Comment se détermine le taux de change entre deux monnaies

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Comment se détermine le taux de change entre deux monnaies ?
(résumé du cours - le 12 octobre 2015 )
Le taux de change donne le prix des monnaies entre elles. Comment se fixe ce prix ?
Pourquoi peut-il changer ?
La première réponse à cette question est fournie par la théorie du taux de change en
parité du pouvoir d’achat.
L’idée est très simple : supposons un bien qui est produit de manière identique dans
deux pays. L’acier européen et l’acier japonais sont homogènes. Supposons également
que les coûts de transaction pour acheter l’acier en Europe et au Japon soient nuls. En
toute logique, on s’attend à ce que le prix de l’acier en Europe et au Japon soit le même.
Le problème auquel on est confronté est que ce prix n’est pas indiqué dans la même
monnaie dans les deux pays ; il faut donc pouvoir convertir un prix indiqué dans une
monnaie dans l’autre monnaie (par exemple le prix de l’acier japonais vendu au Japon en
yen en euro). Le taux de change sert donc de taux de conversion (il indique bien le prix
d’une monnaie par rapport à l’autre).
Dans l’exemple du cours, nous avons vu que pour une tonne d’acier qui vaut 100 euros
en Europe et 10000 yens au Japon, la tonne d’acier à la même prix dans les deux pays si
le taux de conversion (taux de change) est de 10000 yens pour 100 euros ; soit 100 yens
pour 1 euro.
Quelle serait la conséquence sur l’achat des biens si le taux de change était différent ?
Par exemple, 1 euro pour 200 yen : à ce taux de change, l’acier vendu au Japon 10000
vaut 50 euros. A ce taux de change il est donc possible d’acheter deux fois plus d’acier au
Japon avec 100 euros (convertis en yen) qu’en Europe.
Exprimé dans la même monnaie, l’euro, le prix de l’acier est moins cher au Japon qu’en
Europe.
Autre exemple, 1 euro pour 50 yen : à ce taux de change, l’acier vendu au Japon 10000
vaut 200 euros. Ce taux de change conduit à acheter deux fois moins d’acier au Japon
avec 100 euros (convertis en yen) qu’en Europe.
Exprimé dans la même monnaie, l’euro, le prix de l’acier est moins cher en Europe qu’au
Japon.
Première conclusion : le taux de change en parité de pouvoir d’achat est donc celui
qui permet d’obtenir la même quantité de bien dans les deux pays. Exprimé dans la
même monnaie, le prix du bien dans les deux pays est identique.
Imaginons maintenant que le prix de l’acier au Japon augmente (comme le prix de tous
les autres biens produits par l’économie japonaise, car il y a de l’inflation).
Pourquoi cela a-t-il un impact sur le taux de change en PPA ?
Observons ce qui se passe si l’on garde le taux de change de départ et que le prix de la
tonne d’acier au japon double sous l’effet de l’inflation, elle passe de 10000 à 20000 yen.
Au taux de change de 1 euro pour 100 yen, l’acheteur d’acier peut dépenser 100 euros
pour avoir une tonne en Europe, tandis qu’avec 100 euros, il obtient 10000 yens et ne
peut acheter qu’une demi tonne d’acier au Japon. La hausse des prix au Japon a fait
perdre son pouvoir d’achat au 10000 yen qu’il obtient après les avoir échangé contre
des euros. Le pouvoir d’achat des 10000 yens a même était divisé par deux (puisque l’on
obtient deux fois moins d’acier qu’avant). Le taux de change qui respecte la parité des
pouvoirs d’achat doit donc tenir compte de la hausse du niveau des prix au japon et
fournir à l’acheteur européen de quoi compenser la hausse des prix au Japon : le taux de
change va passer de 1 euro pour 100 yen à 1 euro pour 200 yens. Le taux de change en
parité de pouvoir d’achat compense la hausse du prix au Japon afin que 100 euros
permettent toujours d’acquérir une tonne d’acier au Japon.
Pour maintenir la parité des pouvoirs d’achat, il a fallu apprécier l’euro (on obtient
deux fois plus de yens pour 1 euro) et déprécier le yen. A ce nouveau taux de change, il
est indifférent d’acheter l’acier (qui est le même partout) en Europe ou au Japon.
Deuxième conclusion : en s’appuyant sur la loi du prix unique, la théorie du taux de
change en parité des pouvoirs d’achat permet donc d’expliquer pourquoi lorsqu’un
pays connaît une inflation plus importante qu’un autre pays, son taux de change a
tendance à se déprécier.
