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deuxième moitié du siècle suivant afin d'obtenir des travaux plus nombreux et surtout plus
intéressants à son sujet. Jusque là, les historiens s'étaient bornés à des considérations assez
fantaisistes sur le caractère ethnique de la légion, sans véritablement chercher sa trace dans
les sources.
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Certains d'entre eux, établissant un lien entre les informations trouvées dans le
texte de Suétone et des inscription plus tardives, rapprochaient déjà la « légion Alauda » de
la V
e
légion de César
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, hypothèse qui est d'ailleurs encore aujourd'hui admise — peut-être à
tort — par une majorité de chercheurs. Th. Mommsen est le premier à avoir affirmé que la
« légion » de Transalpins de César, malgré le témoignage de Suétone, n'avait jamais été une
véritable légion. Nous verrons que cette position est tout à fait digne d'intérêt, bien que les
historiens, à l'exception de quelques uns, ne lui aient jamais accordé aucune attention, sans
doute parce que l'érudit allemand ne l'a jamais défendue avec beaucoup de vigueur.
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Dans un premier temps, notre travail se propose ainsi de dresser le bilan de près de deux
siècles de recherche sur la « légion gauloise » de César, de façon à confronter les théories
les unes aux autres. Cette approche historiographique, combinée à un examen minutieux
des textes, a débouché sur des conclusions plutôt à contre-courant par rapport à l'hypothèse
admise de nos jours par la plupart des historiens. Pour ces derniers, il ne fait souvent aucun
doute que les soldats gaulois ont été organisés en une véritable légion, qui correspondrait à
la V
e
légion des textes. En fait, cette théorie paraît surtout avoir acquis le statut de quasi-
certitude à force d'être répétée d'ouvrages en ouvrages, tandis qu'aucun élément concret ne
le droit de citoyen Romain à chaque légionnaire » (Questions sur l'Encyclopédie, I, Paris, 1771, p. 109).
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Seul Ch.-Th. Guischardt s'était intéressé à la question (voir la note précédente). La façon dont cette légion a
été perçue par l'historiographie française du XIX
e
siècle est évoquée infra, p. 64, n. 188 avec des citations.
4
Selon Ch. Th. Guischardt (1774, II, p. 71) : « César, Hirtius & Appien d'Alexandrie n'appellent jamais cette
légion que du nom de cinquieme. Ciceron se plait à la nommer constamment la légion des Alouettes, legio
Alaudarum, par haine à ce qui paroit contre Antoine, auquel elle fut particulierement attachée » ; id., p. 79 :
« On voit donc clairement que ce n'est que Ciceron qui se plait à l'appeler par son sobriquet, tandis que les
autres la nomment constamment la cinquieme. Cette circonstance sert à prouver indépendamment des
inscriptions que la cinquieme légion & celle des Alouettes étoient les mêmes ». Cf. Drumann 1839, p. 214 ;
Grotefend 1840, p. 646-647.
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Il faut en effet se rapporter à plusieurs de ses articles et à sa deuxième édition commentée des Res Gestae si
l'on veut avoir une idée d'ensemble de sa théorie concernant la légion. Voir infra, p. 43-47 ; 62-65.