Exemples didactiques et dysfonctions

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Avril-Mai 2013
Exemples didactiques et dysfonctions - DFGSM 2
Entorse – Luxation – Fracture
Auteur : Professeur Jean-Michel Laffosse – Institut Locomoteur – Service de Chirurgie Orthopédique
et Traumatologie – CHU Toulouse
Préambule-Introduction :
Les entorses, luxations et autres sont excessivement fréquentes et représentent une part très
importante des accidents aussi bien sportifs, domestiques que professionnels. Avec les plaies et les
traumatismes fermés des membres, il constitue la traumatologie périphérique. Les prérequis sont un
socle de connaissances aussi bien en Anatomie descriptive et fonctionnelle et radiographique qu’en
Physiologie pour ce qui concerne l’appareil locomoteur avec les os, les articulations ainsi que
l’appareil musculo-tendineux (nous vous renvoyons donc à ces cours).
Afin d’appréhender ces différentes entités pathologiques qui répondent chacune à une définition à la
fois précise et vaste, nous suivrons, au travers d’un exemple didactique fréquemment rencontré en
pathologie courante, le chemin suivant qui doit permettre à tout un chacun, grâce à un raisonnement
logique de retrouver les éléments du sujet traité :
- nous partirons donc de la définition,
- nous envisagerons ensuite les différentes lésions que l’on peut rencontrer dans ce contexte,
- nous en déduirons les signes cliniques les plus importants,
- mais également en préciserons les signes paracliniques
- et essaierons d’anticiper les principales complications précoces
- pour enfin proposer une prise en charge à la fois diagnostique et thérapeutique pertinente.
Cet exemple didactique sera illustré par une vignette-cas clinique pour retenir les éléments les plus
importants et nous ne considérons ces pathologies que dans leur forme aigue sans aborder les
complications ou les séquelles à moyen ou long terme.
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Entorse
Vignette : Amélie, 25 ans, ne présente pas d’antécédent particulier. C’est une jeune fille très sportive.
Pourtant, en descendant l’escalier des remontées mécaniques de la station de montagne où elle
séjournait, elle a glissé et a ressenti une violente douleur à la cheville droite. Elle a pu se rattraper à la
rampe et finir de descendre pour ensuite marcher jusqu’au poste de secours. Son ami l’ayant aidé
pour porter son sac… L’urgentiste lui a dit qu’il s’agissait d’une entorse latérale de la cheville droite !
1. Définition
Une entorse est une lésion ligamentaire au cours de laquelle le ligament est étiré ou
distendu, mais il peut être également déchiré sans perte des rapports normaux entre les
surfaces articulaires, contrairement à ce qui se passe lors d'une luxation.
2. Physiopathologie
Le ligament est étiré ou distendu, il peut aussi se rompre soit en plein corps soit à une des
ses extrémités emportant ou non son attache osseuse (avulsion osseuse). Il s’agit d’un
mécanisme indirect dû à une mobilisation excessive de l’articulation traumatisée.
L’articulation est soumise à un traumatisme qui la contraint au maximum de ses possibilités
(à la limite de l’amplitude articulaire « autorisée ») aboutissant à une distension du ligament
(entorse bénigne) puis à une rupture du ligament (entorse grave). Les surfaces articulaires
peuvent être très contraintes l’une contre l’autre mais il n’y a jamais de perte des rapports
articulaires normaux.
Pour Amélie, le mécanisme qui est à l’origine de la distension du ligament collatéral latéral
(LCL) de la cheville est un mécanisme en inversion forcée. L’inversion associe une supination
du pied (la plante vers l’intérieur) avec de la flexion plantaire et une adduction de l’avantpied. Ce mécanisme va mettre en tension le LCL ; ce dernier étant constitué de 3 faisceaux
(antérieur, moyen et postérieur), il existe une séquence lésionnelle au cours de laquelle c’est
le faisceau antérieur qui est atteint le premier, suivi du moyen et du postérieur.
