FAIT CLINIQUE CONFLIT VASCULO-NERVEUX DU NERF OCULOMOTEUR COMMUN (NOC). A PROPOS D’UNE OBSERVATION ET REVUE DE LA LITTERATURE Cherif Mohamadou AIDARA (1), Sokhna Ba DIOP (1), Maguette Sakho (2), Abdoulaye Dione Diop (1), Abdoulaye Ndoye Diop (1) (Dakar, Sénégal) (1) Service de Radiologie Générale CHU Fann, Av. Cheikh Anta Diop. BP 5035 Dakar-Fann Tel : 00221 33 869 18 18 Sénégal (2) Service de Neurochirurgie CHU Fann, Av. Cheikh Anta Diop. BP 5035 Dakar-Fann Tel : 00221 33 869 18 18 Sénégal RESUME : L’IRM haut-champ est le maître examen dans l’exploration des nerfs crâniens grâce à ses séquences classique en spin écho, en écho de gradient, les séquences en diffusion et les séquences haute résolution T2 et vasculaire en temps de vol (TOF). Les anévrismes dominent par ordre de fréquence les étiologies des paralysies du nerf oculomoteur commun (NOC). L’atteinte de ce dernier par croisement vasculaire conflictuel est rarement rapportée. Nous en présentons ici une observation révélée par une paralysie oculomotrice explorée en IRM haut champ 1.5T et accentuons notre propos sur la sémiologie des conflits vasculo-nerveux. Mots-clés : paralysie oculomotrice, conflit vasculo-nerveux par croisement, IRM haut-champ SUMMARY: High-field MRI examination is the master on cranial nerve exploration with his classical spin echo sequence, gradient echo, diffusion sequences and sequences in high resolution T2 weighted and vascular time of flight (TOF). Aneurysms are the most frequent etiologies of common oculomotor nerve palsy. Its reached by cross vascular conflict is rarely reported. We report a case of oculomotor palsy du to neuro vascular conflict explored on 1.5T high-field MRI and increase our remarks on the neurovascular conflicts semiology. Keywords: occulor motor nerve palsy, neuro-vascular conflict, high-field MRI Correspondance et tiré à part Cherif Mohamadou AIDARA Email :[email protected] 92 J Afr Imag Méd 2014; (6), 1: 92-96 C M Aidaraet al INTRODUCTION : L’IRM haut champ est la technique actuelle la plus performante pour l’exploration des nerfs crâniens. Les séquences IRM les plus performantes pour identifier un conflit vasculonerveux étant le T2 haute résolution qui permet de visualiser le trajet nerveux et la séquence vasculaire en temps de vol qui permettent de voir avec précision le vaisseau responsable. Ces deux dernières séquences pouvant faire l’objet de post traitement en MPR ou en MIP. Cependant toute paralysie brutale douloureuse du NOC doit faire évoquer un anévrisme compressif tant pour sa gravité que les possibilités thérapeutiques actuelles endovasculaires (1 ; 2). Les rapports vasculaires étroits du III doivent cependant faire envisager une souffrance du III par conflit vasculo nerveux que seule l’IRM haut-champ peut démontrer. MATERIEL ET METHODE : A Mr F. S. S. 45 ans, céphalagique chronique connu non étiquetté est adressé en IRM pour bilan d’une paralysie oculomotrice gauche rapidement progressive. L’examen était effectué sur une IRM Phillips 1.5T avec des séquences en T1 SE, T2 TSE, T2 FLAIR, T2*, diffusion, de séquence en T2 haute résolution centrée sur le tronc cérébral et une séquence vasculaire en temps de vol (TOF) centré sur la base du crane. RESULTATS : La séquence T2 haute résolution montrait un croisement entre le NOC et l’artère cérébelleuse supérieure gauche (figure 1). A son passage, le nerf surcroisant l’artère était déformé. La séquence TOF reconstruite (figure 2) en MIP montrait la cérébelleuse supérieure et la cérébrale postérieure hypoplasique rejoignant en bas la carotide interne (figure 1). Les autres séquences T1 SE, T2 SE, T2 FLAIR et T2*, la diffusion ne montraient pas d’anomalie significative. B Fig 1 : En A coupe axiale en T2 haute résolution montrant le III gauche croisant à angle droit l’artère cérébelleuse supérieure (flèche). Le nerf est significativement élargi au contact (tête de flèche). En B reconstruction coronale de la même séquence montrant le III gauche (flèche noire) qui apparaît plus gros en discrêt hypersignal et sur un plan au dessus du III droit (flèche blanche). 93 J Afr Imag Méd 2014; (6), 1: 92-96 C M Aidaraet al A B Fig2: en A MIP coronale de la séquence TOF et en axiale en B. La cérébelleuse supérieure quasi horizontale (tête de flèche en A et B) responsable du conflit et le segment P1 (pré-communicant) de la cérébrale postérieure gauche qui est hypoplasique et rejoint en avant et plus bas la carotide interne (flêche en A et B). A B Fig 3: en A image coronale en MIP TOF montrant la pince artérielle du III formée par les artères cérébrale postérieure (tête de flèche) et cérébelleuse supérieure (double tête de flèche). En B reconstruction coronale de la séquence T2 haute résolution montant le III droit dans sa pince (flèche) DISCUSSION : Le NOC nait du pédoncule dans la région péri-acqueducale à hauteur des colliculus supérieurs (3). Il présente deux noyaux, un principal et un accessoire. Il faut noter que le noyau du droit supérieur controlatéral naît du coté opposé. Puis ses fibres se réunissent en un faisceau, traversent le noyau rouge avant d’émerger sur le pied du pédoncule. Le