– 3 – / 4
de soins juste après le repas, … L’accent est mis sur le fait que l’enfant doit aussi pouvoir pratiquer une continuité dans sa journée et ne pas être
sans cesse interrompu. De nombreux enfants, une fois guéris, présente de grands problèmes d’attention, une conséquence de la discontinuité
de l’expérience au quotidien par le fait de ne pas pouvoir s’adonner de façon continue à une activité.
Le traitement lui-même peut donc venir entériner l’expérience de discontinuité introduite par la maladie.
4ème aspect : l’évidence du plein éveil dans la vie quotidienne.
Cela va de soi que lorsque nous sommes éveillés, il y une attention consciente à ce que nous vivons. La maladie vient envahir le champ
quotidien par la fatigue, la douleur, les traitements. La conscience discontinue pose la question de la difficulté à se projeter. Le bouleversement
du rapport au temps est une expérience de la dispersion, comme si on vivait dans un perpétuel présent découpé en morceaux, entrainant une
difficulté à se projeter, qui est majeure à prendre en compte du fait de l’idée d’objectifs à atteindre rythme la dynamique thérapeutique. Cette
capacité-même à se projeter est mise à mal par la maladie.
5ème aspect : le monde ne vas plus de soi, le rapport aux objets ne va plus de soi
Une certaine familiarité aux objets est ébranlée. Notre rapport quotidien aux objets est ancré dans des habitudes selon GOOD. La maladie (male
habitus : mauvaises habitudes) bouleverse le rapport aux objets les plus quotidiens.
GOOD souligne donc que cette dispersion du rapport au monde est souvent accentuée par la prise en charge elle-même, particulièrement par la
prise en charge pluridisciplinaire qui s’impose, en traitant chaque partie du corps avec de nouveaux spécialistes.
GOOD souligne le processus de symbolisation, la tentative de s’approprier l’expérience en nommant la maladie.
Par exemple, un patient souffrant de douleurs chroniques obtient un diagnostic de « trouble de l’articulation temporo-mandibulaire ». Mais
après une sorte d’espoir naissant, il se rend compte que le diagnostic permet de symboliser, mais rien de plus. Il abrège par « TMJ » (temporo
mandibular joint) pour nommer sa maladie : il a trouvé un nom à sa maladie. Il a donc posée la maladie à part, il lui reste à se réconcilier avec
elle.
Quand quelqu’un raconte son histoire, on assiste à la construction de la maladie au fur et à mesure du récit, on comprend combien l’effort
consiste à réunifier son expérience en s’appropriant la maladie, combien au cours même du récit le patient travaille sur sa propre expérience,
en cherchant à devenir l’auteur de sa propre expérience, une expérience dont il se sent dissocié car il n’a pas choisit d’être malade et dont il
s’est exproprié.
On comprend RICOEUR quand il dit « raconter son histoire, c’est en devenir l’auteur » : c’est se l’approprier, et c’est au fond la temporaliser,
introduire une certaine continuité dans une expérience éclatée. C’est notamment avec cela que travaillent certains acteurs du système de santé
avec l’art thérapie.
III. L’objet de la maladie comme une construction
Comment l’expérience de la maladie construit la maladie elle-même ? Dans quel sens le dispositif médical peut finalement faire obstacle à la
prise en compte de l’expérience de la maladie ?
La maladie est une construction. L’expérience de la maladie est cela-même qui construit la maladie. GOOD insiste sur un aspect médical
réducteur que l’on peut avoir sur la maladie, par exemple le fait de réduire le vécu à des comportements, le fait de réduire la culture à des
croyances, ce qui laisse de côté que ce que nous pensons comme des croyances, et qui laisse de côté le rapport unitaire au monde de chacun.
En isolant les croyances contre lesquelles il va falloir lutter pour générer un comportement thérapeutique, on éclate la culture.
Dans des enquêtes réalisées dans les années 60 pour mettre en place des campagnes de Santé Publique aux EU, les enquêtes KABP (attitudes,
connaissances, comportements et pratiques), l’idée était de prendre en compte la culture, les représentations profanes de la maladie, les
croyances des gens, pour pouvoir éradiquer ces croyances et les remplacer par du savoir médical dans le but de changer les comportements.
C’est une vision très réductrice des représentations. Lors de l’évaluation de l’impact de ces campagnes (ex : celles contre le SIDA dans les
années 80), on s’est rendu compte que les gens avaient compris les processus en jeu, mais qu’ils n’avaient aucunement changé leur
représentation et leur comportement. La connaissance reste extérieure à leur façon de vivre.
On ne peut pas penser le vécu seulement en termes de comportement. L’idée qu’on se fait des choses, suivant laquelle nous vivons au
quotidien, n’est pas qu’un amas de croyances isolées les unes des autres.
Au fond, la notion de maladie elle-même est une façon de se représenter les choses. C’est ce qu’à la fin des années 70 KLEIMAN a introduit en
mettant en évidence 3 façons de se représenter la maladie, 3 modèles explicatifs possibles de la maladie, exprimant 3 cultures, ayant chacun
leur pertinence : « disease, illness, sickness ». KLEIMAN propose de penser le monde médical comme une interprétation culturelle, au même
titre que l’expérience de la personne est une interprétation culturelle. Il propose un modèle constructiviste de la maladie : en nommant la
maladie d’une certaine façon, nous la construisons d’une certaine façon. La maladie est constituée par le modèle interprétatif qui conduit l’acte
d’évaluation de la maladie ce qui fait qu’on va pouvoir, à certaines périodes historiques, penser qu’un état de mal être n’est pas une maladie,
mais par la suite, une typologie de syndrome sera considérée comme une maladie.