Life Natura2mil Restauration d’habitats dans les camps militaires de Wallonie Layman’s Report Avec le soutien financier de : Le programme Life est l’instrument financier de l’Union européenne pour soutenir des projets environnementaux au sein de ses états membres. Depuis 1992, il a cofinancé plus de 3 115 projets de protection de l’environnement à travers toute l’Europe. Tarier des près Lézard des souches Lycopode petit cyprès De 2006 à 2010, le projet Life Natura2mil (Life 05 NAT/B/000088) a eu pour objectif de restaurer* différents habitats naturels ouverts (c’est-à-dire non recouvert d’arbres ou d’arbustes) dans les camps militaires de Lagland, Marche-en-Famenne et Elsenborn, qui sont les trois grands domaines militaires de Wallonie (Belgique). Cette brochure fait la synthèse des actions, des acquis et des perspectives du projet. Triton crêté Quelle nature Les mots en italique font référence au glossaire en fin de brochure. (*) Voir lexique dans des camps militaires ? Elsenborn Coordination et rédaction : Hervé Pirard, Life Team, coordinateur Editeur responsable : Hervé Pirard, Life Natura2mil Lay-out & impression : Punch Communication 084.31.17.17 M. P. Gérard - Inspecteur Général Département de l’Etude du Milieu Naturel et Agricole Avenue Maréchal Juin 23 - 5030 GEMBLOUX Crédit photographique : R. Dahmen, P. Lighezzolo, X. Mestdagh, S. Bocca, J-P Jacob, A. Remacle, S. Van der Linden, H. Pirard, J-L Mairesse, P. Themans, D. Malisse Marche-en-Famenne Lagland Il n’y a pas que des espèces rares dans ces camps, mais également des habitats naturels*, comme par exemple des tourbières*, des mares, des prairies sans engrais et très fleuries, des landes* sèches ou humides… Autant de milieux de vie qui deviennent de plus en plus menacés chez nous du fait de la pression de l’homme (constructions diverses, agriculture intensive avec engrais et pesticides, plantations de résineux, plantes invasives…). La Défense, qui gère ces zones d’entraînement, s’est engagée à protéger leur biodiversité, notamment à travers deux projets Life, le Danah de 2003 à 2010, dans 12 domaines militaires de Flandres, et le Natura2mil, de 2006 à 2010, en Wallonie. Pour la Défense, l’important est de pouvoir continuer à utiliser ces vastes surfaces pour la préparation des militaires, tout en conservant leur intérêt écologique. (*) Voir lexique 3 2 Info & contact : Cdt P. Henrottin 3CRI - Service environnement et agronomie Rue Saint-Laurent 79 - 4000 LIèGE En Belgique, plus de 18 000 ha de domaines militaires font partie du réseau européen de protection de la biodiversité, appelé Natura 2000. Ces terrains sont occupés en priorité par la Défense pour l’exercice des militaires belges, et parfois de leurs collègues européens. Depuis des décennies, les activités agricoles ou économiques sont assez rares, et l’exploitation des forêts peu intense. De ce fait, on y retrouve aujourd’hui des espèces végétales et animales devenues très rares ailleurs, comme par exemple le triton crêté, le lycopode petit cyprès, le lézard des souches ou le tarier des près… Exercice avec des mortiers dans une zone récemment réouverte Vue avant déboisement Un projet Life : Vue après déboisement Mare oligotrophe* à Marche Lande sèche en fleur à Lagland Du fait d’une diminution des activités militaires ces 30 dernières années, des « envahisseurs » ont peu à peu colonisés les zones anciennement ouvertes dans ces camps : les arbres et arbustes. Si la forêt est bien sur utile et nécessaire sur notre planète, il est également indispensable de garder des zones non boisées. Pour certaines espèces, l’arrivée de la forêt signifie tout simplement la mort, plus ou moins rapidement. En effet, les arbres empêchent la lumière d’arriver au sol, cela change les conditions de vie, et les milieux naturels, comme les landes à bruyère, disparaissent peu à peu, entraînant avec eux une série d’animaux qui dépendent des bruyères pour vivre. Les militaires, pour réaliser leurs exercices, ont également besoin d’espaces non boisés, notamment pour faire des sauts en parachute, ou pour manœuvrer avec leurs véhicules blindés. Dans ce contexte, le projet Life a donc défini un objectif prioritaire : restaurer des habitats naturels ouverts dans les camps de Lagland, Marche-enFamenne et Elsenborn. Parallèlement à cela, une série