Représentations par les médecins généralistes du rôle de l

Santé publique
2007,volume 19,3,pp. 241-252
PRATIQUES
Correspondance:B.Fantino Réception :30/01/2006 Acceptation :30/03/2007
Représentationsparlesdecins
généralistesdu rôle de l’entourage
accompagnantle patient
Perspectivesof general practitioners on the role
of patients’ caregivers in the process of consultation
and treatment
Bruno Fantino (1),Jean-PierreWainsten (2),Martine Bungener(3),
HuguesJoublin (4),Catherine Brun-Strang (4)
(1) 88A, ruede la Balme – 69003 Lyon.
(2)3, avenueduBel-Air75012Paris.
(3)DirectriceduCERMES, CNRS UMR8559,182boulevard de laVillette – 75019 Paris.
Résu:L’objectif decette étude est dedécrire laperception desdecinsgénéralistesdu
rôle etde laplacede l’entourage accompagnantle patienten consultation. 435 médecins
représentatifsde leur profession ontrempli deux questionnaires,l’unauto-administré
déclaratif,l’autredécrivant trois situationscliniques réellesetlaplacedesaccompagnants
en casde maladie dAlzheimer, de maladie deParkinson, dedépression, d’épilepsie,
dasthme, d’insuffisancecardiaque oudediabètedetype 2.Lesdecinspensent répondre
de fon globalement satisfaisanteaux attentesde l’entourage concernantlamaladie et son
traitementmais s’estimentpeucompétents pour lesquestionsadministrativeset sociales.Le
rôle de l’accompagnantest majoritairementperçucomme positif etcontributif àl’efficacité
des soins.Cette étudecorrespond à lanouvelle donne de l’exercice médical moderne,
dominé parle poidsdespathologieschroniquesetinvalidantesimpliquantlaprésencedun
tiers.
Mots-cs:
Médecine générale - entourage - consultationsaccompagnées.
Summary:
The aim of this studyis todescribe,from the perspective of general practitioners,
the role of relativesand caregivers who accompanyapatientin theirconsultation and
treatmentprocesses. 435 general practitioners filledout two questionnaires:the first was self
administered andthe second describedspecific clinicalsituationsandthe possible role of
the familycaregiverin the case of apatient withAlzheimersdiseases, Parkinson’sdisease,
depression,epilepsy, asthma, cardiovasculardisease,or type II diabetes.General
practitioners think thatoverall theyoffer satisfactory responses torelativesrequests and
concerns regarding the disease itself andits treatment.However,theydo notfeel skilledor
qualifiedenough toanswer them withregardtoadministrative or social questions.The
relative’s role isfor the most part,perceived aspositive, andseems tocontributetothe
efficacyof the care provided.Thisdescription corresponds toanew trendin modern medical
practice, dominated by the burden of chronic and disabling diseases which implies, andin
some cases requires,the needto involvearelative’spresenceandon-going support.
Key words:
General practitioners -relatives-accompanied-consultation
(4) HuguesJOUBLIN, Directeur Exécutif,etCatherine BRUN-STRANG, Responsable Médico-économie, Novartis
Pharma SAS, 2&4rueLionel Terray– 92506 Rueil-Malmaison.
B.FANTINO, J.-P.WAINSTEN, M.BUNGENER, H.JOUBLIN, C.BRUN-STRANG
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Introduction
Lune descsdu succèsde la démarche trapeutique est laqualitéde la
relation médecin-malade, dontdépendl’adsion dupatientauprojetde
soins.Encesens,le « colloquesingulier» médecin-malade est lapierre
angulaireducontratdesoinsliantle médecin àson patient.Danslapratique,
cetterelation duale est souvent remplacée par une relation tripartite incluant
l’entourage dupatientprésentàla consultation. Qu’il sagissedun enfant
malade, dune personne âgée dépendante, dun patientatteintdaffection
handicapante,grave ouévolutive,tous peuventavoirbesoin d’êtreaccom-
pagnés.Etle médecin, à son tour,peut avoirbesoin de l’accompagnant,
comme il peut considérerqu’il sagitduntiers perturbateur.
Ontrouvedanslalittératuresociologique etplus récemmentdicale
[3-7], un intérêtcroissantpour larelation triangulairecomplexe impliquant
le médecin,le malade et son entourage assumantaide et soutien. L’impor-
tancedune communication adaptée en direction desprochesde patients
âsdéments [8], de patients sidéens[2], a ainsi été étudiée. Si médecin et
entourage œuvrentgénéralementdeconcert pour le bien-êtredupatient, cer-
tainesdifficultésde leur relation ontété identifiées.Dansdes situationsde
maladie chronique évolutive,laquestion ducontenude l’information délivrée
àl’entourage inclut celle du«bon moment»decette information [1].Le
decin doitévaluerle besoin d’information correspondantà chaque phase
de lamaladie etil doit tenircomptede la difficultéde l’entourage àfaire face.