3. Signes cliniques
Les ligaments sont des stabilisateurs passifs de la cheville mais ils interviennent aussi dans
des mécanismes actifs via les mécano-récepteurs qu’ils renferment (système de la
proprioception). En effet, lorsqu’un ligament est étiré, il se produit normalement un réflexe
de contraction des muscles agissant dans le sens inverse du mouvement qui a étiré le
ligament. C’est notamment le cas du court et du long fibulaire en cas d’étirement du LCL à la
cheville. Ces réflexes protègent les ligaments et l’articulation. Les ligaments sont ainsi des
structures très richement innervée et vascularisée.
Ainsi, on peut déduire de ces quelques lignes les principaux signes cliniques que l’on pourra
retrouver à l’examen clinique d’Amélie après son entorse de la cheville…
o Signes fonctionnels (SF) à l’interrogatoire :
Craquement : en cas de rupture ligamentaire, le patient peut ressentir voire
entendre un craquement au moment du traumatisme
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o
Sensation d’instabilité ou de cheville qui se déboite à la marche ou lors du
traumatisme, éventuellement contemporain ou à la suite du craquement
Douleur :
• spontanée ou à la mobilisation ou l’appui (statique : debout ou
dynamique : marche)
• sur le trajet et/ou les insertions ligamentaires du LCL ou plus diffuse à
l’ensemble de la cheville mais prédominant sur le LCL
Impotence fonctionnelle
• Difficulté ou impossibilité à la marche surtout
• Mais parfois également aussi à la mobilisation de la cheville
Signes physiques (SP) à l’examen physique :
Œdème
• D’abord périmalléolaire sur le trajet du LCL
• puis rapidement étendu à la cheville dans son ensemble du fait du
traumatisme et de la mise en décharge du membre
Hématome à prédominance sous-malléolaire (car ils ont tendance à migrer dans
les zones déclives)
Douleur à la palpation :
• sur le trajet et/ou les insertions ligamentaires du LCL augmentées à la
mobilisation et surtout à la mise en inversion du pied…
• les reliefs osseux tels que la malléole latérale, la malléole médiale, la
base du 5ème métatarsien, le tendon d’Achille ne doivent pas être
douloureux
4. Signes paracliniques
L’entorse est, et demeure, une lésion ligamentaire et il n’existe pas de perte des rapports
normaux entre les surfaces articulaires. Ainsi dans les formes non compliquées, seuls les
ligaments seront lésés. Les ligaments sont des structures radio-transparentes tout comme les
tendons, les muscles et le tissu sous-cutané auxquels il ne faut pas oublier de rajouter le
cartilage ! A la suite d’un traumatisme des membres, le premier examen paraclinique réalisé
est une radiographie standard du fait de sa disponibilité, son faible coût, son innocuité et
des renseignements très importants qu’elle va apporter. Cette radiographie ne peut voir que
les structures calcifiées, donc les pièces osseuses. Elle peut aussi voir l’ombre des tissus mous
du fait de la grande différence de densité qui existe avec l’air environnant. Les autres
examens d’imagerie (tomodensitométrie, imagerie par résonance magnétique,
échographie…) n’ont pas leur place en première intention après une entorse de la cheville.
La radiographie standard de la cheville d’Amélie sera donc normale. A tel point qu’il existe
des critères cliniques pour savoir s’il est opportun ou pas de réaliser cet examen. Tout au
plus, on verra un épaississement des parties molles sur le trajet du LCL et en périmalléolaire.
Dans les formes graves où le ligament s’incarcère dans l’articulation tibio-talienne, il peut
exister un écart anormal antre la malléole latérale et la joue latérale du talus appelé
« diastasis ».
5. Complications
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Au cours de l’entorse, l’articulation est soumise à un traumatisme qui la contraint au
maximum de ses possibilités tandis que les surfaces articulaires vont être soumises à des
forces de compression très importantes l’une contre l’autre. L’arrachement des insertions
osseuses du ligament est l’équivalent de sa rupture, il ne s’agit pas d’une complication. Par
contre, on peut retrouver des fractures articulaires par enfoncement qui vont prédominer
dans les zones à plus fortes compression. Pour un mécanisme en inversion, il s’agit du coin
supéro-médial du talus.
