“La source de près de la moitié des éléments les plus lourds dans l’Univers est depuis
longtemps un grand mystère” nous confie Hans-Thomas Janka, chercheur à l’Institut
d’Astrophysique Max-Planck (MPA) de Munich. “L’idée la plus populaire était, et pourrait
encore être, qu’ils proviennent d’explosions supernova, correspondant à la fin de vie des
étoiles massives, mais les modèles les plus récents ne soutiennent pas cette idée.”
Un scénario alternatif est fondé sur la coalescence violente d’étoiles à neutrons dans un
système binaire après que les deux étoiles ont fini par entrer en collision quelques millions
d’années après avoir spiralé l’une par rapport à l’autre. Pour la première fois, des chercheurs
du MPA et de l’Université libre de Bruxelles (ULB) ont simulé a l’aide de modèles numériques
détaillés, toutes les phases des processus ayant lieu lors d’une telle coalescence. Ceux-ci
incluent l’évolution de la matière de l’étoile à neutrons durant la collision cosmique, ainsi que
la formation des éléments chimiques dans la faible proportion de matière éjectée lors de tels
événements, impliquant les réactions nucléaires sur plus de 5000 noyaux atomiques.
“En quelques millièmes de seconde après la coalescence, des forces de marée et de pression
éjectent de la matière extrêmement chaude correspondant à la masse de plusieurs Jupiter”,
explique Andreas Bauswein qui a effectué les simulations au MPA (Fig. 2). Dès que le plasma
a refroidi à des températures inférieures à quelque 10 milliards de degrés, une multitude de
réactions nucléaires, dont des désintégrations radioactives, prend place et permet la
production de noyaux lourds. “Les éléments lourds sont “recyclés” plusieurs fois dans des
chaines de réaction impliquant la fission de noyaux super lourds, ce qui rend la distribution
d’abondances finales fortement indépendante des conditions initiales”, ajoute Stéphane
Goriely, expert en astrophysique nucléaire de l’ULB (Fig. 3). Depuis longtemps, les
chercheurs suspectaient que les propriétés nucléaires des atomes impliqués devaient jouer
un rôle dominant car il s’agit là d’une explication naturelle des distributions identiques en
éléments du processus r telles que observées dans de nombreuses étoiles très vieilles et
dans notre Système Solaire.
Les simulations numériques ont montré que la distribution d’abondances des éléments les
plus lourds (dont le nombre de masse A>140) est en excellent accord avec celle observée
dans notre Système Solaire. Si l’on combine les résultats de ces simulations à ceux du
nombre estimé de collisions d’étoiles à neutrons ayant eu lieu dans la Voie Lactée dans le
passé, les chiffres indiquent que de tels événements pourraient en fait être les sources
principales des éléments chimiques les plus lourds dans l’Univers.
L’équipe compte à présent mener à bien de nouvelles études pour encore améliorer les
prédictions théoriques, et ce par des simulations informatiques permettant de suivre les
processus physiques avec davantage de précision. D’autre part, les astronomes cherchent à
détecter les sources célestes qui peuvent être associées à l’éjection de matière radioactive
lors de la coalescence d’étoiles à neutrons. De par l’échauffement engendré par les
décroissances radioactives, l’éjecta devrait briller d’un éclat presque similaire à celui d’une
explosion Supernova, mais seulement pendant quelques jours. Une telle découverte
correspondrait à la première évidence observationnelle de matière riche en éléments r et
fraichement produite dans son site d’origine. La chasse est ouverte !
Les résultats de cette étude sont publiés dans l’Astrophysical Journal de ce 10 septembre.