404. temps modernes

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A. Conditions préalables et causes des grands voyages d’exploration.
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Voir le tableau qui précède.
Poussés par des motivations diverses - pour les uns il s’agit de satisfaire une curiosité
scientifique, pour d’autres de répandre l’Evangile, pendant que certains forment le projet d’une
gigantesque expédition destinée à en finir avec le séculaire ennemi musulman -, les Européens
d’Occident (Portugais puis Espagnols, bientôt suivis et concurrencés par les Anglais, les Français et
les Hollandais) vont, dès la seconde moitié du XVe siècle, se lancer dans de grands voyages
d’exploration outre-mer. Cependant, leur principale préoccupation est de trouver une nouvelle route
commerciale vers l’Asie (route de la soie et des épices) : il faut contourner le monopole commercial
des Italiens - renforcé à la suite des croisades - et celui des Turcs - imposé par les conquêtes des
Ottomans, parachevées avec la prise de Constantinople en 1453 - ; car ces intermédiaires obligés
pratiquent des tarifs prohibitifs, alors même que la demande de certains produits (épices, soie,
métaux précieux) va croissant sous la pression de l’essor économique et démographique européen.
B. Les empires coloniaux (A 70-71).
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L’observation de la carte met en évidence :
- l’importance des voyages de découverte, spécialement ceux de Christophe Colomb
(découverte du Nouveau Monde) et de Magellan (tour du monde) ;
- l’élargissement successif des horizons (tracés bleu, orange et vert) ;
- les limites des nouveaux horizons, avec la présence de terres inconnues (en brun) ;
- la ligne du partage du monde (terres à découvrir) entre Espagnols et Portugais au traité
de Tordesillas (1494).
- la différence entre les empires coloniaux portugais et espagnol : les Portugais, trop peu
nombreux, n’ont établi que des comptoirs commerciaux, d’où un empire très dispersé et
donc difficile à défendre ; les Hollandais sauront en profiter (voir A 82-83). Les
Espagnols, au contraire, vont conquérir de vastes territoires, renversant les pouvoirs en
place et transformant profondément les sociétés et les cultures.
C. Conséquences des grandes découvertes.
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1. Economie
-----------On voit apparaître une économie d’un type nouveau. A côté de l’économie rurale, qui reste
essentiellement domaniale, et celle, inaugurée au Temps des Villes, des petites agglomérations, dont
le rayon d’action dépasse rarement le cadre régional, on voit se mettre en place une économie
fondée sur le grand commerce international, principalement maritime, qui est favorisée par un
accroissement considérable des échanges. On peut parler d’une mondialisation de l’économie.
Le nouveau commerce atlantique est un commerce avant tout colonial, c’est-à-dire axé sur
le trafic des produits importés des terres colonisées (or, argent, épices, soieries, sucre, cuirs…).
A l’opposé du système commercial antérieur, qui reposait, au Proche-Orient, sur des
comptoirs commerciaux et sur le trafic caravanier, les marchandises sont maintenant obtenues à la
source et chargées en très grandes quantités sur de gros navires. Ce mode de commerce est donc à
la fois plus sûr et plus considérable.
a) Des produits nouveaux ou moins rares.
De nouveaux produits, tels que le cacao ou le maïs, viennent compléter l’alimentation des
Européens ; d’autres, déjà connus mais rares, comme la soie (Chine), le sucre de canne (Amérique
centrale) et les épices (Inde et Océan Indien) apparaissent en plus grande quantité sur les marchés.
b) La flambée des prix.
Après une période de stabilité (1450-1500), les prix vont connaître un mouvement de
hausse important et relativement constant entre 1500 et 1600 ; en 1590, les prix de 1500 auront été
multipliés par 3,5.
Certes, la découverte de nouvelles routes maritimes a permis de se passer
d’intermédiaires (Turcs, Italiens) et devait entraîner une baisse spectaculaire du prix de revient des
marchandises lointaines ; ainsi, le retour de Vasco de Gama dans l’estuaire du Tage fit baisser de
moitié le prix des épices. Cependant, de nouveaux facteurs vont rapidement provoquer une flambée
des prix sur les marchés.
1/ L’afflux des métaux précieux.
La production d’or double au cours du XVIe siècle, tandis que celle de l’argent
décuple, grâce surtout aux gisements de Potosi (Bolivie) et à une découverte technique, l’utilisation
du mercure (vers 1560) pour l’extraction du minerai. L’introduction massive, dans le circuit des
échanges, des métaux précieux - dont l’extraction augmentait en Europe (dès la fin du XVe siècle,
les mines d’argent allemandes sont en plein développement) aussi bien qu’en Amérique grâce aux
progrès de l’exploitation minière - va provoquer une baisse rapide de la valeur de la monnaie et une
hausse fantastique des prix des marchandises.
C’est l’inflation,* c’est-à-dire un gonflement excessif des moyens de paiement : la
quantité d’or et d’argent en circulation augmente plus vite que la quantité d’objets fabriqués ou de
matières premières. La masse monétaire étant devenue trop importante par rapport à l’offre de
produits, il en résulte une diminution de la valeur de la monnaie ; ce phénomène va entraîner à son
tour une forte hausse des prix : la monnaie ayant perdu les 3/4 de sa valeur, il faudra donner plus
d’argent pour payer un même produit.
