COMMUNIQUE de PRESSE I MONTPELLIER I 29 octobre 2014
Impact du changement climatique sur l’efficacité des
réseaux d’aires marines protégées
La mer Méditerranée compte plus d’une centaine d’aires marines protégées (AMP) qui doivent
assurer le maintien des espèces exploitées sur l’ensemble du plateau continental. La
connectivité des populations, assurée notamment par la dispersion des larves en fonctions des
courants, est un élément essentiel de l’efficacité du réseau d’AMP. Dans une étude publiée dans
Diversity and Distribution et financée par la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité
(FRB) et la Fondation Total, des chercheurs (du CNRS, de l’Université de Montpellier 2, de l’IRD,
d’Aix-Marseille Université, et de Météo-France) ont montré que le changement climatique (+2.8°C
à la fin du 21
ième
siècle) affecterait le degré de connectivité des populations de poissons en
Méditerranée. En particulier, la distance de dispersion des larves devrait diminuer de 10% (soit 9
km en moyenne) provoquant une réduction de 3% (soit environ 2 700 000 hectares) des surfaces
exploitées qui seront essaimées par le réseau d’AMP. Ils démontrent donc les impacts
conjugués, physiques et biologiques, liés au changement climatique sur l’efficacité des réseaux
d’AMP.
Les aires marines protégées en mer Méditerranée
La mer Méditerranée comprend plus d’une centaine d’AMP qui jouent un rôle essentiel dans la protection de la
biodiversité marine. Elles participent aussi au maintien des activités de pêche en essaimant des larves de
poissons vers les zones exploitées. Pour ces raisons, de nombreux efforts ont été entrepris pour augmenter les
surfaces protégées avec l’objectif d’atteindre 10% avant 2020 (objectif
revue à la hausse en France, qui vise à protéger 20% des habitats
marin en 2020). Mais la question du positionnement de ces
nouvelles AMP reste entière notamment dans un contexte de
changement climatique.
La connectivité est essentielle
Parmi les éléments indispensables à l’efficacité des réseaux d’AMP, la
connectivité joue un rôle clé pour assurer le maintien des espèces
(Encart). En cas d’extinction d’une population locale, par exemple suite
à la surpêche, la connectivité permet une recolonisation par d’autres
populations via la dispersion larvaire. Or, une étude précédente (Andello
et al. 2013) a montré que le réseau d’AMP en mer méditerranée est
faiblement connecté et essaime seulement partiellement le plateau
continental. L’effort de conservation, à travers la création de
nouvelles AMP, doit donc veiller à conserver, voir augmenter ce
degré de connectivité.
La connectivité est une caractéristique
du paysage qui mesure la capacité de
déplacement des espèces entre
différentes taches d’habitats. C’est un
aspect important dans les habitats
naturellement fragmentés, comme les
habitats marins ou les îles. La
connectivité dépend à la fois des
caractéristiques de l’habitat (surface
spatiale, présence de barrières à la
dispersion, présence de compétiteurs ou
de prédateurs) et des trait des espèces
(mobilité)
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Les effets du changement climatique sur la connectivité
La connectivité est potentiellement influencée par de nombreux facteurs liés au changement climatique. Parmi
ces facteurs, la diminution de la durée larvaire et la modification de la courantologie apparaissent comme deux
contraintes majeures. En effet l’augmentation de la température de l’eau va diminuer la durée de transport
larvaire et affecter l’hydrodynamisme des masses d’eaux. Jusqu’à présent, très peu de recherches ont été
menées sur les changements de connectivité suite à l’augmentation de température, et surtout aucune n’a été
réalisée sur l’impact que ce changement pourrait avoir sur l’efficacité des réseaux d’AMP. Ces chercheurs ont
donc, via la modélisation de scénarios, évalué l’impact potentiel du changement climatique sur la
connectivité larvaire en Méditerranée et la capacité du réseau d’AMP à maintenir des populations viables
pour des espèces exploitées.
