LES r1lfiO[BIES DE CRAON DU 12 JUILLET AU 10 SEPTEMBRE 1789 D'APRÈS UN DOCUMENT lNl)lT Le bel ouvrage sur Les Premiers Troubles de la Révolution dans la Mayenne. rédigé par M. V. Duchemin, archiviste du département de la Sarthe, puis terminé et publié par notre excellent confrère et ami M. Robert Triger, vice-président de itt Société Ilistorique et Archéologique du Mairie, mentionne le pillage du chéteau (le Craon et la desi ludion du chartrier, par la populace, le 15 août 1789, d'après le récit des Chroniques Graonnaises. Selon un lmlnplet du temps, M. d'Armaillé, seigneur de Craon, aurait été forcé de se iuiettre t genoux devant ses ennemis, pour souscrire son acte de renonciationl . 11 aurait ensuite assisté, malgré liii, à la destruction (le 5011 chartrier hrùlé par les rebelles. Ce libelle est intitulé : Atnende honorable d'un gros marquis devenu tambour, ou relation de ce (JIU est a,ijt'd au marquis d'A..., seigneur de ('raon en Anjou. Graon, 15 aoiU 1792. Grfice à l'extrême obligeance de M. le comte 41e la Morinière, d'Angers, que nous remercions ici de son 1. Les P,'ern iers Troubles de la Révolution dans ta Mayenue, pp. a2-'3. 2. Ct 1)i(IflpI4I. U été tIIIpriiii( .L Paris, Guillatiiiit' Jitititr, s. d. in-8°, jiice. liih/iosJteçae nationale, Imprii#&. L b. 39, II695. Document II II II II Il III 1111 III il II 1 III il 0000005526239 _4 aimable complaisance, flous pouvons aujourd'hui compléter et rectifier les détails relatifs à cet intéressant épisode des premiers troubles révol titi onnaires (laflS la Mayenne. Le document inédit qui nous u été cominuniqué est très curieux et nous avons cru (Ievc)ir le publier. Journal de ce qui s'est passé à Graon depuis le 12juillet 1789. « La milice bourgeoise fut créée à Craon vers le milieu dii mois de juillet. Le 25 di même mois, la ville créa ait hazard un ri unité ci )1uJ)i sé de quatre membres communication des lettres à l'adresse de la)111 pren(I ri' M le duc de Brissac e Trois 1)11 quatre jours après, oit aSseml)la la ville composer le comité de six membres. Il fut délibéré 4)1' composé d'environ Vingt personnes y létal-ma i iie aurait droit. La ifliqdlli , e J)al'ti( des habitants donnèrent leurs voix pour qui ic coud té tue durât que trois mois. Il s ' est tenu depuis des assemblées très fréquentes pour intimer le peuple. « Le 26juillet. on lit la bénédiction du ( 111 Pffl il. M. le 2 y assista comme bon citoyen et même fut reconduit par les olliciers di' la milice (t une partie (le la troupe jusqu ' à SOIt clièteau, le d1'iIpCkU à la tête. Ti' :io juillet, il fut tenu le matin une assemblée et I comte de (ossé-Brissae, panetier du roi, I. François Timoléon, cap itaine des Cent-Suisses, pttnit'i gent iihoiuiuie de Monsieur, duis ep Louis xvi t i. marié û Paris. le 21 octobre t '52. avec Marie -C amil le-Adelaï le d A u'mai I lé, tille (1(1 marquis de C i'aon Mort û Munster en 1803. 2. Ambroise-Pierre dArmaillé, marquis de Crawi, né le 2 avril 1, 3 1à ; , possesseur de la terre de Craoti. en vert'[ du i-Lige fait h' ' juin 1763. C'est lui qui hâtif,vers 17 65 le château actuel sur les pl ans de l'architecte Pommi'reuii Il épousa, le 6 juillet 1753, M arie de Mornay-Monchevreuil, puis, en secondes noces, MITe de Muiucrif. Ii mourut en 1805. (Chroniques Crao,uwises, deuxième édition, p. 278). - Les d'Arnuaillé i turtai e lit : 1) 'areuit (t une de 1,OiS ,flo/et€es deLIueulu's )Autli uvs fasce de sable accoJnpa'néc mss. 99'i, p. 6. - Armorial général de l'Anjou. t. I. p. 72. -5— ou députa huit citoyens pour engager M. le M de remettre la place et le pré . Sur le refus de M. le iM', la ville s'assembla sur lesquati'€' heures du soir ; il fut délibéré que les murs de la pEace ('t tinpré seraient démolis. (iVOtaoui fil, une quête dans le comité et dans I 'état-major