2/ La population augmente et, par suite, la demande des objets fabriqués ou des produits
pour l’alimentation s’accroît ; c’est une deuxième raison de l’augmentation du coût de la vie.
3/ Le coût du transport et le paiement de nouveaux intermédiaires obligés pèsent
lourdement sur le prix de revient des marchandises importées.
4/ L’action des spéculateurs.
Les puissances colonisatrices, par le biais des monopoles d’Etat, et les négociants
veillent à réaliser de gros bénéfices ; ils savent mettre leur stock en vente au moment le plus
favorable. Leurs manoeuvres sont également à l’origine de la montée des prix.
c) Le développement du capitalisme.
1/ Le rôle des banques.
Puisant dans leurs réserves personnelles, encaissant le dépôt de l’épargne des
particuliers, empruntant pour prêter à d’autres, les banquiers deviennent indispensables. La cherté
de la vie accroît les besoins financiers des Etats, qui doivent de plus en plus emprunter. En effet,
aucun souverain de l’époque ne dispose de suffisamment d’argent liquide pour armer des navires,
acheter les produits coloniaux, faire les dépenses d’équipement, attendre le retour des flottes
marchandes, distribuer les produits coloniaux - sans parler de lever et d’entretenir des armées…
Les principaux banquiers sont des Allemands ou des Italiens. Ils prêtent largement aux
souverains, sans la moindre certitude de remboursement, mais sont dédommagés par toutes sortes
de garanties (mines, terres, voire même villes !) et de facilités. Grâce aux banquiers, le maniement
des valeurs devient de plus en plus facile : les banques ont de nombreuses succursales, et les lettres
de change* sont d’un usage courant.
2/ La spéculation et les centres d’affaires.
Les fluctuations continuelles des prix et la création de monopoles dans diverses
branches du commerce donnent une puissante impulsion à la spéculation. Le capitalisme et la
recherche calculée du profit par les grands hommes d’affaires triomphent partout.
Comme ils le faisaient déjà à la fin du XVe siècle, les négociants se retrouvent dans
les foires, qui ne durent que quelques semaines, voire quelques jours, et dans les bourses, qui
constituent un marché permanent de marchandises mais aussi de capitaux. On assiste à la fondation
de bourses de commerce dans les principaux centres économiques européens : Anvers, Londres,
Amsterdam, Lyon et Nuremberg. La plus grande ville d’affaires est Anvers (plus de 100 000
habitants au XVIe siècle) qui, tant par sa position géographique que par sa situation politique, est à
même de profiter à la fois de la fondation de l’empire espagnol et du développement des centres
d’affaires allemands.
3/ Conséquences.
Cette fièvre de l’argent et ce goût de la spéculation entraînent plusieurs conséquences
immédiates :
a/ un changement dans les idées concernant le prêt à intérêt, formellement condamné
jusque-là par l’Eglise (risque d’usure) et dont on commence à comprendre la nécessité dans un
monde qui à cessé d’être à dominante rurale pour devenir capitaliste ;
b/ la mobilisation des capitaux privés par les banquiers, qui reçoivent des dépôts pour lesquels ils servent des intérêts fixes, d’une foire à l’autre, ou pour un an -, associent les riches
seigneurs à leurs affaires et font profiter ainsi la grande noblesse de leurs spéculations ;
c/ La mainmise des banques sur les marchés, soit des matières premières, soit des
mines, soit des objets fabriqués. Entre elles, les banques se livrent à des luttes à mort.
d) L’industrialisation des campagnes.
Depuis le Moyen Age (XIIIe siècle), le travail dans la ville était organisé et dirigé par
des gildes, sociétés commerciales toutes-puissantes qui fixaient les prix et les salaires ; il
s’organisait en corporations, associations professionnelles groupant, par corps de métier, à la fois les
patrons, les apprentis et les ouvriers. L’affiliation à une corporation était obligatoire et impliquait le
respect de règlements. Ceux-ci, destinés principalement à garantir la qualité des produits et à se
prémunir contre la concurrence, étaient devenus avec le temps de plus en plus nombreux et
contraignants (voir le chapitre sur l’économie au XIVe siècle). En outre, les salaires comme les prix
étaient généralement assez élevés, compte tenu du mode de travail.
Cette forme d’économie protectionniste, à la production relativement limitée et coûteuse,
bornée au cadre étroit d’une ville et de son hinterland*, ne laissait pratiquement aucune liberté
d’action aux chefs d’entreprise. Dès lors, pour contourner cet obstacle, les entrepreneurs capitalistes
(fabricants et marchands), vont demander au souverain et obtenir une dérogation (privilège) à la
réglementation en vigueur, pour pouvoir établir des fabriques à la campagne (ils en ont les
moyens !), où ils disposeront d’une main-d’oeuvre meilleur marché qu’en ville et échapperont aux
contraintes du système corporatif tout en organisant le travail sur une plus grande échelle. Cette
pratique nouvelle, qui va contribuer à l’industrialisation des campagnes et à leur intégration
progressive dans le système capitaliste, se constate dès la fin du Moyen Age et s’amplifiera aux
Temps modernes. On peut la comparer à la politique moderne de délocalisation d’entreprises.
