complément au chap 3 - Librairie Studyrama

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Document commenté
LA
GUERRE
15. La mort de Drusus déclencha la guerre d’Italie
qui couvait déjà depuis longtemps. De fait, sous le
consulat de L. César et de P. Rutilius, il y a de cela
cent vingt ans, l’Italie dans son ensemble - alors
que le mal avait pris naissance chez les habitants
d’Asculum (car ils avaient tué le préteur Servilius
et son lieutenant Fonteius) et qu’ensuite, passé de
chez les Marses, il avait pénétré dans toutes les
régions – prit les armes contre les Romains. Autant
le sort de ces peuples fut affreux, autant leur cause
était parfaitement juste ; ils réclamaient en effet
l’appartenance à une cité dont leurs armées soutenaient l’empire ; tous les ans, lors de toutes les
guerres, ils fournissaient un double contingent de
fantassins et de cavaliers et pourtant ils étaient
exclus des droits d’une cité qui, grâce à eux, s’était
élevée si haut qu’elle pouvait mépriser des gens de
même origine et de même sang comme s’ils
étaient des étrangers et d’une autre race. Cette
guerre enleva à l’Italie plus de trois cent mille
jeunes gens. Les généraux romains les plus
illustres au cours de cette guerre furent Cn.
Pompée, père de Cn. Pompée le Grand, C. Marius,
dont nous avons parlé, L. Sylla, préteur l’année
précédente, Q. Metellus, fils du Numidique […].
SOCIALE..
16. Les chefs les plus illustres des Italiens furent
Silo Popaedius, Herius Asinius, Insteius Cato,
C. Pontidius, Telesinus Pontius, Marius Egnatius,
Papius Mutilus. […]
Le sort de la guerre d’Italie fut si changeant et si
affreux qu’en l’espace de deux ans, les ennemis
tuèrent deux consuls romains, Rutilius, puis
Porcius Cato, que les armées du peuple romain
furent mises en déroute en de nombreux endroits,
qu’on endossa l’habit militaire, qu’on le garda
longtemps. Les Italiens avaient choisi comme
capitale de leur empire Corfinium, qu’ils avaient
appelé Italica. Peu à peu, alors que Rome concédait le droit de cité à ceux qui n’avaient pas pris
les armes ou les avaient déposées assez tôt, elle
refit ainsi ses forces. Pompée, Sylla et Marius rétablirent l’État romain chancelant en train de s’effondrer.
17. La guerre d’Italie était en très grande partie
achevée, à l’exception de quelques séquelles à
Nole, quand les Romains préférèrent concéder le
droit de cité à des gens vaincus et écrasés après
avoir eux-mêmes perdu leurs forces que de le
donner à tous en les gardant intactes.
Velleius Paterculus, Histoire romaine, II, 15-17 ; d’après la traduction de Hellegouarc’h, J., Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1982.
Remarques préliminaires : les objectifs du texte
Évidents dès le premier abord:
– la violence et l’ampleur de la première « guerre civile » (Florus), appelée par les historiens de l’Antiquité guerre Marsique, ou guerre Sociale (les socii sont les alliés);
– l’accès à la citoyenneté pour les Italiens et la création de l’unité italienne sur l’ensemble de la péninsule.
Apparents dans un second temps:
– l’analyse des causes: réclamations italiennes justifiées par la participation des Italiens
à l’expansion extra-italique; les avantages de la citoyenneté romaine; la politique de
refus suivie par le Sénat;
– les différentes analyses de la confédération italienne.
1 - Présentation
La nature de la source
– Velleius Paterculus écrit un abrégé d’histoire romaine publié en deux livres en 30 p. C.,
qui va des origines au consulat de M. Vincius (30 p. C.).
Documents et exercices
1
– C’est une histoire relativement impartiale dans sa première partie, mais résumée à
l’extrême; la seconde partie, consacrée à Auguste et Tibère, partiale, pratique l’éloge
à outrance.
– Consulter parmi les autres sources sur la guerre: Appien, Les guerres civiles, I, 38-53;
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XXXVII.
L’auteur
– Velleius Paterculus Gaius (19 a. C.-30 p. C.) sert en qualité de tribun militaire d’abord
dans l’armée de Germanie sous les ordres de C. Caesar (fils d’Agrippa et petit-fils
d’Auguste); puis il commence sa carrière politique sous Auguste puisqu’il est questeur
en 7 p. C., et la poursuit sous Tibère en qualité de préteur en 15 p. C., puis de légat en
Germanie.
– Velleius Paterculus est descendant (par sa mère) de la gens campanienne des Magii,
restée fidèle à Rome pendant la deuxième guerre Punique, puis pendant la guerre
Sociale: cette fidélité explique l’ascension au Ier siècle de cette famille qui accède au
Sénat.
Le contexte
– L’Italie est une mosaïque de peuples (cf. la carte donnée dans Le monde romain, Paris, Bréal,
2010, p. 69) et, depuis la conquête romaine de la péninsule, connaît des statuts divers pour les
personnes: statut de citoyen romain de plein droit, statut de Latin, statut d’allié défini par le traité
conclu entre Rome et le peuple en question. Les alliés ont gardé des éléments d’autonomie locale
(organisation municipale).