r 0111' r viI ceux qin travailleraient à cette démolition'. Le U août. le comité, i l'aide de l'état-major, fit avertir M. le M" pour venir il l'assemblée de ville. On renvo y a chercher pal' un piquet de fuzilliers, le sieur UlarJ à leur tête. Itiriilti, oui lui (léclara, api''s avoir été beaucoup invectivé, qu'on allait s'emparer (le chartrier. À1n'es l'itsseuiililée, on le renvo y a pareillement escorté (le plusieurs oIIiciii' qui guidèrent soit char! lier pen(lant soïi ililie, et ensuite arrivèrent commissaires, au Chartier:;, , nomhi'e drsi1iuels ('toient les S1PUFS Lavalée pour trier les titres de l3itzile_ d'Aigi'emont et autres, propriété (1aVPC C('IiX de féodalité. « Ce triage dura i Ivilx jours, pendant lesquels il veut, jour et nuit., des gardes à la porte du chartrier ; ensuite les titres (le Féodalité furent enlevés et transportés au siège du comité. « Le huit aoi'ut il y eut une assemblée en l'église Saint-Nicolas p our' déibéi'er si on l)rfderoit les titres (le la baronnie ; les gens honnètes s'y opposèrent. M. le M" fut assailiv des sottises les plus atroces I Le diinanclic neuf août, il l'uit elianté tin Te Deum où M. le Mi assista. Ce fut dans ce joui' qu ' on fit lit démarcation de la j)ltlCO et du pré. 1. On i'tproi'leiitait s('igtt('lur tic Ci'aoii d'avoir eiile"t par fra ude à la ilIi' le liré dit lIC Iti Liliii'In II 1(1 proiiivnade tic SilLiIt Nicolas C/i,'ouujues ('raou#Iuises, ai, depitti è l'As2. 1':siIue-1iv;ilIC('. jilgi' au 1i'il)Iili]li di' Ci'ti st'flhl)I('C ClIltSIitlitiilh'. i'itvoyé sens la (nttvcntiili ('li itti5SiOfl (laits la Maveitute. (Voir l ' onvl'(tge iii' M. l'tiii!i' Qu'i'uaui-Lano'rie sur J.i's Girotidi,'." dr,,,s la Mayeute, cxl rail ih' lit Rei'iir de l'unjou, Augets. i88. - La Commission P,'ou st. dut mime auteur, ainsi que Lu commission J"ili.v et Les Suspects du Département de la Mayenne(. 3. C'est "e ChartierJacques-Anne-Nicolas) qui parvint. à la tète (le lie lii tiiti si ration ( le Cra in t t crèa une société populaire d'une vioJrlit'c sauvage. En l95, on saisit ses armes et encore ell es t it i fit t'eut Il 'iid ut es le I vi'itdéiit luire an 1V. (D o m P. Pin! iii, L'E'lise du Mens dorant la R,'olution, t. III, p. 211. G« Dans ce jour et les suivants, l' état-major forma une compagnie de volontaires, qu'on poilErait nommer avec plus juste titre une compagnie de brigands, à l'aide desquels il força les propriétaires et les fermiers d'amener des grains au marché et on fixoit le prix arbit rairement et à 20 1. par boisseau pesant 50 livres au-dessous du prix ordinaire; il punissait avec toute la barbarie pOssil)le (l'amendes et (le J)rizons tous ceux qui tue vouloicrit pas obéir à ses ordres effretiés. Plusieurs des honnêtes Iiabitaiil s ont été insolemment emprisonnés. Ce qu'il y a de J)lhlS particulier, c'est que les 5N Marais et Ja r iwlin , de la Chapelle , avant vendu deux charretéese froment et, bled à un homme tic Cossé 2, ce comité fit venir les 5rs et. Jaguelin et. les força tic faire revenir leurs graines à Craon afin de les y vendre au taux fixé. (( Un (les membres (lu comité ,le Sr Monier, boulanger), voyant, gros à gagner sur le froment, le prit au taux fixé par le comité et en fit du pain; ce comité, qui faisoit baisser ; son gré lepi-ix tIn grain, bien loin de faire dirniiiuer le prix du pain e. au contraire augmenté, par ce que lotis les boulangers faisoient partie ducomité et des volontaires. Le comité envoyait fréquemment des volontaires chez les p10piit4aiis €t les fermiers à trois lieues à la ronde pour les forcer d'amener (lu grain au marché, ce qui a emnpéclié la libre.circulation des grains si recomniandéi par l'Assemblée Nationale, ce qui n déterminé les fermiers ii faire sortir segretement leurs grains. « M. le Sénéchal avant été absent