Décisions – Recommandations – Conventions – Directives Une contribution à l’assurance de la qualité en anesthésiologie e - 4 édition - Editeur : DGAI Deutsche Gesellschaft für Anästhesiologie und Intensivmedizin (Société allemande d’Anesthésiologie et de Médecine intensive) / BDA Berufsverband Deutscher Anästhesisten (Association allemande des Anesthésistes) fondé par H.W. Opderbecke et W. Weißauer Directive relative à la sédation et à l'analgésie (sédation-analgésie) par des médecins non-anesthésistes* Définition Les agents sédatifs et analgésiques sont administrés au patient pour permettre à l'examinateur ou au soignant d'exécuter des actes diagnostiques ou thérapeutiques dans les meilleures conditions de travail possibles, et en affectant le moins possible les fonctions cardiovasculaires et pulmonaires, l'état de conscience et le confort du patient. Cet objectif est atteint lorsque le patient libéré du stress et de l'anxiété est en mesure de communiquer et de coopérer avec l'examinateur ou le soignant. Les agents sédatifs et analgésiques n'offrent pas une sûreté d'utilisation permettant d'exclure une perte de conscience indésirable, une dépression circulatoire ou respiratoire ou une altération importante des réflexes de protection. Il faut donc prendre des précautions en temps utile pour protéger le patient des conséquences d'une sédation trop profonde pouvant entraîner, par exemple, un arrêt circulatoire ou une lésion cérébrale hypoxique, et pour pouvoir répondre à tout moment à la survenue d’une complication. Evaluation des risques Plus de la moitié des complications sont d'ordre cardiovasculaire ou respiratoire : fausse route, obstruction des voies aériennes, dépression respiratoire, syncopes vaso-vagales et sédation trop profonde évoluant en anesthésie générale. Les patients atteints de maladies concomitantes courent un risque accru de dommage induit par la sédation et/ou l'analgésie. Comme avant une anesthésie générale, il faut donc rechercher, analyser et documenter les facteurs de risque en procédant à l'anamnèse et à l'examen physique du patient. La procédure diagnostique et/ou opératoire, de même que la sédation et l'analgésie, doivent être définis en conséquence. Le risque est accru chez le patient âgé, chez le patient obèse et en cas de pathologies concomitantes du cœur, des poumons, du S.N.C., des reins, etc. Pendant la grossesse et après l'accouchement, il existe un risque particulier d'obstruction des voies aériennes et de fausse route. * Anästh. Intensivmed. 43 (2002) 639-641 573 Avant une sédation-analgésie, le patient doit être à jeun : pas de nourriture solide le jour de l'examen ou du traitement, pas de liquide clair (eau) dans les quatre heures qui précèdent la sédation-analgésie (deux heures chez l'enfant). En cas de grossesse, administrer des antagonistes H2 ou 100 ml de solution de citrate juste avant le début de l'examen ou du traitement. Exigences relatives aux locaux et à leur équipement L’agencement et l'équipement des salles de traitement et de surveillance doivent être adaptés aux besoins de patients présentant des pathologies concomitantes (catégorie ASA III ou supérieure). La salle de traitement doit disposer d'un monitorage (oxymétrie de pouls), de médicaments, d'une prise d'oxygène, d'un dispositif d'aspiration et du matériel et des moyens nécessaires à la réanimation. En cas de complication sévère, le transport du patient dans une unité de soins qualifiée (service de soins intensifs) doit pouvoir être effectué par un moyen adapté. Compétence en matière de surveillance du patient Pendant la procédure diagnostique ou thérapeutique, l'examinateur ou l'opérateur n'est généralement pas en mesure d'accorder l'attention nécessaire aux fonctions vitales du patient. Il est donc indispensable qu'une deuxième personne qualifiée et spécialement formée à cet effet assure une surveillance fiable du patient sous sédatif et/ou analgésique. Les mesures de surveillance à mettre en œuvre dépendent de l'état de santé du patient et du degré d'invasivité des gestes diagnostiques ou thérapeutiques. Si le patient est atteint de pathologies sévères ou si les actes réalisés nécessitent une sédation profonde ou des analgésiques à une dose élevée, il faut faire appel à un anesthésiste. Détails techniques Médicaments Tous les sédatifs communément