Antibiothérapie des états septiques graves Benoît Ragonnet, Clément Brun, Julien Textoris, Marc Leone Service d’anesthésie et de réanimation, Hôpital Nord, Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille, Aix Marseille Université, 13915 Marseille Cedex, France. E-mail : [email protected] Introduction La prescription d’une antibiothérapie probabiliste est définie comme l’initiation d’un traitement antibiotique en présence d’une infection prouvée ou suspectée avant l’identification microbiologique, c’est-à-dire avant que le ou les micro-organismes responsables de l’infection ne soient identifiés. En prenant en considération tous les éléments disponibles, elle doit correspondre au traitement admis pour être efficace dans la situation en cause. L’adéquation de l’antibiothérapie probabiliste initiale vis-à-vis du ou des germes responsables de l’infection a démontré son impact sur l’amélioration du pronostic vital des patients en sepsis grave, notamment en cas de bactériémies, de péritonites et de pneumopathies. Le défi consiste ainsi à prescrire un traitement approprié sans aucune documentation microbiologique. 1. Principes Tout retard à l’initiation d’une antibiothérapie appropriée chez les patients en sepsis grave est associé à une mortalité accrue [1-3]. Ainsi, les patients chez lesquels il existe une suspicion d’infection associée à une défaillance d’organe doivent recevoir une antibiothérapie probabiliste. De même, un tel traitement est justifié dans certains cas de suspicion d’infections graves, comme les méningites ou dans des populations spécifiques de patients. Le délai d’administration des antibiotiques est primordial, conditionnant directement le pronostic. Le choix de l’antibiothérapie probabiliste repose sur la synthèse de différents éléments décisionnels tels que la connaissance du site infecté, le terrain, la gravité du tableau clinique et le caractère lié aux soins ou non de l’infection [4]. Cette réflexion en amont de la prescription est un pari microbiologique. La connaissance de l’écologie bactérienne de l’unité dans laquelle le patient est hospitalisé, de la flore colonisante du patient et des données fournies par l’examen direct des prélèvements bactériologiques s’intègre dans cette évaluation. La synthèse de ces éléments permet la prescription raisonnée de l’antibiothérapie probabiliste [5]. Dans ce contexte, la conformation des praticiens aux recommandations publiées revêt une importance particulière [6]. Afin de minimiser le risque d’échec, l’antibiothérapie probabiliste est le plus souvent à large spectre. La principale limite de cette approche est qu’elle conduit possiblement à la surconsommation d’antibiotiques [7]. Cette pratique peut alors 188 MAPAR 2013 être associée à l’émergence de bactéries multirésistantes, à des infections à Clostridium difficile et à une augmentation des coûts [8]. Il est ainsi primordial de déterminer les conditions dans lesquelles une antibiothérapie probabiliste doit être initiée. Enfin, chez tous les patients, le traitement antibiotique probabiliste doit être systématiquement réévalué et ajusté dès que l’identification microbiologique et les résultats de l’antibiogramme sont disponibles. Cette pratique, qui implique généralement une désescalade du traitement probabiliste, est associée à une diminution de l’incidence des surinfections et de l’émergence de résistances aux antibiotiques [8]. 