Aucuntravail n’ajusquàprésentportésur larelation entre lesdecins
généralistesetl’entourage de leurs patients dans toute la diversitédes
situationsetdespathologies rencontrées.Au titrede « médecin de famille »
etau vu deson activité en cabinetcomme audomicile dupatient,le médecin
généraliste est pourtantconcerné en premierlieuparcesujet.Comment
perçoit-il lesaccompagnants desespatients ?En quoi l’accompagnement
modifie-t-il le déroulementde la consultation ?
Cesquestionsontmotivé laréalisation de l’enquêteREMEDE (RElation
MEDecin-Entourage) quis’inscritdans une démarche plus large d’évaluation
de lapratique professionnelle en médecine générale deville. L’objectif était
dedécrire le rôle etlaplacedesaccompagnants de patients en consultation,
selon laperception qu’en ontlesdecinsgénéralistesetdeconfronter
cette opinion aux données recueilliesàpartirdesituationscliniques réelles.
Méthode
Cette enquête nationale aété effectuée de janvier 2003 àmars 2003 auprès
de 435 médecinsgénéralistes représentatifsde lapopulation médicale sur
descritèresdâge, desexe, derégion d’exercice etd’effectif de lapatientèle.
Cespraticiensontétésélectionnésàpartirdune basedesondage réaliste,
exhaustivedesdecins vraimenten exerciceaumomentde l’étude, à savoir
lespagesprofessionnellesde l’annuairetéléphoniqueavectirage au sort par
région.
La relation desdecinsavecl’entourage de leurs patients aété explorée
dedeux fons: dune part,un « voletdéclaratif » basésur un questionnaire
auto-administréadressé par voie postale, a permisderecueillirlaperception
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générale desdecinsde laplacede l’entourage dupatient ; dautre part,un
«voletdescriptif » basésur l’inclusion parlesdecinsparticipants decas
réelsdeconsultation, a permisdedécrire les rôlesjouésparlesaccom-
pagnants,l’influencede leur présenceainsi que l’attitudedesdecins.
Chaque médecin devaitinclure 5 casdeconsultation accompagnée dont
3concernant un patientadulte et 2 concernant un enfant.L’inclusion était
séquentiellesavoirlesn prochainscasdeconsultation accompagnée
souhaitésà compterdune date fixée parle monitorage.
Lechoixdecette méthodologie aétéarrêtéaprès une phase préliminaireà
l’enquêtecomportantdeux tables rondes réunissantau total 12decins.
Cette étape amisen évidence l’intérêtdesdeux approchescomplémentaires,
déclarative etdescriptive, de lapratique. Lesoutilsde l’enquête ontété
élaboréspar unconseil scientifique et testésauprèsdun groupe de
decinsgénéralistespour être enfin optimiséset validés.La cessitéde
différencierlesobservationsdeconsultationsdiatriquesdesautres
situationsa conduitàne présenterici que les résultats concernantles
1334consultationsdadultesaccompagnés.
Résultats
Voletdéclaratif :perception desdecinsgénéralistes sur le rôle
desaccompagnants
Concernantl’enquêted’opinion conduiteauprèsdesdecinsgénéra-
listes,435 questionnairesontétéanalysés.
La fréquence etlescirconstancesdesconsultationsaccompagnées
En moyenne,1 patient sur 3 vu aucabinetet 2 patients sur 3 vus à domicile
sontaccompagnésdun proche.
Lespatients sontfréquemmentaccompagnésen casde maladiesneuro-
psychiatriques(dontla dépression,lamaladie dAlzheimer,la démence,la
maladie deParkinson etl’épilepsie), d’infectionsORL, de pathologiescardio-
vasculaires(dontl’HTA etl’insuffisancecardiaque), de pathologiesostéo-
articulairesetde pathologiesbroncho-pulmonaires.
Les rôlespotentielsattribuésàl’entourage
Lesdifférents rôlesque l’entourage peut remplir sontles suivants :
–laideauchoixde maintien à domicile ouinstitutionnalisation ;
–laideaudiagnosticparl’observation ;
–laideau respectetàl’observancedes traitements ;
–laideàl’observance etàl’alerte en casdebesoin ;
–laideàl’évaluation de l’efficacitédu traitement;
–laideau soutien psychologiquedupatient;
–laideau respectdes règleshygiéno-dtétiques;
–laideà déciderde lastratégie trapeutique.
