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Documents et exercices
Document commenté
LA GUERRE SOCIALE..
15. La mort de Drusus déclencha la guerre d’Italie
qui couvait déjà depuis longtemps. De fait, sous le
consulat de L. César et de P. Rutilius, il y a de cela
cent vingt ans, l’Italie dans son ensemble - alors
que le mal avait pris naissance chez les habitants
d’Asculum (car ils avaient tué le préteur Servilius
et son lieutenant Fonteius) et qu’ensuite, passé de
chez les Marses, il avait pénétré dans toutes les
régions – prit les armes contre les Romains. Autant
le sort de ces peuples fut affreux, autant leur cause
était parfaitement juste;ils réclamaient en effet
l’appartenance à une cité dont leurs armées soute-
naient l’empire;tous les ans, lors de toutes les
guerres, ils fournissaient un double contingent de
fantassins et de cavaliers et pourtant ils étaient
exclus des droits d’une cité qui, grâce à eux, s’était
élevée si haut qu’elle pouvait mépriser des gens de
même origine et de même sang comme s’ils
étaient des étrangers et d’une autre race. Cette
guerre enleva à l’Italie plus de trois cent mille
jeunes gens. Les généraux romains les plus
illustres au cours de cette guerre furent Cn.
Pompée, père de Cn. Pompée le Grand, C. Marius,
dont nous avons parlé, L. Sylla, préteur l’année
précédente, Q. Metellus, fils du Numidique […].
16. Les chefs les plus illustres des Italiens furent
Silo Popaedius, Herius Asinius, Insteius Cato,
C. Pontidius, Telesinus Pontius, Marius Egnatius,
Papius Mutilus. […]
Le sort de la guerre d’Italie fut si changeant et si
affreux qu’en l’espace de deux ans, les ennemis
tuèrent deux consuls romains, Rutilius, puis
Porcius Cato, que les armées du peuple romain
furent mises en déroute en de nombreux endroits,
qu’on endossa l’habit militaire, qu’on le garda
longtemps. Les Italiens avaient choisi comme
capitale de leur empire Corfinium, qu’ils avaient
appelé Italica. Peu à peu, alors que Rome concé-
dait le droit de cité à ceux qui n’avaient pas pris
les armes ou les avaient déposées assez tôt, elle
refit ainsi ses forces. Pompée, Sylla et Marius réta-
blirent l’État romain chancelant en train de s’ef-
fondrer.
17. La guerre d’Italie était en très grande partie
achevée, à l’exception de quelques séquelles à
Nole, quand les Romains préférèrent concéder le
droit de cité à des gens vaincus et écrasés après
avoir eux-mêmes perdu leurs forces que de le
donner à tous en les gardant intactes.
Remarques préliminaires :les objectifs du texte
Évidents dès le premier abord:
la violence et l’ampleur de la première « guerre civile » (Florus), appelée par les histo-
riens de l’Antiquité guerre Marsique, ou guerre Sociale (les socii sont les alliés);
l’accès à la citoyenneté pour les Italiens et la création de l’unité italienne sur l’en-
semble de la péninsule.
Apparents dans un second temps:
l’analyse des causes: réclamations italiennes justifiées par la participation des Italiens
àl’expansion extra-italique; les avantages de la citoyenneté romaine; la politique de
refus suivie par le Sénat;
les différentes analyses de la confédération italienne.
1-Présentation
La nature de la source
Velleius Paterculus écrit un abrégé d’histoire romaine publié en deux livres en 30 p. C.,
qui va des origines au consulat de M. Vincius (30 p. C.).
Velleius Paterculus, Histoire romaine,II, 15-17 ; d’après la traduction de Hellegouarc’h, J., Paris, Les Belles Lettres, CUF
,1982.
23. La République romaine de la deuxieme guerre Punique à la mort de César
C’est une histoire relativement impartiale dans sa première partie, mais résumée à
l’extrême; la seconde partie, consacrée à Auguste et Tibère, partiale, pratique l’éloge
àoutrance.
Consulter parmi les autres sources sur la guerre: Appien, Les guerres civiles,I, 38-53;
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique,XXXVII.
L’auteur
Velleius Paterculus Gaius (19 a. C.-30 p. C.)sert en qualité de tribun militaire d’abord
dans l’armée de Germanie sous les ordres de C. Caesar (fils d’Agrippa et petit-fils
d’Auguste); puis il commence sa carrière politique sous Auguste puisqu’il est questeur
en 7 p. C.,et la poursuit sous Tibère en qualité de préteur en 15 p. C.,puis de légat en
Germanie.