2.Délai d’administration En fonction de la situation clinique rencontrée, on identifie schématiquement trois délais d’administration recommandés : urgent, précoce ou différé. Urgent et précoce sont définis par la nécessité d’administrer le(s) antibiotique(s) respectivement dans l’heure et dans les six à huit heures après le diagnostic. L’administration de l’antibiothérapie peut être différée de 8 à 24 h si on suspecte une infection non grave chez un patient stable [9]. Dans les infections non associées à des signes de gravité, il est probablement raisonnable de surseoir à la prescription d’antibiotiques en l’absence de documentation microbiologique, notamment chez des patients sous surveillance continue. Cette attitude réduit l’utilisation d’antibiotiques, augmente l’adéquation des traitements, et diminue les coûts [10]. Chez les patients atteints de sepsis grave ou de choc septique, il est recommandé d’administrer l’antibiothérapie dans l’heure suivant le diagnostic [11], chaque heure de retard dans l’administration d’antibiotiques est associée à une diminution moyenne de survie de 7,6 %. C’est ainsi qu’il est fondamental de s’assurer que les prescriptions sont réellement administrées sans retard. Il en est de même en présence d’un patient neutropénique, splénectomisé et avec des symptômes neuroméningés évoquant une méningite (Figure 1). • Traitement antibiotique dans les 3 mois • Ecologie locale : forte prévalence des BMR • Immunodépression • Facteurs de risque de pneumonie liée aux soins : - Hospitalisation > 3 jours (< 21 jours) - Patient vivant en institution - Patient en hospitalisation à domicile - Hémodyalise dans les 30 jours - Notion de membre de la famille porteur de BMR NON ß-lactamine sans activité contre P. aeruginosa <5j Associer de la gentamicine (ou une fluoroquinolone) OUI Signe de choc ET Séjour en réanimation Suspicion de SARM ß-lactamine avec activité contre P. aeruginosa >5j Associer de l'amikacine (ou une fluoroquinolone) Ajourter un antibiotique actif sur le SARM (glycopeptide ou linezolide*) Adapter l'antibiothérapie dès l'identification de la bactérie Figure 1 : Algorithme décisionnel pour la prise en charge des patients en état septique grave en réanimation. SARM : Staphylococcus aureus résistant à la méticilline ; BMR : bactérie multirésistante ; *seulement si insuffisance rénale. Infectieux 189 3. Choix de l’antibiothérapie probabiliste Le choix de l’antibiothérapie probabiliste est basé sur les caractéristiques de l’hôte, le site de l’infection, l’écologie locale, la pharmacocinétique et la pharmacodynamie des antibiotiques. Par ailleurs, la toxicité et les coûts des molécules sont à prendre en compte. Le choix entre monothérapie et association d’antibiotiques est également discuté dans ce paragraphe. Des propositions d’antibiothérapies probabilistes pour le traitement des infections nosocomiales graves sont regroupées dans le Tableau I. Tableau I Bactéries suspectées en fonction du site de l’infection et propositions d’antibiothérapies pour les infections graves. SARM : Staphylococcus aureus résistant à la methycilline ; BMR : Bactérie multirésistante. La somme des pourcentages ne totalise pas 100 car certains patients ont plusieurs infections ou des infections polymicrobiennes. Site Infections urinaires (Pyélonéphrite aiguë grave) Bactérie Enterobacteriacae : • Escherichia coli • P. aeruginosa • Enterococcus sp. • Staphylococcus sp. Bacilles à Gram negative : • Escherichia coli • P. aeruginosa Cocci à Gram positif : • Enterococcus sp. Anaérobies: • Bacteroides sp. Champignons % 60-70 40 8 15 4 60 40 30 30 20 30 20 20 Traitement proposé Ceftriaxone IV ou ceftazidime (si suspicion de P. aeruginosa) ± aminoglycoside Ertapéneme (si absence de risque de P. aeruginosa) Pipéracilline-tazobactam Céphalosporine de 3°- or 4° génération (active sur P. aeruginosa) + métronidazole Imipéneme or doripéneme (facteurs de risque) ± fluconazole ± aminoglycoside (Etat de choc) Pneumonies • Enterobacteriacae 30–40 β-lactamine (active sur nosocomiales • P. aeruginosa 17-30 P. aeruginosa) • Staphylococcus a. 7-15 ± aminoglycoside • Streptococcus p. 3-5 ± glycopeptide ou linezolid si • Haemophilus influenzae 4-6 suspicion de SARM Pneumonies sans • Staphylococcus aureus 45 Céphalosporine de 3° generafacteur de risque • Streptococcus p. 9 tion deBMR • Haemophilus influenzae 20 sans activité sur P. aeruginosa •Autres bacilles à Gram20 ± Macrolide • Anaérobies 4 Infections cuta• Streptococcus sp. 40 β-lactamines + inhibiteur des nées • Staphylococcus sp. 30 β-lactamases • Anaérobies 30 Pipéracillin/Tazobactam • Bacilles