L`atelier de Kremnica et sa production - Accueil Aquilex

L’atelier de Kremnica et sa
production
Parmi les nombreux ateliers tchécoslovaques décrits précédemment, aucun n’a
actuellement d’activité monétaire. Un seul se maintient dans un cadre de ville
musée : Kremnica. Cet atelier qui changea cinq fois de nationalité au cours du
XX
e
siècle et connu sous trois noms frappe toujours monnaie depuis le début du
XIV
e
siècle.
Ducat typique de la production de Kremnica frappé pour Matthias Corvin (1458-1490).
Revers, écartelé des armes de Hongrie avec en 1 les bandes de Hongrie ancien, en 2 la
croix patriarcale de Hongrie moderne, en 3 le corbeau emblème de la famille Corvin et en
4 le lion de Bohême. Av, 21 mm, 3,47 gr. Classical Numismatic Group INC
I Le temps du florin et du gros
La Slovaquie actuelle est un pays montagneux, ceint par le massif des Carpates. Dès
l’époque celtique, au IV
e
siècle avant notre ère, le métal des premières monnaies frappées dans
cette région sera arraché aux entrailles des montagnes. Du IV
e
au I
er
siècle avant notre ère, une
bonne dizaine d’oppida frappèrent monnaie dans tout le pays prenant comme modèle les tétra-
drachmes d’argent et statères d’or que les mercenaires celtes recevaient en paiement de leurs
employeurs macédoniens. Ces activités monétaires prirent fin à l’arrivée des Germains. Quand
les Romains s’implanteront en Slovaquie à l’époque d’Auguste, ils se borneront à l’occupation de
la région de Bratislava. La ressource principale convoitée en ses confins, le limes romain était
surtout l’ambre et à notre connaissance, il n’y eut pas d’exploitation métallifère importante.
Après la fin de l’Empire Romain, de multiples peuples se succédèrent dans cet espace.
Les Slaves s’installent comme sédentaires à partir du VI
e
siècle tout en étant tributaire des
nomades Avars. La défaite de ces derniers face à Charlemagne en 796 permit aux Slaves de
retrouver une autonomie. la Grande Moravie est alors le premier royaume slave christianisé qui
se constitue au début du IX
e
siècle, mais celui-ci est balayé au siècle suivant par les nomades
hongrois. Ceux-ci s’installent à demeure dans le bassin des Carpates fondent un royaume chrétien
au XI
e
siècle. Les Byzantins comme les Francs avaient alors à cœur de christianiser les derniers
païens d’Europe pour augmenter leur sphère d’influence. Dans ce jeu, la Hongrie devint
catholique, même si de nombreux sujets orientaux dépendaient de l’Eglise Orthodoxe car le
royaume comprendra à son âge d’or nombre de pays actuels (Croatie, Hongrie, Slovaquie, partie
de la Roumanie, de l’Ukraine et de la Serbie). La Slovaquie, bien que peuplée majoritairement
par les ancêtres slaves des Slovaques, sera dominée par les Hongrois jusqu’en 1918 sous le nom
de Haute-Hongrie.
Couronne commémorative frappée à Kremnica en 1896 célébrant le millénaire de l’arrivée
des Hongrois dans le Bassin des Carpates. A l’avers François-Joseph portant la
couronne de saint Etienne, au revers, une allégorie féminine conduit Arpad, chef des
tribus magyares. Ar, 5 gr, 23 mm. JPP
La production monétaire hongroise, comme la production monétaire occidentale, se
contenta de deniers de plus ou moins bon argent jusqu’au XIII
e
siècle. A partir de 1250, l’or est à
nouveau frappé en Occident, particulièrement en Italie, à Gênes et Venise, mais surtout à
Florence dont le florin deviendra la monnaie de compte et d’échange européenne du Bas Moyen-
Age. Ce besoin de monnaies d’or s’accompagnait également de monnaies d’argent plus lourdes
pour les paiements de tous les jours, face à la dégradation du denier.