quelque temps. le 16 août, il se tint une assemblée à Saint-Nicolas, où on proposa de créer une nouvelle juridiction; pour cet effet.. on nomma trois uges et un procureur du roi à la place des officiers ordinaires. Au commencement du mois de septembre, il -se tint encore une assemblée à Saint-Nicolas, où il fut question de la nomination de trois juges. M. Chassebœuf. père ai,, • Chapelle-C raunnaise 1w, e dc ( SSé-le-VivieIi 2. Co s sé-le-Vivien. arrolld j sseln(1j( de Château-Gontier. . Cliassehuuif, doyen des avocats fut te picniiir président du hurial du district. -7— de M. de Volnev t , qui avait été nommé président dans l'assemblée du 16 août, prêta serment en présence de l'assemblée. 11 y fut dit que les deux autres juges et le procureur du roi prèteroient serment devant lui; tribunal illégal, reconnu par les officiers nommés qui n'ont jamais osé exercer et qui ne le pouvoient. « Le 25 septembre, le comité, ayant reçu des lettres qui annonçoient que le sel étoit fixé à six sols la livre, deux des membres du comité les s Monier et Chartier furent aussitôt chez plusieurs personnes pour achepter du sel à cinq liards la livre ils en acheptèrent deux charretées chez le nommé Fouilleul. e Le 26, il se tint une assemblée à Saint.-Nicolas, où on annonça que le sel était fixé à six sols ; les habitants furent courroucés contre le comité d'avoir achepté ces deux charretées de sel qu'ils vouloient vendre 4sols la livre. Dans cette assemblée, il fut dit mille horreurs contre le Sénéchal'-' par le Sr Lavalée. (Nola les actes des assemblées étoient rédigés avant l'assemblée et on forçoit. le sabre à la main, les honnêtes cito'eiis de signer; on postoit des sentinelles à la porte de I églize qui cmpèchoiciit de sortir sans signer . On lit en marge : « MM. L'Hommeau et Malard Chevallier. » « Les habitants, le 26 septembre, conçurent le dessein de changer le comité, vu l'achapt du sel. Pour cet effet, ils tinrent une assemblée, le 27 septembre, sur les quatre heures après midi, dans la même église, pendant laquelle vinrent les volontaires, à la tête desqh1s étoit le 5r Doussault , commandant de la milice ils firent un bruit horrible et cherchèrent à dissoudre l'assemblée. Vo y ant ne pouvoir réussir, ils crièrent aux I. Vol uev iConst iitin-}'i'ariçois Cliassebo » iifi. fils duprécédent. né 'Ci li 3 février 175. iiioi't à Paris le 25 avril 1820, célèb re l a1' 5(11% v( ' vage en Orieul. auteur des R,,ioe.. Voir, sur soit !'('(le politique, le Diet. /ii.iI. (le _W.-et-L.. t. III pp.9-0. 2. .Jean-Baptiste-Michel l[albert, seneelial (le Craon. 189. L'auditoire du Sénéchal s'élevait jadis au bas de la place des halles, du côté (le la rue de Betiiléem au-dessous était le limage. On avait transféré ce tribunal eu1 60 dans une maison iii haut de la rue (lit Pilori. 3. M. 1)oussault était aussi ancien président au grenier à sel de Craon. -8 aimes, le sabre n in main. Ceux qui étoient au l)aS tIc l'église, vo y ant, les volontaires arniés, furent forcés de inter le tttesiii p((irI' appeler (lU secours. 11 y eut nième un coup (le sabre donné pat' lui volant aire i M. l'abbé (le Florence, chanoine. Le comité, se voyant cngé, députa le Sr Lavalée, avec trois volontaires, ha pour aller demander du secours à Laval, P01-" se per1a"tuer dans leur 1dare. Quatre membresdu comité de Lavai s'offrirent ptt1 venir pacifier les esprits à Craon ils les refusèrent, et. cii s'en revenant, le 29 septembre, le 5r Lavalée., avec dn'irx volontaires, rencontrèrent le 5r Lefrane, cito y en de cette ville, qu'ils voulurent assastians le grand chemin, et, poiii' raison duquel assassinat, ils ont été décrétés. « Le 30, ils furriit, ii la ( jinierciic t, d'où ils amenèrent 18 volontaires. Le jeudi i r octobre, sur les dix heures du 5( dr. plusieurs volontaires, tant