le paiement à l’acte incite le médecin à concentrer son activité sur les pratiques curatives au
détriment des actions de prévention et d’éducation thérapeutique des patients. D’autre part, il
rémunère davantage les moyens mis en oeuvre par le médecin que ses résultats et la qualité de
sa pratique. Enfin, le paiement à l’acte offre peu de leviers aux pouvoirs publics pour mettre en
œuvre sa politique de santé publique, et notamment pour faire en sorte qu’une médecine de
premier recours soit effectivement accessible sur tout le territoire.
3.2.2.1.
Rémunérer les activités de prévention en fonction de l’atteinte d’objectifs
S’il convient de se prémunir d’une vision selon laquelle les incitations monétaires seraient
seules à même de garantir un comportement satisfaisant – car les médecins sont d’abord
gouvernés par leur déontologie-, le paiement à la performance permet de mettre l’accent sur
certaines priorités de santé publique : développement de la prévention, dépistage, modération des
prescriptions, provoquant ainsi une amélioration ciblée des pratiques.
Parce que le paiement à la performance nécessite des outils statistiques, il est bien adapté à
l’amélioration du suivi global d’une patientèle (développement de la prévention, dépistage,
modération des prescriptions). Il peut être organisé de façon individuelle ou de façon collective.
Recommandation n°14 :
Prévoir une montée en charge du CAPI, après son évaluation
Le paiement à la performance permet de lier qualité des pratiques médicales et augmentation
de la rémunération. Si le dispositif du CAPI doit être évalué, notamment quant à l’atteinte des
objectifs de santé publique et d’amélioration des prescriptions par les médecins signataires, il
apparaît cependant dès à présent, au vu du nombre de signataires, qu’il a été bien reçu par les
médecins et que son extension peut être envisagée.
Une généralisation du dispositif à l’ensemble des médecins généralistes permettra une
amélioration globale des pratiques des médecins. Elle pose toutefois le problème des médecins
dont la patientèle n’atteint pas une taille critique pour le suivi statistique, ce qui peut pénaliser les
médecins les plus jeunes et ceux à temps partiel.
Deux solutions sont envisageables pour généraliser le CAPI à l’ensemble des médecins
généralistes :
 son inscription dans le champ conventionnel, avec le risque d’une négociation à la baisse
du niveau d’ambition des indicateurs. Si certains syndicats se disent favorables à cette
évolution, qui leur permettrait d’encadrer la définition des indicateurs du CAPI, la CSMF
s’oppose à une telle généralisation. De même l’assurance maladie ne souhaite pas que les
indicateurs soient négociés ;
 sa généralisation par la loi par modification de l’article L.162-12-21 du code de la sécurité
sociale. Cette solution permet d’augmenter progressivement le niveau d’exigence des
indicateurs en fonction de la satisfaction des objectifs par les médecins tout en entraînant
l’ensemble des généralistes dans une démarche de progrès.
En cas d’évaluation positive, la mission recommande de rendre le CAPI obligatoire par la loi.
Cette généralisation devra être financée par l’amélioration des pratiques des médecins en termes
de prescriptions. Pour inciter les médecins les plus éloignés de l’atteinte des indicateurs, des
mesures d’accompagnement devraient être prévues (formations spécifiques, guides de bonnes
pratiques).
Par ailleurs, de nouveaux indicateurs pourraient utilement être intégrés dans le CAPI,
correspondant à des pratiques dont l’amélioration constitue un enjeu de santé publique et
concernant des pathologies suffisamment fréquentes pour pouvoir être suivis au niveau d’une
patientèle. L’hypertension ou l’asthme semblent à cet égard deux pistes intéressantes.
La mission recommande que la part de cette rémunération à la performance augmente
progressivement tout en continuant à être financée par de nouveaux gains d’efficience.
Recommandation n°15 :
Créer un Contrat d’amélioration des pratiques en exercice groupé
(CAPEG) pour les professionnels regroupés, sur le modèle du CAPI
La rémunération à la performance est particulièrement pertinente dans le cadre d’un
groupement de médecins, d’une part, parce que l’exercice collectif permet de dégager du temps
ou des ressources (infirmier, secrétaire, équipement informatique) pour mener des actions de
prévention et de santé publique, d’autre part parce que les indicateurs suivis ont plus de
robustesse à l’échelle d’une patientèle nombreuse. Cette forme de rémunération à la performance
a d’ailleurs été initiée aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, où l’exercice collectif est largement
majoritaire (92% au Royaume-Uni).
