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LES GRANDS LACS
DE L’AFRIQUE DE L’EST ET DE L’AFRIQUE CENTRALE
La stratégie en résumé
Compilé par BirdLife International
Conception et publication par
Camerapix Magazines Ltd
E-mail: [email protected]
Carte 1. Bassins focaux de la région des Grands Lacs
SOUDAN
DU SUD
ETHIOPIE
OUGANDA
KENYA
Crédits images: Toutes les photos sont la propriété de
David Pluth/Camerapix Magazines Ltd sauf la photo de
couverture (marché aux poissons) qui est la propriété
de Peter Holthusen
REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE
DU CONGO
RWANDA
BURUNDI
Illustration des pages: 8-9 par Rachel Hudson/
butterflytrack.u
TANZANIE
BASSINS FOCAUX
Haut Nil
Turkana/Omo
Télécharger la Stratégie de conservation pour
les Grands Lacs de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique centrale
Victoria
Tanganyika
http://tinyurl.com/net2gy5
Rift Valley
MALAWI
Mweru
ZAMBIE
Malawi/Nyasa
0
MOZAMBIQUE
200
400
km
Map created by Kate Barnes; October 30, 2014
Data Sources: HydroSHEDS, Natural Earth
WGS84
LA RÉGION AFRICAINE DES GRANDS LACS
La région est dotée d’une biodiversité
et de caractéristiques géophysiques
spectaculaires. Elle fournit des services
essentiels de l’écosystème qui soustendent les économies et soutiennent
les moyens de subsistance de plus
de 50 millions de personnes. Ces
facteurs font de la région une priorité
stratégique pour les investissements
dans la conservation et le
développement durable
La région des grands lacs en Afrique orientale et centrale s’étend sur 3.500
kilomètres couvrant 11 pays (figure 1) dans la vallée du Grand Rift. Elle
couvre sept grands bassins lacustres/fluviaux, dont cinq sont au centre de
cette stratégie (encadré 1), et a une altitude allant de plus de 6 km du fond
du lac Tanganyika à 700 m sous le niveau de la mer jusqu’à 5.709 m
au-dessus du niveau de la mer dans les monts Ruwenzori. Elle héberge des
centaines d’espèces endémiques et menacées de plantes, poissons, crabes
et escargots ainsi que des primates charismatiques comme le chimpanzé et
le gorille de montagne. La biodiversité extraordinaire et les caractéristiques
géophysiques de la région sont le résultat de 12 millions d’années d’une
histoire géologique dramatique. Aujourd’hui, espace de vie de populations
humaines dynamiques et en pleine croissance, la région des Grands Lacs
et ses bassins hydrographiques sont dotés de suffisamment de ressources
naturelles pour réaliser les rêves de développement de tous ses peuples.
Encadré 1. Bassins lacustres/fluviaux
• Lac Victoria: le plus productif au monde pour la pêche en eau douce,
en deuxième position en termes de superficie.
• Lac Tanganyika: deuxième lac d’eau douce au monde en termes de
profondeur et de volume.
• Haut Nil: affluent important de l’un des plus grands fleuves au monde.
• Omo/Turkana: le plus grand lac permanent et alcalin de désert au
monde, aujourd’hui menacé par des développements à grande échelle
dans le secteur de l’énergie. • Lac Malawi/Nyasa/Niassa: héberge 14% de tous les poissons d’Afrique.
En raison de sa valeur en biodiversité
et de son potentiel en termes
d’avantages écosystémiques pour
le bien-être humain, la région
des Grands Lacs a été retenue
pour bénéficier d’un financement
dans le cadre du programme
Conservation et développement
durable de la Fondation MacArthur.
La stratégie résumée dans le
présent document servira de guide
pour les investissements dans la
conservation de la région, de la
Fondation MacArthur et des autres
donateurs, face à une pression
grave et accrue sur les ressources
naturelles, générée par une forte
pression démographique, des
conflits civils et un développement
économique rapide.