rie Craoti que de la uierche, eh faisant. patrouille, furent i la porte titi s Lalatide et voulurent entrer chez lui. Voyant qu'ils ire 1toutrunient réussit, ils cherchèrent à foric . er(sie la porte. s Le 2 octobre, se tint une assemblée à St-Thiornas 2, où I( 5r Lavu1éc. après de longs discours, réussit, à l'aide des volontaires de la Utiierclie, aimés (le pistolets a leurs ceintures et dans leurs pocints. il su PI't lit!' dans le comité, avec in modification. uulUuitioitus. d quatre nouveaux nienthies. s Le 3 du nième mais, les voloiuta ris. apis liii copieux déleiincr, fait l'abreuvoir, avec les volontaires de Cu'aon, partirent pour s ' en retourner par la route de Cossé. Ils firent rencontre. dans leur clienitii, d'un Jacobin de Laval, qui venait pu'écliei' à Craoni et i qui ils dirent mille invectives. Rendus au bourg de Cossé, il y eut le nommé Coursier, de la Pat i'ière , qui chercha à assassinrer le nomrultt Lcgai. Plusieurs habitants de ce bourg l'avant poursuivi pour l'arrêter, il se ,jetta, le sabre und, sur le sieur Rivaud, de la Chevrie 4 , à (liii il porta un coup de sabre sur' le poignet et l'a estropié. 1. Gueiche (lu, am. de Vitré 111e-et-Vilaine). 2. Voir, sur la cliuptIle St-Thomas. les CIironij,c.ç Crawinaix's. p. 626. :r. Patrii, re 11ai, f.' de Cossé-le-Vivien. i Chevrie iIi, logis et bois, Cno de Saini-Aignan- sur- itoc. -9— Le 4 octobre, il y eut un cordonnier, d'un bourg voisin, qui fut chez le sieur Niipied, membre du comité, lui demander des pistolets, et fut ensuite au chfLteau parler à M. d'Arinai Il é. En lui parlant, il lui porta le pistolet sur l'estomac et le rata. Cet homme fut conduit au comité et il dit qu'il tenoit les pistolets du sieur \upied. Ensuite il fut conduit en prison. Le lendeiiiain, des huissiers voulurent le traduire à Angers, niais pendant la route il s'écha»I. Le 24 octobre, plusieurs volontaires furent, par ordre du comité, riiez M. le Sénéchal, pour l'expulser de Craon. En vertu de la même délibération, les volontaires se divisèrent et furent, avec despersonnes de la milice bourgeoise, chez les curés et les nobles, ii qui ils enlevèrent tous leurs fusils, parce que, disoient-ils, ils, ils avoient reçu (les ordres (lisant qu'il falloit se défier de tous les calotins. Le 10 novembre, les volontaires et milices furent chés les fermiers et gens de la campagne pour leur défendre de brûler leur cidre, afin, disoient-ils, de le boire à meilleur marché. « C'est le comité qui a fait faire les patrouilles, les lundis, dans le marché, et (lui u fait enlever une quantité de volailles et de beurres aux gens de la campagne, sans aucun objet apparent (le bonne police.... » Comme le lecteur n pu le constater, l'auteur anonyme (le ce Journal ne mentionne pas les évènements du 15 aoùt, jour où, suivant les chroniques (]raonnaises, pp . 378 et 379, « les femmes, les enfants, le peuple, ar• niés de broches, sr portèrent sur les grilles qui sépa• raient la promenade de l'église ; aussitôt un voisin, à • qui précisément M. d'Armnaillé avait enlevé un terrain • pour arrondir sonpare, M. Malard, lii avertir M. • Doussault, commandant (le la garde nationale et ancien • président du grenier à sel de Craon ; grûce à cet avis, • le marquis fut arraché à une mort certaine. ' Le même historien ajoute que les papiers de la baronnie (le Craon furent brûlés .Notre auteur raconte seulement - 10 - que les archives de M. dArniaillé furent transportées au siège du comité, le 8 août. Il ne parle pas de l'éiiieute qui aurait eu lieu le 15 août et dans laquelle la populace aurait fait mettre à genoux M. d'Arrnaillé pour souscrire son acte de renonciation, puis l'aurait forcé ii assister, malgré lui, comme nous l'avons déjà dit, à la destruction de son chartrier brûlé par la populace. e^ ^^_ e3