Dans le cadre de cette théorie, il est aussi possible d’expliquer l’évolution du taux de
change lorsqu’un pays connaît de l’inflation autrement : on se demande cette fois, quelle
conséquence l’inflation dans un pays a sur la demande qui est adressée à la
production de ce pays. on s’attend à ce qu’un écart d’inflation en défaveur d’un pays
fasse augmenter le prix du bien relativement au prix du même bien fabriqué à l’étranger,
Troisième conclusion : en présence d’inflation, la demande du bien domestique chute,
la demande de monnaie domestique baisse, ce qui conduit à une dépréciation de la
monnaie.
Elargissons le raisonnement. Admettons que les hypothèses de la théorie de la PPA
ne soient pas respectées. Quelles sont les sources de modification de la demande
du bien domestique ?
On peut en distinguer trois : d’une part, une préférence plus grande pour ce bien, d’autre
part, une mesure protectionniste et, enfin, des gains de productivité qui font baisser le
prix du bien par rapport au prix étranger.
Quatrième conclusion : Dans ces trois cas, la demande adressée au produit domestique
augmente. Cette hausse de la demande se traduit par une demande de monnaie
domestique plus importante sur le marché des changes, et donc une appréciation de la
monnaie.
En résumé :
- La théorie du taux de change en parité des pouvoirs d’achat permet de déterminer un
taux de change qui respecte la loi du prix unique ;
- Elle fournit un élément explicatif de la variation du taux de change : les divergences de
niveau général des prix entre les deux pays.
- Il est possible d’élargir les explications des variations du taux de change en y intégrant
l’évolution des préférences adressées aux produits (domestiques comme étrangers),
l’existence de politiques protectionnistes et les gains de productivité.
- Les explications des variations du taux de change se basent sur des modifications de la
demande de biens domestiques qui se répercutent sur la balance commerciale et la
demande de monnaie domestique.
- Grâce à l’effet Balassa –Samuelson, il est également possible d’expliquer pourquoi la
théorie du taux de change en PPA ne fonctionne pas entre pays de stades de
développement différents et, à tendance à réapparaître, lorsque les pays convergent.
La théorie du taux de change en PPA fournit donc des prédictions en matières de niveau
et d’évolution du taux de change. Ces prédictions peuvent être complétées par un
relâchement des hypothèses. On constate par exemple dans le document n°46 que si le
taux de change effectif se rapproche du taux en PPA, les deux courbes ne sont jamais
confondues.
Les explications qui s’appuient sur des variables comme l’inflation, les gains de
productivité, la compétitivité des produits ou les politiques commerciales sont des
explications dites de « long termes » : elles influencent la tendance d’évolution du taux
de change. Mais à court terme, elles ne sont pas un bon indicateur de l’évolution du taux
de change.
Pour expliquer les variations du taux de change à court terme, il faut s’appuyer sur un
autre cadre explicatif. Celui-ci ne s’appuie pas sur les échanges de biens (ou services)
mais sur les échanges de capitaux.
La demande de monnaie domestique dépend alors de la demande d’actifs
domestiques, et on s’attend à ce que quand la demande d’actifs domestiques augmente,
cela se traduise par une hausse de la demande de monnaie domestique et donc une
appréciation de la monnaie.
Pour quelle raison un investisseur préfère-t-il un placement dans un pays plutôt qu’un
autre ?
Il y a trois éléments explicatifs : le rendement attendu du placement, le risque associé
au titres acquis et la liquidité des actifs acquis.
Ces trois éléments sont importants. Il ne faut pas se limiter au rendement attendu du
placement. Si les Etats-Unis attirent des capitaux du monde entier, c’est aussi, et surtout,
parce qu’il s’agit d’actifs peu risques et très liquide. Comme le dollar est la monnaie
internationale, il est facile de revendre son actif libellé en dollar.
Ceci dit, revenons au premier élément : le rendement anticipé du placement.
Pour comprendre comment se fixe le taux de change et pourquoi il varie, procédons de
la même manière qu’avec la demande de biens.
Le point de départ est le suivant : imaginons un actif identique aux Etats-Unis et en
Europe avec des coûts de transaction nuls.
Pour un investisseur américain, le placement aux Etats-Unis rapporte un taux d’intérêt
domestique (Tidom) et un placement en Europe rapporte un taux d’intérêt étranger (Ti
étr). Si l’on veut exprimer le rendement de ces deux placements dans la même monnaie,
il faut donc convertir le résultat dans une monnaie (par exemple en euros) dans l’autre
monnaie (en dollars).
