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débats, où le concept de la recherche sur les embryons gardait encore un caractère abstrait, al-
laient néanmoins amener une clarification, utile aujourd’hui: D’un côté, il convient de faire la diffé-
rence entre une recherche à but utilitaire et la recherche conduite dans l’intérêt de l’embryon. Dans
ce dernier cas, celui-ci est lui-même l’objet de l’observation (p. ex. pour l’amélioration d’une fé-
condation in vitro). A l’évidence, il existe une différence de taille entre la recherche qui consomme
des embryons et celle qui simplement les observe. Le prélèvement des cellules souches embryon-
naires à des fins de recherche appartient clairement à la catégorie des recherches utilitaires et con-
sommatrices d’embryons. C’est précisément cette catégorie de la recherche sur les embryons qui
suscite le plus de réserves morales et les plus sérieuses d’entre elles.
Il n’est donc pas surprenant que, depuis l’année 2000, le projet de groupes de recherche suisses,
créés pour travailler sur des cellules souches embryonnaires importées de l'étranger, ait soulevé
de violentes critiques. A l’automne 2001, après avoir procédé à une réflexion sur le plan interne,
le Fonds national de la recherche a défini les conditions nécessaires pour qu'il accepte d’apporter
son soutien à la recherche en matière d’importation de lignées de cellules souches embryonnaires.
La Commission nationale d’éthique en matière de médecine humaine (CNE-NEK) créée en été
2001 a, dans sa séance constitutive, traité en priorité la question de l’importation des cellules
souches embryonnaires. Le 19 septembre, elle a publié une prise de position argumentée, de-
stinée aux décideurs concernés et qui allait précéder la décision du Fonds national du 26 sep-
tembre 2001 (Bulletin des médecins suisses 82 (2001): p. 2522ss). La CNE indiquait qu’il s’agis-
sait d’une question éthique fondamentale d’une grande portée et qu’il ne suffisait pas de sim-
plement de répondre à la question d’autoriser ou d’interdire l’importation des cellules souches,
ni de prendre une décision provisoire. Il fallait d’abord clarifier les bases éthiques et légales qui
se rapportent à la récolte des cellules souches embryonnaires devenues surnuméraires après
une fécondation in vitro, la source des cellules souches embryonnaires dont il est ici question.
Dans un même temps, la CNE-NEK a entrepris de préparer le matériel permettant de répondre
à l’ensemble des questions qui se posent à propos de l'usage de ces cellules souches. La pré-
sente prise de position (3/2002) rapporte maintenant les conclusions de la CNE-NEK sur les
questions fondamentales pertinentes à l'emploi des cellules souches embryonnaires.
Le Conseil fédéral a, de son côté, le 22 mai 2002, lancé une procédure de mise en consultation
d’un avant-projet de loi sur la recherche sur les embryons, destiné à réglementer la recherche
impliquant des cellules souches embryonnaires humaines. La présente prise de position de la
CNE-NEK a été élaborée indépendamment de cet avant-projet et antérieurement à sa rédaction.
L’avant-projet et la prise de position de la Commission d’éthique doivent donc être discutés
comme deux avant-projets indépendants, qui peuvent se servir de référence mutuelle. Le fait
que, sur des points essentiels, il y ait concordance avec l’avant-projet de loi étaie l’esprit de la
réglementation. La position de la CNE-NEK a été établie après une analyse autonome et indé-
pendante, effectuée du seul point de vue de l’éthique. D’autres opinions que celles qui forment
l’avis de la CNE-NEK restent également ouvertes à la discussion et elles sont en partie exprimées
dans les avis des minorités que l’avis de notre commission présente ici. Enfin, la loi en prépara-
tion concerne la recherche sur les embryons en général, alors que, dans sa prise de position, la
CNE-NEK se limite au thème des cellules souches embryonnaires.
Ainsi, la CNE-NEK espère contribuer à un débat ouvert et objectif sur les questions éthiques que
soulève la réglementation de ce nouveau domaine de la recherche médicale. Les divergences
d’opinion ne doivent pas être escamotées d’entrée de jeu, mais elles doivent être réellement
mises en lumière et traitées soigneusement l’une après l’autre. La légitimité démocratique d’une
loi est fondée sur la qualité et la transparence du débat public qui précède sa promulgation. De
façon naturelle, la CNE-NEK participera également à la procédure de mise en consultation par
une analyse du texte du projet de la loi sur la recherche sur les embryons.
Berne, 19 juin 2002, Christoph Rehmann-Sutter, président CNE-NEK