Chez Amélie, la radiographie aurait pu retrouver une lésion du dôme du talus au niveau de
son pôle supéro-médial.
6. Prise en charge synthétique
Après une entorse, il existe des douleurs sont plus ou moins importantes, sans qu’il n’y ait de
parallélisme avec les lésions ligamentaires. Les lésions ligamentaires sont plus ou moins
sévères et sont associées à une réaction inflammatoire locale (en grande partie responsable
de la douleur). Après une entorse bénigne, le ligament cicatrise toujours. En cas d’entorse
grave, le ligament peut cicatriser normalement mais aussi avec un excès de longueur ou peut
ne pas cicatriser, notamment s’il est incarcéré dans l’articulation tibio-talienne. Dans ces
derniers cas, la cheville sera moins bien stabilisée et il pourra exister à l’examen physique
une laxité (= mouvements d’amplitude anormale à l’examen physique). Dans tous les cas, il
faudra immobiliser le membre en bonne position pour permettre aux lésions ligamentaires
de cicatriser et pour obtenir l’antalgie. En cas d’impotence à la marche, une mise en
décharge sera associée mais va favoriser l’œdème qui lui-même a été favorisé par l’entorse
(par le biais de la réaction inflammatoire) et la stase veineuse, source potentielle de
thrombose veineuse profonde (TVP). Il faudra donc lutter contre l’œdème par la surélévation
du membre, l’application de glace (cryothérapie) et d’administration d’anti-inflammatoires
non stéroïdiens (AINS) et prévenir les TVP le cas échéant par des anti-coagulants.
Que ce soit une entorse bénigne ou grave, l’immobilisation nécessaire du fait de la douleur et
de l’impotence va être à l’origine d’une amyotrophie mais surtout d’une « déprogrammation » des systèmes réflexes proprioceptifs. Ces derniers devront être
impérativement « reprogrammés » grâce à une rééducation proprioceptive bien menée.
Dans le cas contraire, il peut persister une instabilité (sensation, c'est-à-dire signe subjectif
d’interrogatoire, de cheville qui lâche ou se dérobe) à la marche, notamment en terrain
accidenté, ou à la course et une appréhension.
Pour Amélie, le traitement initial sera donc : immobilisation par une attelle, antalgique à la
demande, AINS, pas d’anticoagulant, arrêt des activités sportives puis rééducation bien
menée avant une reprise progressive des activités.
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Luxation
Vignette : Romain M., 25 ans est un solide gaillard de 1m85 pour 110kg. Il s’est mis au rugby sur le
tard mais a bien fait sa place comme 1ème ligne dans la mêlée au poste de talonneur. Justement, à
l’occasion d’un mêlée fermée, R. a ressenti une violente douleur de l’épaule gauche. Le soigneur
accourt et découvre R. allongé, blême, complètement impotent. Le kiné lui palpe l’épaule sous le
maillot, son diagnostic est sans appel : il s’agit d’une luxation de l’épaule gauche.
1. Définition
La luxation est définie par une perte de contact totale et permanente des surfaces
articulaires d'une articulation, se produisant lors d'un traumatisme.
2. Physiopathologie
Le mécanisme le plus fréquent est un mécanisme indirect où l’articulation est soumise à un
traumatisme qui la contraint bien au-delà des limites physiologiques « autorisées ». Ce
mécanisme est souvent secondaire à une chute sur une partie corps à distance du foyer
douloureux (exemple : luxation de l'épaule ou du coude par chute sur la main). Il peut s’agit
aussi d’une sollicitation extérieure qui agit sur le membre alors que l’articulation est
« verrouillée » (ex : position d’armer du bras, valgus-flexion-rotation externe au genou), telle
qu’une clef de bras (armlock) ; le membre joue un rôle de levier qui amplifie l'effort sur
l'articulation. Ce mécanisme indirect aboutit à une distension des ligaments qui peut aller
dans les cas extrêmes jusqu'à leur rupture (de même que les autres structures articulaires :
capsule, ménisque, labrum…) ou à un arrachement osseux. Il se produit alors une perte de
contact des surfaces articulaires aboutissant à la luxation.