– La guerre Sociale est le résultat d’une situation qui s’est dégradée entre Rome et les Italiens,
depuis la guerre d’Hannibal durant laquelle certains alliés ont suivi le parti d’Hannibal et ont été
ensuite très durement réprimés; au cours du IIe siècle, la pression sur les Italiens s’est faite de plus
en plus forte sans qu’ils en aient reçu de compensations: toutes les catégories de la population
italienne ne réagissent pas de la même façon; de même que tous les alliés ne sont pas entrés dans
la révolte : ni les colonies, ni les Latins n’ont participé à cette insurrection.
L’analyse
Les éléments clefs du texte à dégager:
– les circonstances du déclenchement de la guerre Sociale;
– les causes de la guerre Sociale: une revendication de la citoyenneté présentée comme justifiée;
– les forces en présence; la formation d’une confédération;
– les lois romaines qui accordent la citoyenneté.
Les lectures
Dans la bibliographie, retenir : BELAYCHE, N., Rome, la péninsule italienne et la Sicile de 218 à 31 avant
notre ère. Crises et mutations. Paris, SEDES, coll. Regards sur l’histoire n° 96, 1994, p. 299-326 ;
DE CAZANOVE, O., MOATTI, C., L’Italie romaine d’Hannibal à César, Paris, A. Colin, coll. U, 1994 ;
DAVID, J.-M., La Romanisation de l’Italie, Paris, Flammarion, coll. Champs, 1999 ; NICOLET, C., Rome
et la conquête du monde méditerranéen, vol. l, Les structures de l’Italie romaine, Paris, PUF, coll.
Nouvelle Clio, 10e éd., 2001, p. 270-299 ; on peut consulter aussi SHERWIN-WHITE, A. H., Roman
citizenship, Oxford, 1939.
2 - Explication
A - Les causes de la guerre Sociale
Le texte constitue une synthèse sur l’ensemble de la guerre Sociale, mais il présente
certaines lacunes que le commentaire se doit de préciser.
2
3. La République romaine de la deuxieme guerre Punique à la mort de César
1 - Les circonstances immédiates : la mort de Livius Drusus
– La « question italienne » s’est posée en termes politiques à l’époque des Gracques
(cf. Le monde romain, Paris, Bréal, 2010, p. 73-74), quand les assignations agraires retirent
des terres aux possessores italiens, et les excluent de toute distribution et de toute
compensation: Scipion Émilien se fait le patron des Italiens et bloque les travaux de la
première commission agraire;
– en 126, une loi interdit aux alliés de se rendre à Rome pour soutenir la candidature de
M. Fulvius Flaccus dont le programme accorde aux Italiens qui la souhaitent la citoyenneté romaine et pour les autres le droit d’appel au peuple (provocatio); en 125, l’ajournement de sa proposition est certainement la cause de la révolte de la colonie latine de
Frégelles, révolte durement réprimée. En 122, Caius Gracchus reprend le projet d’accorder la citoyenneté complète aux Latins, et un droit de vote aux Italiens, tandis qu’une
fois que les alliés et Latins sont expulsés de Rome, son adversaire Livius Drusus promet
aux Latins sous les armes le droit de provocatio; projets sans suite. La cause italienne
devient un enjeu politique proprement romain;
– la responsabilité immédiate du conflit revient aux propositions du tribun M. Livius
Drusus en 91 et à leur échec: le tribun accorde aux Italiens la citoyenneté, comme
compensation des effets de la loi agraire pour les possessores, en particulier étrusques.
Le Sénat annule les lois de Drusus pour vice de forme et son assassinat déclenche l’insurrection: selon le témoignage de Diodore de Sicile (XXXVII, 11), Drusus aurait fait
prêter serment à certains chefs italiens qui, perdant tout espoir à sa mort, se lancent dans
des préparatifs militaires.
2 - Les causes des revendications italiennes de la citoyenneté romaine
– Alourdissement de la pression militaire : en vertu de la formula togatorum (qui fixe
le nombre de soldats, les officiers, l’équipement et la solde), les Latins et alliés
doivent fournir des contingents placés sous commandement romain. Les guerres de
conquête ont entraîné des temps de service allongés, dans des régions plus éloignées,
des pertes humaines importantes ; l’absence de ces paysans-soldats, leur endettement
est l’une des causes de la crise agraire italienne de la fin du IIe siècle ; une des difficultés rencontrées par les alliés est de remplir leurs obligations quand leurs habitants
émigrent, en particulier à Rome, ce qui conduit à des expulsions d’Italiens en 187,
178, 173. Ces mesures sont renouvelées à la fin du IIe siècle : en 126, loi du tribun
Junius Pennus ;
– la deuxième guerre Punique a renouvelé certaines hostilités italiennes à l’égard des
Romains; Rome empiète sur les autonomies locales et sa domination sur l’Italie se
durcit tout au long du IIe siècle: enquête policière en 186 lors de l’affaire des
Bacchanales; vexation imposée à Préneste en 173 (Tite-Live, XLII, 1; Aulu-Gelle,
Nuits attiques, X, 3, 5); saccage du temple de Junon à Crotone en 173; écrasement de
l’insurrection de Frégelles en 125.