L’industrie flamande de la laine et de la toile, les soieries de la vallée du Rhône et la
métallurgie, par exemple, se développent dans le plat-pays et sur une base capitaliste.
e) Le déplacement de l’activité commerciale.
Par la découverte des nouvelles voies maritimes, les ports méditerranéens, qui vivaient du
commerce levantin, perdront la majeure partie de leur importance. Le centre de gravité du grand
trafic international, axé depuis l’Antiquité sur la Méditerranée, se déplace vers la côte
atlantique. Lisbonne (Portugal) devient l’entrepôt des produits de l’Inde, Cadix (Espagne) celui des
métaux précieux du Nouveau Monde. Anvers, Amsterdam, Londres et Bordeaux sont les autres
pôles principaux de la nouvelle économie européenne.
N.B. La Méditerranée ne reprendra une grande importance comme axe commercial qu’à partir du
percement du canal de Suez (1869) ; à cette époque, la puissance turque sera devenue depuis longtemps
incapable de constituer une menace pour le trafic international.
f) L’enrichissement des puissances colonisatrices et - à travers ou malgré elles - des
Etats maritimes d’Europe occidentale.
Le commerce colonial est si rémunérateur que les Etats colonisateurs s’efforcent d’en tirer
un profit maximum en pratiquant une politique protectionniste (voir ci-après, le mercantilisme).
Pourvue de colonies qui l’enrichissent, l’Espagne connaît la période la plus brillante de son histoire
(1492-1648) et s’assure la prépondérance en Europe.
g) Le mercantilisme, une politique économique nouvelle.
1/ Contexte historique.
A partir du XVIe siècle jusqu’au début du XVIIIe, la doctrine qui inspirera la politique
économique des Etats de l’Europe occidentale est le mercantilisme* (de l’italien mercante =
marchand, à cause de l’importance prise dans ce système par les échanges commerciaux).
L’adoption de cette doctrine, en particulier en Espagne, en France et en Angleterre, s’explique
essentiellement par deux facteurs :
- l’établissement définitif des grands Etats nationaux à tendance absolutiste et
pratiquant une politique de suprématie ;
- l’afflux des métaux précieux à la suite des grandes découvertes : l’arrivée massive
d’or et d’argent dans une Europe qui avait été jusqu’alors gênée dans son développement
économique par la rareté du numéraire provoque une véritable révolution dans les conceptions et
dans les moeurs.
2/ Définition.
Le mercantilisme* est une doctrine économique appliquée principalement aux XVIe
et XVIIe siècles, et qui vise à procurer à l’Etat un maximum de richesses en métaux précieux (or et
argent) au moyen d’échanges commerciaux favorables.
L’idée essentielle de cette nouvelle théorie est donc que la seule richesse véritable
consiste dans le numéraire (stock monétaire, or et métaux précieux). Les mercantilistes considèrent
que la masse des richesses est fixe, et, dès lors, qu’un Etat ne peut pas gagner davantage sans que
son partenaire perde.
3/ Buts.
Le but poursuivi sera à la fois d’ augmenter le stock monétaire de l’Etat - c’est le
principe même du mercantilisme -, et d’assurer l’autosuffisance nationale (autarcie). Pour
parvenir à ce double objectif, il faudra garder son or et attirer l’or étranger, ce qui suppose
d’exporter le plus possible et d’importer le moins possible. En d’autres termes, il s’agit d’obtenir
une balance commerciale favorable, c’est-à-dire excédentaire pour le pays concerné.
4/ Moyens.
a/ Le protectionnisme*.
C’est une politique économique visant, comme son nom l’indique, à protéger la
production nationale contre la concurrence étrangère, et cela par diverses mesures (droits de douane
élevés frappant les importations, monopole du transport, etc.).
Exemple : la loi anglaise sur le commerce maritime, connue sous le nom d’acte de
navigation* (1651). Dans la pratique, cette loi interdit aux navires étrangers d’importer en GrandeBretagne des marchandises ne provenant pas de leur pays d’origine, et réserve à la marine nationale
le monopole du trafic de l’Angleterre avec l’Amérique, l’Afrique et l’Asie.
b/ Le pacte colonial*.
Il ne s’agit nullement, comme on pourrait le croire, d’un accord conclu sur pied
d’égalité entre deux puissances. L’expression désigne en fait les conditions imposées par une
métropole à sa colonie pour ce qui concerne leurs relations économiques - étant bien entendu
qu’une colonie est faite avant tout pour assurer l’enrichissement de la métropole. Les principes du
pacte colonial se résument à l’exclusive (on dit aussi l’exclusif), c’est-à-dire à un monopole très
strict de la métropole tant dans le domaine industriel que dans le domaine commercial :
- sur le plan industriel : la colonie se voit interdire - totalement ou partiellement - de
manufacturer des produits, pour ne pas nuire à l’industrie métropolitaine ;
- sur le plan commercial : les produits et les esclaves entrant dans la colonie doivent
provenir de la métropole, ou du moins être transportés par la marine métropolitaine (l’importation
éventuelle selon d’autres modalités sera frappée de taxes plus ou moins élevées en faveur de la
métropole) ; l’exportation des produits coloniaux doit se faire - uniquement ou principalement - à
destination de la métropole et par bateaux nationaux.
