A. Conditions préalables et causes des grands voyages d’exploration.
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Voir le tableau qui précède.
Poussés par des motivations diverses - pour les uns il s’agit de satisfaire une curiosité
scientifique, pour d’autres de répandre l’Evangile, pendant que certains forment le projet d’une
gigantesque expédition destinée à en finir avec le séculaire ennemi musulman -, les Européens
d’Occident (Portugais puis Espagnols, bientôt suivis et concurrencés par les Anglais, les Français et
les Hollandais) vont, dès la seconde moitié du XVe siècle, se lancer dans de grands voyages
d’exploration outre-mer. Cependant, leur principale préoccupation est de trouver une nouvelle route
commerciale vers l’Asie (route de la soie et des épices) : il faut contourner le monopole commercial
des Italiens - renforcé à la suite des croisades - et celui des Turcs - imposé par les conquêtes des
Ottomans, parachevées avec la prise de Constantinople en 1453 - ; car ces intermédiaires obligés
pratiquent des tarifs prohibitifs, alors même que la demande de certains produits (épices, soie,
métaux précieux) va croissant sous la pression de l’essor économique et démographique européen.
B. Les empires coloniaux (A 70-71).
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L’observation de la carte met en évidence :
- l’importance des voyages de découverte, spécialement ceux de Christophe Colomb
(découverte du Nouveau Monde) et de Magellan (tour du monde) ;
- l’élargissement successif des horizons (tracés bleu, orange et vert) ;
- les limites des nouveaux horizons, avec la présence de terres inconnues (en brun) ;
- la ligne du partage du monde (terres à découvrir) entre Espagnols et Portugais au traité
de Tordesillas (1494).
- la différence entre les empires coloniaux portugais et espagnol : les Portugais, trop peu
nombreux, n’ont établi que des comptoirs commerciaux, d’où un empire très dispersé et
donc difficile à défendre ; les Hollandais sauront en profiter (voir A 82-83). Les
Espagnols, au contraire, vont conquérir de vastes territoires, renversant les pouvoirs en
place et transformant profondément les sociétés et les cultures.
C. Conséquences des grandes découvertes.
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1. Economie
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On voit apparaître une économie d’un type nouveau. A côté de l’économie rurale, qui reste
essentiellement domaniale, et celle, inaugurée au Temps des Villes, des petites agglomérations, dont
le rayon d’action dépasse rarement le cadre régional, on voit se mettre en place une économie
fondée sur le grand commerce international, principalement maritime, qui est favorisée par un
accroissement considérable des échanges. On peut parler d’une mondialisation de l’économie.
Le nouveau commerce atlantique est un commerce avant tout colonial, c’est-à-dire axé sur
le trafic des produits importés des terres colonisées (or, argent, épices, soieries, sucre, cuirs…).
A l’opposé du système commercial antérieur, qui reposait, au Proche-Orient, sur des
comptoirs commerciaux et sur le trafic caravanier, les marchandises sont maintenant obtenues à la
source et chargées en très grandes quantités sur de gros navires. Ce mode de commerce est donc à
la fois plus sûr et plus considérable.
a) Des produits nouveaux ou moins rares.
De nouveaux produits, tels que le cacao ou le maïs, viennent compléter l’alimentation des
Européens ; d’autres, déjà connus mais rares, comme la soie (Chine), le sucre de canne (Amérique
centrale) et les épices (Inde et Océan Indien) apparaissent en plus grande quantité sur les marchés.
b) La flambée des prix.
Après une période de stabilité (1450-1500), les prix vont connaître un mouvement de
hausse important et relativement constant entre 1500 et 1600 ; en 1590, les prix de 1500 auront été
multipliés par 3,5.
Certes, la découverte de nouvelles routes maritimes a permis de se passer
d’intermédiaires (Turcs, Italiens) et devait entraîner une baisse spectaculaire du prix de revient des
marchandises lointaines ; ainsi, le retour de Vasco de Gama dans l’estuaire du Tage fit baisser de
moitié le prix des épices. Cependant, de nouveaux facteurs vont rapidement provoquer une flambée
des prix sur les marchés.
1/ L’afflux des métaux précieux.
La production d’or double au cours du XVIe siècle, tandis que celle de l’argent
décuple, grâce surtout aux gisements de Potosi (Bolivie) et à une découverte technique, l’utilisation
du mercure (vers 1560) pour l’extraction du minerai. L’introduction massive, dans le circuit des
échanges, des métaux précieux - dont l’extraction augmentait en Europe (dès la fin du XVe siècle,
les mines d’argent allemandes sont en plein développement) aussi bien qu’en Amérique grâce aux
progrès de l’exploitation minière - va provoquer une baisse rapide de la valeur de la monnaie et une
hausse fantastique des prix des marchandises.