à Gram négatif 10-20 Céphalosporine de 2° generation (céfoxitine) Carbapénemes Infections liées • Staphylococcus sp. 50 Glycopeptide ou Linezolid + aux • Enterobacteriacae 30 β-lactamine avec activité sur cathéters • P. aeruginosa 10-15 P. aeruginosa Méningites noso- • Bacilles à Gram négatif 60 Méropenem + Glycopeptide ou comiales - Acinetobacter sp. 30 Linezolid • Staphylococcus sp. 20 • Streptococcus sp. 10 • Neisseria meningitidis 1 Sepsis intraabodominal 190 MAPAR 2013 3.1.Caractéristiques du patient Pendant de nombreuses années, le choix des antibiotiques en réanimation était fonction de la durée de l’hospitalisation antérieure. Or, l’émergence de bactéries multirésistantes (BMR) communautaires a rendu ce concept obsolète [12]. Les facteurs de risque identifiés d’être porteur de BMR sont la prescription d’un traitement antibiotique dans les trois mois précédents, un séjour dans un hôpital dans les 30 jours précédents, une durée d’hospitalisation de plus de cinq jours, des soins invasifs à domicile, la présence d’un porteur de BMR dans l’entourage d’un patient et l’immunosuppression. En présence de ces facteurs de risque, le spectre de l’antibiothérapie initiale doit inclure les BMR. Cela implique le plus souvent la prescription d’un antibiotique actif sur les entérobactéries productrices d’une β-lactamase de spectre étendu (BLSE) et d’un antibiotique actif sur le Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM). Dans le cas des pneumonies, les facteurs de risque spécifiques d’infection à des BMR sont d’une durée d’hospitalisation ≥ deux jours, une résidence prolongée dans une institution médicalisée, un contexte d’hospitalisation à domicile, une dialyse chronique et un membre de la famille porteur de BMR. 3.2.Site de l’infection Le site de l’infection est l’un des principaux déterminants dans le choix de l’antibiothérapie (Tableau I). Les infections les plus fréquemment rapportées en réanimation sont les pneumonies (63 %), les infections intra-abdominales (20 %), les bactériémies (15 %) et les infections des voies urinaires (14 %) [12]. Leur gravité n’est pas égale, les infections urinaires étant associées à une faible morbidité. Chez les patients sans facteur de risque de BMR, les principaux microorganismes responsables de pneumonie sont : Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, Staphylococcus aureus, Legionella sp., Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae et les virus. Pour les patients avec des facteurs de risque de BMR, Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter baumannii, Klebsiella pneumoniae et le SARM doivent être suspectés. Soixante pour cent des épisodes de péritonites bactériennes primaires sont dues à des entérobactéries à Gram négatif, Escherichia coli et Klebsiella sp. étant les micro-organismes les plus fréquemment isolés. Des streptocoques et entérocoques sont retrouvés chez 25 % de ces patients. A contrario, les péritonites secondaires sont fréquemment polymicrobiennes, associant des bactéries à Gram négatif (E. coli, Enterobacter sp., Klebsiella sp.), des cocci à Gram positif (entérocoques dans 20 % des cas) et anaérobies (Bacteroides sp.). Pour les patients qui ont des facteurs de risque de BMR, ou dans le cas de péritonites tertiaires, les BMR et les levures sont prises en compte. Les infections cutanées sont également souvent polymicrobiennes. Les bactéries les plus fréquemment identifiées sont Streptococcus sp. (40 %), S. aureus (30 %), bactéries anaérobies (30 %) et les bactéries à Gram négatif (10-20 %). S. pneumoniae (35 %) et Neisseria meningitidis (32 %) sont responsables de la majorité des méningites communautaires, contrairement aux méningites postopératoires. La documentation bactériologique avec culture du liquide céphalo-rachidien est indispensable dans ce contexte. Du point de vue microbiologique, les staphylocoques (Staphylococcus epidermidis) et les bacilles Infectieux 191 à Gram négatif (entérobactéries et Acinetobacter baumanii) sont le plus souvent rencontrés dans ces méningites. 