CRISE ECONOMIQUE ACTUELLE: 1 CAUSES ET CONTEXTE
La crise que traverse, depuis plus d'un an, l'économie mondiale, et qui a pris depuis
septembre, la forme d'une crise financière aiguë, est la dernière manifestation d'une
crise globale du système capitaliste, dont les premier signes sont apparus au cours
des années 70.
Cette crise repose sur une contradiction fondamentale de ce système, entre la
nécessité de créer sans cesse de nouveaux marchés pour vendre une production en
hausse constante, et le fait que la création de ces marchés engendre de nouveaux
producteurs, qui vont accélérer à leur tour ce besoin de nouveaux marchés: ce besoin
d'expansion commerciale croît donc de manière exponentielle, et aboutit tôt ou tard à
ce que les marchés nouveaux ne permettent plus d'absorber la croissance de la
production, engendrant une crise de surproduction.
Pour faire face à cette crise, l'une des réactions des gouvernements, et en particulier
du gouvernement Reagan aux États-Unis, fut de favoriser le crédit, et d'aggraver la
dette nationale en lançant de grandes politiques de dépenses (la "guerre des étoiles"):
une double manière de créer un marché artificiel ou, au mieux, anticipé. Une telle
politique peut être efficace lorsque qu'une économie connaît un bref ralentissement,
afin d'éviter que ce ralentissement ne s'aggrave, ou pour relancer une économie, prête
à la croissance, mais à laquelle manque le coup de pouce initial.
Face à une crise générale continue, ce type de mesures ne peut avoir d'effet que
provisoire. En 1987, une nouvelle crise se produit, l'effet des mesures reaganiennes
s'étant estompée. Cette crise se dissipe cependant relativement vite, car elle coïncide
avec l'ouverture des sociétés bureaucratiques chinoise et est-européeennes, nouveaux
marchés de grande ampleur qui donnent au système global un répit provisoire.
Dès la moitié des années 90, cependant, un certain ralentissement se produit à
nouveau: les nouveaux marchés commencent à devenir de nouveaux concurrents,
faisant réapparaître la crise de surproduction. Les investisseurs à la recherche de
profits rapides se détournent de la production traditionnelle et investissent en masse
dans les technologies nouvelles, bien au-delà des potentialités réelles de ces
technologies, créant ainsi un nouveau marché artificiel. C'est la bulle "internet", qui
éclate en 2000 et les années suivantes.
La destruction de la part artificielle de ce marché conduit le gouvernement Bush à la
même réaction que le gouvernement Reagan 20 ans plus tôt, mais à un nouveau
degré: hausse du crédit et dépenses militaires. Dans la hausse du crédit,le premier
rôle est tenu par les désormais fameuses "subprimes", fondées sur le pari, tout aussi
irréaliste que la "bulle internet", d'une croissance infinie, et rapide, des valeurs
immobilières.
Sur le plan militaire, à la factice "guerre des Etoiles" a succédé la vraie guerre d'Irak,
qui justifie un endettement monstrueux de l'Etat américain, et permet à nouveau de
donner un bref répit à son économie. Mais, comme en 1987, cette politique voit ses
effets rapidement diminuer. L'économie ralentit, révélant le caractère artificiel de la
croissance du crédit. La crise des subprimes se déclenche, d'abord de manière
progressive à partir du second semestre 2006, avant d'entraîner la gigantesque crise
financière de ces derniers mois.
Il est probable que cette crise du crédit n'en est qu'à ses débuts: après les particuliers
incapables de payer leurs emprunts hypothécaires, les fonds de placements
immobilier, puis l'ensemble du système financier, la crise du crédit pourrait s'étendre
aux collectivités locales, dont l'endettement fut aussi l'un des facteurs de relance
économique de ces dernières années, et enfin, le crédit à la consommation le plus
répandu, les cartes du crédit: l'aggravation de la crise risque en effet de multiplier les
cas de ménages incapables de rembourser à la fin du mois les dépenses faites au cours
de celui-ci. Or l'usage de la carte de crédit est un rouage essentiel des marchés les plus
développés, et particulièrement américain.
CRISE ECONOMIQUE ACTUELLE: 2 LES PLANS DE RELANCE
Prévoir l'avenir, en histoire et particulièrement en économie, revient souvent à tirer à
l'aveugle vers une cible mouvante. Mais la crise économique actuelle laisse tellement
peu de choix aux gouvernements, qu'il est aisé de deviner au moins les axes généraux
du court et moyen terme.