En contrepartie, la métropole accorde un traitement de faveur aux produits de ses propres
colonies. Dans la pratique cependant, sa situation de monopole lui permet d’acheter à bon marché et
de vendre cher - d’où l’importance du pacte colonial dans la politique mercantiliste.
N.B. Le pacte colonial constitue une forme de protectionnisme. On peut le
comparer au régime qui, à partir du Temps des villes, était imposé par les grands centres urbains aux
campagnes environnantes.
d/ Le dirigisme*.
Le commerce colonial requiert d’équiper des flottes importantes et protégées,
d’entreposer (avec des délais plus ou moins longs) les marchandises, dont les prix sont sujets à de
brusques variations… En somme, il faut une organisation puissante et une force armée. Seuls les
Etats sont capables d’entretenir ce commerce avec les colonies. Compte tenu des intérêts colossaux
qui sont en jeu, on verra donc s’imposer une forme d’économie dirigée : au nom de l’intérêt
supérieur du pays - et sans tenir compte des intérêts particuliers ou
sectoriels -, l’Etat va intervenir dans l’économie, imposant réglementations et contrôles.
5/ Bilan du mercantilisme.
a/ Aspect positif : un essor économique indéniable.
Le mercantilisme, en particulier en Grande-Bretagne et en France, favorisa
incontestablement l’essor économique, car le capitalisme naissant ne pouvait se passer de
l’appui de l’Etat pour mener de grandes entreprises telles que la création de manufactures ou
de compagnies de navigation. En permettant une accumulation et une concentration de
capitaux sans précédent, en assurant aux Etats colonisateurs des marchés privilégiés, , le
mercantilisme apporta les ressources indispensables à l’exploitation des grandes innovations
technologiques du XVIIIe siècle. Il prépara donc la révolution industrielle et l’ère du
capitalisme.
b/ Aspects négatifs.
- facteur de guerres.
Le mercantilisme n’est en somme qu’une guerre d’argent, et il aboutira souvent à
des guerres tout court. A la longue, en effet, le système tend à l’autarcie. Mais un acteur
économique qui veut produire beaucoup et consommer peu, vendre beaucoup et acheter peu,
ne peut être qu’insupportable à ses partenaires.
Ex. : guerre anglo-hollandaise (1652-1654) suite à la promulgation par
Cromwell de l’Acte de Navigation ; guerre franco-hollandaise (1672-1678) suite à
l’établissement par Colbert* d’un tarif protectionniste en 1667.
- dirigisme tracassier.
Tout à l’opposé du libéralisme qui sera adopté vers la fin du XVIIIe siècle par les pays
les plus avancés, le mercantilisme prône un interventionnisme étatique dont les règlements finiront
par freiner l’essor économique au lieu de le favoriser. Les besoins et désirs des particuliers ne sont
pas pris en compte.
- agriculture sacrifiée.
L’agriculture, dont les produits (à poids et volume égal) avaient moins de valeur
que les produits manufacturés, fut systématiquement sacrifiée. Pour éviter des hausses de salaires
dans les manufactures, l’Etat maintint les prix agricoles au plus bas, d’où la condition misérable de
la paysannerie française sous Louis XIV ; en Angleterre, l’agriculture nationale fut sacrifiée encore
plus radicalement, au profit de l’élevage des moutons (Thomas More s’en plaint déjà en 1516 dans
son fameux ouvrage l’Utopie), nécessaire à l’industrie textile.
- renforcement des abus du système colonial.
Lié à la colonisation, le mercantilisme a tendance à exploiter et à sacrifier les
colonies en abusant de l’exclusif.
N.B. C’est en grande partie contre le régime du pacte colonial que les treize
colonies britanniques d’Amérique du Nord s’insurgeront plus tard contre Londres (1763-1776),
avec pour conséquence la naissance des Etats-Unis.
h) Le déséquilibre des échanges internationaux.
L’établissement définitif d’empires coloniaux - à commencer par l’espagnol - va peu à
peu amener, avec le régime de l’exclusif et la pratique de l’esclavage, un déséquilibre des échanges
au niveau mondial. Les Espagnols ne se soucient pas - du moins dans le domaine économique - de
faire oeuvre utile aux colonies, en y développant l’agriculture et l’industrie : la priorité est de se
procurer à bon compte les métaux précieux et les produits exotiques. On impose aux Indiens l’achat
de marchandises importées d’Europe (denrées alimentaires, vin, huile, textiles), en échange de leur
or ou de leur argent. Les produits américains bon marché (salaires très bas, monopole) sont vendus
à la métropole, qui vendra à son tour très cher les produits manufacturés à ses partenaires
européens.
2. Société.
--------a) En Europe occidentale.
Les sociétés occidentales, dont les populations sont en nette augmentation (accroissement
du nombre d’hommes disponibles pour les nouvelles entreprises), vont se trouver profondément
transformées suite à la révolution économique née des grandes découvertes.
1/ Noblesse et catégories à revenus fixes.