Velleius Paterculus est descendant (par sa mère) de la gens campanienne des Magii,
restée fidèle à Rome pendant la deuxième guerre Punique, puis pendant la guerre
Sociale: cette fidélité explique l’ascension au Ier siècle de cette famille qui accède au
Sénat.
Le contexte
L’Italie est une mosaïque de peuples (cf. la carte donnée dans Le monde romain,Paris, Bréal,
2010, p. 69) et, depuis la conquête romaine de la péninsule, connaît des statuts divers pour les
personnes: statut de citoyen romain de plein droit, statut de Latin, statut d’allié défini par le traité
conclu entre Rome et le peuple en question. Les alliés ont gardé des éléments d’autonomie locale
(organisation municipale).
La guerre Sociale est le résultat d’une situation qui s’est dégradée entre Rome et les Italiens,
depuis la guerre d’Hannibal durant laquelle certains alliés ont suivi le parti d’Hannibal et ont été
ensuite très durement réprimés;au cours du IIesiècle, la pression sur les Italiens s’est faite de plus
en plus forte sans qu’ils en aient reçu de compensations: toutes les catégories de la population
italienne ne réagissent pas de la même façon; de même que tous les alliés ne sont pas entrés dans
la révolte : ni les colonies, ni les Latins n’ont participé à cette insurrection.
L’analyse
Les éléments clefs du texte à dégager:
les circonstances du déclenchement de la guerre Sociale;
les causes de la guerre Sociale: une revendication de la citoyenneté présentée comme justifiée;
les forces en présence;la formation d’une confédération;
les lois romaines qui accordent la citoyenneté.
Les lectures
Dans la bibliographie, retenir: BELAYCHE, N., Rome, la péninsule italienne et la Sicile de 218 à 31 avant
notre ère. Crises et mutations.Paris, SEDES, coll. Regards sur l’histoire n° 96, 1994, p. 299-326;
DE CAZANOVE, O., MOATTI, C., L’Italie romaine d’Hannibal à César,Paris, A. Colin, coll. U, 1994;
DAVID, J.-M., La Romanisation de l’Italie,Paris, Flammarion, coll. Champs, 1999;NICOLET,C., Rome
et la conquête du monde méditerranéen,vol. l, Les structures de l’Italie romaine,Paris, PUF, coll.
Nouvelle Clio, 10eéd., 2001, p. 270-299; on peut consulter aussi SHERWIN-WHITE, A. H., Roman
citizenship,Oxford, 1939.
2-Explication
A-Les causes de la guerre Sociale
Le texte constitue une synthèse sur l’ensemble de la guerre Sociale, mais il présente
certaines lacunes que le commentaire se doit de préciser.
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Documents et exercices
1-Les circonstances immédiates: la mort de Livius Drusus
La « question italienne » s’est posée en termes politiques à l’époque des Gracques
(cf. Le monde romain,Paris, Bréal, 2010, p. 73-74), quand les assignations agraires retirent
des terres aux possessores italiens, et les excluent de toute distribution et de toute
compensation: Scipion Émilien se fait le patron des Italiens et bloque les travaux de la
première commission agraire;
en 126, une loi interdit aux alliés de se rendre à Rome pour soutenir la candidature de
M. Fulvius Flaccus dont le programme accorde aux Italiens qui la souhaitent la citoyen-
neté romaine et pour les autres le droit d’appel au peuple (provocatio); en 125, l’ajour-
nement de sa proposition est certainement la cause de la révolte de la colonie latine de
Frégelles, révolte durement réprimée. En 122, Caius Gracchus reprend le projet d’ac-
corder la citoyenneté complète aux Latins, et un droit de vote aux Italiens, tandis qu’une
fois que les alliés et Latins sont expulsés de Rome, son adversaire Livius Drusus promet
aux Latins sous les armes le droit de provocatio;projets sans suite. La cause italienne
devient un enjeu politique proprement romain;
la responsabilité immédiate du conflit revient aux propositions du tribun M. Livius
Drusus en 91 et à leur échec: le tribun accorde aux Italiens la citoyenneté, comme
compensation des effets de la loi agraire pour les possessores,en particulier étrusques.
Le Sénat annule les lois de Drusus pour vice de forme et son assassinat déclenche l’in-
surrection: selon le témoignage de Diodore de Sicile (XXXVII, 11), Drusus aurait fait
prêter serment à certains chefs italiens qui, perdant tout espoir à sa mort, se lancent dans
des préparatifs militaires.