C’est l’inflation,* c’est-à-dire un gonflement excessif des moyens de paiement : la
quantité d’or et d’argent en circulation augmente plus vite que la quantité d’objets fabriqués ou de
matières premières. La masse monétaire étant devenue trop importante par rapport à l’offre de
produits, il en résulte une diminution de la valeur de la monnaie ; ce phénomène va entraîner à son
tour une forte hausse des prix : la monnaie ayant perdu les 3/4 de sa valeur, il faudra donner plus
d’argent pour payer un même produit.
2/ La population augmente et, par suite, la demande des objets fabriqués ou des produits
pour l’alimentation s’accroît ; c’est une deuxième raison de l’augmentation du coût de la vie.
3/ Le coût du transport et le paiement de nouveaux intermédiaires obligés pèsent
lourdement sur le prix de revient des marchandises importées.
4/ L’action des spéculateurs.
Les puissances colonisatrices, par le biais des monopoles d’Etat, et les négociants
veillent à réaliser de gros bénéfices ; ils savent mettre leur stock en vente au moment le plus
favorable. Leurs manoeuvres sont également à l’origine de la montée des prix.
c) Le développement du capitalisme.
1/ Le rôle des banques.
Puisant dans leurs réserves personnelles, encaissant le dépôt de l’épargne des
particuliers, empruntant pour prêter à d’autres, les banquiers deviennent indispensables. La cherté
de la vie accroît les besoins financiers des Etats, qui doivent de plus en plus emprunter. En effet,
aucun souverain de l’époque ne dispose de suffisamment d’argent liquide pour armer des navires,
acheter les produits coloniaux, faire les dépenses d’équipement, attendre le retour des flottes
marchandes, distribuer les produits coloniaux - sans parler de lever et d’entretenir des armées…
Les principaux banquiers sont des Allemands ou des Italiens. Ils prêtent largement aux
souverains, sans la moindre certitude de remboursement, mais sont dédommagés par toutes sortes
de garanties (mines, terres, voire même villes !) et de facilités. Grâce aux banquiers, le maniement
des valeurs devient de plus en plus facile : les banques ont de nombreuses succursales, et les lettres
de change* sont d’un usage courant.
2/ La spéculation et les centres d’affaires.
Les fluctuations continuelles des prix et la création de monopoles dans diverses
branches du commerce donnent une puissante impulsion à la spéculation. Le capitalisme et la
recherche calculée du profit par les grands hommes d’affaires triomphent partout.
Comme ils le faisaient déjà à la fin du XVe siècle, les négociants se retrouvent dans
les foires, qui ne durent que quelques semaines, voire quelques jours, et dans les bourses, qui
constituent un marché permanent de marchandises mais aussi de capitaux. On assiste à la fondation
de bourses de commerce dans les principaux centres économiques européens : Anvers, Londres,
Amsterdam, Lyon et Nuremberg. La plus grande ville d’affaires est Anvers (plus de 100 000
habitants au XVIe siècle) qui, tant par sa position géographique que par sa situation politique, est à
même de profiter à la fois de la fondation de l’empire espagnol et du développement des centres
d’affaires allemands.
3/ Conséquences.
Cette fièvre de l’argent et ce goût de la spéculation entraînent plusieurs conséquences
immédiates :
a/ un changement dans les idées concernant le prêt à intérêt, formellement condamné
jusque-là par l’Eglise (risque d’usure) et dont on commence à comprendre la nécessité dans un
monde qui à cessé d’être à dominante rurale pour devenir capitaliste ;
b/ la mobilisation des capitaux privés par les banquiers, qui reçoivent des dépôts -
pour lesquels ils servent des intérêts fixes, d’une foire à l’autre, ou pour un an -, associent les riches
seigneurs à leurs affaires et font profiter ainsi la grande noblesse de leurs spéculations ;
c/ La mainmise des banques sur les marchés, soit des matières premières, soit des
mines, soit des objets fabriqués. Entre elles, les banques se livrent à des luttes à mort.
d) L’industrialisation des campagnes.
Depuis le Moyen Age (XIIIe siècle), le travail dans la ville était organisé et dirigé par
des gildes, sociétés commerciales toutes-puissantes qui fixaient les prix et les salaires ; il
s’organisait en corporations, associations professionnelles groupant, par corps de métier, à la fois les
patrons, les apprentis et les ouvriers. L’affiliation à une corporation était obligatoire et impliquait le
respect de règlements. Ceux-ci, destinés principalement à garantir la qualité des produits et à se
prémunir contre la concurrence, étaient devenus avec le temps de plus en plus nombreux et
contraignants (voir le chapitre sur l’économie au XIVe siècle). En outre, les salaires comme les prix
étaient généralement assez élevés, compte tenu du mode de travail.