– être citoyen romain présente un certain nombre d’avantages qui sont le résultat de la
conquête: exemption du tributum depuis 167; accès aux distributions frumentaires
(prix réduit), agraires pour les pauvres; exercice des pleins droits politiques; mais
aussi une protection légale. L’écart se creuse d’autant que les affranchis acquièrent la
citoyenneté plus facilement que les Latins et Italiens, alors que du fait des changements économiques les élites en Italie (domi nobiles) sont très proches dans leur enrichissement (ce sont des negotiatores) et leur mode de vie, des élites romaines, sans
détenir les mêmes droits politiques.
Documents et exercices
3
3 - Les possibilités d’accès à la citoyenneté et les limites dans les années 100 a. C.
– Des tentatives individuelles ont toujours existé: des individus et leurs familles d’origine italienne ont accédé à la citoyenneté, puis à l’ordre équestre, et même dans
certains cas au Sénat;
– une loi dans les années 122 autorise les magistrats des cités latines à devenir automatiquement citoyens romains; et dans les années qui suivent, les aristocraties latines et
alliées sont inscrites par les censeurs sur les listes de nouveaux citoyens;
– en 95, une loi Licinia Mucia (loi consulaire) prive de la citoyenneté les Italiens qui
l’ont usurpée, soit des milliers de personnes;
– en 92, une « note censoriale » condamne la rhétorique latine (en l’excluant des tribunaux permanents) mais n’a pas d’effet pratique.
B - La confédération italienne : composition
1 - Les peuples concernés
– Ne sont pas entrés dans la guerre les peuples dont le statut était défini par un traité
avantageux avec Rome: les Latins, les Étrusques, les cités grecques de l’Italie centrale
et méridionale; les colonies latines sont restées fidèles à Rome;
– la guerre Sociale est menée par les classes dirigeantes et n’est pas une révolte de la
pauvreté: c’est dans un deuxième temps qu’elle devient un mouvement populaire.
Deux groupes de peuples participent: dans les régions du centre et de l’Apennin, les
peuples Sabelliques (Marses, Péligniens, Vestins, Marrucins), les Picentes, les Osques
(Hirpins, Samnites) et au sud, les Lucaniens, Campaniens, Apuliens, Vénusiens.
2 - Les opérations militaires
– Les débuts de l’insurrection: c’est un conflit préparé, mais les Italiens restent ouverts
à la négociation, puisqu’ils envoient une ambassade au Sénat. La politique sénatoriale
de refus, renforcée ultérieurement en 90 par la lex Varia (qui condamne tous ceux qui
aident les révoltés) déclenche les hostilités: l’assassinat du préteur Servilius et de son
légat à Asculum (dans le Picenum : cf. la carte donnée dans Le monde romain, Paris,
Bréal, 2010, p.13) y est suivi du massacre de la population romaine ainsi que dans
d’autres villes;
– la guerre se déroule sur deux fronts de 90 à 88: au nord en 90, le consul P. Rutilius
Lupus affronte les troupes du Marse Pompaedius Silo, au sud, L. Iulius Caesar se bat
contre le Samnite C. Papius Mutilus. Les insurgés s’emparent respectivement
d’Aesernia, de Venusia, et de la Campanie méridionale. Les autres noms cités sont
ceux des chefs italiques: le Marrucin Herius Asinius, le Pélignien P. Vettius Scato (=
Insteius Cao), les deux derniers Telesinus Pontius et Marius Egnatius étant originaires
du Samnium.
À la fin de l’année 90, malgré des combats victorieux et la mort des deux consuls
(P. Rutilius Lupus mort près d’Alba Fucens, et L. Porcius Cato tué près du lac Fucin), la
moitié des insurgés est soumise; les forces restantes se regroupent dans une nouvelle
capitale, Aesernia, sous le commandement de Q. Pompaedius Silo.
En 89, le consul Cn. Pompeius Strabo (père de Pompée) reprend Asculum, tandis que
Sylla, en qualité de légat, fait le siège de Nola, et de Pompéi qui tombe en 88, année où
Rome l’emporte sur les derniers peuples rebelles; le siège de Nola se poursuit plus longtemps sous le commandement d’App. Claudius Pulcher.
Cette guerre fait 300000 morts et appauvrit des régions entières.
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3. La République romaine de la deuxieme guerre Punique à la mort de César
3 - La confédération italienne
Tant que les Italiens ont été victorieux, ils ont constitué une confédération selon un
modèle d’inspiration romaine:
– des institutions: un Sénat de 500 membres (conseil représentatif des peuples, qui vote
les lois, prend les décisions, et désigne les magistrats), 2 consuls et 12 préteurs;
– des marques d’indépendance politique: une capitale, Corfinium, appelée Italica, localisée à une quarantaine de kilomètres à l’est d’Alba Fucens, chez les Péligniens, et
donc indépendante des Marses et Samnites, à un endroit stratégique; un monnayage
italien (denier d’argent mais avec des légendes latines et osques) (allégorie de l’Italie);
débuts d’une politique étrangère (envoi d’une ambassade à Mithridate, restée sans
réponse);
– des peuples entraînés à la guerre: tactique militaire romaine; deux provinces consulaires, chaque consul étant soutenu par un chef originaire de chacun des peuples; une
armée de 100000 hommes.