Pour Romain, il vous raconte que lorsque la mêlée est partie en chandelle, son bras gauche,
qui était autour du tronc du pilier gauche, a été amené vers l’arrière (en extension ou
rétropulsion) et en dehors (en abduction et rotation externe) à cause de la poussée du pack
de l’équipe adversaire. Il a ressenti une violente douleur avec un craquement et la sensation
d’une épaule qui se déboite. C’est le mécanisme habituel d’une luxation antéro-interne de
l’épaule, forme la plus fréquente des luxations de l’épaule (en fait de l’articulation glénohumérale)
3. Signes cliniques
Lors de la luxation, il y a des lésions capsulo-ligamentaires importants. Ces structures sont
très richement innervées et vascularisées. La perte des rapports articulaires entraine une
déformation visible et empêche toute mobilisation, même minime qui est extrêmement
douloureuse. La déformation est plus ou moins évidente et est fonction de l’articulation
touchée, du sens du déplacement et de l’importance de ce déplacement. Dans tous les cas, la
cavité articulaire de l’articulation luxée est « vide » et tandis que le segment osseux luxé
pourra être palpable, lui-même situé à proximité mais en dehors de la cavité articulaire.
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Ainsi, on peut déduire de ces quelques lignes les principaux signes cliniques que l’on pourra
retrouver à l’examen clinique de Romain après sa luxation de l’épaule…
o Signes fonctionnels (SF) à l’interrogatoire : comme pour l’entorse les SF sont
Craquement ressenti et parfois audible au moment du traumatisme
Sensation d’instabilité ou « de déboitement » lors du traumatisme,
Douleur spontanée permanente et très intense majorée lors de toute tentative
de mobilisation
Impotence fonctionnelle totale du membre
o Signes physiques (SP) à l’examen physique : Œdème et hématome sont paradoxalement
assez rare en dehors des formes compliquées, ce qui domine ce sont :
Position antalgique typique du traumatisé du membre supérieur (membre
traumatisé soutenu par le membre sain)
Déformation de l’articulation traumatisée. A l’épaule, le plus souvent l’extrémité
supérieure de l’humérus est luxée en avant et en dedans par rapport à la cavité
glénoïdienne de la scapula ; on parle de luxation gléno-humérale antéro-interne.
Les déformations que l’on va retrouver sont :
• A l’inspection : « Coup de hache externe » ou « signe de l’épaulette »
• A l’inspection : « vide articulaire sous-acromial » et « comblement du
sillon delto-pectoral
Toute mobilisation est impossible
4. Signes paracliniques
La luxation est en fait due à des lésions ligamentaires telles qu’il y a eu une perte totale de
contact des surfaces articulaires. Ainsi dans les formes non compliquées, seuls les éléments
capsulo-ligamentaires seront lésés même si, il faut reconnaître qu’au cours de la luxation, les
pièces osseuses luxées peuvent s’impacter l’une sur l’autre et entrainer des lésions osseuses
extra-articulaires ou intra-articulaires radio-visibles. La radiographie, systématique devant
une déformation de membre, a fortiori dans les suites d’un traumatisme, recherchera la
perte des contacts articulaires normaux qui seront les signes indirects des lésions
ligamentaires et d’éventuelles lésions osseuses associées. La tomodensitométrie peut dans
certaines localisations d’exploration difficile par la radiographie standard (ex : l’articulation
sterno-claviculaire). Les autres examens d’imagerie (imagerie par résonance magnétique,
échographie…) n’ont pas leur place en première intention en cas de suspicion d’entorse.
La radiographie de l’épaule de Romain montrera une perte des rapports articulaires entre
eux : la tête humérale ne se projetant plus en regard de la glène de la scapula sur un cliché
de face. Sur le cliché de profil, la tête humérale est déplacée en avant de la glène de la
scapula. La tête humérale peut venir s’impacter à la partie antérieure de la glène de
l’humérus et réaliser une encoche, plus ou moins visible sur la radiographie standard.
