Fistules labyrinthiques et fractures platinaires CINQUIÈME PARTIE INCIDENTS COMPLICATIONS SUIVI 175 176 Incidents - Complications - Suivi Des incidents peuvent émailler la chirurgie de l’oreille moyenne, en rapport avec la pathologie elle-même, comme par exemple l’ouverture du labyrinthe au cours du traite- ment d’une fistule labyrinthique. D’autres incidents tels que l’effraction de la dure-mère, du sinus sigmoïde ou une bles- sure du nerf facial doivent être prévenus par un repérage anatomique permanent et des gestes précis. Mais les conditions anatomiques et pathologiques peuvent favoriser ces incidents iatrogèniques. Il faut savoir en assumer le traitement ou du moins, connaître la conduite à tenir vis-à-vis eux. La survenue d’incidents ne s’arrête pas avec la fin de l’intervention. Nombre d’entre eux ont été envisagés spécifiquement pour chaque intervention. Certains sont communs à plusieurs types d’interventions telles que les paralysies faciales et les otalgies. Enfin, le suivi constitue une part importante de la prise en charge de l’opéré. Fistules labyrinthiques et fractures platinaires 177 22. INCIDENTS HÉMORRAGIQUES ET DUREMÉRIENS Saignement L’hémorragie au cours de la chirurgie d’oreille est rarement si importante qu’elle puisse mettre la vie du sujet en danger, hormis lors d’une éventuelle mais rarissime plaie d’une carotide interne ectopique. En revanche, un saignement abondant et persistant peut gêner le bon déroulement d’une intervention d’oreille, voire en compromettre le résultat lorsque l’incident survient par exemple au cours d’une stapédectomie. Aussi, doit-on être bien armé pour faire face à ce type d’incident. L’accentuation du proclive et les artifices anesthésiques peuvent contribuer à diminuer un saignement diffus. Devant un saignement persistant, il faut d’abord s’assurer qu’il ne provient pas d’une tranche de section de la voie d’abord des parties molles, qui peut laisser s’écouler un filet sanglant le long d’une paroi, et donner l’impression d’un saignement des cavités ou de la caisse. On ne doit jamais commencer l’attaque osseuse tant que l’hémostase des parties molles n’est pas parfaite. D’autre part, si le saignement persiste sans que l’on puisse en préciser très bien l’origine, mieux vaut enlever les écarteurs et reprendre systématiquement toutes les zones susceptibles de saigner à partir de la voie d’abord des parties molles. Un saignement diffus peut se tarir par la mise en place d’un fragment de compresse de Pangen placé sur la zone saignante et que l’on recouvre éventuellement par un cotonoïde à travers lequel on aspire pendant au moins 2 minutes. Un saignement diffus de la caisse peut être efficacement traité par un fragment de compresse de Pangen imprégné d’une ou deux gouttes d’adrénaline au 1/1000ème et laissé quelques instants. Il est préférable d’avoir recours plutôt à un matériau résorbable qu’à un fragment de coton, surtout si on applique cette technique à proximité de la fenêtre ovale au cours d’une stapédectomie, car il faut éviter toute présence de corps étranger pouvant favoriser un granulome. Un saignement ponctuel est facilement arrêté à l’aide d’une pointe coagulante protégée. Lorsqu’on travaille à proximité du labyrinthe ou du nerf facial, il faut s’assurer à chaque fois de l’intensité du courant en réalisant un essai sur une zone dépourvue de risque comme le conduit osseux. On peut ainsi aisément électrocoaguler la zone de la fissula ante fenestram qui a une propension à saigner facilement, éventuellement à titre pré- 178 Incidents - Complications - Suivi ventif, si on est amené à ruginer cette région, surtout si le mucopérioste est hyperhémié, notamment au cours d’une stapédectomie totale. Un saignement osseux est aisément contrôlé dans la plupart des cas par un fraisage à la fraise diamantée. Si l’orifice osseux est important et que le saignement persiste, on peut être amené à recourir au colmatage par de la de cire osseuse de Horsley. Un abondant saignement par blessure d’un sinus veineux et tout particulièrement du sinus sigmoïde est généralement maîtrisé par application, soit de compresses de Pangen, soit d’un fragment de Surgicel sur lequel on peut appliquer un cotonoïde pour permettre d’aspirer. Cet incident peut survenir malgré de grandes précautions, notamment en cas de golfe jugulaire procident dans la caisse et se trouvant ainsi exposé lors du décollement de l’anneau fibreux. L’hémostase s’effectue facilement avec le Surgicel ou le Pangen, et l’intervention peut se poursuivre. Si besoin est, on peut laisser en place le tamponnement hémostatique et le protéger par un fragment de papier d’emballage de fil chirurgical, si on utilise le fraisage à proximité, pour éviter que le pansement hémostatique ne s’enroule autour de la fraise. Un saignement provenant de la dure-mère se maîtrise facilement par électrocoagulation. Mais on a intérêt à utiliser une coagulation avec une boule ou mieux une coagulation bipolaire. En effet, une coagulation avec une pointe en coagulation monopolaire risque de provoquer une nécrose ponctuelle en profondeur pouvant être à l’origine d’un écoulement de LCR, en fait habituellement sans grave conséquence. Complications duremériennes Elles sont rares mais parfois inquiétantes. Une blessure de la dure-mère par fraisage peut survenir très précocément, dès l’attaque osseuse de la région antrale si la duremère est très procidente. Il en est de même du sinus sigmoïde. Le niveau de la duremère temporale est habituellement donné par la linea temporalis mais en fait, la dure-mère peut être beaucoup plus basse, surtout dans la région antrale. La blessure durale peut être superficielle et ne provoquer qu’un saignement contrôlé par aspiration sur une compresse de Pangen écrasée, à travers un cotonoïde. Une plaie plus importante peut donner issue à du LCR. Mais l’écoulement est habituellement faible étant donné la présence du tissu arachnoïdien. On peut agrandir un peu l’orifice osseux à l’aide d’une petite fraise diamantée ou d’une curette. Puis, il faut s’assurer qu’il n’y a aucun fragment osseux qui ne puisse blesser les méninges et entretenir