1
ÉLABORATION DE LA STRATÉGIE
Les principaux acteurs
gouvernementaux et non
gouvernementaux ont été activement
engagés dans l’élaboration de la
stratégie
La stratégie a été élaborée grâce à un processus participatif
et a cinq objectifs principaux:
1) Déterminer, documenter et classer par ordre de priorité
les zones où les espèces menacées et les services
écosystémiques essentiels pour le bien-être humain sont les
plus à risque;
2) Identifier les menaces qui pèsent sur ces espèces et
services, et comprendre les contextes de changements
socio-économiques et mondiaux (y compris le changement
climatique) dans lesquels ces menaces se sont présentées et
peuvent être réduites;
3) Proposer des actions en vue de réduction de menaces,
d’amélioration des perspectives pour la conservation
des espèces et des sites menacés, et d’assurance pour
le maintien et l’amélioration de la prestation de services
écosystémiques;
4) Explorer les approches de conservation de paysage qui
fourniront la résilience contre le changement global, surtout
le changement climatique ; et
5) Identifier et promouvoir des mesures incitatives à tous les
niveaux pour ralentir les tendances actuelles de dégradation
et perte d’écosystème dans les Grands Lacs et leurs bassins
et, finalement, les inverser.
2
La stratégie de conservation et de développement durable de la
Fondation MacArthur pour la période 2011-2020 couvre quatre
régions prioritaires, dont les Grands Lacs d’Afrique de l’Est et
d’Afrique centrale. La priorisation est fondée sur la présence
d’espèces endémiques et menacées d’extinction et de services
écosystémiques, de fortes densités démographiques et de taux de
croissance élevés, et de l’étendue d’habitat naturel qui a été déjà
perdu. En raison de la dépendance humaine à l’égard des services
de la nature, les fortes densités signifient que les investissements
dans la conservation peuvent bénéficier au plus grand nombre de
personnes. De même, en raison de la perte d’habitat, la priorité
que la Fondation accorde à la biodiversité menacée et aux
services écosystémiques bénéficiera aux écosystèmes les plus
menacés, dont dépendent les personnes les plus vulnérables.
Les investissements dans la région des Grands Lacs présentent
aussi des occasions de création de synergie avec une stratégie
de conservation récente, dont le Profil d’écosystème élaboré par
le Fonds de partenariat pour les écosystèmes critiques pour le
hotspot de biodiversité de l’Afromontane orientale. Cette stratégie
complète le Profil d’écosystème, et suit la même approche en
cernant les principales zones de biodiversité (KBA), et les sites qui
hébergent des espèces dont la conservation est préoccupante
à l’échelle mondiale. Les deux stratégies se chevauchent
géographiquement dans la partie sud de la zone la plus riche,
mais la région des Grands Lacs comprend des terres basses qui
sont exclues de l’Afromontane et donne plus d’importance aux
services des écosystèmes et aux habitats d’eau douce.
THÉORIE DU CHANGEMENT
Si les besoins en matière
de conservation doivent
être satisfaits, ils doivent
être fondés sur des
incitations liées aux
politiques et aux plans
de développement
La stratégie est fondée sur une théorie
fondamentale du changement (figure 2)
qui guide les initiatives de conservation de
la Fondation MacArthur. Elle stipule que
“une compréhension des avantages que
procurent les écosystèmes aux humains est
nécessaire, mais insuffisante pour stimuler
des réponses en matière de conservation
efficace aux échelles appropriées. Afin de
combler l’écart qui existe entre une simple
préoccupation et une action efficace, des
mesures incitatives suffisantes doivent être
arrêtées pour les sociétés en vue de ralentir
les tendances actuelles de dégradation des
écosystèmes et de perte de services et,
finalement, les inverser”.
La recherche de ces incitations et
le renforcement de la capacité à les
réaliser constitue un thème central au
cœur des mouvements de conservation
modernes. En fin de compte, rien n’est
gratuit pour la diversité biologique et
les écosystèmes naturels. Il est urgent
pour les défenseurs de l’environnement
de persuader les décideurs clés qu’il en
est de même pour le développement
économique. Au fur et à mesure que la
nature est détruite, sa capacité à fournir
des services écosystémiques gratuits,
dont le développement dépend, est
érodée.
Figure 2: Modèle logique de la théorie du changement
ETAT
AMELIORE
REDUCTION DES
PRESSIONS
REPONSES DU
PORTEFEUILLE
La dégradation des écosystèmes est prévenue ou réduite et les avantages des écosystèmes sont maintenues
sur des terres et/ou paysages marins à forte biodiversité dans au moins trois régions du monde.
• La contribution des écosystèmes à la croissance économique et à la sécurité alimentaire/
approvisionnement en eau se reflète dans les stratégies nationales de développement, en particulier
les investissements dans le secteur de l’agriculture et des infrastructures, et les systèmes comptables
nationaux;
• Les politiques de soutien pour une adoption généralisée de programmes de primes en matière de
conservation tels que les paiements pour les services écosystémiques (PSE), sont élaborées et mises en
œuvre;
• Le financement est accru pour les systèmes d’aires protégées, les programmes d’aménagement durable des
forêts, la gestion des services de pêche, et une adaptation aux changements climatiques fondée sur
les écosystèmes.