Cette forme d’économie protectionniste, à la production relativement limitée et coûteuse,
bornée au cadre étroit d’une ville et de son hinterland*, ne laissait pratiquement aucune liberté
d’action aux chefs d’entreprise. Dès lors, pour contourner cet obstacle, les entrepreneurs capitalistes
(fabricants et marchands), vont demander au souverain et obtenir une dérogation (privilège) à la
réglementation en vigueur, pour pouvoir établir des fabriques à la campagne (ils en ont les
moyens !), où ils disposeront d’une main-d’oeuvre meilleur marché qu’en ville et échapperont aux
contraintes du système corporatif tout en organisant le travail sur une plus grande échelle. Cette
pratique nouvelle, qui va contribuer à l’industrialisation des campagnes et à leur intégration
progressive dans le système capitaliste, se constate dès la fin du Moyen Age et s’amplifiera aux
Temps modernes. On peut la comparer à la politique moderne de délocalisation d’entreprises.
L’industrie flamande de la laine et de la toile, les soieries de la vallée du Rhône et la
métallurgie, par exemple, se développent dans le plat-pays et sur une base capitaliste.
e) Le déplacement de l’activité commerciale.
Par la découverte des nouvelles voies maritimes, les ports méditerranéens, qui vivaient du
commerce levantin, perdront la majeure partie de leur importance. Le centre de gravité du grand
trafic international, axé depuis l’Antiquité sur la Méditerranée, se déplace vers la côte
atlantique. Lisbonne (Portugal) devient l’entrepôt des produits de l’Inde, Cadix (Espagne) celui des
métaux précieux du Nouveau Monde. Anvers, Amsterdam, Londres et Bordeaux sont les autres
pôles principaux de la nouvelle économie européenne.
N.B. La Méditerranée ne reprendra une grande importance comme axe commercial qu’à partir du
percement du canal de Suez (1869) ; à cette époque, la puissance turque sera devenue depuis longtemps
incapable de constituer une menace pour le trafic international.
f) L’enrichissement des puissances colonisatrices et - à travers ou malgré elles - des
Etats maritimes d’Europe occidentale.
Le commerce colonial est si rémunérateur que les Etats colonisateurs s’efforcent d’en tirer
un profit maximum en pratiquant une politique protectionniste (voir ci-après, le mercantilisme).
Pourvue de colonies qui l’enrichissent, l’Espagne connaît la période la plus brillante de son histoire
(1492-1648) et s’assure la prépondérance en Europe.
g) Le mercantilisme, une politique économique nouvelle.
1/ Contexte historique.
A partir du XVIe siècle jusqu’au début du XVIIIe, la doctrine qui inspirera la politique
économique des Etats de l’Europe occidentale est le mercantilisme* (de l’italien mercante =
marchand, à cause de l’importance prise dans ce système par les échanges commerciaux).
L’adoption de cette doctrine, en particulier en Espagne, en France et en Angleterre, s’explique
essentiellement par deux facteurs :
- l’établissement définitif des grands Etats nationaux à tendance absolutiste et
pratiquant une politique de suprématie ;
- l’afflux des métaux précieux à la suite des grandes découvertes : l’arrivée massive
d’or et d’argent dans une Europe qui avait été jusqu’alors gênée dans son développement
économique par la rareté du numéraire provoque une véritable révolution dans les conceptions et
dans les moeurs.
2/ Définition.
Le mercantilisme* est une doctrine économique appliquée principalement aux XVIe
et XVIIe siècles, et qui vise à procurer à l’Etat un maximum de richesses en métaux précieux (or et
argent) au moyen d’échanges commerciaux favorables.
L’idée essentielle de cette nouvelle théorie est donc que la seule richesse véritable
consiste dans le numéraire (stock monétaire, or et métaux précieux). Les mercantilistes considèrent
que la masse des richesses est fixe, et, dès lors, qu’un Etat ne peut pas gagner davantage sans que
son partenaire perde.
3/ Buts.
Le but poursuivi sera à la fois d’ augmenter le stock monétaire de l’Etat - c’est le
principe même du mercantilisme -, et d’assurer l’autosuffisance nationale (autarcie). Pour
parvenir à ce double objectif, il faudra garder son or et attirer l’or étranger, ce qui suppose
d’exporter le plus possible et d’importer le moins possible. En d’autres termes, il s’agit d’obtenir
une balance commerciale favorable, c’est-à-dire excédentaire pour le pays concerné.