de menaces pour la biodiversité avaient également été mises en évidence ; citons la surpopulation de sangliers à Marche et Lagland, le manque d’information des utilisateurs des camps sur leurs richesses naturelles, la présence de vieilles cibles devenues des carcasses inutiles et polluantes à Elsenborn ou encore le manque d’outils de gestion de la nature… 5 4 mais pourquoi ? Déboisement manuel Etrépage pour restaurer une lande Comment faire Annelage de bouleaux pour y arriver ? Blindés dans une plaine ouverte Pour arriver à restaurer un milieu envahi d’arbres et d’arbustes, une série de techniques assez variées existent, mais toutes ont la même finalité, les faire disparaître ou régresser. A côté de la traditionnelle coupe à l’aide d’une tronçonneuse (ou d’une débroussailleuse pour les arbustes), il y a de nombreux moyens mécaniques : le girobroyage, le cisaillage ou encore le câblage qui permet d’enlever des buissons situés dans des zones très humides sans s’y enfoncer. L’annelage des arbres, réalisé à la main, est une technique qui consiste à écorcer l’arbre qui meurt sur place, constituant ainsi un stock de bois mort intéressant pour de nombreux organismes vivants. Une autre technique employée, surtout pour restaurer les landes, est l’étrépage. Il s’agit d’enlever, avec une pelle mécanique le plus souvent, la couche de matière organique du sol qui est ensuite exportée. Cela permet de mettre en lumière les semences enfouies en profondeur (ce que l’on appelle la banque de graines) et d’activer leur germination, de plus cela appauvri le sol et permet à certains habitats de mieux se développer. (*) Voir lexique 7 6 Plaine d’exercice de Marche envahie d’arbustes Globalement, le projet est passé par deux phases successives ; tout d’abord la restauration des habitats en enlevant la majeure partie des ligneux* qui les avaient envahi, puis la gestion de ces espaces afin d’éviter la repousse des arbres coupés. Suivi scientifique Et finalement, ça a donné quoi ? De manière globale dans les 3 camps Journée porte ouverte avec des enfants Après ces travaux de restauration menés par des entrepreneurs dans les 3 camps, nous avons mis en place des mesures de gestion qui sont principalement : le pâturage, la fauche et les mises à feu contrôlées. Le suivi de l’évolution de certaines espèces, tant végétales qu’animales, considérées comme indicatrices*, a été mis en place afin de pouvoir évaluer l’effet de nos actions sur la biodiversité, et « corriger le tir » si nécessaire. A côté de ces actions très techniques, il était également important de contribuer à informer, former et sensibiliser les différents utilisateurs des domaines militaires afin de mieux prendre en compte leur intérêt écologique. Des formations, des ballades guidées, des journées portes ouvertes axées sur la nature, des panneaux, brochures et folders ou encore un site internet et un film furent les principaux outils utilisés à cette fin. Ces différentes actions n’auraient pu voir le jour sans une concertation permanente entre les quatre partenaires du projet, réunis au sein d’un Comité de Pilotage, et sans l’efficacité d’une équipe de projet composée à la fois de militaires et de civils. Bien sur, sans les moyens financiers mis à disposition par l’Union européenne et la Wallonie, il n’y aurait pas eu de projet… (*) Voir lexique Prairie à arnica à Elsenborn Prairie fleurie à Marche-en-Famenne Type d’action Ce qui était prévu Ce qui a été réalisé Restauration d’habitats par déboisements et enlèvement des semis naturels d’épicéas 380 ha 712 ha Restauration par étrépage 35 ha 44 ha Organisation de journées portes ouvertes « nature » dans les camps 9 journées 9 journées Mise en place de panneaux d’information pour le public civil 9 panneaux 9 panneaux Edition de brochures et folders pour les militaires 6 000 brochures et 5 000 folders 6 500 brochures et 24 000 folders avec traduction en néerlandais, allemand et anglais Edition de brochures et folders pour les militaires Colloque intermédiaire et final Colloque intermédiaire (2 journées) et colloque final (3 journées) Rédaction de plan de gestion 1 par camp 1 par camp 9 8 Pâturage avec des ardennais roux Sans oublier la mise en place de patrouilles de surveillance Life dans les 3 camps, d’un GIS* Nature, de suivis scientifiques, d’un