• L’importance des écosystèmes pour une croissance économique viable est présentée de façon persuasive
aux décideurs clés;
• Les moyens de mettre en place des mesures incitatives positives pour la gestion écologique sont illustrés ;
• Les droits d’utilisation des ressources des communautés locales et des peuples autochtones qui gèrent de
nombreux écosystèmes qui procurent des avantages à d’autres éléments de la société sont renforcés ;
• Les politiques de répartition des coûts et avantages d’une gestion des écosystèmes de manière efficace
et plus équitable entre les utilisateurs et les fournisseurs des services écosystémiques sont testés et leur
efficacité mesurée; et
• L’état et les tendances de la santé des écosystèmes et des pressions qu’ils subissent sont surveillés avec une
rigueur scientifique et ces informations sont partagées avec un large public.
3
LA BIODIVERSITÉ DE LA RÉGION DES GRANDS LACS
La région africaine des
Grands Lacs abrite un
nombre remarquable
d’espèces endémiques et
menacées qu’on retrouve
dans 226 principales zones
de biodiversité
La stratégie des Grands Lacs décrit la
biodiversité de la région en termes de
richesse, diversité et endémisme de ses
espèces, où ils se trouvent et le degré
de menace dont ils sont l’objet. Elle
identifie les KBA comme secteurs d’action
prioritaires, mais avec un accent sur les
services écosystémiques qu’ils fournissent
et les paysages dans lesquels ils se
trouvent.
Deux cent vingt-six (226) KBA ont
été confirmées pour la région, en se
basant sur la présence de 419 espèces
indicatrices (espèces sérieusement
menacées)– sérieusement menacées
d’extinction, menacées et vulnérables – ou
dont les variétés sont limitées. Des sites
supplémentaires dont 21 terrestres et
51 d’eau douce ont été identifiés comme
candidats KBA, dont la confirmation
dépend de recherches plus avancées.
Des espèces indicatrices de mammifères
comprennent cinq primates (plus
particulièrement les chimpanzés,
4
les gorilles de montagne et le kipunji, découvert récemment et sérieusement
menacé d’extinction), les éléphants, les guépards, les rhinocéros noirs, en plus de
huit rats et treize musaraignes. Les espèces indicatrices d’oiseaux comprennent
la couturière de Moreau, sérieusement menacée et le gladiateur des Uluguru,
menacé, la grue couronnée grise et le bec-en-sabot du Nil classés vulnérables
entre autres.
De tous les taxons, toutefois, les poissons sont les plus variés et uniques. Les
Grands Lacs hébergent l’une des radiations adaptatives les plus spectaculaires
d’espèces de poissons connues des données contemporaines. Cette explosion
évolutionniste de nouvelles espèces endémiques s’est produite à cause de
l’histoire géologique et climatique de la région. Le nombre de poissons connus
aujourd’hui dans la RGL est extraordinaire, variant entre 71 et 549 dans chaque
sous-bassin. La grande majorité d’entre eux sont endémiques aux différents lacs
et bassins fluviaux, et près de la moitié d’entre eux appartiennent à une famille
de poissons (famille des Cichlidés).
SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES
La plus grande valeur de la région des Grands Lacs ne réside pas dans les
développements commerciaux qui sont en train de transformer la région, mais dans
les services écosystémiques qu’elle fournit. Les services écosystémiques sont les
avantages que les gens tirent des écosystèmes. Ces services peuvent être regroupés
en quatre catégories principales: Approvisionnement, tel qu’en air pur, sols fertiles
et eau douce; régulation, telle que le contrôle du climat et des maladies; soutien,
comme pour les cycles nutritifs et la pollinisation; et culture, comme les avantages
spirituels et récréatifs. Il est bien évident que l’humanité ne saurait survivre sans
eux, mais la plupart d’entre eux ne sont pas incorporés dans le système de marché
mondial, de sorte que leur importance économique est souvent ignorée.