l’écoulement. On introduit alors un fragment d’aponévrose temporale ou de dure-mère lyophilisée pour l’interposer entre la dure-mère et l’endocrâne. Si la brèche osseuse est importante, il est nécessaire de prévenir une hernie duremérienne ou méningocèle en intercalant sous le fragment d’aponévrose une baguette de corticale osseuse. Une hernie duremérienne peut s’observer parfois avec une importante mise à nu de la méninge par un fraisage mal contrôlé ; en fait, on l’observe peut-être plus souvent encore spontanément, en dehors de tout traumatisme. Une telle hernie peut faire une importante saillie dans la cavité mastoïdienne et entraver notamment le nettoyage d’une cavité d’évidement. La réintégration de la dure-mère ne soulève guère de difficulté après avoir ruginé la berge de la brèche osseuse. Une baguette de corticale interposée entre l’os et la dure-mère permet de maintenir en bonne place la méninge. Incidents - Complications - Suivi 180 23. FISTULES LABYRINTHIQUES ET FRACTURES PLATINAIRES On désigne classiquement sous le terme de fistule labyrinthique une érosion localisée du labyrinthe osseux en rapport avec une otite chronique. Les fistules du labyrinthe osseux exposent à une atteinte cochléaire, soit spontanément, soit lors du traitement chirurgical. Elles s’observent presque exclusivement dans les otites cholestéatomateuses, en dehors de cas exceptionnels d’ostéite non cholestéatomateuse. La fracture platinaire provoquée par un geste chirurgical malencontreux au cours d’une intervention constitue une complication redoutable. Son étude peut être rapprochée de celle des fistules, ne serait-ce que pour la conduite à tenir et les répercussions fonctionnelles à craindre. TYPES ANATOMIQUES DES FISTULES LABYRINTHIQUES Siège Les fistules siègent : — essentiellement sur le canal latéral (90 % des cas), principalement au milieu de sa boucle ou un peu en arrière, — beaucoup plus rarement sur le promontoire, le canal supérieur ou le canal postérieur, la platine. L’association de plusieurs fistules peut s’observer. Lésions Plusieurs degrés de lésions doivent être distingués : — la simple ligne bleue, sans véritable orifice, car l’endoste persiste, — les fistules étroites, de moins de 2 mm sur le plus grand diamètre, où la matrice du cholestéatome a toutes chances de passer en pont d’une berge à l’autre de la fistule osseuse, — les grandes fistules où la matrice risque d’adhérer au labyrinthe membraneux qui prend parfois un aspect inflammatoire, granulomateux. Dans ces grandes fistules, la palpation de la platine de l’étrier protégée par un fragment d’éponge résorbable, à l’aide d’un instrument mousse, peut parfois apporter d’intéressants renseignements : — issue de liquide périlymphatique en cas de canal perméable, — bombement du canal membraneux en cas de blocage périlabyrinthique. QUAND FAUT-IL CRAINDRE UNE FISTULE LABYRINTHIQUE ? Certaines circonstances doivent faire redouter cette complication, tout particulièrement si l’otite chronique évolue depuis de nombreuses années,mais on peut aussi en observer chez l’enfant. Il faut y penser devant : — des antécédents de vertiges, souvent retrouvés à l’interrogatoire sous forme de « petits vertiges » ou de brefs épisodes de déséquilibre, — un signe de la fistule, notamment par pression digitale sur le tragus, à rechercher systématiquement au cours de tout examen d’otite chronique — en cas de paralysie faciale, — et lors de l’intervention, devant une lyse du canal facial, Mais l’absence de vertiges et de signe de la fistule ne permet pas du tout d’éliminer une fistule labyrinthique. Enfin, le scanner en coupes millimétriques permet souvent mais non toujours de mettre en évidence ou de suspecter une fistule osseuse. L’absence d’image de fistule labyrinthique ne permet donc pas d’éliminer le diagnostic. Conséquences 1re notion : La fistule labyrinthique doit être redoutée en fait au cours de toute intervention pour otite cholestéatomateuse. La stratégie opératoire doit prendre en compte cette notion et amener à considérer qu’il existe une fistule possible jusqu’à preuve du contraire. 2e notion Lorsqu’on découvre du tissu inflammatoire dans une « région à risque », telle que celle du canal latéral, il faut éviter toute dissection qui exposerait le labyrinthe membraneux parfois à nu. Il faut d’abord rechercher une fistule par pression douce sur l’étrier. Incidents - Complications - Suivi 182 3e notion Dés que la fistule est mise en évidence, ou même seulement suspectée, il faut protéger la région par un fragment d’éponge résorbable ou de papier, jusqu’à son traitement. 4e notion Pour traiter la fistule labyrinthique dans les meilleures conditions, il faut un champ opératoire exsangue afin d’utiliser le moins possible l’aspiration qui constitue un facteur très important de labyrinthisation. 5e notion En conséquence, le traitement de la fistule labyrinthique doit être réalisé en fin d’intervention, lorsqu’il n’y a plus à fraiser et donc plus à aspirer fortement. Aussi, doit-on terminer la dissection du cholestéatome par les régions susceptibles d’être le siège d’une fistule labyrinthique, essentiellement le canal latéral et le promontoire. CONDUITE À TENIR DEVANT UNE FISTULE LABYRINTHIQUE La conduite à tenir devant une fistule labyrinthique soulève encore des discussions car : — laisser la matrice du cholestéatome expose théoriquement à la poursuite de l’érosion osseuse et à la récidive du cholestéatome, — enlever la matrice risque de provoquer une labyrinthisation ou même une cophose en cas de traumatisme du labyrinthe membraneux. Fistule du canal latéral Vis à vis du cholestéatome, deux attitudes s’opposent. La dissection de la matrice. Elle peut souvent être réalisée sous réserve de : — utiliser une aspiration très fine, au besoin à travers une boulette d’éponge résorbable et à l’aide d’instruments non traumatisants, type crochet boutonné, — et de s’arrêter à la moindre adhérence. Un large fragment d’aponévrose tapisse la région en fin de dissection de la matrice, en s’aidant éventuellement de colle biologique. Laisser une zone d’épidermose sur toute ou partie de la fistule. C’est