C - Les lois de la citoyenneté et l’intégration
L’efficacité de l’instrument mis en place trouva sa démonstration dans le succès des
forces de la ligue.
1 - Trois lois accordent successivement la citoyenneté aux Italiens
– Dès octobre 90, la lex Iulia (proposée par le consul L. Iulius Caesar) accorde le droit
de cité aux Latins et alliés restés fidèles à la cause romaine ou qui déposent les armes,
à la condition qu’ils en fassent la demande; les chefs d’armée disposent du droit de
l’accorder aux soldats pérégrins méritants;
– en 89, la lex Plautia Papiria (loi tribunicienne) accorde le droit de cité à tout Italien,
même s’il a participé à l’insurrection, dans la mesure où il se déplace à Rome pour se
faire inscrire sur les registres du préteur. Son application est l’objet de discussions;
– en 89, la lex Calpurnia (loi tribunicienne) octroie la citoyenneté comme récompense
individuelle et concerne la répartition des nouveaux citoyens.
Ces lois sont complétées par d’autres mesures, une loi Pompeia qui précise les statuts
personnels en Gaule Cisalpine, d’autres lois qui règlent le sort des insurgés en fonction
de leur reddition
2 - Le mode d’intégration des nouveaux citoyens
– Tous les habitants de l’Italie acquièrent la citoyenneté romaine; mais la question se pose
sur la façon de les incorporer, moins dans les comices centuriates organisés selon des
critères censitaires qui structurent de la même façon les Italiens, que dans les comices
tributes: la répartition géographique peut, selon le critère adopté, bouleverser les équilibres politiques, en raison du nombre de nouveaux citoyens par rapport à celui des
Romains;
– l’intégration est l’objet d’une lutte politique, l’oligarchie voulant cantonner les Italiens
dans un petit nombre de tribus, alors que le courant démocrate revendique leur répartition; tel est le sens de la proposition du tribun P. Sulpicius Rufus en 88. En 84, un sénatus-consulte accorde l’inscription des nouveaux citoyens dans toutes les tribus, décision
confirmée par Sylla en 83;
– le cens de 70-69 dénombre 910000 citoyens romains.
Documents et exercices
5
3 - L’unification de la péninsule italienne
– Une nouvelle organisation administrative fondée sur le statut municipal qui se généralise (certainement par la participation des élites locales à cet effort): on n’a pas de
certitude pour savoir s’il existe une loi générale fixant le statut des municipes (la Table
d’Héraclée?). Les institutions municipales dotées d’une autonomie juridictionnelle
s’uniformisent: un collège de magistrats et un conseil de décurions;
– l’urbanisation se développe, en suivant le modèle urbanistique de Rome (forum…);
– intégration des élites italiennes qui en une ou deux générations entrent au Sénat, porté
par Sylla à 600 membres; romanisation des peuples italiques: usage du latin, adoption
des modes de vie romains, à des rythmes différents selon les régions et leur degré de
développement culturel.
3 - Conclusion
– Fin des discriminations entre Italiens et Romains; l’Italie comme creuset d’une armée
italienne;
– un conflit qui entraîne la romanisation de l’Italie, qui fait de la péninsule au sud du
Rubicon une unité: le rattachement de la Gaule Cisalpine devient une revendication
intégrée au programme de César.
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3. La République romaine de la deuxieme guerre Punique à la mort de César
Documents proposés
Le sénatus-consulte des Bacchanales.
XXXIX, 14. Lorsqu’il eut en son pouvoir les deux
dénonciateurs, Postumius porte l’affaire devant le
Sénat, exposant dans l’ordre tous les éléments,
obtenus par la dénonciation d’abord, par sa
propre enquête ensuite. Une immense épouvante
saisit les sénateurs qui considéraient l’intérêt
public et les risques de trahison et de danger
cachés que pouvaient entraîner les conspirations
et assemblées nocturnes, mais aussi leur intérêt
personnel respectif, avec la crainte qu’un membre
de leur famille ne fût impliqué dans ce scandale.
Le Sénat cependant vota des remerciements au
consul pour avoir instruit l’affaire avec une rare
diligence et sans provoquer le moindre désordre.
Puis [les sénateurs] chargent les consuls d’une
enquête extraordinaire sur les Bacchanales et les
cultes nocturnes ; ils ordonnent de veiller à ce que
l’affaire ne porte pas préjudice aux dénonciateurs
Aebutius et Faecenia et d’appâter d’autres dénonciateurs par des récompenses ; de rechercher les
prêtres de ces cultes qu’ils soient hommes ou
femmes, non seulement à Rome mais dans toutes
les places et tous les marchés, afin de les mettre à
la disposition des consuls ; en outre de faire
proclamer dans Rome et d’envoyer dans toute
l’Italie des édits interdisant à tous ceux qui avaient
été initiés aux mystères bachiques de se réunir ou
de se rassembler pour célébrer ce culte, ou
quelque cérémonie religieuse du même genre.
