Hélène Hagège – LIRDEF – Université Montpellier 2 – IREM
« La démarche scientifique » - mai 2010 4
correspondant à la métaphysique). Selon lui, la vérité ne peut venir que de l’argumentation
logique et de l’observation du monde. Par exemple, il disséquait les êtres vivants et les
classait selon deux critères : la morphologie et la fécondité intraspécifique. Ainsi, la faculté
suprême de l’homme, la raison (nous), nous permet la contemplation (theoria) du monde tel
qu’il est.
Aristote appelle épistémé la nature de la connaissance, qu’il
croit venir de la logique, modalité de raisonnement qui du général au
particulier, de l’abstrait au concret. C’est la démarche scientifique
qu’il prône. Il a analysé les conditions d’établissement d’une preuve
par l’argumentation déductive. La démarche déductive va du général
au particulier : en partant de principes généraux, on fait des déductions
sur les cas particuliers (elle s’oppose à la démarche inductive, qui
consiste à dégager des principes généraux à partir de l’étude de cas
particuliers). Ainsi Aristote élabore une métaphysique, selon laquelle
la variété et les transformations des objets réels à la combinaison de
quatre éléments : terre, air, feu, eau. Le monde céleste est de plus régit
par une substance plus noble : l’aithèr. Les proportions des quatre ou cinq éléments
déterminent les qualités des objets selon une série d’échelles, du chaud au froid, du sec à
l’humide, du haut au bas, etc. Il propose donc un système théorique plus vaste et plus riche
que ceux de ses prédécesseurs.
Ainsi, pratiquant l’observation, recherchant les causes et classant les phénomènes, il se
lance dans l’entreprise de mettre à jour l’ordre inhérent à la nature.
1.2 La démarche scientifique au Moyen-Âge : la théorie toute puissante
On doit à Aristote des contributions majeures, qui, aujourd’hui encore, sont prégnantes. Des
siècles après lui, Thomas-d’Aquin (1225-1274) entreprend de transférer au christianisme la
science aristotélicienne en l’arrangeant pour la concilier aux thèses de l’église. Il introduit
donc une physique finaliste et une cosmologie géocentriste. Il réussit une synthèse entre la
« vérité révélée » et la science aristotélicienne, rendant à l’étude de la nature une légitimité
nouvelle. Cette synthèse – la scolastique
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– devient in fine la position officielle de l’église et
la base d’un mouvement philosophique et théologique. Elle est enseignée dans les écoles et
universités européennes (Durkheim, 1938). Son but ultime est d'intégrer en un système
ordonné la sagesse naturelle de l'antiquité gréco-romaine et la foi chrétienne. Les scolastiques
se conformaient étroitement aux exigences de la démonstration scientifique telles que les avait
définies Aristote mais, loin d'essayer de produire des œuvres originales, ils se contentaient
d'étudier et de citer les auteurs anciens. Pour étudier un texte, on étudiait plutôt le
commentaire qu'avait composé sur ce texte une autorité reconnue, qu'on enrichissait ensuite
de son propre commentaire et de ses réflexions personnelles, quitte à tenter de démontrer que
le commentateur précédent s'était trompé au niveau de l'interprétation du texte original.
La logique formelle ou aristotélicienne a été conservée jusqu’à la fin du Moyen –Age.
Elle perdure en mathématiques où elle a quand même ses limites (e.g. les propositions
indécidables
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). Elle devient coupée de la réalité. On va la critiquer à l’époque avec un
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La scolastique est d'une part une méthode fondée sur l'étude et le commentaire des textes religieux et profanes
fondamentaux et autorisés et, d'autre part, une philosophie développée et enseignée dans les universités du
Moyen Âge visant à réconcilier la philosophie antique, et en particulier l'enseignement d'Aristote, avec la
théologie chrétienne.
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Un résultat d'impossibilité mathématique est celui de l'indécidabilité obtenu par Kurt Gödel en 1930. Ce
logicien autrichien a démontré que si l'on se donne un ensemble d'axiomes permettant de développer