3.3.Ecologie locale Une connaissance de l’écologie locale augmente la probabilité de prescrire un traitement antimicrobien approprié. Le rôle des prélèvements systématiques reste discuté, avec des conclusions variables dans la littérature. Par contre, des points épidémiologiques, dont la fréquence est à déterminer, semblent utiles. L’idée est de connaître les micro-organismes les plus fréquents dans l’environnement de son unité. Le contrôle hebdomadaire ou bi-hebdomadaire est probablement moins efficace en termes de coût/bénéfice. La surveillance systématique évalue le niveau de résistance spécifique d’une unité donnée, identifie les patients porteurs de BMR et facilite la révision des protocoles à la lumière des modifications de l’écologie de l’unité [13]. Le bénéfice est collectif, en termes de rédaction de protocoles. Toutefois, devant la survenue d’une infection à l’échelon individuel, le poids de la surveillance systématique pour prescrire une antibiothérapie probabiliste est sujet à caution. 3.4.Pharmacocinétique et pharmacodynamie La pharmacocinétique des antibiotiques est modifiée chez les patients de réanimation en raison de l’importance de la balance hydrique journalière, des variations rapides de poids, de l’hypoalbuminémie, de l’œdème et de l’hématocrite réduit, qui conduisent à des variations importantes du volume de distribution, de la demi-vie et de l’élimination des antibiotiques [14]. D’une part le sepsis, en augmentant initialement le débit cardiaque et en créant un troisième secteur par augmentation de la perméabilité capillaire, augmente la clairance de nombreux antibiotiques. D’autre part, par les défaillances d’organe induites, le sepsis peut également réduire fortement cette même clairance. En conséquence, la surveillance des concentrations plasmatiques est encouragée. Ainsi, pour les antibiotiques concentration-dépendant comme les aminoglycosides, la prescription en une injection unique quotidienne est recommandée. La première dose, toujours élevée, est indépendante de la fonction rénale. Il est recommandé de limiter la prescription à trois jours [15]. Pour les β-lactamines, les concentrations plasmatiques doivent être au-dessus de la concentration minimale inhibitrice (CMI) des bactéries visées pendant au moins 50 % du temps qui sépare deux injections. Pour les fluoroquinolones, un ratio élevé AUC/CMI (AUC pour « Area Under Curve » : Aire sous la courbe) est nécessaire (> 125 ou 250 selon les molécules). Pour ces raisons, les β-lactamines et les fluoroquinolones doivent être prescrits à des posologies élevées et/ou en perfusion continue [16]. Toutefois, en cas d’insuffisance rénale, une adaptation des posologies est nécessaire. Enfin, la prédiction de la pénétration des antibiotiques au sein des organes et des tissus reste difficile en réanimation [17]. 3.5.Monothérapie ou association d’antibiotiques L’association d’antibiotiques est supposée élargir le spectre d’activité antibactérienne et dans certains cas augmenter l’activité bactéricide. Il est ainsi recommandé de prescrire une association d’antibiotique dans le traitement de bactéries spécifiques (principalement P. aeruginosa, Mycobacterium tuberculosis) et en présence d’un choc septique. Dans des analyses rétrospectives, l’association d’antibiotique apparaît associée à une diminution mortalité à 28 jours chez 192 MAPAR 2013 les patients en choc septique. Il semble cependant que le bénéfice se limite aux patients traités avec une β-lactamine comme antibiotique pivot, en association avec un aminoside, une fluoroquinolone ou un macrolide / clindamycine [18]. Si l’antibiotique pivot est une β-lactamine à très large spectre, l’association perd de son intérêt. Même si l’association d’antibiotiques a été proposée pour réduire l’émergence de résistances, il n’existe pas de données factuelles soutenant le bénéfice d’une association sur l’émergence de résistances avec les antibiotiques couramment utilisés en réanimation. Certains antibiotiques, comme la fosfomycine ou la rifampicine ne s’administre qu’en association. Toutefois, dans les états septiques graves, l’association d’une β-lactamine large spectre avec une fluoroquinolone, antibiotique responsable de l’émergence de BMR, reste trop employée en regard d’une littérature défavorable à cette association [19]. 