Avant toute chose, ordre est donné que l’on
enquête sur ceux qui se sont réunis ou conjurés
pour commettre crimes ou violences. Tel fut le
décret du Sénat.
Tite-Live, Histoire romaine, XXXIX, 14, d’après la traduction de Pailler, J.-M., Bacchanalia. La répression de 186 av. J.-C. à Rome et
en Italie : Vestiges, images, traditions, Rome, Bibliothèque des Écoles Françaises d’Athènes et de Rome (= BEFAR), n° 270, 1988.
Comprendre le document et ses centres d’intérêt
– Une affaire religieuse qui marque le refus de l’introduction du culte de Dionysos et des
mystères bachiques à Rome et en Italie;
– des poursuites judiciaires qui ont touché 7000 personnes; 6000 condamnés à mort à
Rome, en Italie du sud et en Étrurie;
– une sorte de « réaction nationale » contre l’hellénisation.
Présenter et mettre en place le document
– L’auteur et ses sources (les premiers historiens latins);
– étudier le texte du sénatus-consulte, C.I.L., I (2), 581 (trad. J.-M. Pailler);
– le point de départ: un fait divers (une captation d’héritage sur la personne d’un
mineur);
– la répression d’une conjuratio (association illégale) qui, rompant la pax deorum,
menace Rome.
Construire le plan à partir des contraintes suivantes
(qui ne constituent pas le plan en soi)
– les responsables qui organisent la répression (le sénat et les magistrats); le vote d’un
sénatus-consulte et les mesures de son application;
– une répression politique à l’encontre des opposants italiens à la domination romaine,
en particulier en Campanie et Étrurie;
– une lutte contre la désintégration des hiérarchies sociales;
– une référence pour toutes les répressions ultérieures.
Documents et exercices
7
LE SÉNAT
13. Pour sa part, le Sénat a, en premier lieu, l’autorité sur le trésor : il contrôle toutes les recettes,
de même que les dépenses. En effet, sans décret
du Sénat, les questeurs ne peuvent faire aucune
dépense pour les besoins particuliers, sauf les
versements destinés aux consuls ; et la dépense
qui est de loin la plus importante et la plus lourde
de toutes, celle que les censeurs engagent tous les
cinq ans pour réparer ou construire les bâtiments
publics, est soumise à l’autorisation du Sénat, qui
donne son accord aux censeurs. De la même
façon, pour tous les crimes commis en Italie qui
appellent une enquête officielle – par exemple les
cas de trahison, de conjuration, d’empoisonnement, de meurtre –, c’est le Sénat qui a juridiction.
En outre, si la conduite d’un particulier ou d’une
ville en Italie appelle un arbitrage, un blâme, l’envoi d’un secours, d’une garnison, c’est le Sénat
RÉPUBLICAIN.
qui s’occupe de tout cela. De plus, quand il est
nécessaire d’envoyer une ambassade hors d’Italie
pour rendre un arbitrage, donner un conseil, voire
un ordre, recevoir une soumission, déclarer la
guerre, c’est le Sénat qui y pourvoit. De la même
façon, pour les ambassades qui arrivent à Rome,
l’accueil qui doit être fait dans chaque cas et la
réponse qui doit être donnée sont des affaires traitées entièrement par le Sénat. Dans toutes les
questions dont on vient de parler, le peuple n’intervient absolument en rien. C’est pourquoi, si
l’on séjourne à Rome en l’absence des consuls, on
trouve cette fois que le régime est parfaitement
aristocratique. De cela bien des Grecs, de même
que bien des rois se trouvent convaincus, parce
que les affaires qui les concernent, sont réglées
presque toutes par le Sénat.
Polybe, Histoires, VI, 13. D’après la traduction de Weil, R., Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1977.
Comprendre le document et ses centres d’intérêt
– L’exposé polybien des institutions politiques repose sur sa conception de la constitution romaine comme « constitution mixte », composée de royauté, d’aristocratie et de
démocratie;
– une analyse fondée sur la réalité des pouvoirs et compétences des organes de gouvernement, qui ne se place pas sous un angle théorique et juridique.
Présenter le document
– Le point de vue d’un Grec, otage des Romains depuis 168, étranger aux institutions
romaines, et ses oublis;
– relire l’ensemble de l’analyse des institutions romaines pour apporter des nuances à la
conclusion du § 13: « le régime est parfaitement aristocratique » si l’on se limite à l’analyse du Sénat; mais il est également présenté comme royal, et comme démocratique;
– une analyse des années 150 qui se réfère à la situation romaine de la deuxième guerre
Punique.