la solution de sagesse, notamment : — s’il s’agit d’une oreille unique ou d’une meilleure oreille, — si la matrice du cholestéatome adhère au labyrinthe membraneux ou à une zone granulomateuse, ou si l’oreille est très infectée. Vis à vis de la fistule osseuse, on peut : — se contenter de recouvrir la région par un fragment d’aponévrose temporale, en s’aidant éventuellement de colle biologique, si la lumière du canal n’est pas ouverte, — obturer par de la poudre d’os si le canal est ouvert, avant de recouvrir par de l’aponévrose. En cas d’issue de liquide labyrinthique, notamment lors de la palpation de la platine de l’étrier, le simple recouvrement de la région par un fragment d’aponévrose risque de s’avérer insuffisant pour arrêter l’écoulement liquidien, facteur de labyrinthisation. Le comblement de la lumière du canal avec de la poudre d’os (avec éventuellement de la colle biologique) permet de colmater efficacement la fistule. En cas de fistule sur oreille cophotique, il faut dans un premier temps obturer la lumière du canal avec de la poudre d’os avant de recouvrir par de l’aponévrose pour éviter une éventuelle diffusion de l’infection aux espaces sous-arachnoïdiens. Fistules du promontoire Elles sont d’un pronostic beaucoup plus sombre pour la fonction cochléaire que les fistules du canal latéral. La prudence consiste donc à laisser une fine couche matricielle et à la tapisser par de l’aponévrose temporale. FAUT-IL FAIRE UNE CAVITÉ D’ÉVIDEMENT OU UNE TECHNIQUE FERMÉE ? La présence d’une fistule labyrinthique n’est pas un facteur de décision pour le choix de type de cavité. Bien entendu, si une zone d’épidermose a été laissée dans la région fistulaire, une éventuelle technique fermée devra comporter obligatoirement un deuxième temps. Lors de ce deuxième temps, il n’est pas exceptionnel de constater une fermeture osseuse de la fistule. Pour certains auteurs, l’exérèse de cette zone d’épidermose laissée en place au cours du premier temps se réaliserait dans de meilleures conditions lors de la réintervention, ce qui ne semble pas toujours le cas. FRACTURES PLATINAIRES Une fracture platinaire ou la luxation traumatique de l’étrier au cours d’une intervention sur une oreille inflammatoire, ou même sur une oreille sèche mais avec une perforation de la membrane tympanique, constitue une complication redoutable qu’il faut toujours craindre au cours de la dissection de la région stapédienne (voir p. 153). Incidents - Complications - Suivi 184 On peut en rapprocher les exceptionnelles fistules platinaires spontanées compliquant une otite chronique. Le traitement doit être réalisé dans un champ aussi exsangue que possible, et ne plus être soumis à d’importantes aspirations. C’est pour cette raison que la région de l’étrier doit être traitée en tout dernier au cours de toute intervention d’oreille, même après celui d’une éventuelle fistule du canal latéral. Si le champ opératoire n’est pas parfaitement exsangue, on a intérêt à mettre des fragments écrasés de Pangen autour de la fenêtre pour la protéger. Il faut obtenir une hémostase aussi parfaite que possible de toute la région péri-stapédienne, éventuellement en s’aidant d’une micro-aspiration et d’une pointe coagulante avec faible intensité comme pour une stapédectomie. Dans la plupart des cas, une stapédectomie complète paraît exposer à moins de risques que la simple mise en place d’un fragment d’aponévrose sur la région traumatisée ou fistulisée, car l’écoulement de liquide périlymphatique risque de ne pas être colmaté. Mieux vaut donc réaliser une stapédectomie totale, recouvrir la fosse ovale par un très large fragment d’aponévrose temporale et mettre une prothèse entre le manche du marteau et cette greffe ou, en l’absence de manche, une prothèse type TORP entre la membrane du tympan et la greffe stapédienne. CONCLUSION L’ouverture du labyrinthe au cours de la chirurgie de l’otite chronique fait courir un grave risque de labyrinthisation tant par le traumatisme opératoire, avant tout avec l’aspiration, que par l’infection. Une telle complication impose une antibiothérapie à large spectre. Soins et suivi post-opératoires 185 24. PARALYSIE FACIALE POST-OPÉRATOIRE La paralysie faciale post-opératoire est une des hantises de tout otologiste. Quelle que soit l’expérience de l’opérateur, il arrive à chacun d’eux de s’interroger sur une possible souffrance du nerf facial à l’occasion d’une intervention exposant particulièrement le nerf. Aussi, attend-il avec impatience le réveil pour déceler une asymétrie faciale. Or, pendant les premières heures après le réveil, la situation peut être faussement réconfortante, faisant croire à une parésie alors qu’il y a une section du nerf. Cette notion étant connue, il est fondamental de distinguer trois ordres de situation : • paralysie faciale d’emblée dès le réveil. FIG. 70. — Pansement pour tympanoplastie. Une lamelle de silastic 50 × 10mm, pliée, écornée et découpée en languettes 1, permet de faire un étui de protection au pansement en Mérocel 2. Rondelle de Gelfilm 3 pour protéger la greffe d’une vaste perforation. Incidents - Complications - Suivi 186 • paralysie faciale précoce, survenant dans les jours qui suivent l’intervention. • paralysie faciale secondaire apparaissant dans les semaines qui suivent. PARALYSIES FACIALES POST-OPÉRATOIRES IMMÉDIATES Elles sont habituellement liées à un traumatisme patent : — pression sur un VII dont le canal est déhiscent, — blessure de la gaine du nerf avec la fraise ou un instrument, — section totale ou partielle du nerf. Mais parfois, l’origine de la paralysie faciale n’est pas claire, pouvant par exemple faire évoquer l’anesthésie locale. Aussi, la stratégie à proposer devant une telle paralysie faciale immédiate doit-elle se baser sur le déroulement de l’intervention. Schématiquement, deux situations s’opposent : — L’opérateur confirmé est sûr de n’avoir pas blessé la gaine et encore moins le nerf lui-même qu’il a pu contrôler dans la région où le VII pouvait être exposé. Dans ce cas, il faut se contenter d’ajouter une corticothérapie générale au traitement antibiotique postopératoire et