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Université de Franche-Comté
UFR Sciences du Langage, de l'Homme et de la
Société
Mémoire de Master 2
Histoire ancienne
La légion des Alouettes
Batiste GERARDIN
sous la direction de François FAVORY
2009
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Suétone (...) a introduit sciemment des anecdotes forgées par la tradition
postérieure à César et qui transformaient la réalité historique dans un sens
légendaire. Il a, sur ces points, jugé la légende plus divertissante que
l'histoire et ne s'est pas fait scrupule de préférer la première à la seconde.
Jacques GASCOU, Suétone historien, Paris, 1984, p. 438.
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AVANT-PROPOS
L'objectif de la première partie de ce travail de recherche est de confronter aux sources
les hypothèses émises par les historiens au sujet de la « légion gauloise » de César, dont les
origines sont très mal connues.
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Les auteurs anciens nous ont transmis peu d'informations à
son sujet et toutes proviennent de Suétone : son témoignage ne peut donc être confirmé par
aucune autre source. En effet, bien que le biographe évoque la formation d'une légion de
Transalpins par César, aucun autre auteur ancien à commencer par César lui-même
ne fait allusion à une telle unité. Aucun ne paraît la prendre en compte dans le nombre des
légions de l'armée des Gaules. Ce silence des sources littéraires, combiné à une absence
complète d'inscriptions pour la période républicaine, a forcé les historiens à se contenter de
simples hypothèses, formulées tant bien que mal à partir des rares sources disponibles.
Les philologues et les historiens sont nombreux à s'être penchés sur le cas de cette unité
peu orthodoxe, décortiquant les textes à la recherche d'indices permettant de dater sa levée,
voire de déterminer quelles étaient les batailles auxquelles elle avait pris part. La plupart
d'entre eux étaient souvent des spécialistes des campagnes de César ou de l'armée romaine,
qui n'ont pu focaliser leur attention sur son cas très spécifique, car leur sujet posait d'autres
problèmes. Il en va de même pour les biographes du général qui, lorsqu'ils évoquent notre
légion, le font souvent de façon anecdotique. Bien que tous n'aient pas étudié la question en
détail, la bibliographie concernant la « légion gauloise » de César est conséquente, car cette
dernière a suscité l'intérêt des érudits dès le XVIII
e
siècle.
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Il aura toutefois fallu attendre la
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L'expression « légion gauloise » est utilisée entre guillemets car la légion romaine est au sens strict un corps
composé de citoyens.
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Ch.-Th. Guischardt (1774, III, p. 33-34) développait déjà plusieurs hypothèses au sujet de « cette fameuse
légion dite Alauda », dont il pensait avoir décelé la trace au sein du premier livre du Bellum Gallicum. L'unité
apparaissait également dans l'œuvre d'E. Gibbon (1776, p. 7, n. 3) : « César composa une de ses légions
(nommée l'Alauda) de Gaulois et d'étrangers ; mais ce fut pendant la licence des guerres civiles ; et après ses
victoires, il leur donna pour récompense le droit de citoyen romain ». Elle était aussi citée par Voltaire au sein
d'un article consacré à l'étymologie du mot alouette : « César composa une légion de Gaulois, à laquelle il
donna le nom d'alouette (...). Elle le servit très-bien dans les guerres civiles ; & César pour récompense donna
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deuxième moitié du siècle suivant afin d'obtenir des travaux plus nombreux et surtout plus
intéressants à son sujet. Jusque là, les historiens s'étaient bornés à des considérations assez
fantaisistes sur le caractère ethnique de la légion, sans véritablement chercher sa trace dans
les sources.
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Certains d'entre eux, établissant un lien entre les informations trouvées dans le
texte de Suétone et des inscription plus tardives, rapprochaient déjà la « légion Alauda » de
la V
e
légion de César
4
, hypothèse qui est d'ailleurs encore aujourd'hui admise — peut-être à
tort par une majorité de chercheurs. Th. Mommsen est le premier à avoir affirmé que la
« légion » de Transalpins de César, malgré le témoignage de Suétone, n'avait jamais été une
véritable légion. Nous verrons que cette position est tout à fait digne d'intérêt, bien que les
historiens, à l'exception de quelques uns, ne lui aient jamais accordé aucune attention, sans
doute parce que l'érudit allemand ne l'a jamais défendue avec beaucoup de vigueur.
