au quotidien par Renaud Persiaux Lipodystrophies : comment y faire face ! Grâce à l’évolution des traitements, les lipodystrophies concernent de moins en moins de personnes séropositives. Mais pour celles qui sont touchées, leur impact nuit toujours à la qualité de vie. Le point sur les solutions existantes et les conditions de prise en charge. D e quoi s’agit-il ? Dues à certains antirétroviraux, les lipodystrophies sont une répartition anormale des graisses. Elles se présentent sous deux formes, associées ou non : – les lipoatrophies : fonte de la masse grasse, généralement au niveau du visage (« joues creuses »), des fesses, des bras ou des jambes (visualisation anormale des veines) ; – les lipohypertrophies : accumulation de la masse grasse au niveau du tronc, notamment de l’abdomen (au niveau des viscères), de la poitrine (augmentation du volume des seins) ou de la base du cou (« bosse de bison »). Elles sont souvent liées à des troubles lipidiques et glucidiques. Les examens de routine sont la mesure du poids, du tour de taille et du tour de poitrine. Quels sont les traitements en cause ? Pour le Dr David Zucman, endocrinologue et spécialiste du VIH à l’hôpital Foch de Suresnes, ce sont essentiellement deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse, la stavudine (d4T) et dans une moindre mesure la zidovudine (AZT), qui les provoquent, par un méca- Que faire ? 1. Changer de traitement C’est la première chose à envisager : remplacer, quand c’est possible, la stavudine et la zidovudine par d’autres molécules. Cependant, l’amélioration est souvent lente, parfois inexistante. Dans ce cas, des interventions corporelles sont souvent requises. 2. Miser sur l’alimentation et la pratique sportive Le suivi des règles hygiéno-diététiques est utile (alimentation variée et équilibrée, limitation des apports de graisse animale). Certains diététiciens, généralement hospitaliers, peuvent apporter un conseil éclairé aux personnes vivant avec le VIH. Un exercice physique régulier (jogging, marche, vélo, natation, gymnastique, etc.) peut diminuer l’accumulation des graisses et compenser la perte graisseuse par gain musculaire. 3. Cibler la lipoatrophie du visage De nombreuses solutions existent : New-Fill®, acide polylactique : efficace chez la plupart des patients, ce produit de comblement agit par épaississement progressif du derme par injections intradermiques. Résorbable lentement, l’effet perdure un à trois ans selon les personnes. Pratiquée par de nombreux médecins, en ville ou à l’hôpital, c’est une intervention relativement légère. Bien tolérée, son mécanisme d’action repose sur une augmentation de la production de collagène et de la fibrose. On procède par cure de cinq séances espacées d’au moins trois semaines. L’association Actions Traitements tient à jour une liste des praticiens sur www.actions-traitements.org. C’est la technique la plus couramment utilisée. L’autogreffe de tissu adipeux ou lipostructure (injection de graisse) par la technique de Coleman est de moins en moins fréquente, car c’est une intervention au quotidien quotidien Transversal n° 50 janvier-février au Quels impacts sur la qualité de vie ? L’enquête menée en mars 2009 par Sida Info Service auprès de 97 personnes atteintes de lipodystrophies montre que leur incidence est encore importante, tant sur le plan corporel, psychologique que social. Elles exposent à un fort risque de stigmatisation. Selon l’enquête, neuf personnes sur dix estimaient très négatif l’effet sur leur qualité de vie. Chez un patient sur quatre, elles pèsent sur la prise régulière du traitement. Six personnes ont même indiqué avoir arrêté d’elles-mêmes leurs traitements. Pourtant, seules quatre personnes sur dix ont cherché le moyen d’y remédier. « Le manque d’information est criant, chez les patients comme chez les soignants », s’alarme Elisabete de Carvalho, de l’Observatoire de Sida Info Service. nisme mal connu. En France, les experts du groupe Yeni ne recommandent plus leur utilisation. Et, depuis novembre 2009, l’OMS conseille aussi l’abandon de la d4T, y compris dans les pays en développement. 