conseiller une kinésithérapie faciale. — L’opérateur n’est pas sûr d’avoir contrôlé le nerf sur tout son trajet où il pouvait être exposé, ou n’a pas une grande expérience. Il faut alors réintervenir d’urgence.Dans le doute, on ne doit pas hésiter à intervenir. Intervention Elle doit être réalisée par un opérateur très expérimenté. Elle comprend le même abord opératoire, au besoin élargi. Selon les cas, le repérage du VII est plus ou moins aisé. Il ne faut pas hésiter à chercher le VII dans la partie inférieure de son segment mastoïdien et remonter progressivement le long du nerf. La découverte d’une interruption totale du nerf impose une greffe avec un fragment de branche auriculaire de plexus cervical superficiel, après section franche des deux extrémités lésées du VII. La greffe est maintenue par de la colle biologique et l’ensemble du montage protégé par un fragment d’aponévrose temporale. La découverte d’une section partielle impose aussi la mise en place d’une greffe après résection de la zone traumatisée. En effet, l’expérience montre que, dans ces cas, le résultat fonctionnel spontané se révèle très médiocre, probablement par suite d’une fibrose cicatricielle. Il faut donc prendre la responsabilité de réséquer la zone traumatisée lors de cette réintervention immédiate. Une attente de plusieurs mois imposerait une troisième intervention avec un moins bon résultat. PARALYSIE FACIALE POST-OPÉRATOIRE PRÉCOCE Un tel diagnostic suppose la certitude d’absence de la moindre atteinte de la motricité faciale dans les heures qui ont suivi l’intervention. Cette notion souligne l’importance de cette recherche par l’opérateur lui-même et ceci sans aucune concession s’il a le moindre doute. Soins et suivi post-opératoires 187 Il s’agit habituellement de parésie survenant du 3 au 6ème jour dont le pronostic est excellent. Elle est probablement liée à des phénomènes inflammatoires. La conduite proposée est : — ablation du pansement et remise en place d’un pansement non compressif, — corticothérapie générale. PARALYSIE FACIALE POST-OPÉRATOIRE SECONDAIRE On entend sous ce terme une paralysie survenant nettement après le démèchage, souvent à partir de la 3ème semaine. Il faut alors penser en premier à une pathologie locale spécifique et avant tout, à une tuberculose de l’oreille, et s’attacher à regrouper des éléments en faveur de ce diagnostic : — contexte et intradermo-réaction, — biopsie de bourgeons. Des prélèvements bactériologiques sont bien sûr réalisés, mais il ne faut pas attendre le résultat pour commencer une antibiothérapie spécifique, associée à une corticothérapie générale. 25. OTALGIES POST-OPÉRATOIRES L’otalgie est un symptôme banal dans les heures qui suivent une intervention d’oreille. Son intensité varie bien entendu selon les réactions individuelles et surtout en fonction de l’étendue de l’incision, du décollement et du traumatisme des parties molles. Ce symptome d’alerte impose toujours l’examen du pavillon. Si celui-ci paraît normal, sans aucun signe d’infection, il suffit souvent de retirer la mèche pour faire disparaître, ou du moins atténuer la douleur. Il importe d’insister sur deux ordres de causes d’otalgies : — la survenue d’une infection, — le dysfonctionnement temporo-mandibulaire. Infection post-opératoire L’otalgie est un symptôme d’alerte. UNE CHONDRITE DU PAVILLON Elle doit être redoutée devant une douleur du pavillon. Il faut être particulièrement vigilant si l’intervention a été réalisée sur une oreille infectée et qu’elle a comporté une 188 Incidents - Complications - Suivi méatoplastie avec résection cartilagineuse. Un pavillon douloureux spontanément, et surtout à la palpation, parfois déjà congestif, doit faire craindre une chondrite. Il faut instituer un traitement antibiotique général orienté vers le Pseudomonas aeruginosa ( notamment de la famille des quinolones type Ciflox, de certaines céphalosporines de 3e génération type Fortum et d’aminosides) sous surveillance quotidienne, de préférence avec hospitalisation. Une telle chondrite apparaît habituellement très tôt, dès la 48e heure. Conséquence : Toute intervention sur une oreille infectée, surtout en cas de méatoplastie, impose une surveillance attentive dans les jours qui suivent l’intervention. L’INFECTION DE LA CAVITÉ OPÉRATOIRE ET DU CONDUIT AUDITIF Là aussi, l’otalgie est un signe d’alarme et s’accompagne d’un suintement abondant et fétide à travers le pansement du conduit. Une telle infection doit être redoutée après toute intervention réalisée sur une oreille infectée. Le traitement consiste à : — faire une antibiothérapie générale, d’abord axée sur le Staphylocoque doré et le Pseudomonas aeruginosa, et adaptée ultérieurement après prélèvement, — enlever le pansement du conduit pour faciliter l’évacuation des sécrétions, — effectuer éventuellement une antibiothérapie locale. Conséquence : Toute intervention sur oreille infectée impose une surveillance post-opératoire étroite et l’ablation précoce du pansement du conduit dès le 5 ou 6ème jour. Dysfonctionnement temporo-mandibulaire C’est une cause relativement fréquente d’otalgies survenant dans les suites d’une intervention d’oreille, et souvent déroutante. Ce dysfonctionnement est favorisé par : — des otalgies précoces, — un dysfonctionnement latent avec mauvais articulé dentaire. Dans les suites opératoires, l’otalgie immédiate du côté opéré incite à mastiquer du côté opposé, ce qui aggrave le déséquilibre des muscles mandicateurs et révèle un dysfonctionnement temporo-mandibulaire jusque-là latent. Ces douleurs qui surviennent ou persistent au cours des semaines suivant l’intervention sont en fait plus péri-auriculaires que de véritables otalgies. Elles siègent souvent dans la région prétragienne, irradiant vers la région temporale et la région sous-angulo-maxillaire. L’examen doit alors rechercher, lors des mouvements d’ouverture et de fermeture buccale : — des craquements et des douleurs à la palpation de l’articulation temporo-mandibulaire, — un trouble de la cinétique mandibulaire, notamment une latéro-déviation vers l’oreille douloureuse. Elle s’objective par l’étude du trajet du point interincisif Soins et suivi post-opératoires 189 médian inférieur, qui décrit une sinusoïde au lieu de se déplacer dans un plan sagittal. Il faut alors confier l’opéré à un stomatologiste pour rechercher les troubles de l’articulé dentaire, tout en sachant qu’il n’y a aucun parallélisme entre l’intensité des douleurs et les troubles dentaires responsables. La méconnaissance de ce syndrome a souvent pour conséquence : — non seulement la persistance des douleurs pendant des mois, — mais aussi de mauvaise indication de scanner, voire de réintervention d’oreille. 