L’inflation du XVIe siècle provoque la ruine des personnes ne disposant que de revenus
plus ou moins fixes (rentiers, fonctionnaires, clergé, nobles ruraux). Les fortunes foncières
diminuent en importance par rapport à celles basées sur la richesse mobilière. Les seigneurs
terriens appauvris chercheront plus que jamais des charges de cour rémunératrices ou de hautes
fonctions militaires.
2/ Bourgeoisie.
Le spectaculaire essor du commerce au XVIe siècle accentue l’ascension de la
bourgeoisie. Au Moyen Age, le bourgeois, c’était l’habitant libre du bourg (ville fortifiée) ; au XVIe
siècle, le bourgeois est un homme qui n’est pas noble et qui gagne de l’argent sans exercer un
métier manuel.
La plupart des bourgeois sont des hommes d’affaires (commerçants, négociants, banquiers). Mais pas
tous : un certain nombre, qui ont fait de bonnes études, se consacrent aux métiers que nous appelons professions
libérales : ils sont fonctionnaires des rois, des princes, des villes, avocats, médecins, professeurs. Un certain nombre
entrent dans le clergé, où ils jouissent de bons bénéfices.
Bon nombre d’entre eux possèdent des biens non seulement dans la ville où ils résident, mais aussi à la
campagne. En France et en Angleterre, il arrive souvent qu’ils aient acheté des fiefs nobles et qu’ils jouissent par là de
droits seigneuriaux ; il est assez fréquent qu’ils obtiennent des souverains d’être anoblis. Leur famille se fond dans la
vieille noblesse par mariage.
A la différence des nobles, qui comptent assez mal et dépensent pour paraître et briller, le bourgeois,
d’ordinaire, estime qu’on devient riche en épargnant et en plaçant son argent. Il travaille, même s’il ne fait que
surveiller ses affaires ou ses domaines. Il évite les distractions trop fréquentes ou trop coûteuses. Il est sérieux, souvent
grave, fidèle à sa parole et aux contrats signés. Chez lui, tout est calculé pour le profit matériel avant tout. Il a autant
d’ambition que le noble, mais son ambition à lui, c’est de gagner de l’argent, parce qu’il sait qu’avec l’argent, on a la
puissance. Il aime son intérieur et le rend aussi confortable que le permet l’époque. S’il a des collections de tableaux, de
bijoux, d’orfèvrerie, des vêtements riches, c’est pour soutenir son crédit, c’est-à-dire pour qu’on sache qu’il a du bien et
qu’on peut lui faire confiance.
Le bourgeois ne se tient pas à l’écart du mouvement de la Renaissance, et la plupart
des humanistes sont des bourgeois. Il s’intéresse aux discussions religieuses et se passionne pour ou
contre le protestantisme.
3/ Ouvriers.
Les ouvriers - et particulièrement les artisans des villes -, dont les salaires ne suivent
pas la hausse des prix, connaissent souvent une misère effroyable.
4/ Paysannerie.
D’une façon générale, les paysans sont moins sensibles à ces bouleversements
économiques, qui concernent d’abord et surtout les milieux urbains. Ils tirent même parfois
avantage de l’inflation du fait que les fermages n’augmentent pas aussi rapidement que les produits
agricoles. Cependant, la pression fiscale croissante de la monarchie absolue absorbera vite leurs
maigres bénéfices…
b) Dans les colonies.
On va constater d’importants changements au sein des sociétés coloniales,
principalement dans les colonies espagnoles. En effet, contrairement aux autres peuples fondateurs
d’empires coloniaux au XVIe siècle - Portugais puis Anglais, Français et Hollandais -, les
Espagnols ont pris possession de vastes territoires situés à l’intérieur des terres, ce qui sera à
l’origine de grands bouleversements politiques, sociaux et même démographiques.
1/ Une société restructurée et métissée.
Dans les colonies, la structure de la population va être modifiée par les colonisateurs:
les Espagnols (conquistadores) d’abord et surtout, à l’instar de presque tous les conquérants de
l’histoire, ont pris possession des échelons supérieurs de la société locale. L’élément européen
introduit un régime de castes*, qui n’empêchera d’ailleurs pas d’inévitables métissages.
Dans la population, on constatera l’inégalité inhérente à toutes les sociétés d’Ancien
Régime, doublée ici de l’inégalité qu’engendre le régime colonial, avec coïncidence entre la
superposition des couches sociales et la stratification ethnique.
a/ Au sommet de l’échelle se trouvent des Espagnols (ou des Portugais) venus de la
métropole, qui accaparent les postes dirigeants (gouverneurs, haut clergé).
b/ Ensuite viennent les créoles*, descendants directs des conquérants et de ceux qui
les ont suivis, mais nés aux colonies. Ces créoles constituent une aristocratie qui possède les
richesses, la terre, de grands domaines exploités par une main-d’oeuvre servile (Indiens, Noirs). Ils
sont très fiers de leur origine et de la pureté de leur sang - encore qu’en Amérique latine le préjugé
racial ait toujours été plus faible que dans l’Amérique anglo-saxonne.
N.B. On évalue approximativement à 500 000 les Espagnols ou les Portugais originaires de la
péninsule ibérique qui ont traversé l’océan, se sont établis en Amérique latine et y ont fait souche. En trois siècles, ils
seront devenus quelque 4,5 millions.