4. Prélèvements microbiologiques et traitement étiologique Il est indispensable de réaliser des prélèvements microbiologiques avant d’initier une antibiothérapie probabiliste. Au moins deux séries d’hémocultures sont prélevées, incluant une série collectée en percutanée et une collectée sur chaque dispositif intravasculaire. La plus large quantité de sang doit être prélevée par flacon. Les urines, le liquide céphalorachidien, les sécrétions bronchiques et les autres fluides biologiques accessibles sont prélevés avant l’administration des antibiotiques, exceptés dans de rares situations cliniques particulièrement lors d’une suspicion de méningococcémie avec purpura fulminans. Un échantillon d’urine est également nécessaire pour la détection d’antigènes solubles dirigés contre Legionella pneumophila. La réalisation de prélèvements ne justifie aucun retard dans l’administration de l’antibiothérapie par rapport aux délais recommandés ci-dessus. La négativation possible des prélèvements n’est pas un argument recevable en cas d’infection avec défaillance d’organe. Le diagnostic rapide des bactéries par une meilleure utilisation des examens bactériologiques ou des techniques nouvelles comme la « RT-PCR » permettra dans les prochaines années de réduire l’utilisation prolongée des antibiotiques. Parallèlement à la prescription de l’antibiothérapie, le traitement étiologique, c’est-à-dire le contrôle du foyer infectieux est une priorité [20]. Cela comprend le drainage d’un abcès, le débridement des tissus infectés ainsi que le retrait des matériels potentiellement infectés. En effet, le retard dans le contrôle de la source d’une infection intra-abdominale est associé à une mortalité accrue. Dans le cas où un geste instrumental est indiqué, il est toujours précédé d’une première injection d’antibiotique [20]. 5. Désescalade thérapeutique Dans le cas d’infections mettant en jeu le pronostic vital, une antibiothérapie probabiliste à large spectre est débutée dans l’heure. Afin de réduire l’utilisation excessive des antibiotiques, les antibiotiques à large spectre sont substitués par des antibiotiques à spectre plus étroit dès l’identification de la bactérie responsable de l’infection [21]. Plusieurs études observationnelles ont montré que cette stratégie semblait sans danger pour des patients en choc septique. La désescalade est possible dans environ 60 % des situations. En l’absence d’essai clinique randomisé, il n’est pas possible d’exclure un éventuel effet négatif d’une Infectieux 193 telle stratégie. Cependant, la désescalade est une recommandation forte en termes d’antibiothérapie. 6.Durée de l’antibiothérapie Raccourcir la durée de l’antibiothérapie limite le développement des BMR et les récidives d’infections à BMR. Tout d’abord, il est nécessaire de réévaluer la pertinence de l’antibiothérapie probabiliste après trois jours de traitement. A cette date, l’identification des bactéries responsables est le plus souvent disponible. Arrêter les antibiotiques si les cultures microbiologiques sont négatives au troisième jour semble approprié chez les patients qui ont une évolution clinique favorable [22]. En présence d’une infection documentée, il est recommandé de raccourcir la durée de l’antibiothérapie à huit jours dans le traitement des pneumonies associées à la ventilation mécanique, excepté lorsque l’on traite un bacille gram négatif non fermentant [23]. De façon similaire, la durée du traitement dans les péritonites tend à diminuer. Une étude randomisant des patients ayant une péritonite primaire a montré qu'une durée de traitement de cinq jours était aussi efficace qu'une durée de 10 jours [24]. Plus