26. SOINS ET SUIVI POSTOPÉRATOIRES Les soins post-opératoires conditionnent le succès de l’intervention. Si des bons soins post-opératoires ne peuvent pas rattraper une mauvaise intervention, des soins négligés risquent de compromettre une excellente intervention. Les soins post-opératoires et la surveillance ont pour objectifs : • de guider la cicatrisation cutanée, • de dépister des incidents liés à l’intervention, • de déceler une récidive de la pathologie initiale, • de controler l’audition dont l’altération constitue d’ailleurs un signe d’alerte pour les objectifs précédents. Quant à la muqueuse de l’oreille moyenne, c’est au cours de l’intervention qu’il faut lui assurer les meilleures conditions de cicatrisation en évitant de la traumatiser, en prévenant les risques de synéchies (voir p. 141), et en assurant une bonne aération de la caisse (voir p. 90). Au cours de la surveillance post-opératoire, il faut s’assurer de cette bonne aération, en aspirant dans la lumière d’un éventuel tube placé sous le lambeau tympano-méatal, et en dépistant une rétraction tympanique qui peut faire parfois poser l’indication de la mise en place d’un aérateur. CICATRISATION CUTANÉE Elle fait intervenir des mécanismes complexes portant sur la formation : • d’un tissu de granulation dont la construction débute vers le 5e jour après l’intervention, • d’une re-épidermisation qui commence dés les 24 premières heures, et se poursuit après, en conjugaison avec le tissu de granulation. Pour obtenir une bonne cicatrisation, il faut que les deux couches soient à même hau- 190 Incidents - Complications - Suivi FIG. 71. — Prélèvement de peau mince à la face interne du bras avec une lame de rasoir. Il suffit : - de tendre la peau après l’avoir humidifier avec du sérum, - d’imprimer un mouvement de cisaillement à une demi-lame de rasoir solidement prise dans une pince type Kelly. teur, ce qui est facilement obtenu dans la cicatrisation dite de première intention, avec un bon affrontement des berges de la plaie. Dans la cicatrisation dite de deuxième intention où les berges de la plaie restent à distance, la réaction du tissu conjonctif est plus intense et donne des bourgeons charnus. L’épidermisation se fait à partir des bords. La formation d’un couvercle épidermique freine la prolifération conjonctive et permet d’obtenir une cicatrice en 3 à 4 semaines. Mais la cicatrisation peut être entravée : • soit par un bourgeonnement excessif que l’épithélium ne peut gravir, • soit par l’absence de tissu de granulation convenable. Le tissu épidermique, ne trouvant pas un sous-sol valable, forme un bourrelet cicatriciel atone. Ainsi, les deux phénomènes de granulation et d’épidermisation travaillent normalement en synergie. Mais ils entrent parfois en conflit qu’il faut savoir prévenir dés l’intervention et le pansement, et dépister lors des soins. Dans la chirurgie de l’oreille moyenne, la cicatrisation cutanée se trouve rarement dans les conditions de première intention. La voie du conduit offre les meilleures conditions puisque les berges de l’incision peuvent se trouver en contact. Dans les autres voies d’abord, il existe souvent un écart entre les bords de l’incision qu’il faut essayer de réduire le plus possible, lors de l’intervention en protégeant le conduit cutané, et lors du pansement en veillant à la bonne mise en place de la peau du conduit. Dans les cavités d’évidement, la cicatrisation ne peut être que de deuxième intention, du moins en partie. La qualité de cette cicatrisation dépend de plusieurs facteurs : — un recouvrement des surfaces osseuses, avec un soubassement conjonctif et un Soins et suivi post-opératoires 191 revêtement cutané, ou au minimum un revêtement conjonctif, en respectant le plus possible le conduit cutané pour obtenir les conditions d’une cicatrisation de première intention, — un pansement moulant parfaitement les zones décollées et la membrane tympanique, — la prévention d’une éventuelle surinfection par une antibiothérapie si besoin est, — une bonne accessibilité au conduit et à la membrane pour faciliter les soins, d’où l’intérêt éventuel d’un alésage du conduit osseux ou d’une méatoplastie, ou à une cavité d’évidement qui impose presque toujours une méatoplastie et une cavité parfaitement régulière, — des soins répétés et rapprochés jusqu’à la cicatrisation complète. Dans les cavités d’évidement, la cicatrisation du type deuxième intention doit être très surveillée pour détruire les bourgeons exubérants qui ralentiraient l’épidermisation. Aussi, les objectifs de l’intervention ne doivent pas se cantonner à traiter la pathologie et à améliorer ou au moins sauvegarder la fonction auditive, mais il s’y ajoute le troisième objectif qui est de faciliter les soins post-opératoires et le suivi. C’est donc dès l’intervention que se prépare ce suivi post-opératoire. MATÉRIAUX DU PANSEMENT Le pansement doit être parfaitement bien toléré, mouler les zones décollées et facile à enlever. Les pansements en Mérocel ont l’avantage de mouler le conduit et de bien appliquer le lambeau tympano-méatal au contact du conduit osseux. On peut le tailler en biseau de telle façon que l’angle tympano-méatal soit parfaitement appliqué. Mais il importe de ne pas mettre le Mérocel au contact direct de l’os car il crée à cet endroit une réaction inflammatoire et des adhérences. Le Silastic en lamelle mince (0,13mm) est parfaitement bien supporté. Pour qu’il épouse bien la paroi du conduit, on peut lui donner la forme d’une pieuvre. (fig. 70) Le Gelfilm est très bien toléré. Il