Les créoles supportaient mal la domination des représentants de la métropole. Plus
tard, ils réclameront et obtiendront leur indépendance.
c/ Au-dessous, on trouve les métis ou sangs-mêlés, issus du métissage entre Blancs et
Indiens, ou entre Blancs et Noirs.
d/ Enfin, la base de la pyramide est formée par la masse des Indiens.
Les Indiens constituent les populations autochtones*, qui appartenaient aux anciens
Empires inca, aztèque, et aux autres Etats renversés par la conquête espagnole. Au nombre
d’environ dix millions, ils sont fixés surtout sur les plateaux des Andes. C’est une population mal
assimilée, superficiellement évangélisée, qui demeure fidèle à ses croyances et pratique une sorte de
syncrétisme où se retrouvent le paganisme et des éléments de superstition dérivés du christianisme.
Cette masse indienne fournit la main-d’oeuvre pour l’exploitation des terres et des mines.
e/ Il faut ajouter, en marge (et d’abord au Brésil surtout, plus tard en Amérique
centrale et dans le sud des Etats-Unis), les esclaves Noirs amenés par la traite. Ces Noirs seront déjà
un demi-million en 1800.
2/ La mortalité considérable des Indiens.
Dans les colonies espagnoles d’Amérique, on va voir la population autochtone
diminuer à une vitesse vertigineuse. De 80 millions d’habitants vers 1500, elle va passer à 15
millions vers 1545, pour se stabiliser vers 1570 autour de 9 millions, et ceci pour deux siècles. Dans
certaines régions, l’effondrement a été, entre 1518 et 1585, de l’ordre de 10 à 1 !
Tout contribua à cet effondrement :
a/ les atrocités commises par les conquérants et les premiers colons. Cependant,
celles-ci, dénoncées à l’époque par quelques missionnaires ou administrateurs espagnols, ne
peuvent suffire à expliquer la destruction des Indes, c’est-à-dire la réduction effroyable de la
population amérindienne.
b/ le contact avec de nouveaux microbes véhiculés par les Européens.
Tel est le facteur qui a été le plus déterminant. C’est un véritable choc microbien
qu’a constitué l’introduction involontaire par les Blancs (puis par les Noirs) de maladies inconnues
des Indiens (rougeole, grippe, variole, typhus), dont certaines, pourtant anodines dans l’Ancien
Monde (un simple rhume par exemple), se révélèrent dévastatrices dans un terrain neuf, dépourvu
d’anticorps.
Les biologistes et les écologistes nous donnent l’explication de ce terrible impact des maladies
d’origine européenne sur les populations du Nouveau Monde : le choc microbien et viral, inévitable dès qu’un Européen
entre en contact avec un Américain, fut fatal du fait que les Indiens n’étaient aucunement immunisés contre ces
maladies. En effet, ces peuples avaient vécu - comme les indigènes des îles du Pacifique - en circuit fermé depuis le
Paléolithique ! Ce n’était pas le cas ni pour l’Afrique ni pour l’Asie, car dans ces continents le trafic caravanier et celui
de l’Océan Indien avaient favorisé des va-et-vient continuels à travers les âges.
c/ le travail forcé pour les colonisateurs.
Le travail forcé des Indiens prendra différentes formes : définitive dans le cadre du
système domanial importé, l’encomienda, où le colon s’est vu confier un vaste domaine ou un
village entier, ainsi que la population locale ; temporaire avec la corvée (mita) des mines ;
l’orpaillage (recherche de l’or dans les cours d’eau et les terrains aurifères). Ces travaux forcés
produiront également des hécatombes.
d/ Les déportations de populations.
Le déracinement de populations entières, regroupées dans des villages pour être
mieux surveillées, favorisera à son tour la propagation des maladies.
e/ La transformation du mode de vie.
3/ L’esclavage
Les problèmes posés par la main-d’oeuvre indigène vont provoquer dans le Nouveau
Monde un rétablissement de la pratique de l’esclavage sur une grande échelle - au moment même
où le servage avait à peu près disparu dans les Etats d’Europe occidentale.. Evénement d’autant plus
grave que ce furent, cette fois, des chrétiens qui en prirent l’initiative.
En fait, le principe même de l’esclavage était parfaitement admis par les monarchies
chrétiennes lorsqu’il s’agissait de prisonniers infidèles (musulmans). La capture et l’asservissement
des Guinéens étaient même devenus chose courante dans la péninsule ibérique depuis que les
Portugais avaient commencé à explorer le littoral africain ; on les employait dans les plantations de
canne à sucre (en plein développement à Madère, aux Canaries, en Andalousie et en Sicile) ou
comme domestiques. C’est à partir de 1548, date à laquelle l’esclavage des Indiens est formellement
interdit, que la traite des Noirs africains s’intensifiera.
Après avoir épuisé la main-d’oeuvre autochtone, les Européens - Portugais et
Espagnols, et par la suite Anglais, Français et Hollandais - organiseront la traite des Noirs, c’est-àdire le transfert massif de travailleurs africains (souvent faits prisonniers et vendus par des chefs
locaux qui y trouvaient leur profit) vers les plantations d’Amérique. C’est ce qu’on a appelé le
commerce triangulaire, qui se combinait avec le trafic des denrées coloniales.