Les Grands Lacs fournissent des services
essentiels à l’écosystème qui sont critiques
pour la nature et l’être humain. Toutefois
l’importance socio-économique de ces
services est souvent ignorée
La récente reconnaissance de l’importance
des services des écosystèmes pour le bienêtre humain signifie qu’ils n’ont pas encore
été suffisamment intégrés dans les politiques
des pays des Grands Lacs. Les principaux
services de l’écosystème de la région sont
l’approvisionnement en eau douce et le
stockage du carbone. Bien que les outils
d’évaluation, de production de cartes, de
modélisation et de suivi de ces services
soient encore en évolution et inégalement
appliqués, il y a un élan pour que ces valeurs
écosystémiques soient intégrées d’une
manière fiable dans les politiques régionales,
nationales et locales et qu’elles soient mises
en œuvre.
La stratégie examine les liens entre la
biodiversité et les services écosystémiques.
Une simple comparaison des cartes
pertinentes de faible résolution montre que les
domaines prioritaires pour les deux services
d’eau douce et de richesse des espèces
coïncident dans la région du Rift Albertin. Il est
probable qu’il y aura davantage de synergies
à des échelles plus fines entre coïncidence de
la biodiversité et services écosystémiques. Par
conséquent, des compromis négociés seront
importants, par exemple entre les secteurs qui
ont des valeurs intermédiaires pour la diversité
biologique mais des valeurs élevées pour la
fourniture d’eau. La poursuite de l’intégration
de la diversité biologique et des services
qu’elle fournit promet d’être importante dans
toute la région des Grands Lacs. Bien que tout
ceci soit évident pour le cas des forêts et du
stockage de carbone, d’autres nécessitent plus
d’investigations et ont le potentiel d’augmenter
et d’enrichir les mesures incitatives de
conservation.
5
POLITIQUES ET CONTEXTE INSTITUTIONNEL
Les politiques environnementales des 11 pays des Grands
Lacs ont connu une révolution au cours des trente
dernières années. Des réformes sont en grande partie
dues aux donateurs, stimulées dans les années 1980
par des Plans d’action nationaux pour l’environnement,
aujourd’hui connus en tant que Stratégies et plans
d’action nationaux pour la biodiversité (SPANB). Les
SPANB, actuellement en cours de révision dans toute
la région, ont été élaborées en vertu de la Convention
des Nations Unies sur la diversité biologique (à laquelle
tous les 11 pays sont parties). Leurs objectifs stratégiques
reflètent les objectifs de longue date de la Convention,
comme l’usage et l’intégration viables de la diversité
biologique dans les plans, programmes et politiques
sectoriels et intersectoriels. Ces préoccupations clés ont
été incorporées au fil des années dans pas moins de 76
nouveaux documents de politique nationale entre 1986
et 2010, qui sont énumérés et décrits brièvement dans la
stratégie complète.
Les réformes politiques ont porté sur la nécessité
de donner un plus grand rôle dans la gestion de
l’environnement et de la gouvernance aux communautés
locales et autres parties prenantes. La nécessité de
maintenir et de développer les réseaux d’aires protégées
a été tout aussi apparente, alors que les impératifs de
développement de l’énergie, d’industries extractives,
et des secteurs agricoles généralement ignorent les
préoccupations environnementales. Concilier toutes
ces perspectives contrastées a fait de la réforme un
processus difficile. Dans tous les pays des Grands
Lacs, les principaux défis à relever restent en termes
d’intégration de la diversité biologique dans les politiques
et de mise en œuvre complète des sauvegardes de
la biodiversité. C’est particulièrement crucial pour les
écosystèmes d’eau douce qui ont été relativement
négligés dans le processus de réforme des politiques.
6
Le contexte institutionnel général offre cependant
une plateforme pour l’amélioration des actions de conservation et
d’intégration de la diversité biologique dans les politiques sectorielles
et la planification du développement. Les Autorités de gestion des
bassins hydrographiques qui ont été mises en place pour les bassins
du Haut Nil, du lac Victoria, du lac Kivu, de la rivière Rusizi et du lac
Tanganyika, ainsi que la collaboration transfrontalière établie dans le
Rift Albertin sont particulièrement importantes. Elles fournissent une
base institutionnelle pour la gestion des bassins hydrographiques
de façon durable, et pour l’intégration de développements majeurs
comme l’énergie hydroélectrique et les systèmes d’irrigation au sein
des plans d’aménagement paysager qui optimisent les bienfaits pour
les personnes humaines et la biodiversité. Elles sont prêtes à collaborer
avec les écologistes. Il est important que cet engagement mène à une
meilleure compréhension des liens entre les KBA et la fourniture de
services écosystémiques pour garantir que les préoccupations liées à la
biodiversité soient incorporées dans les politiques et la planification du
développement.