Il est proposé d’introduire une part de rémunération à la qualité pour les groupements de
médecins, en fonction de l’atteinte d’objectifs de prévention à l’échelle de leur patientèle. Ce
dispositif qui prendrait la forme d’un Contrat d’amélioration des pratiques en exercice groupé
(CAPEG), sur le modèle du CAPI, pourrait reposer sur des indicateurs fixés à l’échelon national
(indicateurs de prescriptions par exemple) et à l’échelon régional en fonction des priorités de
santé locales déterminées par les conférences territoriales de santé. Le niveau d’objectif pourrait
être fixé en fonction des caractéristiques des zones dans un souci d’équité entre professionnels.
Enfin, afin d’éviter une double rémunération des médecins exerçant en groupe (CAPI et
CAPEG) pour l’atteinte d’indicateurs identiques, il est proposé que la signature d’un CAPEG
dans une structure se substitue pour les médecins concernés à la possibilité de contractualiser
individuellement un CAPI. Pour parer aux phénomènes de passager clandestin, les structures
seront responsables d’organiser la distribution du supplément de rémunération en fonction de
l’engagement individuel des médecins. Enfin, le montant maximum du CAPEG devra être
supérieur à la somme des CAPI individuels des médecins regroupés pour être incitatif.
La mission est consciente que ces dispositifs de paiement à la performance, même généralisés,
n’épuisent pas la question de l’amélioration des pratiques, qui tient surtout à la confrontation
entre pairs, à la formation professionnelle continue et à la conformité des pratiques aux
référentiels et protocoles de soins. Une mission a été mandatée sur la question spécifique de
l’évaluation et la qualité des pratiques médicales et devrait faire des propositions sur les voies et
moyens destinés à les améliorer, notamment pour la médecine de premier recours (groupe n°15).
3.2.2.2.
Rémunérer la participation à l’amélioration de la répartition géographique de
l’offre de soins
Une mission spécifique a été diligentée pour étudier la question de la répartition de l’offre de
soins sur le territoire (groupe n°14). Les conclusions de son travail pourront permettre de
déterminer une politique de rémunération d’accompagnement. Sans attendre, la présente mission
souhaite indiquer quelques pistes qui utilisent le levier de la rémunération pour favoriser une
meilleure répartition géographique des médecins libéraux, en particulier de premier recours.
Recommandation n°16 :
Compléter et renforcer le contrat santé solidarité
Il existe actuellement de nombreuses incitations qui visent à attirer ou retenir les médecins
dans les zones déficitaires, parmi lesquelles des compléments de rémunération : majoration de
20% des honoraires des médecins généralistes exerçant en groupe, aides à l’installation ou au
maintien de professionnels de santé, exonérations fiscales, dérogations au parcours de soins,
nombreuses aides régionales ou locales (137 selon l’IRDES).
L’inefficacité de ces aides, pourtant significatives en montant, a été récemment dénoncée par
la Cour des comptes 64. Elles produisent de forts effets d’aubaine et ne répondent pas aux
déterminants du choix du lieu d’exercice, les médecins accordant une plus grande importance à
la qualité de vie et aux conditions d’exercice qu’au différentiel de rémunération 65. Une
évaluation doit être réalisée afin de décider de leur maintien ou au contraire des marges
financières qui pourraient résulter de leur suppression. Etant donnée leur nombre et leur
diversité, la mission n’a pas pu en effectuer un chiffrage précis ; toutefois, selon la CNAMTS le
coût du seul dispositif de l’avenant 20 s’élève à 23,5 millions d’euros.
Une solution plus satisfaisante consiste à tenter de concilier liberté d’installation et exercice à
temps partiel (une journée par semaine ou par quinzaine) en zone sous-dense. Le développement
de l’exercice groupé devrait faciliter ce système, du fait de la plus grande souplesse
d’organisation qu’il laisse aux médecins.
Deux pas ont déjà été faits dans cette direction. L’article 85 du code de déontologie a été
récemment assoupli afin d’autoriser l’exercice sur des lieux multiples quand la situation
géographique le justifie. Ensuite, la loi HPST créé le contrat santé solidarité. Celui-ci prévoit que
trois ans après l’entrée en vigueur du schéma régional d’organisation des soins (SROS), s’il
En 2005 par exemple, les seules exonérations ZFU ont représenté un montant de 102 millions d’euros qui ont
bénéficié à 2 700 médecins, soit en moyenne une réduction d’impôt de plus de 37 000€ par médecin concerné.
65
Sur les 1 583 médecins éligibles au bénéfice de la mesure « avenant 20 », on recense 580 adhésions dont seulement 49 primo-installations (données CNAMTS).