La gravité de cette crise ne permet pas à ceux qui veulent sauver le système
économique actuel de choisir entre divers remèdes: il faut les utiliser tous.
En simplifiant, on peut diviser la réponse des classes dominantes et de leurs États en
quatre parties: économique, sociale, idéologique et politique. La part économique est
ce que la presse et les gouvernements appellent généralement les plans de relance; la
part sociale, ce sont les "efforts que nous allons "tous" devoir faire": baisse de salaires
réels, coupure dans les dépenses sociales, etc.; la part idéologique, c'est la propagande
pour convaincre ceux auxquels on demande de faire ces efforts, c'est-à-dire les
travailleurs, d'accepter les mesures sociales; et enfin, la part politique, c'est pour
forcer ceux qui n'auraient pas été convaincus.
1 Economie
Rien d'original à attendre: il s'agira, comme en 1929, comme en 1981, comme en
2001, de créer des marchés artificiels, par l'endettement et l'aide au crédit.
Néanmoins l'administration Obama ne donnera sans doute pas la même forme que
les administrations républicaines, sous Reagan et Bush Junior, à ces deux types de
réponses à la crise.
A L'endettement ne passera pas, dans un premier temps, par une augmentation
radicale des dépenses militaires (même si l'économie américaine restera fondée sur
l'économie de guerre), mais par des grands travaux, inspirés du New Deal de
Roosevelt. Oubliant que ce "New Deal" n'a sorti l'économie américaine des années
trente que durant quelques années. Il a fallu la 2e guerre mondiale pour mettre
vraiment fin à la crise de 1929, 2e guerre qui fit entrer les États-Unis dans l'économie
de guerre en temps de paix, dont ils n'ont pu sortir.
B La baisse de la fiscalité des entreprises
Une partie de l'endettement servira aussi à couvrir les baisses de prélèvement fiscaux
sur les profits des entreprises, baisse des revenus de l'État censée être compensée par
l'augmentation des recettes que pourrait permettre la relance de l'économie, aidée
par ces mesures. Dans les faits, il s'agit de rendre aux entreprises une part de leur
profit, sans aucune contrepartie. Autrement dit, un don de la collectivité au privé.
Cette mesure ne résoudra rien; au contraire. En aidant les entreprises à rétablir leur
équilibre financier, on met à mal le mécanisme d'autoprotection du marché, face à la
surproduction: la disparition d'une partie de la production suite aux faillites. D'autre
part, les investissements supplémentaires que les sociétés pourront réaliser grâce à ce
cadeau servira essentiellement à augmenter la productivité, et donc, à terme, à
aggraver la crise de surproduction.
C L'aide au crédit passera pour une bonne part par des prêts aux organismes
financiers, aux industriels et aux particuliers. mais surtout par des garanties, afin de
relancer les mécanismes privés du crédit, l'Etat étant incapable de fournir
directement les prêts nécessaire à la relance de l'économie. La différence entre
"garantie" et "crédit", surtout au niveau de l'Etat, n'est en pratique pas très différente:
c'est, toujours, de l'argent virtuel, une anticipation sur les richesses futures, un pari
sur la croissance. Mais ce pari risque fort d'être perdu: aucun nouveau marché réel ne
viendra donner corps à ces marchés virtuels.
Mais l'économie américaine, depuis ces vingt dernières années, ne peut plus à elle
seule relancer la machine mondiale. Si l'Europe, malgré l'absence de pouvoir
politique central, tentera tant que bien que mal de suivre la politique américaine, le
sort de l'économie mondiale repose pour une bonne part sur le dilemme de la
bureaucratie chinoise, étant donné la très forte imbrication entre économie
Américaine et chinoise.
Le dilemme de la bureaucratie est le suivant: créer un marché intérieur ou continuer
de financer la dette américaine.
Face à l'effondrement des marchés extérieurs, qui constituaient le moteur essentiel de
la production chinoise, la bureaucratie, pour sauver son économie, et sa peau, va
devoir développer au plus vite son marché intérieur (Sur la situation économique en
Chine). Contrairement aux sociétés occidentales, elle en a les moyens, grâce au capital
accumulé durant ces vingt dernières années. Là, ce n'est pas de la richesse virtuelle
empruntée à un hypothétique avenir, mais la richesse déjà créée. Une telle politique
permettrait peut-être d'offrir un répit à l'économie mondiale.
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