5. Complications
Lors de la luxation, il se produit des contraintes très importantes d’une surface articulaire sur
l’autre, d’où un risque de lésion cartilagineuse par frottement et impaction mais aussi de
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fracture en cas d’articulation congruente (par exemple à la hanche). En cas de déplacement
important ou de contraction musculaire réflexe, il peut y avoir une avulsion osseuse au
niveau des insertions ligamentaires et/ou tendineuses. En cas de déplacement très
important, la peau peut également être étirée et se déchirée (par exemple à la cheville).
Le déplacement de l’articulation peut, en fonction du sens du déplacement et de son
intensité entrainer une compression ou un étirement des éléments vasculo-nerveux. Aux
membres, cela pourra se traduire par des troubles :
o de la sensibilité (sensation de fourmillement, perte de sensibilité, sensation de décharge
électrique),
o de la motricité des extrémités (simple faiblesse à type de parésie ou paralysie vraie) et
o des troubles vasculaires (pouls distal (radial ou pédieux) dissymétrique, hypoesthésie
voire anesthésie, des pâleurs et froideurs aux doigts ou orteils, marbrure… voire un
véritable tableau d’ischémie de membre).
Les signes cliniques vont donc varier en fonction de la structure vasculo-nerveuse
traumatisée. Par exemple une atteinte du nerf sciatique lors d’une luxation de hanche peut
en autre provoquer un déficit de relèvement du pied (par atteinte du contingent du nerf
fibulaire commun) tandis qu’une atteinte du nerf ulnaire lors d’une luxation du coude peut
provoquer des douleurs traçantes dans les deux derniers doigts.
Pour Romain, la tête de l’humérus se déplace en avant et en dedans. Elle peut alors
comprimer les éléments vasculo-nerveux en avant de la scapula avant que ces derniers ne
pénètrent dans le creux axillaire. A ce niveau là, on retrouve les branches du plexus brachial
et notamment le nerf circonflexe qui contourne le col de l’humérus d’avant en arrière et de
de dedans en dehors avant d’assurer l’innervation motrice du deltoïde et l’innervation
sensitive du moignon de l’épaule. Il faut donc rechercher : une parésie du deltoïde et une
hypoesthésie ou anesthésie du moignon de l’épaule. Sur le plan osseux, la radiographie
recherchera des fractures associées, qui peuvent être dues à un arrachement (classiquement
un arrachement de l’insertion du tendon du sus-épineux sur le trochiter) ou une impaction
(fracture du rebord antéro-inférieur de la glène de la scapula lors du déplacement en avant
de la tête humérale).
6. Prise en charge synthétique
Une articulation luxée est extrêmement douloureuse mais il s’agit aussi d’une articulation qui
souffre (au niveau des surfaces articulaires) et qui fait courir le risque de compression
d'éléments nobles (vaisseaux, nerfs). L’articulation doit donc être réduite en urgence pour
soulager le patient et réduire ces risques. Une radiographie est toujours réalisée pour
confirmer la bonne réduction de l’articulation. En cas de luxation, les éléments capsuloligamentaires peuvent cicatriser normalement mais cette cicatrisation peut aussi se faire
avec un excès de longueur ou peut ne pas cicatriser. Dans ce cas, l’articulation sera moins
bien stabilisé et il pourra exister une laxité (= mouvements d’amplitude anormale à l’examen
physique). Il faudra immobiliser le membre en bonne position pour permettre aux lésions de
cicatriser. Comme précédemment, l’immobilisation va être à l’origine d’une amyotrophie
mais surtout d’une « dé-programmation » des systèmes réflexes proprioceptifs. Ces derniers
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devront être impérativement « reprogrammés » grâce à une rééducation bien menée. Dans
le cas contraire, il peut persister une appréhension (très classique à l’épaule) et une
instabilité (plus classique au genou et à la cheville). Enfin, une immobilisation trop prolongée
peut induire un enraidissement (très classique au coude et aux doigts) d’où la difficulté de la
mise en route de cette rééducation au moment opportun (ni trop tôt, ni trop tard !)