Si l’actif est identique dans les deux pays, il est logique que sa rémunération soit la
même dans les deux pays lorsqu’elle est exprimée dans la même monnaie.
Par exemple, si Tidom= 5% et Tietr=3% comment connaître le taux de change qui va
assurer la parité des taux d’intérêt ?
L’investisseur a le choix entre investir 100 dollars aux Etats-Unis ou changer ces 100
dollars et les investisseurs en Europe.
Au moment où il fait son choix, il connaît le taux de change courant du dollar en euro,
et il anticiper la taux de change future du dollar en euro.
Il sait qu’en investissant 100 dollars, il obtient 100 euros, qui lui rapporte 103 euros.
Pour connaître ce que lui rapporte ces 103 euros en dollars, il faut donc qu’il applique un
taux de change anticipée de l’euro en dollar.
Si l’investisseur anticipe une stabilité du taux de change depuis le taux de départ : 103
euros lui donneront 103 dollars (puisqu’on reste à un taux de change de 1 dollar pour 1
euro) ; l’investisseur préfère investir aux Etats-Unis dans des actifs en dollars ;
Si l’investisseur anticipe une hausse du taux de change de l’euro par rapport au dollar de
2% : on passerait de 100 dollars pour 100 euros à 102 dollars pour 100 euros ; alors
103 euros lui donneront 103 x 1,02=105 euros. L’investisseur est indifférent entre
acheter un actif aux Etats-Unis ou en Europe.
Si l’investisseur anticipe une hausse du taux de change de l’euro par rapport au dollar de
4% : on passerait de 100 dollars pour 100 euros à 104 dollars pour 100 euros (l’euro
s’est apprécié de 4%) ; alors 103 euros lui donneront 103 x 1,04=107 dollars.
L’investisseur préfère donc acheter un actif en Europe plutôt qu’aux Etats-Unis.
On constate donc qu’en fonction des anticipations futures du taux de change, les
décisions de l’investisseur ne seront pas les mêmes.
Parmi ces trois anticipations laquelle est cohérente avec le modèle de parité des taux
d’intérêt ? Il faut se rappeler que dans ce modèle les actifs sont strictement identiques
aux Etats-Unis et en Europe (même risque, même liquidité) mais que seuls les taux
d’intérêt diffèrent. Comme dans la théorie de la parité des PA, où les biens sont
identiques, mais où les prix des biens différent.
Dans notre cas, il n’est pas logique de se retrouver avec une demande d’actifs qui ne
s’oriente qu’aux Etats-Unis (cas 1), ou qu’en Europe (cas 3). On en déduit qu’il existe un
taux de change anticipé de l’euro par rapport au dollar qui permet d’égaliser les
rendements des placements dans les deux pays, une fois qu’on les exprime dans la
même monnaie.
Lorsque Tidom=5%, que Tietr=3%, le taux de change anticipé de l’euro doit augmenter
de 2% afin d’assurer l’égalité des rendements anticipés dans les deux pays : le
rendement de 100 dollars placés aux Etats-Unis est de 5% et le rendement de 100
dollars placés en zone euro est aussi de 5%. Exprimé en dollars, ces deux placements ont
le même rendement.
Il existe donc une formule qui permet de déterminer le taux de change anticipé :
Tidom = Tietr + appréciation du taux de change étranger
Qui peut aussi s’écrire :
Tidom = Tietr + dépréciation du taux de change domestique
Tidom = Tietr - appréciation du taux de change domestique
Cinquième conclusion : dans le cadre du modèle théorique du taux de change en parité
du taux d’intérêt, lorsque le taux d’intérêt domestique est supérieur au taux d’intérêt
étranger, on s’attend à une hausse du taux de change étranger pour compenser cet écart
de rémunération du capital (donc appréciation du taux de change étranger et
dépréciation du taux de change domestique).
On comprend donc que dans la théorie du taux de change en PTI, le taux de change est là
pour « compenser » les écarts de taux d’intérêt. La présentation que nous venons de
faire s’appuie sur des taux de change courant fixes et des anticipations du taux de
change futur.
Taux de change futur
domestique dollar contre
euro
Ti dom > Ti etr
Baisse
La dépréciation du taux de
change
domestique
=
appréciation du taux de
change
étranger
qui
compense la faiblesse du
taux d’intérêt étranger ;
l’appréciation de l’euro fait
disparaître
l’excès
de
demande d’actifs en dollars
Ti dom < Ti etr
Hausse
L’appréciation du taux de
change domestique qui
compense la faiblesse du
taux d’intérêt domestique ;
l’appréciation du dollar va
disparaître
l’excès
de
demande d’actifs en euros
Mais il est possible de changer le raisonnement est de se poser la question suivante :
quelle devrait-elle la modification du taux de change courant qui permettrait la parité
des taux d’intérêt ? On ne raisonne donc plus ici sur les taux de change futur anticipés.
