HÉLÈNE À LA PORTE DE SCÉE GUSTAVE MOREAU
APPROCHE
Leïla BRIAND
Gustave Moreau, Hélène à la porte de Scée, huile sur toile, Paris, Musée Gustave Moreau,
cat.42. ©RMN/René-Gabriel Ojéda.
Hélène est un célèbre personnage de
la mythologie grecque. Né d’un œuf, elle est
le fruit de l’amour entre une humaine et un
dieu : Léda, épouse de Tyndare, roi de
Sparte, et Zeus, transformé en cygne pour la
séduire (Gustave Moreau, Léda, huile sur
toile, Paris, Musée Gustave Moreau, Cat.43.
© RMN-GP / René-Gabriel Ojéda.).
L’œuf est un symbole connu,
représentant le berceau de la vie après
le chaos primitif, repris à travers le
monde, à différentes époques. A
l’instar de la mythologie égyptienne,
dans laquelle le soleil lui-même serait
né de l’Œuf-Mère, on le retrouve dans
de nombreuses civilisations, de la
Chine à l’Amérique du Sud, en passant
par l’Inde et le Mali. Au XXe siècle, il
a même inspiré le sculpteur Constantin
Brancusi (Constantin Brancusi, Le
commencement du monde, vers 1920,
marbre, métal et pierre. ©2014 Artists
Rights Society (ARS), New York /
ADAGP, Paris.). L’œuf émerge d’un
espace défini, offrant au nouveau
monde la vie.
Hélène est aussi le fruit de passions. Elle est enlevée très jeune par Thésée. Ses frères,
Castor et Pollux, la délivrent. Plus tard, Tyndare cherche à la marier. Reconnue pour sa
grande beauté, la liste des prétendants est longue. Hélène est donc autorisée à choisir son
époux. Ce sera Ménélas. Mais c’était sans compter sur une autre histoire…
La divinité de la mer Thétis, est contrainte d’épouser l’humain Pélée, roi de Phthie. Lors des
noces, la déesse de la discorde, Eris, qui n’a pas été invitée à la cérémonie, jette une pomme
d’or. Le fruit de sa colère porte une inscription : « A la plus belle ». Mais trois déesses sont
descendues de l’Olympe : Athéna, Héra et Aphrodite. Zeus fuyant la querelle, décide de
laisser Pâris, fils de Priam, roi de Troie, choisir à qui appartient la pomme. Pour influencer le
berger, Athéna lui assure la victoire dans les combats, Héra, de conquérir l’Asie, quant à
Aphrodite, l’amour de la plus belle des humaines, qui n’est autre qu’Hélène. Loin s’en faut,
Pâris offre la pomme d’or à Aphrodite. C’est ensuite que le destin s’accomplit.
Au cours d’un voyage en Grèce, le troyen Pâris est accueilli par Ménélas, selon les principes
d’hospitalité. Un jour, Pâris profite de l’absence de l’époux d’Hélène, pour enlever cette
dernière. Ou le suit-elle, la magie envoûtante d’Aphrodite opérant ?
A son retour, Ménélas rassemble les anciens prétendants qui avaient juré de servir celui que la
belle choisirait. Après une négociation non fructueuse, commence alors, la Guerre de Troie
C’est justement à Troie, que se trouve la porte
de Scée. Elle est une des portes de la ville, celle par
laquelle est entré le fameux cheval. Sous le pinceau
de Gustave Moreau, la porte revêt l’architecture d’un
Orient rêvé, comme les songes autour du personnage
emblématique d’Hélène, qui accompagne le peintre
tout au long de sa vie. Cette touche des confins de
l’Est, on la retrouve fréquemment chez ce peintre
inspiré (à droite,
Gustave Moreau,
Le Triomphe
d'Alexandre le
Grand, détail,
huile sur toile,
Paris, musée Gustave Moreau, Cat. 70. ©RMN-GP /
René-Gabriel Ojéda).
D’étranges formes se meuvent sur l’architecture
occupant l’arrière-plan, dont certaines semblent prendre
l’apparence de silhouettes humaines. La peinture est
comme lancée sur la toile, en un mouvement faisant écho
à ce qu’il représente : la violence des combats, dont
résulte irrémédiablement la mort. Ceci est renforcé par le
choix du camaïeu de rouge employé, sur un sol maculé.
D’autres couleurs chaleureuses s’y allient, jaunes et
ocres, ainsi que des notes de vert et de bleu, rappelant les
teintes fréquemment utilisées pour évoquer l’Orient (à
gauche, Gustave Moreau, Le poète persan, huile sur
toile, Paris, musée Gustave Moreau ©RMN-Grand Palais
/ René-Gabriel Ojéda).
Devant la porte, se dessine la silhouette d’une femme, celle d’Hélène, dont le vêtement paraît
naître depuis le sol, de ces élans colorés. Femme accablée d’être à l’origine d’une guerre par
essence meurtrière ? Jouet du destin des dieux ? Pareille à une antique statue, elle trône,
fantomatique, parmi les décombres de la ville, dont semble s’échapper de la fumée. Le
mystère souffle sur son vêtement et son visage vierge, de détails, d’expression.
Une créature, aux allures de Phoenix floral, est posée sur le prolongement de sa main. La belle
Hélène, parée de cet attribut, survivant à ces conflits, traversant les âges, est une probable
personnification de la beauté éternelle, parvenue jusqu’à nous, contemporains et rêveurs.
Cette œuvre de Gustave Moreau apparaît comme un aboutissement de l’art symboliste,
dans lequel il se distingue incontestablement. Avec la toile, Hélène à la porte de Scée, l’artiste
effleure l’abstraction, pour le plus grand plaisir de nos sens.
Détails de l’œuvre :
Gustave Moreau, Hélène à la porte de Scée, détails, huile sur toile, Paris, Musée Gustave
Moreau, cat.42. ©RMN/René-Gabriel Ojéda.
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