Des réformes des politiques et une participation
des acteurs multiples, par le biais des Autorités
de gestion des bassins hydrographiques en
particulier, sont essentielles pour une gestion
intégrée des ressources de la région
L’IMPERATIF DE DEVELOPPEMENT
La région des Grands Lacs a l’une des plus fortes
densités démographiques rurales en Afrique, et des
taux de croissance élevés. Elle assure actuellement
les moyens de subsistance de plus de 50 millions de
personnes dans 11 pays. Beaucoup de ses habitants
dépendent directement de ses ressources naturelles.
Une industrialisation rapide et une intensification
de la production alimentaire sont essentielles pour
subvenir aux besoins de toutes ces personnes.
Il y a eu récemment des découvertes de pétrole
et de gaz, en particulier autour du lac Albert et au
Turkana, ainsi que l’extraction du méthane sous
le lac Kivu. Il y a également eu une augmentation
récente d’initiatives en matière d’énergie renouvelable
dans la région (énergie géothermique, énergie
hydroélectrique, et fermes éoliennes). Il y a environ
Le développement économique est un impératif
moral pour la région. Tout aussi important est
l’utilisation durable des ressources naturelles
dans l’intérêt de la population actuelle et des
générations futures
50 barrages dans la région des Grands Lacs et de nouveaux barrages sont
prévus. Rien n’alimente le développement industriel autant que l’énergie
renouvelable et abondante. Elle rend possibles les investissements
élargis dans tous les secteurs, y compris les secteurs de production et
d’exploitation minière. Cependant, pour que la production d’énergie soit
durable, des considérations environnementales doivent être prises en
compte.
Dans le secteur de la pêche, la dégradation des bassins hydrographiques,
les espèces envahissantes, la pollution et la pêche excessive menacent
la subsistance des populations. La pêche lacustre contribue beaucoup
à la nutrition et à la santé humaine ainsi qu’aux économies locales
et régionales. L’agriculture de subsistance constitue toutefois l’épine
dorsale de l’approvisionnement en denrées alimentaires dans la région.
Les agriculteurs dépendent de la culture pluviale et des pâturages pour
le bétail, et sont vulnérables au changement climatique. Les grandes
plantations commerciales (riz, canne à sucre) et les exploitations
horticoles s’étendent aussi à travers la région,. Lorsque ces activités
exercent un impact sur les droits des communautés locales, une pression
accrue sur les autres habitats naturels est inévitable.
Il est évident que les paysages de toute l’Afrique de l’Est seront
complètement transformés par l’impératif de développement au
cours des prochaines décennies. A mesure que ces développements
s’accélèrent dans toute la région, il est urgent de trouver un équilibre
entre leurs avantages socio-économiques et les conséquences pour
l’environnement.
7
CHANGEMENT CLIMATIQUE
Le changement climatique constitue un
souci primordial dans toute la région. La
stratégie fournit un état des lieux (2012) des
connaissances actuelles sur les probables
conditions climatiques passées, présentes
et à venir et des forces responsables de
la détermination du climat de la région.
Les données paléoclimatiques indiquent
que les récents changements causés par
l’homme dans le cadre des changements
climatiques sont susceptibles d’avoir un
impact important sur la région; des études
polliniques et autres indicateurs biotiques
confirment que les grands changements
climatiques du passé ont été associés aux
grandes transitions végétales.
Ces tendances en cours conduiront à
des réaménagements des assemblages
et distributions d’espèces qui diffèrent
fortement de la situation actuelle. Les
précipitations annuelles totales devraient
augmenter de 15 à 20% dans la plus
grande partie sinon la totalité de la région
à la fin du siècle, avec une plus forte
pluviométrie vers la fin de l’année. Les
zones montagneuses de la région devraient
bénéficier davantage des précipitations,
devenant plus favorables à l’agriculture
alors que les plaines deviendront plus
sèches. Cette situation augmentera
considérablement la pression sur les forêts
alpestres, les bassins hydrographiques
et les KBA dans toute la région. Sur une
note plus positive, ces habitats peuvent
devenir un puits de carbone dans la
deuxième moitié de ce siècle, offrant
des opportunités réalistes à long terme
8
Le changement climatique aggrave les effets d’autres
facteurs de perturbation de l’environnement dans la région.
L’élaboration et la mise en œuvre de plans d’adaptation
au changement climatique fondés sur les écosystèmes
sont décisives
d’initiatives de carbone axées sur le marché
dans les habitats alpestres.