64
apparaît que des besoins ne sont pas satisfaits, le directeur général de l’ARS peut, après avis des
différentes parties prenantes, proposer aux médecins des zones sur-dotées d’adhérer à un contrat
par lequel ils s’engagent à contribuer à la satisfaction des besoins de santé dans les zones
concernées. Leur refus entraîne le paiement d’une contribution annuelle.
L’idée que le principe de libre installation des médecins libéraux soit voué à évoluer semble
faire progressivement son chemin. La loi HPST prépare doublement cette évolution en instituant
une gouvernance et des instances de dialogue régionales renforcées (conférences territoriales de
la santé et de l’autonomie, commissions de coordination des politiques publiques de santé) et en
concrétisant un dispositif d’exercice solidaire de la médecine entre territoires.
Le dispositif tel qu’il est conçu présente cependant plusieurs limites. La loi prévoit qu’il
n’entre en vigueur qu’à partir de 2012. Le plafond de la contribution annuelle correspond au
plafond mensuel de la sécurité sociale, fixé pour 2010 à 2 885 euros, ce qui semble peu dissuasif,
hormis pour de jeunes médecins dont la patientèle n’est pas encore constituée. Enfin, aucune
gradation n’est prévue dans le dispositif qui permettrait de passer outre un refus prolongé.
La mission propose donc de faire évoluer le « contrat santé solidarité » dans le sens suivant :
 il serait souhaitable de prévoir une expérimentation immédiate dans une région où l’offre
de soins est répartie de façon hétérogène. Cette expérimentation doit permettre
l’établissement d’un diagnostic partagé entre les différentes parties prenantes, préparant
l’entrée en vigueur du dispositif ;
 la possibilité de prévoir une contribution proportionnelle au revenu des médecins dans un
souci d’équité entre professionnels devrait être étudiée. A terme, une majoration
progressive de la contribution pourrait rendre le dispositif plus contraignant.
Enfin, sur le plan technique, il est nécessaire d’autoriser un patient à déclarer comme médecin
traitant non pas un praticien mais un groupement de professionnels (maison de santé exemple), et
de faire évoluer les systèmes d’information de l’assurance maladie dans ce sens.
Recommandation n°17 :
Etudier la faisabilité, à terme, d’un conventionnement conditionné
Une autre solution consiste en l’adaptation aux médecins de l’accord signé par les infirmiers.
Le conventionnement des jeunes médecins qui souhaitent s’installer en zone sur-dense serait
conditionné au respect d’une clause de santé solidarité, par laquelle ils acceptent d’exercer une
journée par semaine dans une maison de santé d’une zone sous-dense. Cette clause pourrait être
proposée aux médecins déjà installés. Afin de ne pas faire porter le poids de l’effort de
rééquilibrage de l’offre de soins sur les jeunes générations, le refus de signature des médecins
installés pourrait entraîner le paiement d’une contribution sur le modèle du contrat santé
solidarité.
Ce dispositif, plus contraignant que celui prévu par la loi HPST, limite de facto le principe de
libre installation des médecins. Son acceptation ne pourra être obtenue qu’à l’issue d’une
démarche concertée, fondée sur un consensus sur l’état des lieux et la mise en place d’un comité
de pilotage associant l’ensemble des acteurs. La démarche adoptée pour parvenir à l’accord de
septembre 2008 paraît exemplaire.
Encadré n°8 : accord de septembre 2008 entre les représentants des infirmiers et l’assurance maladie
Partant du constat partagé d’une variation de densité dans l’offre de soins infirmiers allant de
1 à 10, la CNAMTS et les quatre syndicats d'infirmiers libéraux ont signé, le 4 septembre 2008,
un accord portant sur l'installation des infirmiers libéraux. Il prévoit de geler le nombre
d'infirmiers libéraux dans 250 bassins de vie considérés comme surdotés, dans lesquels
l’installation ne devient possible qu’en cas de départ d'une infirmière.
L’accord a été obtenu en échange de mesures incitatives à l’installation dans 250 zones sous
dotées : prise en charge des cotisations d'allocations familiales ; aide à l'investissement de
3 000 euros par an pouvant servir à financer, par exemple, l'aménagement du cabinet ou
l'acquisition d'un véhicule. Par ailleurs, les 56 000 infirmiers libéraux ont bénéficié d'une
revalorisation de leurs actes de près de 6%, pour un coût total de 200 millions d'euros. Cet
accord est intervenu après deux mesures favorables aux infirmiers : ils ont été autorisés à
pratiquer (en renouvellement) la vaccination antigrippale de certaines populations; la création
d’un Haut Conseil des professions paramédicales.