Pour Romain, le traitement initial sera donc : réduction urgente de la luxation, radiographie
de contrôle, immobilisation par une attelle, antalgique à la demande, AINS, arrêt des
activités sportives puis rééducation bien menée avant une reprise progressive des activités.
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7.
Fracture
Vignette : Mr Olivier J. est manutentionnaire dans un grand entrepôt. Alors qu’il portait des cartons, il
a « croisé » la route d’un transpalette qui lui a percuté violemment la jambe gauche. Il a ressenti alors
une violente douleur au moment du choc et n’a plus pu marcher. Il a été conduit à l’infirmerie puis
aux urgences de l’hôpital par les pompiers. Dans le camion, on lui a dit : « c’est sans doute une
fracture du tibia ».
1. Définition
La définition consacrée d’une fracture est une « solution de continuité d’un os ». En clair,
cela signifie qu’il y a une interruption de la continuité d’un segment du squelette…
2. Physiopathologie
L’os peut être rompu au niveau de la zone d’application du traumatisme (au niveau du point
d’impact). Il s’agit alors d’un mécanisme direct. L’os peut aussi céder à distance du point
d’application du traumatisme qui peut agir selon une force en compression, en flexion ou en
torsion. Il s’agit d’un mécanisme indirect. La longueur du membre agit alors comme un bras
de levier qui démultiplie la force du traumatisme.
Pour Olivier, il s’agit d’un mécanisme direct, par choc direct du transpalette sur la jambe
gauche
3. Signes cliniques
L’os et les tissus alentours sont des tissus vascularisés et innervés. L’os est quant à lui un
tissu de soutien qui rigidifie le segment de membre.
Aussi chez Olivier, on retrouvera les signes suivants :
o Signes fonctionnels (SF) à l’interrogatoire :
Craquement ressenti et parfois audible au moment du traumatisme
Douleur spontanée permanente et très intense (exquise) au foyer de fracture et
majorée lors de toute tentative de mobilisation
Impotence fonctionnelle totale du membre
o Signes physiques (SP) à l’examen physique :
Œdème, hématome et ecchymoses du membre
Déformation du membre fracturé, variable selon le type, le sens et l’importance
du déplacement
Mobilité anormale du foyer de fracture
Toute mobilisation est impossible du fait de la douleur
4. Signes paracliniques
La radiographie, systématique devant une déformation de membre, a fortiori dans les suites
d’un traumatisme, recherchera la fracture. Les fractures peuvent intéresser les différentes
parties de l’os (diaphyse, métaphyse, et épiphyses qui portent la surface articulaire). En
fonction du type de traumatisme (direct ou indirect) et du type de force mis en jeu (pression,
torsion, flexion…), le trait de fracture sera différent. Un choc direct provoquera une fracture
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avec un trait transversal, parfois cela sera associé localement à la présence d’un ou de
plusieurs petits fragments : on dit que la fracture est « comminutive ». Un traumatisme
indirect est plutôt à l’origine d’une fracture « simple » avec un seul trait : trait oblique court
ou long pour une flexion, trait spiroide pour une torsion… Lorsqu’il existe une fracture, celleci s’associe le plus souvent à un déplacement qui dépend en partie du traumatisme mais
aussi et surtout des tractions musculaires dont les attaches sont « libérées » : on décrit ainsi
des déplacements élémentaires, plus ou moins associés, en angulation (dans le plan frontal :
varus/varus ou sagittal : recurvatum/flexum), en translation (dans le plan frontal :
médial/latéral ou sagittal : ventral/dorsal), en chevauchement ou en décalage (rotation selon
l’axe longitudinal de l’os). Il existe cependant des fractures sans déplacement, plus rare. Pour
préciser la fracture il faudra au moins 2 incidences radiographiques de tout le segment
osseux atteint (une radiographie de face et une de profil qui permet de visualiser les
articulations sus et sous-jacents du segment osseux) pour bien analyser la localisation de la
fracture, le type de trait et le déplacement.