La stratégie met en exergue l’urgence
de: 1) l’intégration du changement
climatique dans toutes les formes de
planification; 2) comprendre tous les
aspects du changement climatique
anthropique; 3) effectuer des évaluations
du changement climatique à l’échelle
du bassin; 4) comprendre les impacts
directs du changement climatique
sur la biodiversité et l’environnement
biophysique; 5) comprendre les réponses
indirectes à partir des activités humaines
et développer des systèmes/mécanismes
de planification grâce à des outils qui
intègrent des scénarios climatiques
aux réponses humaines prévues sous
différentes trajectoires de développement
socio-économique et démographiques;
6) comprendre la réaction des autres
menaces au changement climatique;
7) intégrer le suivi dans la planification
et l’évaluation de la vulnérabilité; 8)
effectuer des essais des différentes
solutions d’adaptation; et 9) entreprendre
des actions “sans regrets” maintenant, en
particulier en optimisant le réseau de zones
protégées dans le contexte du changement
climatique.
Figure 2: La Resilience des Gradients
Altitudinaux face au Changement Climatique
Résilience
Scénario du maintien du statu quo
Extinction locale de populations
Erosion du sol
Sol nu
Inondations
Glissements de terrain
Cultures en zones riveraines
Sedimentation
Hydroéléctricité limitée
Sedimentation
Stocks halieutiques fa
Biodiversité des milieux dulcicoles affectée
RÉSILIENCE DES GRADIENTS ALTITUDINAUX FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE - RGAC
Les gradients altitudinaux sont souvent riches en diversité
biologique et fournissent des services écosystémiques vitaux
qui sont extrêmement vulnérables aux événements climatiques
extrêmes. La Résilience des gradients Altitudinaux face au
changement climatique (RGAC) peut être définie comme un
ensemble d’unités de paysage à niveaux multiples avec une
altitude minimale de 1.000 mètres et qui sont caractérisées
par une biodiversité résiliente aux changements climatiques et
de la valeur de services écosystémiques. Le concept RGAC a
été élaboré à l’issue de discussions lors d’un atelier des parties
prenantes à Entebbe en 2012. Sa valeur principale réside dans
l’accent mis précisément sur les gradients altitudinaux.
nce face au changement climatique
Scénario RGAC
Corridor
Forêts
Ecoulements controlés
Fertile soils
Végétation riveraine
tion
ques faibles
Hydroéléctricité opérationnelle
Pentes stables
Stocks halieutiques riches
Biodiversité des milieux dulcicoles préservée
Cela signifie mettre l’accent sur les caractéristiques du paysage qui sont : (I),
les plus vulnérables aux effets néfastes du changement climatique, à la fois
pour les précipitations (événements climatiques extrêmes) et une montée de
température (pièges de sommet pour la biodiversité); (ii), les plus sensibles
au changement climatique (les gradients altitudinaux agissent comme des
thermomètres biotiques et systèmes d’alerte précoce car les changements
altitudinaux dans les aires de répartition des espèces sont rapidement
détectables sur une échelle locale); (iii) les plus propices à une observation
pratique et à des interventions de gestion scientifique; et (iv) qui constituent
plus directement une préoccupation à la fois pour les secteurs public et privé.
Développer la résilience des services écosystémiques au sein des gradients
altitudinaux est vital pour protéger les systèmes d’approvisionnement en eau
domestique, les établissements urbains, la sécurité alimentaire, les barrages
pour l’énergie hydroélectrique et l’irrigation, et les intérêts des industries et
des compagnies d’assurance.
Le concept RGAC est indissociable d’un ensemble d’approches établies pour
la résilience au changement climatique au niveau du paysage (par exemple
l’adaptation axée sur les écosystèmes, la gestion intégrée des ressources en
eau, la gestion des bassins hydrographiques, et la planification de l’utilisation
des sols). Il est similaire au concept du massif à la notion du récif, tout en
étant plus large sans l’accent limitant mis sur les récifs coralliens, et avec une
référence spécifique au développement d’une résilience au changement
climatique. Une RGAC idéale réunit un captage d’eau (ou une suite de
captages) pour une importante rivière, lac, delta ou estuaire avec en outre des
forêts montagneuses ou sous-montagneuses ou des terres marécageuses
avec une grande diversité biologique et des valeurs de stockage de carbone.
