Universit´e Pierre et Marie Curie
Cours de cryptographie MM067 - 2012/13
Alain Kraus
Chapitre 0 - Rappels
L’objectif de ce chapitre est de rappeler quelques d´efinitions et r´esultats de base con-
cernant les groupes, les anneaux et les corps. Ces notions sont suppos´ees connues et ne
seront pas trait´ees explicitement en cours.
Table des mati`eres
1. D´efinition d’un groupe 1
2. Sous-groupes 3
3. Classes modulo un sous-groupe - Th´eor`eme de Lagrange 4
4. Groupe quotient d’un groupe ab´elien 5
5. Sous-groupe engendr´e par un ´el´ement - Ordre d’un ´el´ement 6
6. Morphismes de groupes 8
7. D´efinition d’un anneau 10
8. Sous-anneaux - Id´eaux 12
9. Anneau quotient 13
10. Groupe des ´el´ements inversibles - Corps - Anneaux int`egres 14
11. Morphismes d’anneaux 16
1. D´efinition d’un groupe
Afin de d´efinir un groupe, il convient de se donner un ensemble Get une loi de
composition interne sur Gv´erifiant certaines conditions.
D´efinition 0.1. On appelle groupe un couple (G, )form´e d’un ensemble Get d’une loi
de composition (x, y)7→ xysur G, tels que les trois conditions suivantes soient v´erifi´ees :
1) on a x(yz)=(xy)zquels que soient x, y, z G(associativit´e).
2) Il existe un ´el´ement eGtel que ex=xe=xpour tout xG(existence d’un
´el´ement neutre).
3) Pour tout xG, il existe un ´el´ement yGtel que xy=yx=e(existence d’un
sym´etrique pour tout ´el´ement de G).
Si de plus, quels que soient x, y G, on a xy=yx(commutativit´e), on dit que G
est un groupe commutatif ou ab´elien. C’est la situation que l’on rencontrera dans ce cours.
1
Un groupe peut ˆetre fini ou infini. S’il est fini, on appelle ordre du groupe le nombre de
ses ´el´ements i.e. son cardinal.
Notation. Dans la d´efinition ci-dessus, on a utilis´e la notation abstraite pour d´efinir
la loi de composition sur G. En th´eorie des groupes, on note en fait la plupart du temps
la loi de composition sous-jacente multiplicativement (x, y)7→ xy, ou bien additivement
(x, y)7→ x+y. En notation multiplicative, on emploie le mot inverse au lieu du mot
sym´etrique et l’inverse d’un ´el´ement xse note x1. Pour tous x, y G, on a alors la formule
(xy)1=y1x1. En notation additive, on dit oppos´e au lieu de sym´etrique, et l’on note
g´en´eralement 0 l’´el´ement neutre et xl’oppos´e de x. Dans la pratique, la notation additive
est utilis´ee uniquement pour les groupes ab´eliens. Cela ´etant, la notation multiplicative est
aussi tr`es souvent employ´ee pour les groupes ab´eliens. Dans toute la suite, on appellera
groupe multiplicatif, un groupe dont la loi de composition est not´ee multiplicativement, et
groupe additif, un groupe dont la loi de composition est not´ee additivement.
Exemples 0.1.
1) L’ensemble r´eduit `a un seul ´el´ement e, avec pour loi de composition ee=e, est
un groupe, appel´e le groupe trivial.
2) L’ensemble Zdes entiers relatifs muni de la loi de composition (x, y)7→ x+yest un
groupe commutatif, d’´el´ement neutre 0. On l’appelle le groupe additif des entiers relatifs.
En rempla¸cant Zpar Q,Rou C, on obtient respectivement le groupe additif des nombres
rationnels, celui des nombres r´eels et celui des nombres complexes.
3) L’ensemble Qdes nombres rationnels non nuls, muni de la loi de composition
(x, y)7→ xy, est un groupe commutatif, d’´el´ement neutre 1. C’est le groupe multiplicatif
des nombres rationnels non nuls. On d´efinit de mˆeme les groupes multiplicatifs Ret C.
4) Soient Xun ensemble et Gun groupe multiplicatif. L’ensemble GXdes applications
de X`a valeurs dans Gest un groupe muni de la loi de composition d´efinie par
(fg)(x) = f(x)g(x) pour tous f, g GXet xX.