site internet, la formation de conseillers militaires en environnement et de nombreuses actions de sensibilisation à la richesse écologique des camps… (*) Voir lexique Mise à feu contrôlée Motofaucheuse Déboisement par girobroyage Panneau d’information à Elsenborn Plus spécialement dans le camp d’Elsenborn Ce camp est un véritable musée vivant de la nature et montre un paysage tel qu’il existait encore partout dans l’Eifel il y a plus de 100 ans. Grâce à la création du domaine militaire en 1893, aucun apport d’engrais ni aucun boisements d’épicéas n’ont été réalisés sur ces 2000 ha de zones ouvertes, ce qui fut généralement le cas ailleurs. Ceci explique la présence d’espèces et d’habitats devenus très rares, comme les prairies à fenouil des Alpes et les landes à callune. L’usage militaire actuel du camp ne permet pas d’envisager une gestion par pâturage. Les plaines sont maintenues ouvertes par des feux accidentels lors des tirs, et de plus en plus, par des mises à feu contrôlées et par de la fauche réalisée par des agriculteurs voisins du camp, ou à l’aide d’une motofaucheuse achetée par le projet. Type d’action Ce qui était prévu Ce qui a été réalisé Restauration de tourbières 2 ha 3 ha Enlèvement d’anciennes cibles devenues inutiles 100 203 Restauration de nardaies à fenouil par fraisage, hersage et roulage 9 ha 28 ha Gestion de nardaies par fauchage 21 ha 55 ha Gestion des nardaies et landes par mises à feu contrôlées 376 ha 752 ha Enlèvement de vieilles cibles par la Défense 11 10 Visite de terrain à Lagland D éboisement avec valorisation du bois Mare creusée par le projet Sanglier bouclé lors de la capture-marquage-recapture Pâturage dans un enclos fixe Plus spécialement dans le camp de Lagland Plus spécialement dans le camp Roi Albert de Marche-en-Famenne Nettement plus boisé que celui d’Elsenborn, le Camp Lagland, près d’Arlon, a vu plus de 500 ha être progressivement colonisés par les arbres ces 30 dernières années. Le projet Life s’est donc attelé à en réouvrir plus de 200 ha, dont une partie a ensuite été clôturée pour être gérée par pâturage, avec l’appui d’agriculteurs locaux qui y mettent leur troupeau. Parallèlement, de nombreux drains ont été bouchés afin de restaurer l’hydrologie de ces zones de tourbières et de landes humides. Ce zones plus ouvertes sont notamment indispensables au maintien des populations de lézard des souches, de dectique verrucifore (une sauterelle carnivore), d’engoulevent, de crapaud calamite ou encore de nacré de la canneberge (un papillon diurne), toutes devenues très rares en Wallonie. Créé en 1974, le camp Roi Albert, à Marche-en-Famenne, est le plus récent des trois camps du projet Life. Outre plus de 1 600 ha de forêts dominées par le chêne, il comprend d’anciennes prairies agricoles, progressivement recolonisées par les ligneux, mais peu fertilisées et de ce fait assez diversifiées au niveau botanique. Le passage des véhicules militaires sur ce sol schisteux a creusé des centaines de mares qui font le bonheur des amphibiens, dont la plus grande population de triton crêté de Wallonie. La régulation des populations de sangliers, surabondant au début du projet, du fait d’un nourrissage intensif (2 245 sangliers abattus de 2006 à 2010), a été réalisée par l’application de plans de tirs élevés et un arrêt progressif du nourrissage. Bergerie (*) Voir lexique Type d’action Ce qui était prévu Ce qui a été réalisé Type d’action Ce qui était prévu Ce qui a été réalisé Bouchage de drains 8 kms 15,6 kms Restauration de la qualité de l’habitat rivulaire 6 catiches* 6 catiches* et lutte contre la balsamine* Creusement de mares 10 Plusieurs centaines Gestion par pâturage 1 bergerie construite et 100 moutons acquis Bergerie construite 200 moutons ardennais roux achetés Révision de la concession de chasse Arrêt du nourrissage Nourrissage arrêté dès 2006 Révision de la concession de chasse Arrêt du nourrissage Nourrissage arrêté en 2010 Gestion par pâturage 9 kms de clôture 5 bovins et 30 ovins 8,45 kms 30 ovins Gestion par pâturage 1 000 m² de placettes 4 225 m² suivis en 2007 et 2009, marquage de 430 sangliers et comptages nocturnes Suivi de la population de sangliers par la mise en place de placettes de relevés des boutis* 1 000 m² 3 775 m² 13 12 Bouchage de drains Catiche Balsamine (de