Construire un plan à partir des centres d’intérêt suivants
– Définition du Sénat: un conseil de magistrats supérieurs qui joue par son « autorité »
un rôle presque souverain dans la vie politique (cf. Le monde romain, Paris, Bréal,
2010, p. 71-72);
– les compétences du Sénat dans trois domaines: finances publiques, administration de
l’Italie, politique extérieure et guerre(cf. Le monde romain, Paris, Bréal, 2010, p. 54);
– les oublis de Polybe: recrutement du Sénat et constitution d’une oligarchie sénatoriale,
relations avec les alliés italiens, administration des provinces, fonctionnement du
Sénat, compétences en matière de religion (cf. Le monde romain, Paris, Bréal, 2010,
index, s.v. « Sénat, sénateurs »).
8
3. La République romaine de la deuxieme guerre Punique à la mort de César
LA
DICTATURE DE
95. […] Il prononça la proscription de quarante
sénateurs et d’environ seize cents chevaliers. Il fut
le premier, paraît-il, à établir une liste avec le nom
de ceux qu’il condamnait à mort, et le premier
également à assurer des honneurs à ceux qui
égorgeraient les proscrits, des récompenses à
ceux qui révéleraient leurs asiles, et à prononcer
des peines contre ceux qui les aideraient à se
dérober à sa vengeance. […] Ces mesures furent
étendues sur les cités d’Italie. […]
98. Cependant Sylla, effectivement roi ou tyran,
non pas par élection, mais par force et par
violence, comprit qu’il avait besoin de mettre les
apparences électives de son côté ; et voici ce qu’il
imagina. […] Sylla, étant allé quelque part hors de
Rome, envoya ordre au Sénat d’élire un interroi.
Le Sénat élut Valerius Flaccus, espérant qu’il
présiderait en effet les comices consulaires. Mais
Sylla adressa un message à Flaccus, pour le charger de dire au peuple que Sylla était d’avis et
croyait utile que, dans les circonstances
SYLLA.
présentes, on conférât à l’un de ceux que l’on
appelait dictateurs le gouvernement de la
République, chose qu’on n’avait point vue depuis
quatre cents ans. Il ajoutait que celui qu’on choisirait devrait exercer le pouvoir non pour un temps
déterminé, mais jusqu’à ce que Rome, l’Italie et
tout l’empire romain auraient cessé d’être agités
par les séditions et les guerres et auraient repris
un assiette fixe. […] 99. D’après ce message, les
Romains investirent Sylla du pouvoir suprême
pour le temps qu’il voulait, certes à contrecœur,
car ils ne pouvaient plus rien délibérer selon les
lois. […] Auparavant déjà l’autorité du dictateur
était une véritable tyrannie, mais elle était limitée
dans le temps ; ce fut la première fois que, décernée sans terme fixe, elle constitua une tyrannie
parfaite. On ajouta, à la vérité, pour colorer les
expressions du décret, qu’on l’élisait dictateur
pour faire des lois telles qu’il les jugerait convenables pour réorganiser la République.
Appien, Les Guerres civiles à Rome, I, 95-99. D’après la traduction de Combes-Dounous, J.-I.,
Paris, Les Belles Lettres, coll. La Roue à livres, 1993.
Comprendre le document et ses centres d’intérêt
– Les proscriptions : des édits sans base juridique, dont les chiffres sont discutés ; leur
portée ;
– la dictature : validation des mesures antérieures, attribution des pleins pouvoirs ;
– monarchie manquée ou restauration sénatoriale ?
Présenter le document
– L’auteur : un notable d’Alexandrie qui fait carrière sous Hadrien ;
– ses sources : les Histoires d’Asinius Pollion, favorables aux positions populaires ;
– une situation politique qui n’a plus que l’apparence de la légalité ; un temps de guerres
civiles;
– les atouts de Sylla : un imperium proconsulaire, une armée, l’or de Mithridate et des
victoires militaires en Italie et à Rome (cf. Le monde romain, Paris, Bréal, 2010, p. 76).
Construire un plan à partir des centres d’intérêt suivants
– La terreur organisée ; les proscriptions (cf. Le monde romain, Paris, Bréal, 2010, p. 77) ;
– la procédure d’installation de la dictature ; sa définition ;
– l’œuvre syllanienne : renforcement du Sénat, affaiblissement des magistratures.
Documents et exercices
9
L’EXIL
DE
CICÉRON
II -6. Et pourtant, Vatinius, souviens-toi : peu après
cette défense qui a déplu1, dis-tu, aux gens de
bien, la volonté expresse du peuple romain
unanime, et surtout le zèle exceptionnel des
meilleurs citoyens m’ont valu la plus magnifique
élection au consulat que l’on connaisse de
mémoire d’homme, et la décence de ma vie m’a
permis d’obtenir tout ce que, dans l’indécence de
tes vaticinations, tu as souvent dit espérer.
III - Tu m’as reproché aussi mon départ, et tu as
voulu raviver le deuil et les lamentations de ces
hommes, pour qui ce jour fut aussi amer qu’il fut
heureux pour toi. Je te répondrai seulement ceci :
comme toi et toutes les autres pestes de l’État,
vous cherchiez un prétexte pour vous armer, et
comme, en vous couvrant de mon nom, vous
EN
58-57.
vouliez piller les biens des riches, vous enivrer du
sang des notables de la cité, rassasier votre
cruauté et la vieille haine que vous nourrissiez
depuis longtemps contre les honnêtes gens, j’ai
mieux aimé briser le cours de vos crimes et de vos
fureurs par la retraite que par la contre-attaque.