5) Produit direct de groupes. Soient G1,· · · , Gndes groupes multiplicatifs. Posons
G=G1× · · · × Gn.
La loi de composition sur Gd´efinie par l’´egalit´e
(x1,· · · , xn).(y1,· · · , yn)=(x1y1,· · · , xnyn),
munit Gd’une structure de groupe. L’´el´ement neutre est (e1,· · · , en) o`u eiest l’´el´ement
neutre de Gi. L’inverse d’un ´el´ement x= (x1,· · · , xn) est donn´e par la formule
x1= (x1
1,· · · , x1
n).
Le groupe (G, .) est appel´e le produit direct des groupes G1,· · · , Gn, ou bien le groupe
produit de G1,· · · , Gn.
2
2. Sous-groupes
Soit Gun groupe multiplicatif, d’´el´ement neutre e.
D´efinition 0.2. Soit Hune partie de G. On dit que Hest un sous-groupe de Gsi les
conditions suivantes sont r´ealis´ees :
1) l’´el´ement eappartient `a H.
2) Pour tous x, y H, l’´el´ement xy est dans H.
3) Pour tout xH, l’inverse x1de xest dans H.
Un sous-groupe de Gmuni de la loi de composition induite par celle de Gest un
groupe. Une partie Hde Gest un sous-groupe de Gsi et seulement si Hn’est pas vide,
et si pour tous x, y H, l’´el´ement xy1est aussi dans H. Si (Hi)iIest une famille de
sous-groupes de G, l’intersection des Hiest un sous-groupe de G.
Exemples 0.2.
1) Les parties Get esont des sous-groupes de G. Le sous-groupe es’appelle le
sous-groupe trivial de G.
2) Le sous-ensemble de Rform´e des nombres r´eels strictement positifs, ainsi que
±1, sont des sous-groupes de R.
3) Si nest un entier relatif, la partie nZ=nk |kZest un sous-groupe de Z. On
verra dans le chapitre I que tous les sous-groupes de Zsont de cette forme.
4) Soit xun ´el´ement de G. Pour tout entier relatif k, on d´efinit xkcomme suit(1) :
xk=
x· · · x(kfacteurs) si k1
esi k= 0
(x1)ksi k < 0.
(1) Soient Eun ensemble et une loi de composition sur E. On d´efinit le compos´e
d’´el´ements x1,· · · , xnde Epar la formule de r´ecurrence :
x1x2 · · · xn= (x1x2 · · · xn1)xn.
Pour tout xEet tout entier n1, on d´efinit la puissance n-i`eme de xpar la formule
xn=x∗ · · · ∗ x(nfacteurs). Supposons associative. V´erifions alors que pour tout entier
ptel que 1 pn, on a l’´egalit´e
x1 · · · xn= (x1 · · · xp)(xp+1 · · · xn).
Elle est vraie si n= 1. Supposons qu’elle le soit pour un produit de n1 ´el´ements o`u
n2. Posons x=x1 · · · xn. On a x= (x1 · · · xn1)xn. Soit pun entier compris
entre 1 et n. L’´egalit´e `a prouver ´etant satisfaite si p=n, on peut supposer pn1.
D’apr`es l’hypoth`ese de r´ecurrence, on a donc x=(x1 · · · xp)(xp+1 · · · xn1)xn.
Puisque est associative, on obtient x= (x1 · · · xp)(xp+1 · · · xn1)xn, d’o`u
l’´egalit´e annonc´ee.
3
Quels que soient les entiers relatifs ket k0, on v´erifie que l’on a les ´egalit´es
xkxk0=xk+k0,(xk)1=xk,(xk)k0=xkk0.
Il en r´esulte que l’ensemble xk|kZest un sous-groupe ab´elien de G.
3. Classes modulo un sous-groupe - Th´eor`eme de Lagrange
Soient Gun groupe multiplicatif, d’´el´ement neutre e, et Hun sous-groupe de G. On
associe `a Hla relation binaire Rsur Gd´efinie pour tous x, y Gpar
(1) xRyx1yH.