nerf s’engage dans la citerne pédonculaire à travers la pince artérielle formée par l’artère cérébrale postérieure en haut et la cérébelleuse supérieure en bas (figure 3). Il traverse ensuite le sinus caverneux où il se divise en deux branches supérieure et inférieure qui s’engagent dans la fissure orbitaire supérieure. Le NOC est responsable de l’innervation motrice des muscles droits supérieur, inférieur, interne, des obliques et du releveur de la paupière supérieure. Il commande également la musculature intrinsèque par ses fibres sympathiques La présentation clinique des conflits neurovasculaires par croisement n’est pas spécifique. Une paralysie oculomotrice, une 94 J Afr Imag Méd 2014; (6), 1: 92-96 C M Aidaraet al neuromyotonie, une atteinte sympathique avec mydriase sont possible (4). L’exploration des atteintes des nerfs crâniens a bénéficié des progrès d’imagerie notamment l’IRM haut-champ (1). Deux séquences sont fondamentales ; la séquence T2 haute résolution permet de visualiser le nerf et de faire des reconstructions multi planaires et la séquence vasculaire en TOF 3D sur le polygone de Willis qui permet également des reconstructions multi planaires ou en MIP pour l’identification de vaisseau responsable du conflit. Leur sensibilité et spécificité respective est de 96 et 100 % et une excellente corrélation pour les conflits de grade III (1). En adoptant la classification de Leal et coll. (faite sur une série de névralgie trigéminale) l’atteinte chez notre patient peut être classée grade III vue la forte empreinte sur le nerf. Le grade I correspond à un simple contact alors que le grade II correspond à un contact et à une déformation ou déflexion du nerf et le grade III associe en plus une forte empreinte sur le nerf. La sémiologie spécifique des CVN doit tenir compte d’une clinique significative. L’imagerie IRM (5 ; 6) visualise : le croisement perpendiculaire entre le nerf et le vaisseau au niveau du REZ (figure 1), la déviation du trajet du nerf qui peut être focalement élargi au contact (figure 1), - possible hypersignal associé (figure 2) constatations devant être corrélées à la microchirurgie de décompression. Les CVN du III sont dues le plus souvent aux artère cérébrale postérieure, cérébelleuse supérieure, communicante postérieure et l’artère basilaire (7 ; 8). Chez notre patient l’artère responsable du conflit était la cérébelleuse supérieure. Le rooth entry zone (REZ), situé au niveau de la transition entre la myéline d’origine centrale et celle d’origine périphérique, constitue une zone de fragilité nerveuse. Nous n’avons pas retrouvée de donnée de la littérature sur le REZ du NOC mais chez notre patient le croisement avait lieu à 7,3 mm de l’origine apparente du nerf. Cette zone pourrait constituer le REZ (Rooth entry zone) du NOC. Le traitement actuel des conflits vasculonerveux repose sur la carbamazépine avant d’envisager la décompression microchirurgicale qui permet d’isoler le nerf (1 ; 5). CONCLUSION : Les paralysies oculomotrices sont dominées par ordre de fréquence par les anévrismes. Sur son trajet cysternal, le NOC entretient des rapport vasculaires étroits avec les artères cérébrale postérieure et cérébelleuse qui peuvent être à l’origine d’un croisement conflictuel que seul l’IRM haut champ peut montrer grâce aux séquences TOF et T2 haute résolution. L’atteinte du NOC est cependant d’étiologies diverses, la souffrance du nerf pouvant survenir à toute étape de son trajet. Les séquences vasculaires permettent l’identification du vaisseau responsable. Ces 95 J Afr Imag Méd 2014; (6), 1: 92-96 C M Aidaraet al REFERENCES : 1. Leal P R L, Froment J-C, Sindou M.Séquences IRM pour la détection des conflits vasculonerveux à l’origine de la névralgie trigéminale et leur valeur prédictive pour la caractérisation du conflit (en particulier le degré de la compression vasculaire). Neurochirurgie 2010,56;1:43-49. 2. Hong G, Yang Z, Chu J, Li S, Zheng S, Zhou Z.Three-dimensional MRI with contrast diagnosis of diseases involving peripheral oculomotor nerve.Clin Imaging. 2012;36(6):674-9. 3. Francke J-P.Atlas anatomique. In Doyon D et al. (eds) (2006). Les nerfs crâniens. 2ème ed. Paris: Elsevier Masson. pp 9-68. 4. Vighetto A, Tilikete C.Les syndromes occulomoteurs par hyperactivité neurogène et leur traitement. Neurochirurgie 2009;55:272278. 5. Chays A, Labrousse M, Bazin A, Pierot L, Rousseaux P.Conflits vasculo-nerveux de l’angle ponto-cérébelleux. Pathogénie et traitement chirurgical. e-mémoires de l’Académie Nationale de Chirurgie 2010,9(2):95-99. 6. Chays A, Doyon D, Curros-Doyon F. (2006). Vascularisation des nerfs crâniens, boucle vasculaire. In Doyon D et al. (eds) (2006). Les nerfs crâniens. 2ème ed. Paris: Elsevier Masson. pp 221-227. 7. Barros da Silva E Jr, Ramina R, Sousa de Meneses M, Kowacs P A, Barros da Silva E.Bilateral oculomotor nerve palsies due to vascular conflict. Arq Neuropsiquiatr 2010;68(5):819-821. 8. Moschner C, Moser A, Kömpf D.Bilateral oculomotor nerve palsy due to dolichoectasia of the basilar artery. Neuroophthalmology 2009;17(1):39-43. 96 J Afr Imag Méd 2014; (6), 1: 92-96