se résorbe en plusieurs semaines. Il a l’avantage d’harmoniser la surface de cicatrisation. Il est intéressant en particulier pour : — être appliqué en rondelle sur la membrane tympanique, découpée à l’aide d’un spéculum de gros diamètre, — ou tapisser la cavité d’évidement et le méat. On a intérêt alors à faire quelques trous avec un petit spéculum, pour permettre l’évacuation des sérosités. Les fragments d’éponge résorbable, soit de gélatine type Gelfoam, soit plus récemment de collagène type Pangen, sont très bien tolérés. Ces matériaux se résorbent très rapidement. On peut les utiliser en cubes plus ou moins importants pour combler partiellement une cavité ou le conduit, ou en lamelles écrasées pour éviter le contact direct d’un pansement de Mérocel avec l’os. En cas de montage ossiculaire paraissant peu stable, le pansement par éponges résorbables est particulièrement indiqué Les mèches permettent une bonne contention. On a intérêt à lubrifier la mèche avec une pommade antibiotique qui a le double avantage d’avoir une action antiinfectieuse et de faciliter le démèchage, le rendant moins douloureux. Les mèches iodoformées de 2cm sont intéressantes pour les cavités d’évidement. En pratique : — pour une voie du conduit, un simple pansement en Mérocel suffit, — pour une tympanoplastie avec large décollement du conduit, on peut utiliser des lamelles de Silastic, un pansement en Mérocel et une mèche, ou combler le conduit par des cubes d’éponge résorbable, — pour une cavité d’évidement, il est intéressant de tapisser la cavité par du gelfim, puis de combler par des cubes d’éponge résorbable et de terminer au niveau du méat par une mèche qui a l’avantage de maintenir le diamètre du méat. ANTIBIOTHÉRAPIE PER ET POST-OPÉRATOIRE Deux ordres de circonstances doivent être distinguées selon que l’oreille est infectée ou non. Lorsqu’on opère une oreille manifestement infectée, qui reste inflammatoire malgré les traitements médicaux propératoires, une antibiothérapie s’impose car le pansement et le méchage procurent des conditions locales favorisant l’aggravation de l’infection, exposant non seulement au risque de nécrose des greffes et lambeaux mais aussi à celui de chondrite (voir p. 181). Lorsque l’oreille est saine, non infectée et non inflammatoire, l’antibiothérapie périopératoire entre dans le cadre d’une prophylaxie. L’objectif est de prévenir une infection liée à une contamination per-opératoire. Pour une stapédectomie, une éventuelle infection serait particulièrement redoutable. L’ouverture du labyrinthe met en situation un peu similaire à une intervention neuro-chirurgicale. En toute logique,et ceci d’autant plus que l’intervention est de courte durée, une antibiothérapie n’est pas indiquée. Tout au plus peut-on discuter une antibioprophylaxie très courte entreprise juste avant l’intervention. Il en est de même pour les autres interventions sur oreille saine à tympan fermée type ossiculoplastie. Dans la chirurgie à tympan ouvert, type tympanoplastie, la tradition est pour beaucoup d’opérateurs d’instituer une antibiothérapie de couverture jusqu’au premier pansement avec une pénicilline ou une céphalosporine. En théorie, rien ne justifie une telle attitude. Toutefois, en cas de vaste perforation où la vascularisation se trouve précairement assurée, la présence de corps étranger dans la caisse et d’une greffe considérée comme tissu non vivant constitue des conditions propices à l’infection. L’interrogation n’est pas seulement d’ordre économique mais aussi de sélection éven- Bibliographie 193 tuelle de germes par une antibiothérapie probabiliste rarement axée sur le redoutable Pseudomonas aeruginosa. Seules, des études comparatives peuvent donner les réponses. CONDITIONS DE RÉALISATION DES SOINS POST-OPÉRATOIRES Ils doivent être assurés par l’opérateur lui-même car ils ne font que prolonger l’opération. Dans le choix de la date de l’intervention, on doit tenir compte de ce principe, tant pour les disponibilités de l’opérateur que de l’opéré. Ils doivent être réalisés dans des conditions identiques à celle de l’opération, avec : — table d’examen, — microscope opératoire, — aspiration — micro-instruments. On doit disposer de topiques de consultation tels que : liquide de Bonain, acide trichloroacétique au 1/3. Le liquide de Bonain a le double mérite de procurer une anesthésie locale et de cautériser. L’expérience montre qu’il est très bien toléré par le VII et la membrane tympanique, sous réserve de l’utiliser avec un porte-coton essoré, ou par goutte à l’aide d’une microfourche. L’acide trichloroacétique au 1/3 a fait la preuve de son efficacité depuis plus d’un siècle pour les soins d’oreille. Il semble très bien toléré par le nerf facial, du moins à cette concentration et, là aussi, lorsqu’il est utilisé avec un porte-coton essoré. D’autres caustiques peuvent être utilisés mais il faut en connaitre parfaitement l’agressivité vis à vis du VII et de l’oreille interne. Une anesthésie locale s’impose parfois. Chez l’enfant, on peut être amené à faire certains soins sous anesthésie générale. La prescription de topiques doit être accompagnée d’une explication détaillée portant non seulement sur les modalités d’emploi mais aussi sur les dangers de l’autoprescription et du risque cochléaire en cas de perforation. • Les antibiotiques locaux permettent d’obtenir une forte concentration. • Les antiseptiques locaux ont un spectre plus large que celui des antibiotiques. Ils n’ont pas la prétention d’aseptiser la région en supprimant les germes mais seulement d’en diminuer le nombre pour qu’ils ne soient plus pathogènes. La difficulté de leur emploi provient de leur brève durée d’efficacité et de leur agressivité vis à vis de la peau en cas d’emploi trop fréquents. Enfin, certains sont inactivés par les tissus vivants et ne sont efficaces que sur la couche cornée de la peau. • Les corticoïdes locaux atténuent le bourgeonnement mais ils ralentissent l’épidermisation. Date du premier pansement Le premier pansement consiste à enlever les éléments non résorbables tels que Mérocel et mèche. On peut éventuellement laisser les éponges