2-Les causes des revendications italiennes de la citoyenneté romaine
Alourdissement de la pression militaire:en vertu de la formula togatorum (qui fixe
le nombre de soldats, les officiers, l’équipement et la solde), les Latins et alliés
doivent fournir des contingents placés sous commandement romain. Les guerres de
conquête ont entraîné des temps de service allongés, dans des régions plus éloignées,
des pertes humaines importantes;l’absence de ces paysans-soldats, leur endettement
est l’une des causes de la crise agraire italienne de la fin du IIesiècle; une des diffi-
cultés rencontrées par les alliés est de remplir leurs obligations quand leurs habitants
émigrent, en particulier à Rome, ce qui conduit à des expulsions d’Italiens en 187,
178, 173. Ces mesures sont renouvelées à la fin du IIesiècle:en 126, loi du tribun
Junius Pennus;
la deuxième guerre Punique a renouvelé certaines hostilités italiennes à l’égard des
Romains;Rome empiète sur les autonomies locales et sa domination sur l’Italie se
durcit tout au long du IIesiècle: enquête policière en 186 lors de l’affaire des
Bacchanales; vexation imposée à Préneste en 173 (Tite-Live, XLII, 1; Aulu-Gelle,
Nuits attiques,X, 3, 5); saccage du temple de Junon à Crotone en 173; écrasement de
l’insurrection de Frégelles en 125.
être citoyen romain présente un certain nombre d’avantages qui sont le résultat de la
conquête: exemption du tributum depuis 167; accès aux distributions frumentaires
(prix réduit), agraires pour les pauvres;exercice des pleins droits politiques; mais
aussi une protection légale. L’écart se creuse d’autant que les affranchis acquièrent la
citoyenneté plus facilement que les Latins et Italiens, alors que du fait des change-
ments économiques les élites en Italie (domi nobiles)sont très proches dans leur enri-
chissement (ce sont des negotiatores)et leur mode de vie, des élites romaines, sans
détenir les mêmes droits politiques.
43. La République romaine de la deuxieme guerre Punique à la mort de César
3-Les possibilités d’accès à la citoyenneté et les limites dans les années 100 a. C.
Des tentatives individuelles ont toujours existé: des individus et leurs familles d’ori-
gine italienne ont accédé à la citoyenneté, puis à l’ordre équestre, et même dans
certains cas au Sénat;
une loi dans les années 122 autorise les magistrats des cités latines à devenir automa-
tiquement citoyens romains; et dans les années qui suivent, les aristocraties latines et
alliées sont inscrites par les censeurs sur les listes de nouveaux citoyens;
en 95, une loi Licinia Mucia (loi consulaire) prive de la citoyenneté les Italiens qui
l’ont usurpée, soit des milliers de personnes;
en 92, une « note censoriale » condamne la rhétorique latine (en l’excluant des tribu-
naux permanents) mais n’a pas d’effet pratique.
B-La confédération italienne : composition
1 - Les peuples concernés
Ne sont pas entrés dans la guerre les peuples dont le statut était défini par un traité
avantageux avec Rome: les Latins, les Étrusques, les cités grecques de l’Italie centrale
et méridionale; les colonies latines sont restées fidèles à Rome;
la guerre Sociale est menée par les classes dirigeantes et n’est pas une révolte de la
pauvreté:c’est dans un deuxième temps qu’elle devient un mouvement populaire.
Deux groupes de peuples participent: dans les régions du centre et de l’Apennin, les
peuples Sabelliques (Marses, Péligniens, Vestins, Marrucins), les Picentes, les Osques
(Hirpins, Samnites) et au sud, les Lucaniens, Campaniens, Apuliens, Vénusiens.
2-Les opérations militaires
Les débuts de l’insurrection:c’est un conflit préparé, mais les Italiens restent ouverts
àla négociation, puisqu’ils envoient une ambassade au Sénat. La politique sénatoriale
de refus, renforcée ultérieurement en 90 par la lex Varia (qui condamne tous ceux qui
aident les révoltés) déclenche les hostilités: l’assassinat du préteur Servilius et de son
légat à Asculum (dans le Picenum : cf. la carte donnée dans Le monde romain,Paris,
Bréal, 2010, p.13) y est suivi du massacre de la population romaine ainsi que dans
d’autres villes;
la guerre se déroule sur deux fronts de 90 à 88: au nord en 90, le consul P. Rutilius
Lupus affronte les troupes du Marse Pompaedius Silo, au sud, L. Iulius Caesar se bat
contre le Samnite C. Papius Mutilus. Les insurgés s’emparent respectivement
d’Aesernia, de Venusia, et de la Campanie méridionale. Les autres noms cités sont
ceux des chefs italiques: le Marrucin Herius Asinius, le Pélignien P. Vettius Scato (=
Insteius Cao), les deux derniers Telesinus Pontius et Marius Egnatius étant originaires
du Samnium.