Vers 1570, on comptera déjà 250 000 Noirs dans les Amériques espagnoles. On a estimé que, vers 1790,
la traite des Noirs vers l’Amérique et les Antilles représentait annuellement pour chaque nation : 38 000 Noirs pour les
Anglais, 20 000 pour les Français, 10 000 pour les Portugais et 4 000 pour les Hollandais. En Amérique du Nord,
l’afflux des esclaves africains posera, au XIXe siècle, le problème noir, à l’origine de la guerre civile dite de Sécession
(1861-1865) ainsi que d’un courant de racisme qui a en partie persisté jusqu’à nos jours aux Etats-Unis.
4/ L’esprit de la colonisation.
L’Etat espagnol fut le premier à s’engager dans la colonisation proprement dite, non
seulement sur les plans politique (monopolisation des fonctions dirigeantes) et économique
(système du pacte colonial), mais aussi moralement et socialement, en prenant en faveur des Indiens
des lois imprégnées d’un grand esprit de justice (ainsi les nuevas leyes, nouvelles lois de 1542) mais qui, malheureusement, se heurtèrent, dans la pratique, à l’obstruction et à la cupidité des
colons.
La conscience espagnole mesura fort bien les problèmes humains de la colonisation beaucoup mieux même qu’aucune autre nation européenne du XVIe ou du XVIIe siècle. Les
directives coloniales d’Isabelle la Catholique (1474-1504), de Charles Quint et de Philippe II
manifestent de constantes préoccupations humanitaires et chrétiennes. Et si l’Espagne toléra puis
organisa elle-même la traite des Noirs, ce fut en partie pour alléger le fardeau qui pesait sur les
Indiens ; d’ailleurs, le dominicain Bartholomé de Las Casas, grand dénonciateur des abus des
conquérants et protecteur des Indiens, favorisa lui-même - dans un premier temps du moins - cette
étrange solution, que condamna le Cardinal Cisneros.
3. Religion : diffusion du christianisme et action humanitaire.
----------------------------------------------------------------------La diffusion du christianisme, à l’origine des grands voyages d’exploration, ira de pair avec
la colonisation. En dépit d’une évangélisation parfois sommaire et surtout d’une christianisation très
superficielle aux débuts, la religion catholique s’étend hors d’Europe par l’action des missionnaires
(Dominicains et Franciscains, ensuite Jésuites et Capucins), qui construisent des églises et ouvrent
des écoles. En particulier, l’Amérique latine et les Philippines (du nom de Felipe, le futur Philippe
II) deviennent catholiques comme l’Espagne, et le resteront jusqu’à nos jours.
4. Culture : brassages et élargissement des horizons mentaux.
---------------------------------------------------------------------a) Pour les colonies
Les civilisations des Aztèques et des Incas furent en grande partie détruites pour faire
place à la culture importée par les conquérants. Celle-ci - notamment l’art baroque - prendra une
certaine couleur locale par l’assimilation de quelques éléments de la culture indienne. C’est ainsi
que s’élaborera peu à peu la nouvelle civilisation hispano-américaine. La langue et les moeurs
espagnoles (ou portugaises, au Brésil) sont demeurées les éléments constitutifs de la civilisation en
Amérique latine.
b) Pour l’Europe
Ancien et nouveau mondes apprirent à se connaître. L’Europe échangeait ses boeufs, ses
moutons et ses chevaux contre le maïs, le haricot, la pomme de terre, la tomate, le tabac et le cacao.
Mais là ne se bornèrent pas les relations.
1/ Progrès scientifiques
Le contact avec tant de nouveautés stimula la curiosité scientifique. Souvent
fantaisistes, les récits des explorateurs enfiévrèrent les imaginations et poussèrent à y aller voir de
plus près. Des disciplines comme la géographie, l’astronomie, la botanique, la zoologie,
l’ethnographie progressèrent. Instigatrice des découvertes, la science, en retour, bénéficiait de
celles-ci.
2/ Sens du relatif
Sûrs, jusqu’alors, de leur supériorité, les Européens accédèrent, à longue échéance, à
une certaine notion de la relativité des choses. La diversité des coutumes et des morales
rencontrées ébranla leurs certitudes. Déjà à la fin du XVIe siècle, Montaigne s’interroge sur le bienfondé et sur la vérité de l’éthique occidentale. De telles réactions restaient cependant assez mal
vues, leur auteur étant affublé de la qualification péjorative de doubteur. Ce n’est qu’à partir du
XVIIIe siècle que les choses commenceront sérieusement à changer dans ce domaine.
5. Politique : la colonisation.
------------------------------Le nouveau système politique, économique et social sera lourd de conséquences sur le plan
politique.
a) Pour les colonies
Le pacte colonial soulèvera maintes difficultés, à l’origine de graves conflits entre les
colonies et leur métropole.
b) Pour l’Europe : prépondérance espagnole (1500-1648) et rivalités accrues.
1/ Grandeur et décadence de l’Espagne.