Le royaume de Hongrie est alors un royaume aux dynasties souvent changeantes,
largement accueillant à ses voisins occidentaux comme orientaux. Le roi Charles-Robert de la
famille française d’Anjou, est élu à la tête du royaume en 1308. Ce cousin de Louis IX, dont les
parents avaient été rois de Naples, apportera lors de son long règne (1308-1342) nombre
d’innovations italiennes, notamment monétaires. Le potentiel minier impressionnant de la Haute-
Hongrie sera mis en valeur par les mineurs allemands. Ces pionniers de l’exploitation minière se
répandirent partout en Europe Centrale, perfectionnant leurs techniques. Un district minier se
forma en Slovaquie autour de Banska Bystrica : le site de Kormoczbanya, nom hongrois de
Kremnica, fut choisi pour y installer l’atelier monétaire à cause de sa mine d’or produisant alors
environ 140 kilos par an. Une première charte de 1328 concédée par le roi Charles-Robert,
accorda ses premiers privilèges à la ville. Kormoczbanya allait s’affirmer peu à peu comme le
principal atelier monétaire de Hongrie.
Kormoczbanya obtint une place de choix dans les réformes administratives du roi
angevin. Celles-ci découpent le royaume en dix grandes circonscriptions dont deux en Slovaquie,
Kremnica et Smolnik partageant l’actuelle république en deux. L’atelier dépendra ainsi de trois
personnages : le comte de la chambre, responsable administratif royal pour la circonscription, le
représentant du trésorier royal et le représentant de l’archevêque d’Eztergom, premier
ecclésiastique du royaume. En 1400 s’y adjoindra un représentant des bourgeois de la ville et des
entreprises minières. Ces personnages doivent être présents à l’ouverture et à la fermeture des
coffres ou sont déposés les précieux coins monétaires et les poids et mesures, certifiant ainsi la
légalité de la monnaie produite. Des essayeurs surveilleront également la qualité du métal et la
conformité du poids des monnaies. Le premier comte de la Chambre est un italien spécialiste de
la chose monétaire, Hippolyte Bardi, issu d’une grande famille florentine. Comme toutes les
villes minières de l’époque, Kormoczbanya est cosmopolite et accueille des habitants d’origine
allemande, slave et hongroise. En 1424, le roi Sigismond de Luxembourg donna les revenus et
l’administration de l’audience de Kremnica à sa seconde épouse, Barbora Celjksa. Il devint
d’usage dès lors pour la reine de Hongrie de bénéficier de ces revenus.
L’administration des mines ne relevant pas directement de l’administration royale, celle-ci
demeure peu connue. Les chartes nous renseignent par contre sur les employés de la Monnaie qui
font figure de privilégiés, disposant de leur guilde et de leur justice. Au XIV
e
siècle, 120
travailleurs en dépendent ce qui représente en termes d’effectifs un des premiers ateliers
monétaires européens. En 1548, dans l’inventaire de l’atelier le plus ancien qui nous est parvenu,
ils étaient encore une centaine, comptant des cochers, gardes et cuisiniers mais surtout 63
monétaires. Ces employés étaient rémunérés à la pièce, recevant un taux fixe d’une valeur de
8,35 % sur l’argent monnayé en 1391.
Florin de Louis de Hongrie (1342-1382). Avers, armoiries royales dans un hexalobe :
LODOVICVS DEI GRACIA REX. Revers, saint Jean-Baptiste entouré de la légende
S. JOHA NNES B, couronne à gauche de la tête et tête de maure au pied droit,
différent du maître de la monnaie de Buda ou de Pecs, Jacob Saracenus. Frappé de
1353 à 1357, 3,55 g 21 mm. CNG INC
Dans les années 1350, deux monnaies principales se dégagent : le florin et le gros. Le
florin d’or n’est pas une spécificité de l’atelier, mais Kremnica, la seule mine d’or importante du
continent européen, peut-en produire en grandes quantités. Peut-être 400 000 par an au début du
XV
e
siècle. Juste retour des choses, le florin hongrois recevra le surnom de ongria dans la
péninsule italienne au XV
e
siècle. L’or qui recommence a être frappé en occident à partir des
années 1250 provenait alors pour l’essentiel d’Afrique subsaharienne, désignée sous le terme
générique de Soudan. Le florin est frappé dès le début des années 1320, reprenant le type
florentin : saint Jean-Baptiste au droit, lis au revers mais avec la titulature du roi de Hongrie.