généralement, les observations cliniques incitent à utiliser des traitements courts dans la plupart des situations infectieuses [25]. Les durées de traitement en fonction du site sont listées dans le Tableau II. Tableau II Durées proposées d’antibiothérapie en fonction des recommandations de l’IDSA Site de l’infection Durée du traitement Infection pulmonaire Pneumonie communautaire à S. pneumoniae 8 jours Pneumonie associée à la ventilation mécanique 8 jours* Pneumonie associée à la ventilation mécanique et immunodépression 14 jours Pneumonie à L. pneumophila 21 jours Pneumonie avec nécrose pulmonaire ≥ 28 jours Infections intra-abdominales Péritonite communautaire < 8 jours Péritonite post-opératoire 14 jours Infections du système nerveux central Méningococcémie 5 - 8 jours Méningite à S. pneumoniae 10-14 jours Méningite post-opératoire à S. epidermidis ou Enterobacteriacae 14 jours Méningite due to L. monocytogenes 21 jours Méningite post-opératoire à S. aureus ou P. aeruginosa 21 jours Abcès cérébral ≥ 28 jours Bactériémie sur cathéter S. epidermidis ou enterobacteriacae < 8 jours S. aureus / Candida sp. (non compliquée) 14 jours S. aureus (compliquée) ≥ 28 jours 194 MAPAR 2013 *Pseudomonas aeruginosa peut demander 14 jours de traitement Les biomarqueurs peuvent être utiles dans cette démarche. Le dosage de la procalcitonine, intégré dans un algorithme clinique, est associé à une réduction de la durée de l’antibiothérapie des patients hospitalisés dans le cadre d’une pneumonie communautaire [26]. En revanche, il n’existe à ce jour aucune donnée pour initier un traitement antibiotique sur la seule valeur de la concentration de procalcitonine. 7. Rédaction de protocoles écrits Des recommandations intégrant l’écologie microbienne locale sont nécessaires pour encadrer la prescription d’antibiotiques dans le but de réduire le développement des BMR. En effet, la présence de protocoles incite à stopper l’antibiothérapie en cas de prélèvement négatif et réduit la durée de l’antibiothérapie. De plus, une prescription inadaptée est souvent secondaire à l’absence de protocole disponible dans les services ou au non-respect du protocole [27]. Enfin, la mise en forme de protocole permet d’adapter des recommandations nationales ou internationales à l’écologie locale d’une unité. La prise en compte de ce paramètre dans le choix des molécules à employer est associée à une meilleure efficacité, retentissant sur le pronostic des patients [28]. Conclusion La prescription d’une antibiothérapie probabiliste est une stratégie rationnelle qui doit tenir compte de l’écologie bactérienne locale, des antécédents du patient, de son état clinique. Elle est suivie d’une réévaluation précoce afin de cibler le traitement sur le(s) micro-organisme(s) responsable(s) de l’infection. L’antibiothérapie probabiliste est initiée en se référant à des protocoles écrits conformes aux recommandations publiées et tenant compte de l’écologie locale. La désescalade est systématiquement envisagée, mais l’escalade thérapeutique est une option si l’état clinique du patient s’aggrave ou si le traitement probabiliste initial n’était pas adapté. En l’absence de documentation microbiologique, la poursuite d’un traitement antibiotique doit être l’exception. Afin de réduire l’émergence des BMR, la première stratégie est de limiter l’utilisation d’antibiotiques aux seules infections documentées, en dehors des infections qui mettent en jeu le pronostic vital. Références bibliographiques [1] Luna CM, Vujacich P, Niederman MS, Vay C, Gherardi C, Matera J, et al. Impact of BAL data on the therapy and outcome of ventilator-associated pneumonia. Chest. 1997 Mar;111(3):676-85 [2] Iregui M, Ward S, Sherman G, Fraser VJ, Kollef MH. Clinical importance of delays in the initiation of appropriate antibiotic treatment for ventilator-associated pneumonia. Chest. 2002 Jul;122(1):262-8 [3] Leone M, Bourgoin A, Cambon S, Dubuc M, Albanese J, Martin C. 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