résorbables et le Gelfilm. La date du premier pansement dépend du type d’intervention et du caractère septique de l’intervention, en sachant que : 194 Temps préparatoires - Prévention des incidents • un pansement sur oreille infectée favorise le développement d’anaérobies. Aussi faut-il, dans ce cas, faire ce premier pansement vers le 5ème ou 6ème jour, • on a intérêt à laisser le pansement le plus longtemps possible quand on a une oreille non infectée, pour faciliter la cicatrisation. A titre indicatif : — pour une stapédectomie par voie du conduit : pansement au 3-4e jour (voir p. 123), — tympanoplastie sur oreille sèche : pansement du 8 au 12e jour, — tympanoplastie sur oreille inflammatoire : pansement du 6 au 8e jour, — cavité d’évidement : pansement vers le 5-6e jour. (voir p. 65) Ce premier pansement consiste à enlever les éléments non résorbables comme la mèche et le Mérocel. On peut éventuellement laisser les éléments résorbables. Le pansement se termine par la prescription de topiques associant un corticoïde et des antibiotiques ou un antiseptique. Pansements ultérieurs Ils ont pour but essentiellement de guider la cicatrisation en luttant contre le développement exubérant éventuel de la prolifération conjonctive dans les zones non recouvertes primitivement par la peau. Le bourgeon charnu favorise l’infection qui active le bourgeonnement Il est donc nécessaire de lutter contre l’infection, la rétention des sécrétions, les croûtes, et de détruire les bourgeons. La périodicité des pansements ultérieurs. Elle dépend des différents paramètres : état local, possibilité de surveillance tant par l’opérateur que par l’opéré. Mais il ne faut jamais abandonner plus d’une quinzaine de jours toute cavité ou conduit inflammatoire sans une surveillance attentive par un otologiste compétent sous peine de voir survenir une sténose ou des cloisonnements. INCIDENTS DE CICATRISATION POST-OPÉRATOIRES IMMÉDIATS L’infection risque de provoquer une nécrose de la greffe qui se comporte comme un tissu mort, sans défense vis à vis de l’infection, et d’entraîner l’échec d’une intervention fonctionnelle.L’ablation du pansement est un des gestes les plus importants dans l’infection anaérobie. Aussi, ne faut-il jamais tarder à faire ce premier pansement sur une oreille infectée. La chondrite peut compliquer toute intervention d’oreille comportant une incision cartilagineuse. Les premiers signes de la chondrite sont une otalgie spontanée et une inflammation du pavillon qui devient très sensible à la palpation. Ils imposent alors un traitement antibiotique type Quinolone luttant contre le Pseudomonas aeruginosa qui est le germe retrouvé constamment à l’origine de ces surinfections (voir p. 181). On doit la craindre en particulier pour les méatoplasties des cavités d’évidement pétromastoïdien. Aussi, faut-il toujours garder sous surveillance pendant 48 heures les opérés d’évidement. En revanche, la voie d’abord endaurale n’expose pas plus que la voie rétro-auriculaire à la chondrite si l’incision est faite correctement, sans toucher les cartilages. De plus, elle permet d’effectuer éventuellement une méatoplastie sans inciser le cartilage. Le bourgeonnement n’est pas en soi une complication puisqu’il s’agit d’un phéno- Examen pré-opératoire 195 mène de cicatrisation. Lorsqu’il est exubérant, il entrave la cicatrisation.Il est important de supprimer le bourgeonnement par cautérisation à l’acide trichloroacétique au 1/3 pour faciliter l’épithélialisation. De plus, il devient une source de complication car il entretient l’infection. Le traitement de cette infection entretenue par le bourgeonnement est essentiellement local. La prescription d’une antibiothérapie générale est inutile dans la plupart des cas. La présence de tissu nécrotique entretient l’infection locale puisqu’il constitue un excellent milieu de culture. Cette nécrose affecte essentiellement les greffes placées en milieu infecté. On peut aussi observer la nécrose de la partie latérale d’une greffe myringienne trop étendue dans le conduit, dépassant le lambeau tympano-méatal. Le traitement consiste avant tout à réséquer le tissu nécrotique, en s’aidant notamment de microciseaux. La myringite granuleuse est une complication relativement fréquente de la chirurgie de l’oreille moyenne. On peut l’observer précocément ou tardivement. Elle peut d’ailleurs survenir en dehors de toute intervention. Elle provoque un suintement plus qu’une véritable otorrhée. Elle se traduit à l’otoscopie par un bourgeonnement s’étalant sur une partie plus ou moins étendue de la pars tensa, souvent dans sa partie postérieure, et pouvant envahir la partie adjacente du conduit. Son traitement consiste essentiellement à cautériser le tissu de granulation pour permettre l’épidermisation. On peut commencer par mettre 2 ou 3 gouttes de liquide de Bonain qui a un double intérêt anesthésiant et caustique, puis à appliquer une solution d’acide trichloroacétique au 1/3 sur la zone bourgeonnante qui se colore immédiatement en blanc. Cette cautérisation est douloureuse mais très efficace. La prescription de gouttes antibiotiques complète le traitement qui est avant tout local. L’antibiothérapie locale doit tenir compte des germes habituellement rencontés, probablement à l’origine de l’infection : le Staphylocoque doré et le Pseudomonas aeruginosa. En l’absence de perforation, on peut avoir recours à des antibiotiques utilisés par voie générale et non commercialisés sous forme de topiques auriculaires, tel que la ticarcilline La sténose du conduit cutané au niveau du conduit osseux. Il s’agit souvent d’une sténose en virole. Leur survenue paraît favorisée : • par les incisions circulaires. Aussi faut-il faire les incisions dans le plan parallèle à la membrane tympanique. • par l’infection du conduit. Dans les formes non organisées, on peut cautériser le bourrelet inflammatoire avec de l’acide trichloracétique, puis mettre un pansement Mérocel de 8 à 12 jours imbibé plusieurs fois par jour par un topique associant corticoïde et antibiotique. Si la sténose est fibreuse, il peut être intéressant de l’entailler en plusieurs endroits