33 Transversal n° 50 janvier-février au quotidien au quotidien 34 par Renaud Persiaux plus lourde, réalisée sous anesthésie générale et nécessitant une hospitalisation. La graisse du patient est prélevée là où elle est excédentaire, puis centrifugée avant d’être réinjectée sous la peau au niveau des parties atrophiées, dans les joues ou les tempes. Les effets perdurent plus d’un an, la graisse pouvant parfois se résorber en quelques années, avec nécessité d’une nouvelle intervention. Nettement moins utilisé, l’acide hyaluronique, Restylane SubQ®, est un produit de synthèse qui existe à l’état naturel dans notre corps. Bien toléré, avec de fortes propriétés volumatrices. Principaux obstacles : le coût et la résorption rapide en seulement quelques mois. BioAlcamid®, gel d’alkylimide, est un produit dit non résorbable, une « endoprothèse » injectée sous le derme, qui apporte des volumes suffisant à combler des lipoatrophies profondes en une seule séance, avec un résultat immédiatement visible. De nombreux chirurgiens évoquent une efficacité moyenne de deux ans. Certains infectiologues le déconseillent en raison d’un risque d’inflammation, voire de nécrose. 4. Cibler la lypoatrophie des fesses Plus rare et survenant moins rapidement que celle du visage, la lipoatrophie sévère des fesses peut rendre la position assise très douloureuse. Les possibilités d’intervention sont plus lourdes, plus coûteuses, avec une prise en charge non systématique et souvent partielle. Les prothèses de fesses sont utilisables si une augmentation importante de volume est nécessaire, mais leur implantation latérale ne permet pas de traiter les creux internes et inférieurs. Résultats parfois décevants. La lipostructure dans les zones non corrigeables par les prothèses est en cours d’évaluation. Combinaison possible d’une prothèse de fesses avec l’utilisation de BioAlcamid®, afin de restaurer les pertes de volume, quelle que soit leur importance. Une version « corps » de l’acide hyaluronique, le Macrolane®, peut être employée pour augmenter le volume des seins ou des fesses. Consistance similaire à celle du tissu humain, injectable en gros volumes. Cette technique pour laquelle peu de recul existe est peu fréquemment utilisée. Face au coût des interventions, le sous-vêtement de confort est une solution à ne pas négliger. Muni de rembourrage en mousse au niveau des fesses, il apporte un réel confort et modifie la silhouette. Parfois appelé « slip de modelage » ou « padded-boxer », il existe en versions homme et femme. Disponible dans certains grands magasins ou en ligne. 5. Combattre les lipohypertrophies La prise en charge est difficile et souvent peu satisfaisante. La lipoaspiration (« liposuccion ») concerne le tissu sous-cutané. Le risque de récidive est plus impor- tant que dans la population générale. D’après l’association Actions Traitements, rares sont les praticiens qui acceptent de réaliser ce type d’intervention chez les personnes vivant avec le VIH, d’où des listes d’attente assez longue. Concernant les seins et la « bosse de bison », l’acte chirurgical est envisageable. Certains kinésithérapeutes très expérimentés parviennent parfois à réduire l’excès graisseux à la base du cou. Conditions de remboursement en France – Suite à la pression associative, les techniques New Fill® et Coleman sont prises en charge à 100 % par l’Assurance-maladie, après demande préalable auprès de la CPAM (en principe acceptée). Pour le New Fill®, le produit (295 €, pas d’avance des frais par le patient) et l’injection (tarif Sécu 62,56 €) sont pris en charge. Attention : les honoraires varient énormément d’un médecin à l’autre, alors que le tarif remboursé par la Sécu, lui, est fixe. Certaines mutuelles prennent en charge les dépassements d’honoraires. Se renseigner auprès des associations de patients. – Pour les autres techniques, il est possible d’obtenir un remboursement – partiel, rarement total – après entente préalable auprès de la CPAM. Pour cela, il faut fournir au médecin-conseil de la Caisse primaire une attestation rédigée par l’infectiologue. C’est ensuite à l’appréciation du médecin-conseil, qui est généralement plus favorable aux demandes de comblement des fesses. Monter un dossier est assez simple, mais la procédure est parfois longue. En cas de remboursement partiel, il faut s’adresser à sa mutuelle complémentaire. Les modalités de remboursement diffèrent selon les organismes. En fonction de ses ressources, le patient ne doit pas hésiter à recourir aux caisses de secours de chaque organisme. Contacts : Actions Traitements, ligne Info Traitements, en semaine 15 h-18 h : +33 (0)1 43 67 00 00 Sida Info Service : 0 800 840 800 Pour en savoir plus : Rapport Yeni 2008, chap. 7, p. 98-101 téléchargeable sur www.sante-sports.gouv.fr Enquête de Sida Info Service sur www.sida-info-service.org New Fill® : www.actions-traitements.org