Conclusion
Deux points de méthode pour conduire une réforme de la rémunération des médecins libéraux
1. Des recommandations proposées par la mission, il ressort les lignes directrices suivantes :
 Le maintien du paiement à l’acte pour les spécialistes nécessite une amélioration des
mécanismes de détermination du prix des actes, ainsi que des mesures de régulation des
pratiques tarifaires des médecins conventionnés.
 Le paiement à l’acte doit être complété par d’autres modes de rémunération pour les
médecins généralistes et les spécialités de premier recours (pédiatres, gynécologues).
L’objectif est de favoriser le développement des activités de prévention et d’éducation
thérapeutique et d’accompagner l’évolution de l’organisation de la médecine ambulatoire
sur le territoire. Ces formes complémentaires de rémunération doivent devenir, à terme,
une part importante des revenus des praticiens de premier recours, revalorisant leurs
missions et les rémunérant en conséquence.
 La combinaison des différents modes de rémunération (paiement à l’acte, rémunérations
forfaitaires, contractualisation sur des objectifs de performance) doit concilier au mieux
productivité des médecins, participation aux objectifs de santé publique, attractivité de la
médecine libérale et efficience des dépenses de santé. Interrogée sur ce point, l’assurance
maladie propose de tendre, à moyen terme, vers un équilibre dans lequel les revenus du
médecin généraliste seraient composés de 60% de paiement à l’acte, 20% de rémunération
forfaitaire et 20% de paiement sur objectifs.
2. Certaines des recommandations de ce rapport sont déjà présentes dans le débat. Il n’en reste
pas moins qu’elles touchent à des fondements, à tout le moins symboliques, de la médecine
libérale (paiement à l’acte, liberté tarifaire voire même liberté d’installation). La démarche
adoptée pour les mettre en œuvre doit donc suivre les principes suivants :
 Intégrer les médecins libéraux dans la démarche de changement, par l’établissement d’un
consensus sur les limites du système actuel.
 Recourir à des expérimentations, permises par la loi, qui évaluent la pertinence de
dispositifs dont les avantages sont souvent difficiles à mesurer ex ante.
 Susciter un débat au sein de la représentation nationale sur l’opportunité de retirer certains
paramètres de la rémunération des médecins du champ conventionnel.
 Conserver à l’esprit que pour importants que soient les effets de la rémunération sur la
pratique des médecins, ce sont avant tout les considérations déontologiques qui
déterminent leurs comportements.
*
*
*
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Orienter la politique tarifaire vers la réduction des distorsions d’offre et d’accès aux soins
Fixer le prix des actes de façon à mieux lier activité et revenu
1
2
3
4
5
Transformer l’observatoire de la CCAM en un comité indépendant chargé de
l’actualisation régulière de la classification
Supprimer les modificateurs tarifaires contraires à l’objectif de neutralité de la CCAM
Renforcer le mécanisme de décote des actes techniques en série
Renoncer à fonder le prix des actes cliniques par une CCAM ad hoc
Ecarter à court terme la mise en place des systèmes d’enveloppe fermée, de plafonnement
individuel des honoraires et de droits de tirage
Réguler les dépassements d’honoraires pour préserver l’égalité d’accès aux soins
6
7
8
Inciter la profession à utiliser les outils de contrôle et de transparence tarifaire
Ouvrir le secteur optionnel aux seuls praticiens des spécialités de bloc pour une durée
limitée et sous la forme d’une expérimentation
Donner aux ARS la possibilité de limiter temporairement l’accès au secteur 2 dans les
zones où l’offre à tarif opposable est insuffisante
Diversifier les modes de rémunération pour favoriser l’adaptation de la médecine de premier recours aux nouveaux enjeux de notre système de santé
Adapter le système de rémunération pour favoriser la coordination et la coopération des professionnels de santé
9
10
11
12
13
Mettre en place un forfait de coordination pour les structures de groupe et les réseaux de
médecins libéraux
Expérimenter un dispositif incitant à la coopération entre professionnels de santé dans le
cadre de l’exercice collectif
Expérimenter le partage de la rémunération d’un acte entre différents professionnels de
santé
Conditionner le versement du forfait ALD à la rédaction effective de protocoles de soins
par le médecin
Créer un forfait à la pathologie partagé par l’ensemble des professionnels de santé
impliqués dans le suivi de certains patients et se substituant au paiement à l’acte
Rémunérer la participation des médecins aux enjeux de santé publique
14
15
16
17
Prévoir une montée en charge du CAPI, après son évaluation
Créer un Contrat d’amélioration des pratiques en exercice groupé (CAPEG) pour les
professionnels regroupés, sur le modèle du CAPI
Compléter et renforcer le contrat santé solidarité
Etudier la faisabilité, à terme, d’un conventionnement conditionné
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