à l’aide d’un microbistouri, avant de mettre le pansement. Enfin, en cas de sténose très organisée ou complète, on peut être amené à envisager sa résection, accompagnée éventuellement de la mise en place de greffes de peau mince. L’absence d’épithélialisation. Dans le conduit auditif externe, on observe parfois un véritable refus du revêtement du conduit à se recouvrir de la couche cutanée, et ceci malgré diverses cautérisations et les divers topiques utilisés. Il est alors intéressant, dans ce cas, de recouvrir la zone cruentée par des fragments de peau mince prélevés à la face interne du bras avec une lame de rasoir (fig. 71). La veille de l’intervention, on a intérêt à cautériser la zone cruentée et mettre un pansement Mérocel imbibé de corticoïde et antiseptique afin de régulariser le revétement. Dans une cavité d’évidement pétro-mastoïdien, on peut observer aussi le même phéno- 196 Temps préparatoires - Prévention des incidents mène sur des zones plus ou moins étendues qui bénéficient du même traitement de greffes de peau mince. La sténose au niveau du conduit fibrocartilagineux. Elle impose en général une méatoplastie (voir p. 78). Elle s’observe surtout en cas d’évidement pétro-mastoïdien. Les kystes épidermiques. Il s’agit essentiellement d’une complication iatrogènique liée à une inclusion. Ils se présentent sous forme de perle de couleur blanc nacré, pouvant siéger aussi bien sur la membrane que sur le revétement du conduit osseux. Elles s’évacuent très facilement en consultation dans la plupart des cas. On peut mettre une goutte de liquide de Bonain sur la perle avant d’en ouvrir la paroi à l’aide d’une pointe et d’en évacuer le contenu par un mouvement circulaire pour marsupialiser la poche. CONTRÔLE FONCTIONNEL Le suivi post-opératoire a non seulement pour objectif de guider la cicatrisation mais aussi de surveiller l’état auditif. Un premier contrôle s’impose très précocément pour les stapédectomies, avec un contrôle au moins de la conduction osseuse. Pour les autres types d’interventions, un contrôle vers la fin du premier mois constitue un important document de référence. Les résultats doivent être donnés en moyenne des fréquences conversationnelles de la courbe aérienne post-opératoire par rapport à la pré-opératoire. Si les résultats sont donnés en terme de gain de Rinne audiométrique, il faut utiliser, excepté pour la stapédectomie, la conduction osseuse pré-opératoire et la conduction aérienne post-opératoire. En effet, rien ne sert d’avoir une amélioration du Rinne si la conduction osseuse a été détériorée par l’intervention. SUIVI À LONG TERME Il repose sur : • la symptomatologie, • un document : le compte rendu-opératoire • des examens otoscopiques • des examens audiométriques Tout symptome d’oreille doit être considéré comme étant un signe d’alerte.Aussi doiton prévenir l’opéré, non seulement de venir régulièrement consulter, mais encore si surviennent des symptomes, notamment :des otalgies, une otorrhée, des vertiges, une baisse de l’audition. Il faut le mettre en garde contre l’auto-prescription de gouttes auriculaires et l’inutilité habituelle des traitements antibiotiques par voie générale en cas d’otorrhée. Le compte-rendu opératoire est très important pour la surveillance. Aussi doit-il noter : — l’état initial des cavités osseuses et du système tympano-ossiculaire, — les lésions rencontrées, — les incidents et complications éventuels, — les traitements qui ont été réalisés en précisant s’ils ont été satisfaisants ou non, — si un deuxième temps est envisagé ; dans ce cas, est-il impératif pour des raisons pathologiques, ou seulement souhaitable pour des raisons fonctionnelles ? La surveillance otoscopique du conduit et de la membrane tympanique ou de la cavité Examen pré-opératoire 197 d’évidement se fait toujours sous microscope. Il faut rechercher une ébauche de poche de rétraction. Une telle poche peut survenir des années après une tympanoplastie en technique fermée qui a pu apparaître pendant longtemps comme étant un excellent résultat. Le contrôle de l’audition est important. Il permet parfois de dépister une récidive de maladie causale. — En cas de transmission, il faut savoir dépister une otite séro-muqueuse ou une ankylose ossiculaire en recherchant une immobilité du manche du marteau. — En cas de labyrinthisation, il ne faut pas méconnaître l’association d’une autre pathologie, notamment d’un neurinome. Chirurgie de l’oreille moyenne et bains. Les bains sont autorisés dés que la cicatrisation est terminée. Les cavités d’évidement sèches ne contre-indiquent pas obligatoirement les bains, surtout si la région de la caisse et du labyrinthe sont bien protégées par un tissu cicatriciel. Il est toujours possible de faire réaliser par un audioprothésiste, un obturateur d’oreille adapté à la cavité. Les voyages en avion et la montagne sont autorisés sans réticence à la fin du premier mois après l’intervention s’il n’y a pas de dysfonctionnement tubaire. Quant à la plongée, elle impose un excellent fonctionnement tubaire et l’absence de montage ossiculaire. Elle est donc contre-indiquée notamment après stapédectomie. 198 Temps préparatoires - Prévention des incidents BIBLIOGRAPHIE [1] ALBERTI P., RUBERS R. Otologic Medicine and Surgery (vol. I et II). New-York : Churchill Livingstone, 1988. [2] BREMOND G., WAYOFF M., JOST G. Les étapes du traitement de l’otite chronique chez l’adulte. Rap. Soc. Franç. ORL, Paris : Arnette, 1966. [3] BLUESTONE Ch., STOOL S. Pediatric Otolaryngology — 2e édition — vol. I. Philadelphie : Saunders, 1990. [4] CHARACHON R., ROULLEAU P., BREMOND G.et coll. Les ossiculoplasties : état actuel. Rap. Soc. Franç. ORL, Paris : Arnette, 1987. [5] CUMMINGS Ch., FREDRICKSON J., HARKER L., KRAUSE Ch., SCHULLER D. Otolaryngology Head and Neck Surgery. Vol. IV— Ear and Skull Base. St. Louis : Mosby, 1986. [6] FLEURY P., LEGENT F., LEFEBVRE Ch. Atlas de techniques chirurgicales de l’oreille. Paris : Masson, 1974. [7] FLEURY P., LEGENT F., BOBIN S., BASSET J.M., CANDAU P., SICHEL J.Y. Otites chroniques cholestéatomateuses. 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