On l’a vu, l’Espagne, pourvue de nombreuses colonies qui l’enrichissent,
traverse une période particulièrement faste de son histoire (le siècle d’or). L’or soutient la politique
internationale de ses rois, leur facilitant le recrutement de mercenaires et l’entretien d’une armée
très importante tout en leur permettant de pratiquer une diplomatie fort active et de gagner ainsi des
partisans à l’étranger. Ainsi, l’Espagne tend à l’hégémonie mondiale sous Charles Ier (Charles
Quint) et son fils Philippe II.
Néanmoins, la grandeur fera peu à peu place à la décadence, et cela pour des
raisons à la fois politiques, économiques et sociales.
Sur le plan politique, les souverains espagnols doivent faire face à
d’énormes dépenses - d’autant que le coût de la vie augmente - : outre l’entretien d’un immense
empire colonial (marine, soldats, fonctionnaires), la monarchie absolue se lance dans une politique
de prestige, se mêlant aux conflits politiques et religieux afin de s’assurer la suprématie
européenne ; elle pratique le mécénat dans le domaine religieux et artistique (Contre-réforme).
Sur le plan économique, l’afflux des métaux précieux d’Amérique va se
retourner contre ses premiers bénéficiaires. Disposant de moyens financiers considérables,
l’Espagne - à l’image de l’ancien Empire romain d’Occident - préfère acheter à l’étranger que faire
l’effort de s’industrialiser pour pourvoir à ses besoins. Elle néglige ainsi le développement de son
économie nationale, et les Espagnols abandonnent tout effort : un métier manuel est considéré
comme humiliant. Dès lors, rien ne peut empêcher l’exode de l’or, qui lui procure les marchandises
produites ailleurs en Europe.
Ainsi, à ne vouloir vivre que de l’exploitation du Nouveau Monde,
l’Espagne deviendra elle-même, dès la fin du XVIe siècle, une terre d’exploitation pour les autres
puissances.
2/ Le partage des mers et la course aux colonies.
Dans un premier temps, Espagne et Portugal revendiquent le monopole de la
navigation (vers l’ouest pour la première, vers l’est pour le second), en invoquant le principe du
mare clausum (mer fermée), selon lequel les océans sont susceptibles d’appropriation au même titre
que les terres. Le pape Alexandre VI ayant reconnu ce principe en 1493, les deux Etats partagèrent
l’Atlantique en deux sphères d’influence, séparées à peu près par le méridien de 45 degrés de
longitude ouest (traité de Tordesillas*, 1494) ; après l’expédition de Magellan (1519-1522), une
ligne de partage fut tracée également dans le Pacifique (1529).
Par la suite, la position dominante des pays ibériques sera battue en brèche par les
puissances exclues du premier partage - Angleterre, Provinces-Unies, France. Celles-ci, après avoir,
à partir de 1530, équipé plusieurs expéditions d’exploration infructueuses en vue de rallier les Indes
par le nord (Cabot, Davis, Baffin, Cartier, Hudson, Willoughby, Chancellor, Barendsz, Heemskerk),
se trouvèrent devant l’alternative de renoncer ou de se rabattre vers le sud en s’attaquant au
monopole ibérique. Elles vont engager une lutte navale acharnée au nom du principe du mare
liberum (liberté des mers). Au début, cette lutte se borna à des opérations de pirates (Jean Angot,
William et John Hawkins, Francis Drake) - qui n’avaient que faire de théories et de conventions, et
étaient encouragés en sous-main par les gouvernements intéressés. Mais bientôt Elizabeth Ière
soutint ouvertement pirates et corsaires.
* CORSAIRE (de l’ital. corsa = course, au sens d’action de parcourir la mer pour faire du pillage).
1° Anc. Navire armé pour la course par des particuliers, avec l’autorisation du gouvernement. 2°
Aventurier, pirate.
* PIRATE (gr. peiratês, m.s.). Aventurier qui court les mers pour piller les navires de commerce.
* FORBAN (à p. du XVIIe s., du francique firbannjan = anc.français forbannir = bannir) Pirate qui
entreprend à son profit une expédition armée sur mer sans autorisation.
* FLIBUSTIER (à p. du XVIIe s., de l’angl. flibutor, altération du néerl. vrijbuiter = qui fait du butin
librement, franc pillard). Aventurier de l’une des associations de pirates qui, aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles,
écumaient les côtes et dévastaient les possessions espagnoles en Amérique.
* ÉCUMEUR (de écumer = retirer l’écume) - s.e. de mer, de côtes. Pirate, corsaire.
* BOUCANIER (de boucan, terme du XVIe s. repris à la langue des Caraïbes, = viande fumée). 1°
Aventurier, coureur de bois de Saint-Domingue qui chassait les boeufs sauvages pour en boucaner (faire sécher à la
fumée) la viande. 2° Par ext. Ecumeur de mer, pirate appartenant aux bandes pillardes qui infestaient l’Amérique.
La guerre que mèneront les Provinces-Unies avec l’aide de l’Angleterre va miner la
suprématie maritime de l’Espagne. Les Etats ne s’affronteront pas uniquement pour l’hégémonie
maritime, mais surtout pour établir, puis défendre, sur les rivages des océans, des colonies avec
lesquelles ils organiseront des relations commerciales privilégiées.
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