Sous le règne de Louis premier (1342-1382), le type qui va devenir le florin hongrois se précise.
Il présente au droit à la place de saint Jean-Baptiste, le saint national, saint Ladislas. Ce roi
hongrois de la première dynastie des Arpad régna à la fin du XI
e
siècle et sera canonisé dès 1198.
Il est représenté couronné et ment doté de sa hallebarde et d’un globe crucifère. Le revers
présente les armoiries constituées des bandes de Hongrie et du semé de fleur de lys de la maison
d’Anjou. La légende de l’avers porte la mention de saint Ladislas, la titulature royale occupant le
revers. Ce type fait sa première apparition en 1357 et se maintient pendant plus d’un siècle, les
armoiries changeant toutefois avec les nombreuses dynasties qui vont se succéder jusqu’au règne
de Matthias Corvin (1458-1490). Celui-ci sera le dernier roi d’Europe centrale à faire reculer
l’avance inexorable des Ottomans. Dans cette mission, la Vierge Marie était considérée comme
un recours de choix et à partir de 1470, on vit sa figure devenir quasi omniprésente sur toutes les
monnaies hongroises. Saint Ladislas se maintenait au droit et la titulature du roi accompagnait la
figure de Marie. Plus largement, on désigne les florins hongrois à partir du XV
e
siècle plutôt sous
le nom de ducat. Sa finesse en or se maintiendra à 989 pour 1000 soit 23 carats et 9 grains pour
un poids de 3,548 grammes.
Ducat de Sigismond Ier (1387-1437). S.LADISL AUS.REX autour d’un saint Ladislas,
lettres I.V pour le comte de la Chambre de Buda Jacob Ventur (1394 à 1396) ; +
SIGISMUNDI.D.G.RUNGARIE autour d’un écartelé des armes de Hongrie ancien et de
l’Empire. S.LADISL AUX.REX autour du saint roi. Av 3,56 g, 21 mm. CNG INC
Ducat de Matthias Corvin (1458-1490) frappé à Kremnica en 1472 par le comte de la
Chambre Johannes Constorffer.
MAThIAS• D G•R•VNGARIE
Vierge à l’enfant
flanquée de deux vases de fleurs, un corbeau en dessous. Saint Ladislas. Av, 3,54 gr, 21
mm. CNG INC
Autre monnaie emblématique de l’époque, le gros, le garas, multiple du denier faisant son
apparition dans tous les royaumes européens. Des experts de la ville de Kutna-Hora en Bohême,
célèbre pour son gros, président à cette naissance. La monnaie pèse 3,41 grammes pour 3,19 de
fin et commence a être frappé en 1329 à Buda, 1340 à Kremnica. Si elle fut frappée sur le modèle
du gros de Prague en terme de poids, son esthétique la rapproche des monnaies d’Italie et de
Provence : les carlins. Sur ces gros, la figure du roi contemporain et non saint Ladislas trône,
dûment doté des regalia : couronne, globe et sceptre. Le revers présente les armoiries parfois
surmontée d’un heaume. La production d’argent étant très variable, la frappe de ces monnaies
connaît une éclipse centenaire de Louis d’Anjou à Matthias Corvin ou, comme sur le florin, la
Vierge fera son apparition au droit au détriment cette fois de la figure du souverain. A l’époque
de Charles-Robert un florin vaut 16 gros, chaque gros valant six deniers et un denier deux oboles.
La frappe de quatre monnaies différentes suffit aux besoins monétaires. Le florin au cours de 96
deniers au milieu du XIV
e
siècle grimpera jusqu’à 500 deniers au siècle suivant avant de se
stabiliser autour de 200 à 300 deniers.
Denier de Matthias Corvin frappé à Kormoczbanya en 1489. Le corbeau de la famille
Huniday (Corvin) est au centre de la composition armoriale. Ar, 0.56 gr, 14 mm. JPP
1 / 24 100%

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