conçues comme de dispositifs incorporant des fondements normatifs – la norme des
normes – qui définissent des clauses juridiques concernant la révision de la
Constitution. Dans sa philosophie politique, Arendt pense le problème de la révision des
fondements normatifs issue de la Révolution américaine en mettant un fort accent sur la
création de formes et de limites constitutionnelles par rapport au rôle joué par les
majorités politiques dans les démocraties3. Or, comment comprendre ce pouvoir
constituant qui commande les analyses historiques d'Arendt pour autant qu’elle
circonscrive le rôle constituant des masses lors des révolutions modernes dans un
constitutionnalisme dont la dérive moderne est formée par le constitutionnalisme
américain? Dans quelle mesure pouvons-nous réinterroger la compréhension d'Arendt
de l'institution républicaine d'un pouvoir constituant à la lumière de ses louanges du
contenu de l'émancipation américaine ? De façon à pouvoir éclaircir les rapports entre
pouvoir constituant et pouvoir constitué pas véritablement discutées dans son concept
de fondation constitutionnelle? Deux parallèles seront abordés tout au long du texte
pour rendre compte de telles questions.
D'abord, nous ferons une discussion des philosophèmes de Jacques Derrida à
partir de deux textes déjà fameux, le premier est Déclarations d'Indépendance, et le
deuxième Force de Loi4. À l'égard du double bind chez Arendt entre une révolution
fondatrice de la liberté et celle condamnée à la terreur à cause de la supplantation de la
liberté par les nécessités naturelles, Derrida ramène quant à lui l'antinomie entre pouvoir
instituant et pouvoir institué à la relation entre droit et violence, c'est-à-dire, entre
violence fondatrice et violence conservatrice du droit. Il s'agit chez Derrida de reprendre
les contradictions d'Arendt en les soumettant à l'idée que l'autorité de la Constitution
américaine est surdéterminée par une opération qui met en avant la violence au moment
fondateur du droit. Car cette structure bipolaire détermine la Constitution non seulement
au sens d'une utilisation du droit par un pouvoir économique, politique ou idéologique,
mais davantage par une relation plus originaire au sein du rapport entre fondation et
3 Pour l'opposition entre république et démocratie, cf. SR, pp. 154-156. Voir aussi, S. Cardoso “ Nas
democracias, a vontade do povo mostra-se sempre transitiva, quer isto ou aquilo, visa objetos (e, portanto,
busca naturalmente o terreno da economia); a vontade geral republicana, através disto ou aquilo, figura o
direito, o bem comum da cidade; visam, portanto, às leis, as condições da coexistência civilizada “
(“ Porque República ? Nota sobre o Ideário Democrático e Republicano”, In Retorno ao Republicanismo,
(Org.) S. Cardoso, MG, Ed. UFMG, 2004, pp. 58-64. Pour une violente critique à cette perspective, voir
Antonio Negri, Le pouvoir constituant – essai sur les alternatives de la modernité, tr. fr. E. Balibar et F.
Matheron, Paris, PUF, 1997.
4J. Derrida, “ Force de loi: le ‘fondement mystique de l'autorité’”, In Cardozo Law Review, Volume
11:919, July/Aug 1990, nº 5-6, pp. 920-1.045 ; “ Déclaration d’Indépendance”, In Otobiographies –
l’enseignement de Nietzsche et la politique du nom propre, Paris, Galilée, pp. 13-32.