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Haïti et la bordure nord de la plaque Caraïbe
Dans les Grandes Antilles, le déplacement entre ces deux plaques est principalement
décrochant, c’est à dire que les deux plaques coulissent l’une contre l’autre. Ce mouvement
crée une zone de déformation de 250 km de large qui traverse l’île d’Hispaniola (Haïti et la
République Dominicaine) et qui est absorbé par plusieurs systèmes de failles :
- Deux systèmes de failles décrochantes linéaires et à pendage vertical, traversent l’île,
au nord et au sud, la faille Septentrionale et la faille de d’Enriquillo-Plantain sur
laquelle s’est produit le séisme d’Haïti du 12 janvier 2010. Ces deux failles absorbent
le principal du mouvement relatif entre les deux plaques, de manière à peu près
égale. La magnitude importante du séisme combinée à la proximité de la zone
fortement urbanisée de Port Au Prince explique les fortes intensités (IX) observées et
donc l’ampleur des dégâts.
- Des systèmes de failles plus plates, principalement inverses (mouvement de
rapprochement entre les deux compartiments de faille) sont situées en mer, au large,
au nord et/ou au sud de l’île, ainsi qu’au centre. Ces failles absorbent la petite
convergence entre les deux plaques à cet endroit.
Cette séparation entre deux types de mouvements est appelée le partitionnement de la
déformation. Le système de failles décrochantes est le système principal. Il se prolonge à
l’est et à l’ouest sur plusieurs centaines de kilomètres sur des failles majeures dites «
lithosphériques ». Absorbant la majorité du déplacement relatif, il engendre donc des
séismes plus fréquents, et à priori de magnitude plus importante que sur le système inverse.
Sur ce type de décrochements (comme la faille de San Andreas ou la faille Nord
Anatolienne) les magnitudes caractéristiques sont comprises entre 7 et 8, rarement
supérieures. En Haïti (et en République Dominicaine), le système de failles principales est
situé à terre. Il est donc proche des zones habitées. Seule une petite portion de la faille a
rompu lors du séisme du 12 janvier 2010 et a donc déchargé ses contraintes, sur une
longueur de 50 à 70 km, partie des 250 km de longueur de la faille qui traverse l’île d’est en
ouest. Les segments adjacents ont donc été chargés par le séisme. C’est pourquoi sur ce
type de décrochements continentaux, les séismes surviennent en cascade, à l’échelle de
quelques mois à quelques dizaines d’années comme cela s’est produit lors de la séquence
du 18e siècle (1701, 1751, 1770). D’autres séismes d’une ampleur comparable ou supérieure
peuvent donc encore se produire proches des zones fortement urbanisées. Ainsi, l’aléa
sismique sur l’île d’Hispaniola est et reste très fort, avec de grands séismes (M>7), proches
des villes, ayant des temps de récurrence moyens courts (la centaine d’années).
Pour la détermination de l’aléa sismique, outre les analyses de la sismicité instrumentale et
de la sismicité historique, on peut y appliquer les techniques de paléo-sismicité terrestre,
c’est à dire l’identification et la datation des séismes qui se sont produits durant les derniers
milliers d’année, par l’analyse des dépôts dans la zone de faille, à l’aide de tranchées
effectuées à travers les failles. Les deux compartiments de la faille étant accessibles on peut
aussi y effectuer des mesures de déplacement correspondant à l’accumulation d’énergie
élastique sur la faille (par GPS ou interférométrie radar). C’est la combinaison de ces
méthodes qui ont permis à Eric Calais et ses collègues d’estimer il y a deux ans, la
magnitude du séisme qui s’est produit sur la faille Enriquillo-Plantain le 12 janvier 2010.
Dans les Grandes Antilles, la zone de failles principale, qui passe à terre très
proche des zones habitées est capable d’engendrer des séismes de magnitude
forte (entre 7 et 8) et fréquemment (centaine d’année).
Institut de Physique du Globe de Paris – Observatoires Volcanologiques et Sismologiques