C’est une relation d’´equivalence sur G. La propri´et´e de r´eflexivit´e r´esulte du fait que eH.
Si x, y, z sont dans G, l’´egalit´e (x1y)1=y1xentraˆıne la propri´et´e de sym´etrie. En ce
qui concerne la transitivit´e, si l’on a xRyet yRz, alors x1yet y1zsont dans H, donc
(x1y)(y1z) = x1zl’est aussi, d’o`u xRz. Pour tout xG, la classe d’´equivalence de x
est l’ensemble
xH =nxh |hHo.
C’est la classe (`a gauche) de xmodulo H. L’ensemble des classes des ´el´ements de Gmodulo
Hse note G/H. On a ainsi
G/H =nxH |xGo.
On d´eduit de ce qui pr´ec`ede le th´eor`eme de Lagrange, qui est `a la base de toute la
th´eorie des groupes finis. Si Gest fini, il en est de mˆeme de Het G/H. Notons dans ce
cas |G|,|H|et |G/H|leurs cardinaux respectifs.
Th´eor`eme 0.1 (Lagrange). Supposons Gfini. On a l’´egalit´e |G|=|H|×|G/H|. En
particulier, l’ordre de Hdivise celui de G.
D´emonstration : Pour tout xG, les ensembles Het xH sont en bijection via
l’application qui `a hassocie xh. Le r´esultat s’en d´eduit aussitˆot car Gest la r´eunion
disjointe de ses classes d’´equivalence modulo H.
Si l’ensemble G/H est fini (que Gsoit fini ou non), on dit que |G/H|est l’indice de
Hdans G.
Exemple 0.3. Supposons Gfini d’ordre un nombre premier. Les seuls sous-groupes
de Gsont Get e.
Remarque 0.1. Supposons que Gsoit un groupe ab´elien additif. La relation d’´equiva-
lence modulo Hd´efinie par (1) s’´ecrit alors sous la forme
xRyxyH.
4
Pour tout xG, la classe de xmodulo Hse note x+H. On a
x+H=nx+h
hHoet G/H =nx+H
xGo.
La classe modulo Hde l’´el´ement neutre de Gest H.
Exemple 0.4. L’ensemble quotient Z/nZ
Prenons G=Zet H=nZo`u nN. Quels que soient x, y Zon a l’´equivalence
xet ysont en relation modulo nZxynZ.
Deux entiers relatifs xet ysont donc en relation modulo nZsi et seulement si ndivise
xy. Dans ce cas, on dit que xet ysont congrus modulo net l’on ´ecrit que l’on a la
congruence xymod. n. Pour tout xZ, la classe de xmodulo nZest
x+nZ=nx+nk
kZo.
On la note souvent xlorsque l’entier nest sous-entendu. On dit aussi que c’est la classe
de xmodulo n. L’ensemble Z/nZest form´e des classes d’´equivalence modulo n.
Proposition 0.1. Supposons n1. Alors Z/nZest fini de cardinal net l’on a
Z/nZ=n0,1,· · · , n 1o.
D´emonstration : Soit a+nZun ´el´ement de Z/nZ. Il existe des entiers qet rtels que
l’on ait a=nq +ravec 0 r < n (division euclidienne). Puisque arnZ, on a donc
a=r. Par ailleurs, quels que soient aet bdistincts compris entre 0 et n1, l’entier nne
divise pas ab, autrement dit, on a a6=b, d’o`u le r´esultat.
On dispose de la surjection canonique ZZ/nZqui `a un entier aassocie sa classe
modulo n. Dans le cas o`u n= 0, et dans ce cas seulement, c’est une bijection.
4. Groupe quotient d’un groupe ab´elien
Soit Gun groupe ab´elien additif, d’´el´ement neutre 0. Soit Hun sous-groupe de G. On
d´efinit sur l’ensemble quotient G/H une loi de composition comme suit. Soient u, v des
´el´ements de G/H. Il existe x, y Gtels que u=x+Het v=y+H. On pose alors
(2) uv= (x+y) + H,
autrement dit, uvest la classe de x+ymodulo H. Il faut bien entendu v´erifier que cette
d´efinition a un sens, i.e. que uvne d´epend pas des repr´esentants choisis xet yde uet v.
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