L’altitude minimale de 1000 m est quelque peu arbitraire et pourrait être
inférieure à ce chiffre ; elle a été choisie pour permettre une détection
précoce d’impacts de changement climatique et fournir des options multiples
pour les interventions de résilience.
Le résultat le plus immédiat du concept RGAC est le développement d’un
Plan d’intervention des RGAC (CIP) qui est spatialement explicite et conçu
pour identifier des actions spécifiques au site et au niveau du paysage
visant à améliorer la résilience. Le projet devrait s’inspirer des meilleures
connaissances disponibles sur les climats du passé, du présent et du
futur et devrait incorporer un mécanisme pour un examen régulier à la
lumière de nouveaux développements de recherche, techniques et socioéconomiques. Un plan d’investissement communautaire cohérent et ciblé
a le potentiel de rentabiliser un financement significatif pour des actions
à des niveaux d’échelle multiples (des systèmes de paiement pour les
services écosystémiques pour les communautés locales aux grands projets
transfrontaliers d’infrastructures). Un pays qui a transformé ses gradients
altitudinaux (GA) en RGAC a fait un grand pas vers la réalisation d’une
résilience face au changement climatique au niveau national.
9
STRATEGIE ET ACTIONS PRIORITAIRES DE LA REGION DES GRANDS LACS
Les orientations stratégiques et priorités suivantes ont été élaborées suite à des consultations entre les parties prenantes et des experts.
Elles ont été conçues pour faire face aux défis les plus pressants de la conservation et du bien-être humain dans la région des grands
lacs au cours des dix prochaines années.
Orientation stratégique
Orientation stratégique 1.
Comprendre et répondre
aux pressions écologiques
accrues provenant des
impacts du développement
et du changement
climatique
Direction stratégique 2.
Créer et développer les
mesures incitatives pour
la préservation des
écosystèmes
Direction stratégique 3.
Aider les pauvres des
zones rurales à gérer leurs
ressources pour des
avantages multiples
10
Priorité
1.1 Comprendre les Services écosystémiques et explorer avec les acteurs les changements
prévus en cas de scénarios clé de développement et climatiques.
1.2 Identifier et évaluer des impacts des développements majeurs à fort impact et s’engager
dans des processus de planification avec les décideurs pour promouvoir les valeurs
écosystémiques en amont et la supervision.
1.3 Développer les réseaux locaux de gestion, les projets novateurs et projets partagés en vue
de protéger les Services de diversité biologique et écosystémiques et améliorer la résilience
au changement climatique dans les RGAC.
1.4 Maintenir, élargir et améliorer les réseaux de zones protégées/KBA et les politiques de
garantie de la diversité biologique.
2.1 Explorer avec le secteur privé les opportunités pour développer les mesures incitatives de
conservation par le biais de compensation des services écosystémiques/de la biodiversité et
les programmes de Responsabilité Sociale d’entreprise (RSE).
2.2 Analyser et si possible utiliser des paiements novateurs pour les projets de services
écosystémiques.
2.3 Développer des cadres et politiques d’adaptation et de résilience au changement
climatique.
2.4 Comprendre les options, et promouvoir la fourniture de services d’énergie locale
(la micro-centrale hydroélectrique, les sources solaires et autres réseaux autonomes).
3.1 Renforcer la gouvernance relative à l’environnement et les capacités en matière de
plaidoyer au profit des KBA, RGAC, pays, bassins hydrographiques et la région toute entière.
3.2 Œuvrer au niveau communautaire pour développer les stratégies de moyens de subsistance
durables dans les KBA (surtout non protégées), les zones tampon et les RGAC.
3.3 Permettre aux valeurs traditionnelles et indigènes de se maintenir pour l’utilisation
durable des ressources naturelles.
Carte 2. La richesse des espèces terrestres basée sur des cartes de repérage
pour les oiseaux, les mammifères et les amphibiens menacés et des
configurations spatiales a) des flux d’eau douce, et b) de la qualité de l’eau
douce pour les populations en aval (la plus haute qualité représentée par le
bleu le plus foncé)
a)
Carte 3. Les KBA et le stockage de carbone issu de la biomasse : a)
dessin des KBA superposé sur une calque de biomasse de la NASA,
b) le carbone de biomasse total pour chaque KBA, c) le carbone
total issu de la biomasse par secteur pour chaque KBA. Les verts
plus sombres signifient plus de valeur. Pour la section sur les
services écosystémiques?)
b)
a)
b)
c)
La richesse des espèces terrestre basée sur des cartes
de repérage pour les oiseaux, les mammifères et les
amphibiens menacés
11
PROCHAINES ETAPES
La région des Grands Lacs est dotée de caractéristiques
géographiques spectaculaires qui hébergent des services de
diversité biologique et écosystémique remarquables qui soustendent le bien-être humain. La population humaine en plein
essor de la région dépend de services écosystémiques diversifiés
et néanmoins limités qui assurent leur subsistance.