Àla fin de l’année 90, malgré des combats victorieux et la mort des deux consuls
(P. Rutilius Lupus mort près d’Alba Fucens, et L. Porcius Cato tué près du lac Fucin), la
moitié des insurgés est soumise; les forces restantes se regroupent dans une nouvelle
capitale, Aesernia, sous le commandement de Q. Pompaedius Silo.
En 89, le consul Cn. Pompeius Strabo (père de Pompée) reprend Asculum, tandis que
Sylla, en qualité de légat, fait le siège de Nola, et de Pompéi qui tombe en 88, année où
Rome l’emporte sur les derniers peuples rebelles;le siège de Nola se poursuit plus long-
temps sous le commandement d’App. Claudius Pulcher.
Cette guerre fait 300000 morts et appauvrit des régions entières.
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Documents et exercices
3-La confédération italienne
Tant que les Italiens ont été victorieux, ils ont constitué une confédération selon un
modèle d’inspiration romaine:
des institutions: un Sénat de 500 membres (conseil représentatif des peuples, qui vote
les lois, prend les décisions, et désigne les magistrats), 2 consuls et 12 préteurs;
des marques d’indépendance politique: une capitale, Corfinium, appelée Italica, loca-
lisée à une quarantaine de kilomètres à l’est d’Alba Fucens, chez les Péligniens, et
donc indépendante des Marses et Samnites, à un endroit stratégique; un monnayage
italien (denier d’argent mais avec des légendes latines et osques) (allégorie de l’Italie);
débuts d’une politique étrangère (envoi d’une ambassade à Mithridate, restée sans
réponse);
des peuples entraînés à la guerre: tactique militaire romaine; deux provinces consu-
laires, chaque consul étant soutenu par un chef originaire de chacun des peuples; une
armée de 100000 hommes.
C-Les lois de la citoyenneté et l’intégration
L’efficacité de l’instrument mis en place trouva sa démonstration dans le succès des
forces de la ligue.
1 - Trois lois accordent successivement la citoyenneté aux Italiens
Dès octobre 90, la lex Iulia (proposée par le consul L. Iulius Caesar) accorde le droit
de cité aux Latins et alliés restés fidèles à la cause romaine ou qui déposent les armes,
àla condition qu’ils en fassent la demande; les chefs d’armée disposent du droit de
l’accorder aux soldats pérégrins méritants;
en 89, la lex Plautia Papiria (loi tribunicienne) accorde le droit de cité à tout Italien,
même s’il a participé à l’insurrection, dans la mesure où il se déplace à Rome pour se
faire inscrire sur les registres du préteur.Son application est l’objet de discussions;
en 89, la lex Calpurnia (loi tribunicienne) octroie la citoyenneté comme récompense
individuelle et concerne la répartition des nouveaux citoyens.
Ces lois sont complétées par d’autres mesures, une loi Pompeia qui précise les statuts
personnels en Gaule Cisalpine, d’autres lois qui règlent le sort des insurgés en fonction
de leur reddition
2 - Le mode d’intégration des nouveaux citoyens
Tous les habitants de l’Italie acquièrent la citoyenneté romaine; mais la question se pose
sur la façon de les incorporer, moins dans les comices centuriates organisés selon des
critères censitaires qui structurent de la même façon les Italiens, que dans les comices
tributes: la répartition géographique peut, selon le critère adopté, bouleverser les équi-
libres politiques, en raison du nombre de nouveaux citoyens par rapport à celui des
Romains;
l’intégration est l’objet d’une lutte politique, l’oligarchie voulant cantonner les Italiens
dans un petit nombre de tribus, alors que le courant démocrate revendique leur réparti-
tion; tel est le sens de la proposition du tribun P. Sulpicius Rufus en 88. En 84, un séna-
tus-consulte accorde l’inscription des nouveaux citoyens dans toutes les tribus, décision
confirmée par Sylla en 83;
le cens de 70-69 dénombre 910000 citoyens romains.
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