La fréquence des affections allergiques augmente en Occident. Au

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ALLERGIES : FLÉAU DU 21E SIECLE ?
PROFESSEUR WIM STEVENS
IMMUNOLOGIE – UNIVERSITEIT ANTWERPEN
La fréquence des affections allergiques augmente en Occident. Au cours des vingt dernières années, le nombre de patients présentant des affections allergiques a plus que doublé.
Dernièrement, cette augmentation a reculé quelque peu et progresse donc moins rapidement.
Des hypothèses ont été formulées pour expliquer cette augmentation. La plus courante,
mais qui n’est pas pour autant la seule, ni la seule à approcher de la vérité, est l’hypothèse
hygiéniste. Pour la comprendre, il convient de se plonger au coeur du mécanisme allergique.
Diverses affections, essentiellement l’asthme, la rhinite (‘rhume des foins’ est un terme
erroné), la conjonctivite et la sinusite sont souvent d’origine allergique. La personne allergique fabrique des anticorps de la classe IgE pour lutter contre des substances inoffensives
pour les individus normaux, telles que les protéines des acariens, les différents types de
pollens, les produits d’origine animale, les moisissures, … Ces anticorps IgE exercent
normalement une fonction de défense contre les infections parasitaires mais, chez les personnes allergiques, ils se lient à certaines cellules de l’organisme telles que les basophiles
sanguins et les mastocytes tissulaires. En cas de contact avec la substance responsable (antigène), ils libèrent leur contenu, des médiateurs tels que l’histamine, les leucotriènes, les
prostaglandines, qui agissent à leur tour sur les tissus (voies respiratoires, muqueuses des
fosses nasales, des conjonctives et des sinus) et en provoquent l’inflammation, entraînant
l’apparition des symptômes.
Pourquoi devient-on allergique? Ce phénomène est lié au contrôle qu’exercent certaines
cellules sanguines immunologiques (les lymphocytes) sur le fonctionnement du système
immunitaire. Les lymphocytes les plus importants dans ce domaine sont les lymphocytes T
auxiliaires, dont il existe deux types: les lymphocytes T auxiliaires 1 (Th1 ou T helper 1 en
anglais) et les lymphocytes T auxiliaires 2 (Th2). Lorsque les lymphocytes auxiliaires Th1
prédominent, une réponse immunologique normale sera déclenchée, sans formation
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Symposium “Les allergies : maladies du futur?” ▪ Institut Danone ▪ 21/10/2006 ▪1▪
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d’anticorps IgE. Lors d’une réaction immune de type Th2, les anticorps IgE sont produits
en priorité, et une allergie peut apparaître.
En quoi la prépondérance des lymphocytes Th 1 ou 2 est-elle importante? Pour répondre à
cette question, nous devons nous pencher sur ce qui se passe lors d’une grossesse normale
au moment de l’implantation de l’ovule fécondé dans l’utérus. Cette implantation n’est
possible que si une majorité de lymphocytes Th 2 sont présents dans l’environnement utérin. En effet, les lymphocytes Th 1 sécrètent des substances (cytokines) qui empêchent
l’implantation de l’embryon fécondé (et entraîneraient alors un avortement). Au niveau de
l’utérus, la mère doit donc faire passer son système immunitaire du système Th1 normal à
celui où les Th2 dominent, et ce pendant la durée de la grossesse. En conséquence,
l’enfance « baigne » pendant neuf mois dans un milieu Th2, jusqu’à sa naissance, et aurait
donc tendance à réagir par la formation d’anticorps IgE en cas de contact avec des substances étrangères.
Après la naissance, en situation physiologique normale, l’enfant modifiera toutefois son
profil Th2 pour adopter un profil Th1. Ce changement s’opère surtout sous l’influence des
contacts avec des agents infectieux.
C’est précisément sur ce point que repose l’hypothèse hygiéniste. Selon celle-ci, les enfants qui naissent aujourd’hui seraient nettement moins exposés aux infections “banales”
pendant la première période de leur vie, à cause d’une meilleure “hygiène”. Sont compris
par ce terme non seulement de meilleures, entendez “plus hygiéniques”, conditions de vie
(chauffage, moins d’exposition à la poussière et à la saleté), mais aussi une diminution du
nombre d’infections (familles plus petites, ce qui réduit les chances que les enfants se
transmettent des infections, recours plus fréquent aux antibiotiques, …). Cette amélioration
de l’“hygiène” ralentit le passage des Th2 aux Th1, et l’enfant pourra donc former davantage d’anticorps IgE contre les antigènes rencontrés après la naissance, en commençant par
les aliments (protéines du lait et des oeufs), puis les acariens, le pollen, les substances
d’origine animale, … .
Les premiers signes d’allergie chez le nourrisson s’observent généralement au niveau cutané (eczéma atopique), puis à celui des voies respiratoires.
Ces dernières années, on constate également une véritable explosion des allergies alimentaires, y compris à l’âge adulte. Il peut s’agir d’une allergie dite primaire, ce qui signifie
que, depuis le début, les protéines des aliments provoquent une réaction. Les allergies alimentaires secondaires sont plus fréquentes: les personnes allergiques aux pollens (souvent
ceux des arbres) vont aussi réagir aux protéines présentes dans les fruits ou les légumes.
Les symptômes peuvent s’étendre des troubles allergiques classiques à hauteur des voies
respiratoires (asthme, rhinite, …) aux troubles cutanés, comme l’urticaire, l’apparition de
gonflements (angio-oedème), voire même à un choc anaphylactique.
Lorsque quelqu’un réagit à un aliment, le mécanisme en cause n’est pas toujours un mécanisme immunologique médié par les IgE. Dans certains cas, il s’agit de réactions dites
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pseudo-allergiques, principalement à des colorants (ex. tartrazine) ou des conservateurs
(ex. acide benzoïque) ajoutés aux aliments. Le mécanisme de ces réactions n’a pas encore
été totalement élucidé, bien que dans certains cas il puisse plutôt s’agir de l’inhibition biochimique de certains systèmes enzymatiques, tels que la cyclo-oxygenase.
Comment poser un diagnostic d’hypersensibilité?
Dans la plupart des cas, surtout pour les substances causant de l’allergie via les voies respiratoires (acariens, pollen, substances d’origine animale, moisissures), il est possible de
recourir à un test cutané à base d’extraits de ces substances, ou d’un examen sanguin, visant à détecter les anticorps IgE opposés à ces antigènes). Dans le cas des allergies aux
aliments d’origine végétale, il est parfois nécessaire d’adopter des méthodes plus sophistiquées.
Que pouvons-nous faire?
Éviter si possible tout contact avec l’antigène. Ceci n’est pas toujours faisable. Pour certains patients présentant des troubles prononcés, nous recourons parfois à la méthode de
l’hyposensibilisation ou immunothérapie. Le patient se voit alors injecter l’antigène responsable à des doses progressivement croissantes, en commençant par une dose extrêmement faible. Ce traitement aboutit généralement à une amélioration des troubles, sans guérison totale. Il existe également certains médicaments capables de traiter les symptômes
(bêtamimétiques, corticostéroïdes en inhalation, antagonistes des leucotriènes, antihistaminiques). Ceux-ci n’assurent cependant aucune guérison.
RÉSUMÉ
Les affections allergiques ont augmenté de façon très fréquente ces dernières décennies.
Une explication partielle consiste en l’hypothèse hygiéniste. Les pseudo-allergies doivent
être distinguées des allergies.
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