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Dans un premier temps, notre travail se propose ainsi de dresser le bilan de près de deux
siècles de recherche sur la « légion gauloise » de César, de façon à confronter les théories
les unes aux autres. Cette approche historiographique, combinée à un examen minutieux
des textes, a débouché sur des conclusions plutôt à contre-courant par rapport à l'hypothèse
admise de nos jours par la plupart des historiens. Pour ces derniers, il ne fait souvent aucun
doute que les soldats gaulois ont été organisés en une véritable légion, qui correspondrait à
la V
e
légion des textes. En fait, cette théorie paraît surtout avoir acquis le statut de quasi-
certitude à force d'être répétée d'ouvrages en ouvrages, tandis qu'aucun élément concret ne
le droit de citoyen Romain à chaque légionnaire » (Questions sur l'Encyclopédie, I, Paris, 1771, p. 109).
3
Seul Ch.-Th. Guischardt s'était intéressé à la question (voir la note précédente). La façon dont cette légion a
été perçue par l'historiographie française du XIX
e
siècle est évoquée infra, p. 64, n. 188 avec des citations.
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Selon Ch. Th. Guischardt (1774, II, p. 71) : « César, Hirtius & Appien d'Alexandrie n'appellent jamais cette
légion que du nom de cinquieme. Ciceron se plait à la nommer constamment la légion des Alouettes, legio
Alaudarum, par haine à ce qui paroit contre Antoine, auquel elle fut particulierement attachée » ; id., p. 79 :
« On voit donc clairement que ce n'est que Ciceron qui se plait à l'appeler par son sobriquet, tandis que les
autres la nomment constamment la cinquieme. Cette circonstance sert à prouver indépendamment des
inscriptions que la cinquieme légion & celle des Alouettes étoient les mêmes ». Cf. Drumann 1839, p. 214 ;
Grotefend 1840, p. 646-647.
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Il faut en effet se rapporter à plusieurs de ses articles et à sa deuxième édition commentée des Res Gestae si
l'on veut avoir une idée d'ensemble de sa théorie concernant la légion. Voir infra, p. 43-47 ; 62-65.
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permet d'en vérifier la validité. La démarche suivie dans ce mémoire est assez originale, car
elle repose sur une attitude critique face au témoignage de Suétone, tandis que presque tous
les travaux évoquant cette légion l'ont pris comme point de départ, avec l'idée que chacune
des informations transmise par le biographe à son sujet était exacte. Pourtant, l'existence
d'une légion de Transalpins, à une époque seuls les citoyens étaient autorisés à devenir
légionnaires, ne va pas de soi. Les idées développées dans la première partie de ce mémoire
ne sont pas nouvelles, puisque Th. Mommsen en avait déjà exprimé quelques unes dans ses
travaux. Elles ont été remises sur le devant de la scène assez récemment car M. Müller, au
sein de sa thèse sur le Bellum Africum, soutenue en 2001 à l'université de Trier, consacrait
tout un chapitre à l'identité de la V
e
légion qui, pour lui, n'avait absolument aucun rapport
avec les Transalpins évoqués par Suétone. Il est d'ailleurs assez intéressant de constater que
cette hypothèse ne prenait à aucun moment appui sur celles de Th. Mommsen. L'objectif de
la première partie est donc de réexaminer les sources, afin d'attirer à nouveau l'attention sur
une éventualité qui paraît avoir été trop vite écartée. Nous verrons que cette réinterprétation
des textes, si elle est admise, n'est pas sans conséquences au sujet de la « légion gauloise »,
ainsi que pour notre connaissance de l'armée romaine de la fin de la République.
La deuxième partie de ce travail de recherche est probablement la plus délicate : il s'agit
en effet d'apporter une explication à l'émergence d'une légion appelée V
e
Alaudae, très peu
de temps après la mort de César, alors que pratiquement tous les historiens sont partis avec
l'idée qu'elle existait déjà de son vivant. De fait, notre analyse des sources concernant les
événements de l'année 44 av. J.-C. ne peut véritablement s'appuyer sur les travaux qui ont
été publiés sur cette période. Toute la difficulté réside dans le fait que, parmi les historiens
qui ont refusé d'admettre l'idée que les Transalpins de César correspondaient à la V
e
légion
de César en Afrique, aucun ne s'est risqué à formuler une hypothèse permettant d'expliquer
dans quelles circonstances une légion portant à la fois le nom Alaudae et le numéro V a pu
apparaître juste après la mort du général. Cette partie propose ainsi une réinterprétation des
sources qui nous renseignent sur
les
troupes
dont
disposaient
les
différents
protagonistes, de
la mort de César à la bataille d'Actium, en particulier Antoine. Elle s'intéresse avant tout à
l'année 44, car c'est à ce moment-là que des discours prononcés par Cicéron ont fait entrer
dans l'histoire des soldats que l'orateur appelait Alaudae. S'agit-il des Transalpins de César,
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