Pour Olivier, on pourra retrouver une fracture diaphysaire transversale du tibia, isolée avec
respect éventuel de la fibula. La fracture est déplacée (modérément) en translation latérale
et ventrale.
5. Complications
En cas de mécanisme direct, le traumatisme atteint d’abord les parties molles périphériques
(notamment l’enveloppe cutanée et à les muscles) avant de fracturer l’os. Dans ce cas, on dit
que l’ouverture cutanée s’effectue de « dehors en dedans » avec un risque important de
contamination septique du foyer de fracture. Lorsqu’il s’agit d’un mécanisme indirect, c’est
d’abord l’os qui se rompt. Puis, en cas de déplacement important, c’est l’os fracturé qui va
léser (par étirement, compression ou en embrochant) les structures alentours (muscles,
tendons, vaisseaux, nerfs) jusqu’à entraîner éventuellement une ouverture cutanée. Dans ce
cas, on dit que l’ouverture cutanée s’effectue « de dedans en dehors » avec un risque
moindre mais persistant de contamination septique du foyer de fracture. Dans tous les cas,
cette ouverture cutanée se décrit par sa localisation, la direction (punctiforme ou linéaire) et
la longueur de la plaie, la qualité de ses berges (nettes et sans décollement ou au contraire
contuses et décollées) ainsi que son degré de souillure (terre, cailloux, herbe, vêtements…).
Pour Olivier, on recherchera avant tout une lésion cutanée en regard du foyer de fracture. Il
pourrait s’agit alors d’une plaie à la face antérieure de la jambe, transversale de quelques
centimètres de long et aux berges modérément contuses.
6. Prise en charge synthétique
Une fracture est extrêmement douloureuse et il existe un risque de déplacement
supplémentaire qui fait courir le risque de compression d'éléments nobles (vaisseaux, nerfs).
Le segment de membre doit donc être immobilisé en urgences pour soulager le patient et
réduire ces risques. En cas de fracture déplacée, la réduction de ce déplacement ne peut pas
se faire spontanément, et la fracture risque de consolider en mauvaise position (on parle de
« cal vicieux ») ou de ne pas consolider (on parle de « pseudarthrose »). Cals vicieux et
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pseudarthrose pouvant avoir des conséquences fonctionnelles majeures. Il faut donc corriger
le déplacement (on parle de « réduction de la fracture »). Il faudra ensuite maintenir cette
réduction jusqu’à ce que l’os consolide. Pour cela, on peut utiliser des moyens externes telles
qu’un plâtre, une guêtre ou autre : on parle alors de « traitement orthopédique ». Mais cela
nécessite une immobilisation longue… On peut aussi utiliser des moyens chirurgicaux pour
fixer la fracture tels que des vis, des plaques ou des clous : on parle alors
« d’ostéosynthèse ». Cette ostéosynthèse nécessite une intervention chirurgicale et soit le
matériel est fixé sur l’os et se situe à l’intérieur du corps (on parle d’ « ostéosynthèse
interne ») soit le dispositif est implanté à travers la peau sans intervention au niveau de
fracture : c’est une « ostéosynthèse externe »). Les avantages majeurs de l’ostéosynthèse est
que la fracture est maintenue en place de manière plus solide ce qui permet ainsi d’éviter
théoriquement la mise en place d’une immobilisation externe trop longtemps et donc de
débuter la rééducation plus précocement.
Pour Olivier, en urgence, il a été mis en place une immobilisation associé à un traitement
antalgique efficace. Après son transfert au bloc opératoire, il a été anesthésié pour
l’intervention chirurgicale qui a consisté en la réduction de la fracture suivie d’une
ostéosynthèse par un clou centromédullaire de tibia. Après une période d’immobilisation et
de marche sans appui, la rééducation a été entreprise afin de lutter contre l’atrophie
musculaire, récupérer les mobilités articulaires et reprendre la marche en appui de manière
progressive.
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