utilisés conduisent à l'anesthésie générale en cas de surdosage. Etant donné la grande variabilité interindividuelle des posologies nécessaires pour obtenir une sédation suffisante, seule une titration minutieuse permet d'exclure le risque de surdosage : elle consiste à administrer le sédatif par petites doses successives et à attendre que chaque palier produise son effet. Du fait de leur très faible index thérapeutique (la dose sédative est très proche de la dose anesthésique) et de l'absence d'antagoniste, les agents hypnotiques comme le propofol ne doivent être administrés que si un anesthésiste est disponible rapidement. Nous renvoyons expressément aux consignes très précises du fabricant concernant l'utilisation du propofol comme hypnotique. L'administration du produit et l'examen du patient ne doivent pas être effectués par la même personne. 574 Les benzodiazépines sont les substances les plus fréquemment utilisées pour la sédation. Si la titration est effectuée avec soin, leur utilisation est sûre car l'écart entre la dose sédative et la dose anesthésique est suffisamment important. Dans cette classe pharmacologique, il faut s'attendre à une sensibilité au produit très variable d'un patient à l'autre et donc à une grande variabilité des posologies nécessaires pour obtenir le degré de sédation adéquat. Le midazolam est largement utilisé pour cette indication du fait de sa cinétique relativement favorable. Nous renvoyons expressément aux consignes de dosage et de titration du fabricant. Contrairement au propofol, les benzodiazépines disposent d'un antagoniste spécifique, le flumazénil. L'antagoniste a toutefois une durée d'action plus courte que le midazolam. Il faut donc être conscient du risque de voir l'effet sédatif réapparaître lorsque l'antagoniste cesse d'agir. Les opiacés (morphine, péthidine, fentanyl, alfentanil, sufentanil) peuvent être nécessaires en cas de manipulations douloureuses. La dose analgésique et la dose induisant une dépression respiratoire sont très proches. A cet égard, il est particulièrement risqué d'administrer simultanément des agents sédatifs et analgésiques. La kétamine à faible dose (0,5 - 1,0 mg/kg) est un analgésique efficace dont l'effet dépresseur respiratoire est moins important. La même règle s'applique aux sédatifs et aux analgésiques : il faut s'efforcer d'obtenir l'effet désiré avec la plus faible dose possible ! Les antagonistes spécifiques des benzodiazépines (flumazénil) et des opiacés (naloxone) doivent être disponibles dans la salle d'examen ou de traitement. Le fait de disposer d'antagonistes ne doit toutefois pas inciter à utiliser les agents sédatifs et les opiacés à la légère ! Oxygène Partout où l'on administre des agents sédatifs et analgésiques, il faut disposer d'oxygène avec des masques de différentes tailles et un ballon insufflateur. Pendant l'examen ou le traitement du patient, l'apport d'oxygène est recommandé (2 - 4 l/min), par exemple au moyen d'un masque nasal ou facial. Cette précaution réduit le risque d'hypoxémie. Monitorage Surveillance du patient par un aide L'examinateur ou le soignant devant porter toute son attention à l'exécution de sa procédure, la surveillance des fonctions vitales du patient doit être assurée par un aide qualifié et spécialement formé à cet effet. Il communique avec le patient et assure sa sécurité. En cas d'intervention lourde ou si le patient présente des risques particuliers, l'aide doit satisfaire à des critères de 575 qualification plus sévères. Il doit être déchargé de toute autre tâche pour pouvoir se concentrer totalement sur la surveillance du patient. La surveillance respiratoire s'effectue par l'observation des mouvements respiratoires ou l'écoute des bruits respiratoires du patient. Dans une salle plongée dans la pénombre, il n'est toutefois pas possible de reconnaître de manière sûre les premiers symptômes de dépression respiratoire et il est donc indispensable de recourir au monitorage instrumental. Oxymétrie de pouls L'affichage continu de la saturation en oxygène fournit des informations précieuses sur les fonctions cardiaque, circulatoire et pulmonaire momentanées. Une saturation inférieure à 90 % correspond à une hypoxémie cliniquement importante, nécessitant un traitement. Il faut tenir compte des limites du procédé (saturation optimale mais