l’Himalaya) : Plante qui envahit les berges des cours d’eau et les zones humides et est considérée en Belgique comme une plante invasive à détruire. Boutis : Retournement du sol réalisé par les sangliers à la recherche de nourriture. Catiche : Terrier, abri des loutres, généralement situé le long des cours d’eau. DGARNE : Direction Générale de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et de l’Environnement du Service Publique de Wallonie. Concertation sur le terrain Et dans le futur ? Espèce indicatrice : Espèce dont l’évolution permet d’avoir une idée de l’état de santé de l’environnement. GIS : Abréviation de « Global Information System », qui permet d’informatiser et de localiser des données très variées. Habitat : Milieu de vie d’une plante, d’un animal. Autant de questions cruciales pour l’avenir auxquelles nous avons voulu répondre : ·Les terrains sont et restent gérés par la Défense, avec l’appui des services du Département de la Nature et des Forêts (DNF), dans le cadre d’une convention qui lie la Défense et la Région wallonne et instaure un cadre de concertation permanent ; ·Des scientifiques du Département de l’Etude du Milieu Naturel et Agricole (DEMNA) assureront la coordination des suivis scientifiques, avec l’appui de naturalistes bénévoles ; ·Une partie des zones restaurées seront maintenues ouvertes grâce au pâturage et la fauche assurés par des agriculteurs bénéficiant d’une convention avec le DNF. Une autre partie fera l’objet de mises à feu contrôlées, nécessitant peu de moyens ; ·Les autres surfaces seront gérées grâce à l’argent de la vente des arbres des domaines militaires qui alimente un fond spécial consacré à des travaux ayant un intérêt pour la Défense et la conservation de la nature ; ·Enfin, des conseillers militaires en environnement, spécialement formés dans le cadre du projet, travailleront de concert avec les agents forestiers DNF afin d’assurer la pérennité des acquis, sur base des plans de gestion rédigés. Le projet Life Natura2mil a permis de montrer que les activités militaires sont globalement compatibles avec la protection de la nature, et même souvent bénéfiques. La poursuite d’une concertation, d’un dialogue entre les gestionnaires militaires et les gestionnaires de la nature est le gage d’un succès de l’après Life… Oligotrophe : Très pauvre en éléments nutritifs. Lande : Milieu caractérisé par une végétation basse, principalement des éricacées (bruyère, callune, myrtille…) capables de vivre sur des sols très pauvres et acides. Ligneux : Se dit des arbustes et des arbres par opposition aux plantes herbacées. Tourbière : Zone humide caractérisée par l’accumulation de la tourbe Restaurer un habitat : Améliorer sa qualité en fonction d’un objectif de protection d’une ou plusieurs espèces. RNOB : Association « Réserves Naturelles Ornithologiques de Belgique ». Quel qu’en soit le motif, personne ne peut accéder dans un domaine militaire sans une autorisation formelle. Transgresser cette règle constitue un délit pénalement punissable. C’est d’ailleurs une simple question de bon sens : l’utilisation de matériel lourd, d’armes, d’explosifs… lors des entraînements rend certaines zones particulièrement dangereuses. Même les unités en exercices doivent coordonner leurs activités avec les responsables locaux en charge de la sécurité. Il en va, bien sur, de même des concessionnaires, des exploitants forestiers ou des visiteurs temporaires. Enfin, rappelons que c’est, en partie, grâce à cette interdiction d’accès que certains biotopes fragiles ont pu se maintenir dans nos domaines. 15 14 Maintenant que ces centaines d’hectares ont été restaurés, que vont-ils devenir ? Qui va assurer leur gestion, leur suivi ? Avec quel argent ? Domaines militaires : attention, accès règlementé ! Carte d’identité : Life Natura2mil ·Durée : 5 ans, de 2006 à 2010 ·Localisation : camps militaires de Marche-en-Famenne, Lagland (Arlon) et Elsenborn ·Budget : 3 447 436 €, dont 50% venant de la CE et 34% de la Région wallonne ·Partenaires : Défense, DGARNE, Ardenne et Gaume et RNOB ·Superficie du projet : 7 937 ha ·Superficie restaurée par déboisement : 712 ha ·Sites Natura 2000 concernés : BE34008 (Marche-en-Famenne), BE34058 (Lagland) et BE33037 (Elsenborn) ·Plus d’info : http://www.natura2mil.be Les partenaires du projet :