-7. Aussi Vatinius, je te demande pardon d’avoir
épargné cette patrie que j’avais sauvée, et puisque
je supporte en toi le destructeur et le persécuteur
de la République, supporte en moi son sauveur et
son gardien. De plus, l’homme dont tu critiques le
départ, est celui qu’a rappelé, comme tu le vois, le
regret des citoyens unanimes, bref le deuil de la
République elle-même. Mais, ce n’est pas à cause
de moi, c’est, dis-tu, à cause de la République
qu’on s’est soucié de mon retour.
Cicéron, Plaidoyer contre P. Vatinius. D’après la traduction de Cousin, J., Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1965.
Comprendre le document et ses centres d’intérêt
– Un plaidoyer de l’année 56 dans le cadre de l’affaire Sestius qui oppose Cicéron à
Clodius, tribun de la plèbe de 58, et aux partisans du parti populaire;
– le personnage de Vatinius, questeur en 63, tribun de la plèbe en 59, légat de César
en 58 ;
– l’évocation de la carrière de Cicéron: son consulat, son exil et le retour d’exil.
Présenter le document
– L’auteur et son souci de défendre son prestige; son programme politique jusqu’en 57
(cf. Le monde romain, Paris, Bréal, 2010, p. 79);
– portée et limites de son témoignage: violence du ton, recherche de l’effet oratoire;
– le contexte politique des années 58 et 57; le parti populaire (programme et moyens
d’action);
– le personnage de Clodius et sa haine personnelle à l’égard de Cicéron (affaires de la
Bona Dea, de son passage à la plèbe).
Construire un plan à partir des centres d’intérêt suivants
– Les références à la politique de Cicéron depuis son consulat de 63 (répression de la
conjuration de Catilina, hostilité à la réforme agraire); les antécédents de la loi d’exil;
– la législation tribunicienne de Clodius qui conduit à l’exil de Cicéron; en 58, le silence
de Pompée, la mission de Caton le Jeune et l’absence de César; en 57, la campagne
menée par Pompée pour le retour de Cicéron, le soutien du Sénat, des chevaliers et des
élites municipales: le vote de la loi centuriate;
– les différences dans la composition des assemblées, entre les comices tributes dominés par la plèbe romaine, et les comices centuriates fondés sur le système censitaire;
d’où l’écart dans les décisions;
– l’image de Cicéron, « sauveur et gardien de la République ».
1. Celle de Cornelius, questeur de Pompée, tribun de la plèbe en 67, dans un procès de maiestate.
10
3. La République romaine de la deuxieme guerre Punique à la mort de César
DEUX
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES DE
N° 641
L(ucius) Caesius f(ils) de C(aius) d(uomvir) i(ure)
d(icendo), C(aius) Occius f(ils) de M(arcus),
L(ucius) Niraemius f(ils) d’A(ulus) d(uomvirs) ont
pris soin et se sont occupés de faire (un monument) sur d(écision) des d(écurions) avec
l’a(rgent) p(ublic).
POMPÉI.
N° 649
A(ulus) Livius f(ils) d’A(ulus), L(ucius) Acilius f(ils)
de L(ucius), édiles ont concédé ce l(ieu).
Degrassi, A., Inscriptiones Latinae Liberae Reipublicae, Florence, 1963, vol. II, inscriptions n° 641 et 649.
Comprendre le document et ses centres d’intérêt
– Un témoignage sur la vie municipale de la colonie Cornelia Veneria Pompeianorum,
déduite en 80 par le neveu de Sylla, P. Cornelius Sulla;
– une administration calquée sur le modèle romain: un ordre des décurions (conseil)
(définition de ses compétences), des magistrats locaux (des édiles, des duomvirs) élus
annuellement;
– une politique d’urbanisme, dans le cadre de l’évergétisme.
Présenter le document
– Texte épigraphique: document n° 641: deux tables en pierre tiburtine portant la même
inscription; document n° 649: plaque de marbre grec; plaques de dédicace de monument, de lieu;
– inscriptions du Ier siècle a. C., trouvées à Pompéi pour le n° 641 en 1823 sur les
thermes, pour le n° 649 en 1900 sur une plaque affichée dans une taverne; datation
entre 80 et 49, puisque sont mentionnés des noms de magistrats qui attestent que
Pompéi est devenu un municipe.
Construire un plan à partir des centres d’intérêt suivants
– Personnes: magistrats municipaux (2 duomvirs qui constituent le collège des 2 magistrats supérieurs) (édiles chargés de la politique urbanistique); onomastique romaine de
colons installés par Sylla; ascension des élites de la colonie à l’intérieur des structures
de la cité aux dépens des anciennes élites;
– réalisations de ces magistrats: constructions dans le cadre de la politique urbanistique
de la cité; les thermes de Pompéi; l’évergétisme des élites locales;
– modalités de financement: financement public sur les caisses de la cité, par décision
de l’ordre des décurions, c’est-à-dire du conseil de la cité;
– analyse des structures politiques d’un municipe au milieu du Ier siècle.
