Pédagogie Médicale
REVUE INTERNATIONALE FRANCOPHONE D’ÉDUCATION MÉDICALE
Le « bon médecin » : enquête auprès des patients
175
REVUE INTERNATIONALE FRANCOPHONE D’ÉDUCATION MÉDICALE
Introduction
Le public utilise souvent l’expression « bon médecin »
pour désigner le professionnel de santé auquel il se
réfère ou souhaite s’adresser. Les notions sous-tendues
par cette locution semblent évidentes. Elles ont été
exprimées par exemple au travers d’éditoriaux et de
courriers publiés récemment dans le British Medical
Journal. Cependant, il s’agissait principalement d’opi-
nions émanant de médecins1, 2, 3. Il est intéressant de
vérifier si cette appréciation correspond à l’attente for-
mulée par les patients, qui cherchent à avoir la meilleure
qualité de soins possible et qui souhaitent que le méde-
cin auquel ils s’adressent soit un « bon médecin ». Dans
le cadre de la formation universitaire, il semble utile
d’informer l’étudiant sur ce que le malade attend de lui
en tant que professionnel. Dans une enquête prélimi-
naire, nous avons cherché à savoir, à l’aide d’un ques-
tionnaire ouvert, si les personnes non-médecins avaient
une définition du médecin différente de celle du bon
médecin.
Matériel et méthodes
Nous avons interrogé des personnes consultant en
ambulatoire dans le service de dermatologie au Centre
hospitalier régional et universitaire de Limoges et leurs
accompagnants éventuels. Une feuille leur était remise
lors de leur inscription au secrétariat, leur indiquant
qu’ils consultaient dans un hôpital universitaire, lieu de
formation des médecins, et que nous souhaitions
recueillir leur opinion pour nous aider à cette forma-
tion. Deux questions à réponses ouvertes étaient posées :
1) pour vous, qu’est-ce qu’un médecin ? 2) pour vous,
qu’est ce qu’un bon médecin ? Les réponses étaient ouver-
tes et les personnes interrogées remettaient leur feuille au
secrétariat ou au médecin consultant. Nous avions prévu
d’arrêter l’enquête à 100 personnes interrogées.
Les verbatims de toutes les réponses remises ont été sys-
tématiquement analysés. Nous avons colligé les mots-
clefs correspondant à un verbe, un adjectif ou une locu-
tion employés par les répondants et concernant une
qualité, une caractéristique ou un attribut potentielle-
ment rattachables à une compétence du médecin
(Tableau 1). Les mots cités plusieurs fois étaient comp-
tabilisés. Un essai de regroupement de ces mots clefs par
types de compétence a ensuite été fait en fonction d’une
classification récemment publiée4. Une liste a été établie
pour le médecin et le bon médecin. Cette analyse a été
faite indépendamment et en parallèle par deux
d’entre nous (JMB, AS).
Tableau 1 :
Exemple d’identification de mots-clés
Pour vous qu’est-ce qu’un médecin ?
Une aide, un secours indispensable.
Une compétence et un savoir spécifiques.
Une personne de pouvoir (il a la vie de ses
patients entre les mains).
Pour vous qu’est-ce qu’un bon médecin ?
Qualité d’écoute, considération du patient
(mauvais médecin : le patient a l’impression
d’être une « chair à soigner »). Donne des expli-
cations compréhensibles (pas de détails trop
techniques et de charabia inaccessible à un non
initié). Apport de solutions claires et efficaces.
Suivi du patient.
L’analyse statistique a été faite dans un premier temps
en analyse univariée pour chaque mot-clef exprimé plus
de 5 fois et ensuite pour chaque champ de compétence
(test du Chi 2 pour séries appariées et test exact de
Fischer pour séries appariées). Les items du champ de
compétence présentant un p < 0,25 ont ensuite fait
l’objet d’une analyse par régression logistique à pas des-
cendant tenant compte de l’appariement.
Résultats
Cent trois personnes ont répondu à cette enquête
(51 femmes, 51 hommes, 1 d’âge et de sexe non précisés ;
âges extrêmes : 10-91 ans). La répartition des tranches
d’âge par dizaine était identique entre hommes et femmes
(p = 0,51). Quatre personnes ont formulé la même défini-
tion pour le « médecin » et le « bon médecin » et deux
n’ont pas défini le « bon médecin » .
Respectivement 86 et 128 mots-clefs ont été recensés pour
le « médecin » et pour le « bon médecin » ; cinquante
mots-clefs étaient communs aux deux. Le mot compé-
tence était cité cinq fois pour chaque groupe. Parmi les
mots clefs cités plus de cinq fois, et en dehors de « diagnos-
tic » et « guérir/guérison » qui semblent être des notions
partagées, de nettes différences apparaissent entre les deux
conceptions du médecin et du bon médecin (Tableau 2).