4/ Moyens.
a/ Le protectionnisme*.
C’est une politique économique visant, comme son nom l’indique, à protéger la
production nationale contre la concurrence étrangère, et cela par diverses mesures (droits de douane
élevés frappant les importations, monopole du transport, etc.).
Exemple : la loi anglaise sur le commerce maritime, connue sous le nom d’acte de
navigation* (1651). Dans la pratique, cette loi interdit aux navires étrangers d’importer en Grande-
Bretagne des marchandises ne provenant pas de leur pays d’origine, et réserve à la marine nationale
le monopole du trafic de l’Angleterre avec l’Amérique, l’Afrique et l’Asie.
b/ Le pacte colonial*.
Il ne s’agit nullement, comme on pourrait le croire, d’un accord conclu sur pied
d’égalité entre deux puissances. L’expression désigne en fait les conditions imposées par une
métropole à sa colonie pour ce qui concerne leurs relations économiques - étant bien entendu
qu’une colonie est faite avant tout pour assurer l’enrichissement de la métropole. Les principes du
pacte colonial se résument à l’exclusive (on dit aussi l’exclusif), c’est-à-dire à un monopole très
strict de la métropole tant dans le domaine industriel que dans le domaine commercial :
- sur le plan industriel : la colonie se voit interdire - totalement ou partiellement - de
manufacturer des produits, pour ne pas nuire à l’industrie métropolitaine ;
- sur le plan commercial : les produits et les esclaves entrant dans la colonie doivent
provenir de la métropole, ou du moins être transportés par la marine métropolitaine (l’importation
éventuelle selon d’autres modalités sera frappée de taxes plus ou moins élevées en faveur de la
métropole) ; l’exportation des produits coloniaux doit se faire - uniquement ou principalement - à
destination de la métropole et par bateaux nationaux.
En contrepartie, la métropole accorde un traitement de faveur aux produits de ses propres
colonies. Dans la pratique cependant, sa situation de monopole lui permet d’acheter à bon marché et
de vendre cher - d’où l’importance du pacte colonial dans la politique mercantiliste.
N.B. Le pacte colonial constitue une forme de protectionnisme. On peut le
comparer au régime qui, à partir du Temps des villes, était imposé par les grands centres urbains aux
campagnes environnantes.
d/ Le dirigisme*.
Le commerce colonial requiert d’équiper des flottes importantes et protégées,
d’entreposer (avec des délais plus ou moins longs) les marchandises, dont les prix sont sujets à de
brusques variations… En somme, il faut une organisation puissante et une force armée. Seuls les
Etats sont capables d’entretenir ce commerce avec les colonies. Compte tenu des intérêts colossaux
qui sont en jeu, on verra donc s’imposer une forme d’économie dirigée : au nom de l’intérêt
supérieur du pays - et sans tenir compte des intérêts particuliers ou
sectoriels -, l’Etat va intervenir dans l’économie, imposant réglementations et contrôles.
5/ Bilan du mercantilisme.
a/ Aspect positif : un essor économique indéniable.
Le mercantilisme, en particulier en Grande-Bretagne et en France, favorisa
incontestablement l’essor économique, car le capitalisme naissant ne pouvait se passer de
l’appui de l’Etat pour mener de grandes entreprises telles que la création de manufactures ou
de compagnies de navigation. En permettant une accumulation et une concentration de
capitaux sans précédent, en assurant aux Etats colonisateurs des marchés privilégiés, , le
mercantilisme apporta les ressources indispensables à l’exploitation des grandes innovations
technologiques du XVIIIe siècle. Il prépara donc la révolution industrielle et l’ère du
capitalisme.
b/ Aspects négatifs.
- facteur de guerres.
Le mercantilisme n’est en somme qu’une guerre d’argent, et il aboutira souvent à
des guerres tout court. A la longue, en effet, le système tend à l’autarcie. Mais un acteur
économique qui veut produire beaucoup et consommer peu, vendre beaucoup et acheter peu,
ne peut être qu’insupportable à ses partenaires.
Ex. : guerre anglo-hollandaise (1652-1654) suite à la promulgation par
Cromwell de l’Acte de Navigation ; guerre franco-hollandaise (1672-1678) suite à
l’établissement par Colbert* d’un tarif protectionniste en 1667.
- dirigisme tracassier.
Tout à l’opposé du libéralisme qui sera adopté vers la fin du XVIIIe siècle par les pays
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