Documents et exercices
11
L’ASSASSINAT
DE
CÉSAR
66. La salle où se déroula la scène du meurtre,
celle où le Sénat se réunit ce jour-là, contenait une
statue de Pompée, qui avait dédié cet édifice
comme un ornement ajouté à son théâtre : cet
élément prouve manifestement que l’action fut
conduite par un dieu qui avait assigné et marqué
ce lieu pour un tel événement. On dit aussi que
Cassius avant l’assassinat tourna les yeux vers la
statue de Pompée et l’invoqua en silence […].
Antoine, qui restait fidèle à César, et dont la force
physique était grande, fut retenu au dehors par
Brutus Albinus, qui engagea avec lui à dessein
une longue conversation. Quand César entra, les
sénateurs, par déférence, se levèrent. Aussitôt,
tandis que certains des complices de Brutus se
plaçaient en cercle derrière le siège de César, les
autres allèrent au-devant de lui comme pour
joindre leurs prières à celles de Tillius Cimber qui
intercédait pour son frère exilé, et ils le supplièrent tous ensemble en l’accompagnant jusqu’à sa
place. Une fois assis, il continua à repousser leurs
demandes, et, comme ils insistaient plus vivement, il témoigna à chacun d’eux son mécontentement. Alors Tillius saisit sa toge à deux mains et
la tira en bas du cou, ce qui était le signal de l’attaque. Casca, le premier, le frappe de son épée à
la nuque, mais la blessure n’était pas mortelle ni
profonde : sans doute fut-il troublé d’avoir à
commencer une entreprise si grande et si hardie.
César se retourne, saisit le glaive et le retient dans
sa main. Ils s’écrient tous deux presque en même
AUX IDES DE MARS
44.
temps, le blessé, en latin : « Maudit Casca, que
fais-tu ? », et l’agresseur, s’adressant en grec à son
frère : « Frère, au secours ! ». C’est ainsi que l’affaire commença. […] Ceux qui s’étaient armés
pour le meurtre tirèrent chacun leur épée nue.
César, enveloppé de toutes parts, ne voit en face
de lui, de quelque côté qu’il se tourne, que des
glaives acharnés à le frapper au visage et aux
yeux. […] Certains disent que César se défendait
contre les autres, en se jetant de tout côté et en
criant, mais que, lorsqu’il vit Brutus lever son
épée, il tira sa toge sur sa tête et se laissa tomber,
poussé par le hasard ou par ses meurtriers, près
du piédestal sur lequel se dressait la statue de
Pompée.
67. Quand César fut mort, Brutus s’avança au
milieu de l’assemblée, comme pour parler de ce
qui venait de s’accomplir, mais les sénateurs ne
voulurent rien entendre et se précipitèrent au
dehors. Leur fuite remplit le peuple d’un trouble et
d’une frayeur insurmontables. […] Antoine et
Lépide, les plus grands amis de César, s’esquivèrent et cherchèrent refuge dans des maisons
autres que les leurs. Brutus et ses compagnons,
encore tout chauds du meurtre et brandissant
leurs épées nues, se groupèrent tous ensemble au
sortir du Sénat et se dirigèrent vers le Capitole,
non pas comme des gens qui fuient, mais avec
des visages radieux et pleins d’assurance, appelant le peuple à la liberté et saluant les notables
qu’ils rencontraient.
Plutarque, Vies Parallèles, César, 66-67, d’après la traduction de Flacelière, R. et Chambry, E., Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1975.
Comprendre le document et ses centres d’intérêt
– Un grand événement qui entraîne des guerres civiles d’une extrême violence;
– les ambiguïtés d’une conspiration qui, malgré l’élimination de César, échoue dans son
projet politique;
– la dernière tentative de dictature et les raisons de l’échec de cette forme de concentration de pouvoirs.
Présenter le document
– L’auteur: un Grec, notable de sa cité qui obtient la citoyenneté romaine et se met au
service de l’empereur (procurateur sous Hadrien); connaissance des affaires administratives;
– les Vies parallèles, l’œuvre d’un moraliste et d’un biographe plus que d’un historien,
qui fait intervenir le fatum (en grec la Tychè) dans le déroulement de l’événement;
– en 44, César: consul pour la 5e fois, honneurs divins, dictateur à vie; projet de guerre
contre les Parthes;
– culte de Venus Genitrix; recherche des honneurs et aspiration à la royauté.
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3. La République romaine de la deuxieme guerre Punique à la mort de César
Construire un plan à partir des centres d’intérêt suivants
– Les causes de la conjuration: concentration des pouvoirs de César; renforcement du
pouvoir personnel (cf. Le monde romain, Paris, Bréal, 2010, p. 81);
– l’organisation de la conjuration: événements du début 44 qui ont accéléré la conjuration; les conjurés, des Césariens et des Pompéiens;
– l’assassinat et ses suites immédiates: une conjuration avec pour seul projet, la restauration de la libertas (idéal républicain), qui échoue.
Documents et exercices
13
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