Les fluctuations continuelles des prix et la création de monopoles dans diverses
branches du commerce donnent une puissante impulsion à la spéculation. Le capitalisme et la
recherche calculée du profit par les grands hommes d’affaires triomphent partout.
Comme ils le faisaient déjà à la fin du XVe siècle, les négociants se retrouvent dans
les foires, qui ne durent que quelques semaines, voire quelques jours, et dans les bourses, qui
constituent un marché permanent de marchandises mais aussi de capitaux. On assiste à la fondation
de bourses de commerce dans les principaux centres économiques européens : Anvers, Londres,
Amsterdam, Lyon et Nuremberg. La plus grande ville d’affaires est Anvers (plus de 100 000
habitants au XVIe siècle) qui, tant par sa position géographique que par sa situation politique, est à
même de profiter à la fois de la fondation de l’empire espagnol et du développement des centres
d’affaires allemands.
3/ Conséquences.
Cette fièvre de l’argent et ce goût de la spéculation entraînent plusieurs conséquences
immédiates :
a/ un changement dans les idées concernant le prêt à intérêt, formellement condamné
jusque-là par l’Eglise (risque d’usure) et dont on commence à comprendre la nécessité dans un
monde qui à cessé d’être à dominante rurale pour devenir capitaliste ;
b/ la mobilisation des capitaux privés par les banquiers, qui reçoivent des dépôts -
pour lesquels ils servent des intérêts fixes, d’une foire à l’autre, ou pour un an -, associent les riches
seigneurs à leurs affaires et font profiter ainsi la grande noblesse de leurs spéculations ;
c/ La mainmise des banques sur les marchés, soit des matières premières, soit des
mines, soit des objets fabriqués. Entre elles, les banques se livrent à des luttes à mort.
d) L’industrialisation des campagnes.
Depuis le Moyen Age (XIIIe siècle), le travail dans la ville était organisé et dirigé par
des gildes, sociétés commerciales toutes-puissantes qui fixaient les prix et les salaires ; il
s’organisait en corporations, associations professionnelles groupant, par corps de métier, à la fois les
patrons, les apprentis et les ouvriers. L’affiliation à une corporation était obligatoire et impliquait le
respect de règlements. Ceux-ci, destinés principalement à garantir la qualité des produits et à se
prémunir contre la concurrence, étaient devenus avec le temps de plus en plus nombreux et
contraignants (voir le chapitre sur l’économie au XIVe siècle). En outre, les salaires comme les prix
étaient généralement assez élevés, compte tenu du mode de travail.
Cette forme d’économie protectionniste, à la production relativement limitée et coûteuse,
bornée au cadre étroit d’une ville et de son hinterland*, ne laissait pratiquement aucune liberté
d’action aux chefs d’entreprise. Dès lors, pour contourner cet obstacle, les entrepreneurs capitalistes
(fabricants et marchands), vont demander au souverain et obtenir une dérogation (privilège) à la
réglementation en vigueur, pour pouvoir établir des fabriques à la campagne (ils en ont les
moyens !), où ils disposeront d’une main-d’oeuvre meilleur marché qu’en ville et échapperont aux
contraintes du système corporatif tout en organisant le travail sur une plus grande échelle. Cette
pratique nouvelle, qui va contribuer à l’industrialisation des campagnes et à leur intégration
progressive dans le système capitaliste, se constate dès la fin du Moyen Age et s’amplifiera aux
Temps modernes. On peut la comparer à la politique moderne de délocalisation d’entreprises.
L’industrie flamande de la laine et de la toile, les soieries de la vallée du Rhône et la
métallurgie, par exemple, se développent dans le plat-pays et sur une base capitaliste.
e) Le déplacement de l’activité commerciale.
Par la découverte des nouvelles voies maritimes, les ports méditerranéens, qui vivaient du
commerce levantin, perdront la majeure partie de leur importance. Le centre de gravité du grand
trafic international, axé depuis l’Antiquité sur la Méditerranée, se déplace vers la côte
atlantique. Lisbonne (Portugal) devient l’entrepôt des produits de l’Inde, Cadix (Espagne) celui des