concentration en hémoglobine atteignant un seuil bas critique du fait d'une capacité de transport de l'oxygène insuffisante). ECG Une surveillance continue par ECG n'est indiquée que chez le patient cardiaque. L'oxymétrie de pouls permet une meilleure surveillance que l'ECG. Mesure de la pression artérielle La mesure de la pression artérielle fait partie de l'examen préopératoire et elle est indispensable pour l'évaluation des risques. En présence de facteurs particuliers (hypertension, hypotension), il est recommandé de contrôler régulièrement la tension artérielle du patient pendant l'examen ou le traitement. Voie veineuse La mise en place d'une voie veineuse fiable est indispensable pour tout patient recevant des agents sédatifs et/ou analgésiques. Les canules en acier (par exemple de type butterfly) sont inadaptées à cet usage. La voie veineuse ne doit pas être retirée avant que le patient ait totalement récupéré. Documentation Les informations concernant l'anamnèse, les éléments constatés, les médicaments administrés (nature, dose), le début et la fin des actes et les paramètres de surveillance doivent être documentés. Gestion des incidents Equipement Il faut veiller à ce que les appareils nécessaires à la réanimation, y compris oxygène et dispositif d'aspiration, le matériel servant à assurer la liberté des voies respiratoires, un moyen de ventilation mécanique et des médicaments 576 soient immédiatement disponibles dans la salle de soins ou d'examen et dans la zone de surveillance post-interventionnelle. Il doit notamment y avoir des médicaments pour traiter les complications cardiaques et respiratoires, jusqu’au choc anaphylactique ou l’hémorragie à risque vital. Les appareils doivent faire l'objet d'une maintenance régulière et le stock de médicaments doit être contrôlé régulièrement quant à son intégralité et aux dates de péremption. Un défibrillateur doit être disponible à proximité immédiate pour les patients ayant des antécédents cardiaques. Personnel Le personnel doit suivre un entraînement périodique aux gestes de réanimation et notamment au contrôle des voies aériennes. L'un des membres de l'équipe soignante doit être en mesure d'assurer la liberté des voies aériennes (intubation) et le cas échéant de procéder à la ventilation mécanique. Surveillance post-procédure Les problèmes survenant souvent pendant la phase de récupération après un examen ou un traitement sous sédation et/ou analgésie, il est indispensable de disposer d'une salle appropriée, de personnel qualifié, d'un monitorage et d'appareils, du matériel et des médicaments nécessaires pour la prise en charge des complications évoquées ci-dessus. La surveillance complète du patient par du personnel qualifié, le cas échéant à l'aide d'un oxymètre de pouls, doit être poursuivie jusqu'à la récupération totale. Retour au domicile Le patient ne peut sortir que si ses fonctions vitales sont stables, s'il peut marcher sans aide, boire et uriner, si les nausées ont pratiquement cessé, si ses douleurs sont prises en charge de manière adéquate et si une personne peut l'accompagner jusqu'à son domicile. C'est l'examinateur ou le soignant qui décide de la sortie du patient. Il faut informer le patient et les personnes qui l'accompagnent sur les complications susceptibles de survenir, la conduite à tenir en cas de problème, et préciser quand, où et à qui ils doivent s'adresser ou téléphoner. Ces consignes doivent être documentées par écrit et remises au patient ou aux personnes qui l'accompagnent. Il faut informer le patient qu'à titre de précaution, il ne doit pas signer de contrat, ni conduire de machines ou un véhicule, ni boire d'alcool pendant les 24 heures qui suivent la sédation et/ou l'analgésie car les médicaments administrés peuvent provoquer des états de confusion qui persistent pendant un certain temps. Littérature : 1. ASA Professional Information: "Practice Guidelines for Sedation and Analgesia by NonAnesthesiologists" www.asahq.org/practice/sedation/sedation.html 577 2. American Society for Gastrointestinal Endoscopy: "Sedation and Monitoring of Patients Undergoing Gastro-intestinal Endoscopic Procedures”. www.sages.org/sg asgepub1022.html 3. Conscious Sedation Working Group, Medical Association of South Africa: "Conscious sedation clinical guidelines". SAMJ 87: 484-492, 1997. 578