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2. La Grèce archaïque
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Texte d’Homère
L’ ASSEMBLÉE DES ACHÉENS.
Ulysse alla trouver Agamemnon, le fils d’Atrée;
de ses mains il reçut le sceptre héréditaire, indes-
tructible à jamais; puis […] quand il rencontrait un
roi (basileus)ou un héros de marque, il s’appro-
chait et, avec des mots apaisants, il cherchait à le
retenir: « […] Crois-moi, assieds-toi et fais asseoir
les autres. […] Nous n’étions pas tous au conseil
(boulè)pour entendre ce qu’Agamemnon y a dit.
Gare qu’il ne se fâche […]. La colère est terrible
des rois issus de Zeus.[…] »
Mais si c’était un homme du peuple (dèmos)qu’il
voyait et surprenait à crier,il le frappait alors du
sceptre et il le tançait ainsi: « […] Reste tranquille ;
puis écoute l’avis des autres, de ceux qui valent
mieux que toi […];tu ne comptes pas plus au
conseil qu’au combat. […] Qu’un seul soit chef,
qu’un seul soit roi […]. ».
Ainsi il parlait en chef et remettait l’ordre au
camp ; et, de nouveau, des navires et des
baraques, l’armée accourait à l’assemblée (agora).
[…] Thersite, seul, persistait à piailler sans frein.
[…] Il criait:
«Allons! fils d’Atrée, de quoi te plains-tu ? de quoi
as-tu besoin encore? Tes baraques sont pleines de
bronze, tes baraques regorgent de femmes, butin
de choix, que nous, les Achéens, nous t’accordons
àtoi, avant tout autre, chaque fois qu’une ville est
prise. […] Laissons-le là, en Troade, à savourer ses
privilèges (géra)[…] ».
Ainsi parlait Thersite. […] Mais le divin Ulysse […]
l’invectiva avec des mots durs:
« Thersite, tu peux être un orateur (agorètès)
sonore;mais tu parles sans fin. Assez ! […] » Il dit,
et, du sceptre, il frappa son dos, ses épaules;[…]
les autres à le voir eurent un rire content. […] Le
preneur de villes, Ulysse, était debout, le sceptre
en main. Près de lui, Athéna aux yeux pers, sous
les traits d’un héraut, invitait le peuple au silence,
pour que les fils des Achéens, au premier comme
au dernier rang, pussent entendre ses paroles et
méditer ses avis.
Clairvoyant, il prit la parole et [, s’adressant à
Agamemmnon,] dit: « Fils d’Atrée, les Achéens en
cette heure veulent faire de toi, seigneur (anax), le
plus humilié des hommes, au regard de tous les
mortels. Ils se refusent à tenir la promesse qu’ils
t’ont faite [de ne retourner en Grèce qu’après la
destruction de Troie…]. Quand à Aulis […] nous
sacrifiions aux dieux immortels des hécatombes
sans défaut […] nous apparut un terrible présage.
Un serpent [dévora huit oisillons et leur mère…];
aussitôt Calchas, au nom du ciel, déclara:« […]
nous devons rester à guerroyer [neuf] années;
puis, la dixième, nous prendrons la grande ville de
Priam. » […] »
Il parla ainsi;les Argiens poussèrent un grand cri
[…] pour approuver l’avis du divin Ulysse. Là-
dessus, Nestor, le vieux meneur de chars, à son
tour leur dit: « […] Et que vont donc devenir,dites-
moi, et les traités et les serments?[…] Nous voilà
bataillant, à coups de mots, pour rien […]. À toi
donc, fils d’Atrée, de montrer,comme auparavant,
ton inflexible volonté. Guide les Argiens dans les
violents combats.[…] L’avis que je te donne n’est
pas à rejeter. »
Le roi Agamemnon lui répliqua en ces termes:
« Une fois de plus, vieillard, tu l’emportes à l’as-
semblée sur tous les fils des Achéens. […] Pour
l’instant, tous, allez manger;après quoi, nous
engagerons la bataille. […] Et celui que je verrai
disposé à traîner à l’écart du combat […], celui-là
aura peine à trouver le moyen d’échapper aux
chiens, aux oiseaux! »
Il parla ainsi; les Argiens poussèrent un grand cri ;
ainsi le flot […] Debout, ils s’élancèrent en se
dispersant à travers les navires…
Homère, Iliade,II, 185-398 (extraits).
Comprendre le document et ses centres d’intérêt
–Le mécanisme de la prise de décision ;
–le rôle déterminant des aristocrates.
Mais aussi:
– les rapports sociaux fondamentalement inégalitaires ;
–les éléments religieux qui confirment la décision.