Ces rôlesontétédiversement reconnus parle médecin généralisteselon
les situationscliniquesévoquées, à savoir:
–lamaladie dAlzheimer;
–la dépression ;
–l’épilepsie ;
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–lamaladie deParkinson ;
–lasthme ;
–l’insuffisancecardiaque;
–lecancerdu sein ;
–lediabètedetype 2;
–l’hypertension artérielle ;
–larthrose.
Cette listeaété élaborée grâceàun focus groupe de 12decins
généralistes.Ceux-ci ontidentifié les situationscliniquesqui,selon leur
exrience,se prêtaientle plus fréquemmentàl’accompagnementdu
consultantpar un proche.
LetableauImontre que pour quatre pathologies– lamaladie dAlzheimer,
lamaladie deParkinson,la dépression etl’épilepsie – le rôle de l’entourage
est considérécomme majeur dansplusieurs domainesimportants comme
l’aideaudiagnostic, l’aideàl’observancedes traitements etàl’évaluation de
leur efficacité,l’aide psychologique maisaussi lasurveillancedespatients
permettantdedonnerl’alertesi nécessaire. Danslamaladie dAlzheimer tout
particulièrement,l’entourage est susceptible daiderauchoixentre maintien à
domicile dupatientet son institutionnalisation. Parailleurs,lesdecins
généralistesdisent rechercher«très souventou souvent» l’aidedun membre
de l’entourage dupatientdanslamaladie dAlzheimer(95 %), dansla dépres-
sion (76 %), danslamaladie deParkinson (73 %) etdansl’épilepsie (66 %).
Deux pathologies représententdescasparticuliers :
–lecancerdu sein,oùle seulrôle essentiel perçude l’entourage est le
soutien psychologiquedespatientes(cité par86%desdecins),
touteslesautrespropositions recueillantmoinsde30 %daccord;
–larthrose,oùle rôle de l’entourage est considérécomme mineur,la
seule proposition citée parplus de lamoitdesdecins(53%) étant
l’aideàl’évaluation de l’efficacitédu traitement.
La durée de la consultation accompagnée
Pour 4 médecins sur 5 (81 % des répondants),laprésencede l’entourage
dupatientlors de la consultation modifie la durée decelle-ci,essentiel-
lementdansle sensdunallongement(97%descas).
La difficultédes tâchesdudecin
Si l’on évoque lesdifficultés rencontréesdanslarelation dudecin géné-
ralisteavecl’entourage, deux situations sontconsidéréescomme difficiles
parlesdecins: annoncer une mauvaise nouvelle concernantle patient
difficile » pour 54 % desdecinset«assezdifficile » pour 26 %d’entre
eux) etmotiver un entourage ne souhaitantpas s’impliqueralors que le
decin recherche son aide difficile » et«assezdifficile » pour 34 % et
40%desdecins respectivement). Gérer une attitude invasivede l’entou-
rage danslarelation médecin – patientarriveau3 erang des tâchesjugées
assezdifficilesoudifficiles(65 %),tandisquecommuniqueravec des
prochesd’origine étrangère ou réduire leur agressivitéconcerne un peu
plus dun médecin sur 2 (56%dansles 2 cas)selon lesmêmescritères
dappréciation.
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TableauI : Pourcentage desdecinsgénéralistesattendant une aidedesproches*
… danslaprise en charge
des traitements
… dansleschoix
trapeutiques
… dansle diagnostic
etlacision de maintien
àdomicile
… dansle soutien
aupatient
Respect
etobservance
des traitements
Observance
etalerte
en cas
de besoin
Décision
de lastratégie
trapeutique
Évaluation
de lefficacité
du traitement
Diagnostic
par
lobservation
Maintien àdomicile
ou
institutionnalisation
Respect
des règles
hygiénico-
diététiques
Soutien
psychologique
dupatient
Maladie dAlzheimer92%89 %45 %84 %93%94 %50%80%
Dépression 74%83%39%77 %80%52%22 %91 %
Épilepsie 82%85 %20 %62 %77 %23 %31%53%
Maladie deParkinson 79%56%31%78%68%68%25%78%
Asthme 83%82%32 %68%52%15%40%52%
Insuffisancecardiaque68%77 %14%52%43%33 %69%36 %
Cancerdu sein 30 %24%24%13%19%22 %11%86%
Diabètedetype II 97%66 %31%32 %16%14%85 %40%
HTA 66 %44%14%22 %6%10%71%19 %
Arthrose33 %19%20 %53%11%31%32 %42%
* Cetableau résume lesfiguresdétailléesquevous pouvezconsulter sur le sitede la Socté françaisedesanté publiquedanslapartie réservée àlarevue « SantéPublique ».
http:
//
www.sfsp.fr
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