Il ne fait aucun doute que la région des Grands Lacs est en train
de perdre son capital naturel. Pour preuve, la lourde charge
sédimentaire énorme qui est charriée dans les lacs et cause de
fortes baisses de la production halieutique et de la production
électrique des barrages hydro-électriques de la région. Ces
impacts offrent des points d’entrée directs pour une interaction
avec le secteur privé et les communautés locales. Les services de
paiement pour les services écosystémiques et la compensation
de la biodiversité sont des mécanismes pour une telle interaction,
et le développement de plans de mise en œuvre de la RGAC
Quelques recommandations pour garantir le développement
durable des ressources des Grands Lacs pour le bien
commun:
• Une plus grande coordination et coopération des acteurs
étatiques et non-étatiques, dont le gouvernement, les
organisations de gestion des bassins hydrographiques,
les OSC, le secteur privé etc.
• Le recours à des interventions de gestion, y compris
l’approche de la RGAC pour intégrer les considérations
sur la diversité biologique et les services écosystémiques
dans les politiques et la planification du développement.
• Le renforcement des capacités des institutions de gestion
des bassins hydrographiques pour une utilisation viable
de ressources des bassins et une contribution à l’échange
de connaissances.
• L’utilisation de résultats scientifiques pour suggérer des
actions de politiques et de conservation.
• Autonomisation de la population pour assurer le
changement.
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La pérennité des valeurs de diversité
biologique et écosystémique des Grands
Lacs dépendra de la gestion intégrée des
ressources de la région
ont le potentiel de rentabiliser les fonds requis. Sur le long terme,
l’approche de la RGAC peut aider à atteindre l’objectif de la
Fondation MacArthur de déplacer la conservation de la périphérie au
centre de l’agenda de développement.
Les développements majeurs en cours et planifiés dans la région
pourraient aggraver la situation si les services de diversité biologique
et écosystémique ne sont pas pris en compte de façon adéquate.
Même si le développement est un impératif pour les gouvernements
de la région, il est nécessaire de procéder à un examen urgent des
aspects éthique des modèles de développement nécessaires à la
réalisation de la viabilité environnementale.
REMERCIEMENTS
La stratégie des Grands Lacs a été préparée par
BirdLife International
Avec l’appui technique de
Albertine Rift Conservation Society
Conservation International
Critical Ecosystem Partnership Fund
IUCN Global Species Programme – Freshwater Unit
MacArthur Foundation
Nature Serve
UNEP – World Conservation Monitoring Centre
Wildlife Conservation Society
Avec l’assistance d’experts et participants des institutions suivantes
Alliance Congolaise des Organisations de Conservation des Oiseaux; Association Burundaise pour la
Protection des Oiseaux; Association pour la Conservation de la Nature au Rwanda; Centre of Research
in Hydrobiology, Uvira (DRC); Christensen Fund; Culture and Art Society of Ethiopia; Department
of Water Affairs, Ministry of Land, Energy and Water Development (Zambia); Directorate of Wildlife
Management, Ministry of Wildlife Conservation (South Sudan); Ethiopian Wildlife & Natural History
Society; Fauna & Flora International; Federal Environmental Protection Authority (Ethiopia); Friends
of Lake Turkana; Institut National pour la Conservation de la Nature au Burundi; IUCN Eastern and
Southern Africa Regional Office; Kenya Marine and Fisheries Research Institute; Kivulini Trust; Lake
Tanganyika Authority; Ministry of Irrigation and Water Development (Malawi); Ministry of Water
and Energy (Ethiopia); Ministry of Water and Environment (Uganda); National Fisheries Resources
Research Institute (Uganda); NatureKenya; NatureUganda; Nile Basin Initiative Secretariat; The
Nature Conservancy; Wetlands International; Wildlife & Environmental Society of Malawi; Wildlife
Conservation Society of Tanzania; WWF Eastern and Southern Africa Regional Programme Office;
Zambian Ornithological Society / BirdWatch Zambia.
La compilation et publication de la Stratégie des Grands Lacs a bénéficié du soutien généreux de la Fondation
John D. et Catherine T. MacArthur
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