Résultats majeurs
Les auteurs de cette étude ont simulé la dispersion de larves en utilisant des modèles hydrodynamiques de
circulation marine capables de prévoir la vitesse et la direction des courants marins jusqu’à la fin du 21ème
siècle. Sur la base de ces simulations, les chercheurs ont montré que la connectivité entre AMP sera affectée. En
particulier, la distance de dispersion des larves subira une réduction de 10% au cours du siècle (Figure 1).
Figure 1 Changement dans la distance de dispersion moyenne des larves dans le temps. Les points
représentent les valeurs annuelles et la ligne ombragée représente la tendance estimée (régression linéaire).
Les scientifiques ont également démêlé les processus physiques et biologiques responsables de cette
diminution. La dispersion des larves est un processus complexe régi non seulement par les courants marins,
mais aussi par la saison de reproduction des adultes et la durée de vie larvaire. L’étude a mis en évidence que
les changements de vitesse et de direction des courants marins auront très peu d’influence sur la dispersion
larvaire (Figure 2a). Des changements de saison de la reproduction adulte sont également attendus, mais ils
n’auront guère de conséquences sur la dispersion des larves (Figure 2b). C’est surtout l’effet de la hausse des
températures sur la durée de vie larvaire qui aura l’effet le plus fort sur la connectivité, avec en particulier une
accélération des taux métaboliques des larves qui engendreront une croissance plus rapide et une dispersion
réduite (Figure 2c,d). Cette hausse des températures provoquera une réduction de la durée de vie larvaire qui
serait responsable de la réduction des distances de dispersion de l’ordre d’environ 68 mètres par an.
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Figure 2. Les effets de différents processus sur les changements de distance de dispersion larvaire au cours du
siècle. En gris (a), le modèle considérant seulement les effets des changements de vitesse et de direction de
courants marins (=hydrodynamiques) ; en bleu (b), le modèle considérant les effets des changements
hydrodynamiques et les effets du changement de la saison de reproduction des adultes ; en vert (c), effets des
changements hydrodynamiques et du changement de la durée de vie larvaire ; en rouge (d), les trois effets
combinés.
Une telle réduction entrainerait une diminution des surfaces essaimées par les AMP de 3% soit environs
27,000 hectares de plateau continental exploité par la pêche (Figure 3).
Figure 3. Variation de la surface des habitats marins exploités ensemencés par des larves provenant des
AMP, exprimée comme fraction de l’habitat exploité total, pour la même période, entre 1970 et 2099
Néanmoins des effets positifs sont également attendus puisque la connectivité entre AMP pourraient
augmenter jusqu’à 5% pour certaines espèces. En effet, les espèces dont la reproduction est actuellement
limitée par les températures froides du Nord de la mer Méditerranée (comme le mérou brun et d’autres
espèces thermophiles) seront favorisées par la hausse de la température avec un plus grand nombre d’AMP
alimentant le plateau continental en larves.
Référence :
Additive effects of climate change on connectivity among marine protected areas and larval supply to fished
areas. Diversity & Distribution (In Press)
Auteurs
Marco ANDRELLO 1, 3, David MOUILLOT 4, 5, Samuel SOMOT 6, Wilfried THUILLER 3, Stéphanie MANEL 1, 7
Affiliations
1 Laboratoire population environnement et développement (IRD/ Aix-Marseille Université)
4
3 Laboratoire d’écologie alpine (CNRS/Université Joseph Fourier/Université de Savoie)
4 Ecologie des systèmes marins côtiers (CNRS/Université Montpellier 1 et 2/IRD)
5 ARC Centre of Excellence for Coral Reef Studies, James Cook University, Australia.
6 Centre national de recherches météorologiques CNRM-GAME (CNRS/Météo France)
7 Botanique et bioinformatique de l’architecture des plantes (CNRS/INRA/CIRAD/Université Montpellier 2/IRD)
Contact
Presse CNRS l Aurélie Lieuvin l T 04 67 61 35 10 l P 06 25 53 89 73 I au[email protected]
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