Lorsque nous avons présenté notre exemple nous avons bien vu que l’investisseur
décide en fonction du taux de change courant et du taux de change futur anticipé. Nous
venons de voir comment les variations du taux de change futur anticipé permettent
d’obtenir l’égalisation des rendements. Qu’en est-il pour le taux de change courant ?
Si le taux d’intérêt aux Etats-Unis est supérieur aux taux en zone euro, les investisseurs
préfèrent acheter des titres aux Etats-Unis, ce qui n’est pas logique avec l’hypothèse
d’homogénéité des actifs. Comment alors réduire l’appétence pour les actifs américains ?
La solution est simple : en rendant l’achat des actifs américains plus cher. Comment ? En
augmentant le taux de change dollars contre euros.
Sixième conclusion : Lorsque le taux d’intérêt américain est supérieur au taux d’intérêt
de la zone euro, le taux de change courant du dollar s’apprécie (et l’euro se déprécie).
Ti dom > Ti etr
Ti dom < Ti etr
Taux de change courant
dollar contre euro
Hausse
L’appréciation du dollar
rend
l’achat
d’actifs
américains
plus cher ;
l’appréciation du dollar fait
disparaître
l’excès
de
demande d’actifs en dollars
baisse
La dépréciation du taux de
change
domestique
compense la faiblesse du
taux d’intérêt domestique ;
la dépréciation du dollar va
disparaître
l’excès
de
demande d’actifs en euros
On constate donc que la théorie du taux de change en parité des taux d’intérêt permet de
prévoir l’évolution des taux de change courant et des taux de change futurs. Mais nous
savons aussi que cette théorie s’appuie sur une hypothèse restrictive : l’homogénéité des
actifs.
Quel cadre d’analyse plus large est-il possible d’utiliser ?
Utiliser un modèle qui représente l’offre et la demande d’actifs libellés dans une
monnaie par exemple en euro. La demande d’actifs libellés en euro (en dollar) est
élevée quand la valeur de l’euro est faible et faible quand la valeur de l’euro (en dollar)
est élevée. L’offre d’actifs libellés en euro est rigide au taux de change. Il existe un taux
de change d’équilibre tel que la quantité offerte est égale à la quantité demandée. Le
marché des changes se régule comme n’importe quel marché : par les prix.
On est donc capable de déterminer un taux de change d’équilibre.
On peut alors se demander ce qui fait varier la demande (déplacement vers le haut =
hausse ; déplacement vers le bas = baisse). On retrouve les éléments donc nous avions
parlé en début, à savoir que la demande d’actifs est sensible au taux d’intérêt
domestique, au taux d’intérêt étranger et à l’évolution anticipée future du taux de
change domestique.
On sait qu’une hausse du taux d’intérêt domestique entraîne une hausse de la demande :
on observe alors un nouveau prix d’équilibre, situé plus haut que le premier. La monnaie
domestique s’est appréciée.
On sait aussi, inversement, qu’une hausse du taux d’intérêt étranger entraîne une baisse
de la demande : on observe alors un nouveau prix d’équilibre, situé plus bas que le
premier. La monnaie domestique s’est dépréciée.
On sait enfin qu’une hausse de la valeur future du taux de change fait augmenter le
rendement des actifs placés en monnaie domestique : la demande d’actifs augmente et la
monnaie s’apprécie.
Septième conclusion :
Une hausse du taux d’intérêt domestique et une hausse de la valeur future anticipée du
taux de change ont pour conséquence une appréciation de la devise, une hausse du taux
d’intérêt étranger a pour conséquence une dépréciation de la devise.
Pour terminer, il faut rappeler que la valeur future du taux de change s’appuie sur des
éléments que nous avons déjà vu : dans la partie sur la détermination à long terme du
taux de change. Il s’agit des niveaux des prix comparés, des préférences pour les biens
domestiques ou étrangers (donc de la compétitivité hors prix), des écarts de
productivité (donc de compétitivité prix) et des éventuelles politiques protectionnistes.
Huitième conclusion :
Les déterminants de long terme du taux de change ont une influence sur le taux de
change de court terme par le biais des anticipations futures du taux de change.
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