LA CHINE HORS LES MURS

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LA CHINE
HORS LES MURS
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Février 2014
REMERCIEMENTS
L
a présente étude n’aurait pu être menée à bien sans la collaboration des membres de sections et comités régionaux
des Conseillers du Commerce Extérieur de la France. Les comités de pilotage et de rédaction tiennent à remercier
chacun de ceux qui, par leurs réponses, ont permis l’établissement de cette synthèse.
Le comité de pilotage, construit autour de la Commission Asie Pacifique du Comité National et présidé par Alain Coine,
a supervisé la réalisation de l’enquête et du présent rapport ; il était constitué de : François Berlie, Patrick Bourrier, Jean
Marc Brault de Bournonville, Bénédicte Brouard, Patrick Delpy, Frédéric Dumont Saint-Priest, Christophe Granier, Mina
Greslebin, Olivier le Baube, Xavier de Linares, Olivier Monange, Aldo Salvador et Dominique Soule.
Virginie Deslandres et Sybille Dubois-Fontaine ont apporté leur aide temporaire.
Le comité de rédaction, présidé par Christophe Granier, rassemblait les CCEF et personnalités extérieures suivantes :
Patrick Bourrier, Bénédicte Brouard, Patrick Delpy, Alain Coine, Mina Greslebin, Olivier Guy, Olivier le Baube, Xavier de
Linares, André Loesekrug-Pietri, Thierry Poupeau, Aldo Salvador, Dominique Soule et Florence Winkler.
Gabriel Yang, étudiant à l’INALCO, a permis de trouver et de commenter des données réglementaires et statistiques
par ses recherches dans certaines sources, dont plusieurs de langue chinoise.
Nos confrères de la section de Chine - son président Jean-Michel Piveteau et le coordinateur de l’étude Yves Boutin ont émis des avis précieux. André Loesekrug-Pietri, président-fondateur de la société A-Capital et CCEF en Chine a
fourni des informations capitales sur les investissements chinois. Paul Clerc-Renaud, ancien président et membre de la
section de Hong Kong a apporté une aide très importante par son suivi quotidien de l’actualité.
Le comité de pilotage remercie les personnalités extérieures au Comité national des CCEF qui ont reçu certains de ses
membres à leur demande et ont permis, dans chacun de leur domaine spécifique, d’illustrer la présence et l’influence
chinoise :
L’ambassade de la République Populaire de Chine en France,
Le China Council for the Promotion of International Trade,
La société Cathay Capital Private Equity,
ainsi que :
La Direction Générale du Trésor du ministère de l’économie et des finances,
La Direction des Entreprises et de l’Économie Internationale du ministère des affaires étrangères,
L’Agence Française des Investissements Internationaux,
La Maison Roullet-Fransac, négociant-éleveur à Cognac.
3
SOMMAIRE
La Chine hors les murs
Remerciements
Préface
Introduction
Principales abréviations utilisées
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Résultats de l’enquête menée auprès des CCEF
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Note méthodologique
Remarques préliminaires
Appréciation générale de la présence chinoise
Les entreprises et les marques
L’influence de la Chine vue par les CCEF
Part de marché estimée
Les investissements
Le commerce international
Les grands contrats
Les traités de libre-échange et accords bilatéraux
Évaluation de l’efficacité de l’aide des institutions et organismes chinois
Démographie et organisation de la communauté chinoise
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Caractéristiques générales de l’expansion chinoise
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Objectifs généraux de l’internationalisation
Choix des pays d’implantation
Typologie de l’internationalisation : segments économiques
Ciblage de l’internationalisation : secteurs d’activité
Moyens de l’internationalisation : soutien des Chinois à l’international
Premier bilan : succès en demi teinte et enseignements tirés des déboires
Mode de développement et méthodes d’implantation : y a-t-il un protocole chinois ?
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État des lieux
Distribution géographique de la « maison Chine »
• Le premier cercle : le Sud-Est asiatique
• Le deuxième cercle : l’Asie centrale et méridionale
• Le troisième cercle : l’Asie du Nord
• Le premier cercle extérieur : les BRICS
• Les cercles extérieurs d’approvisionnement :
- l’Océanie
- Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord
- L’Afrique Sub-Saharienne
- L’Amérique Latine et les Caraïbes
• Les cercles extérieurs d’apprentissage et de distribution :
- l’Amérique du Nord
- L’Union Européenne et l’Europe non-communautaire
- La présence chinoise en France
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Pénétration sectorielle : des niveaux et des potentiels divers
- Le secteur agricole et agroalimentaire
- Le secteur des mines et matières premières
- Le secteur énergétique
- Le secteur des BTP et des infrastructures
- La sidérurgie et la métallurgie
- La chimie et la pétrochimie
- La construction ferroviaire, navale et aéronautique
- L’industrie spatiale
- L’automobile et les biens d’équipement
- Les biens de consommation
- Le textile, l’habillement et la mode
- Le commerce, la logistique et le transport
- Les télécommunications et les nouvelles techniques de l’information
- Les métiers de l’internet
- La santé et la pharmacie
- Les services financiers
- Les autres services
- Le luxe
- Les groupes polyvalents
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Les voies obscures de l’internationalisation :
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- Excédents et dispersion des risques
- Transferts, aides et dons
- Production et commerce de l’armement
Les corollaires de l’internationalisation :
- Le tourisme et les loisirs
- Les étudiants chinois à l’étranger
- L’expatriation à la chinoise
- L’art chinois et son marché
- La culture et l’enseignement
- Les médias et leur périmètre d’impact
Conclusion : Tendances et conséquences de l’internationalisation chinoise
Le devenir prévisible de l’internationalisation chinoise
Retour d’expérience : la Chine en sortira-t-elle gagnante et indemne ?
Conséquences de l’internationalisation chinoise : la France peut-elle en tirer parti ?
Les CCEF et l’évolution de l’internationalisation chinoise
Références
Annexe 1 : Les 85 entreprises chinoises du classement « Fortune 500 » en 2013
Annexe 2 : les 23 entreprises chinoises du classement « FT 500 » de 2013
Index
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PRÉFACE
C
’est à Alger, au cours d’une réunion des Conseillers du commerce extérieur de l’Afrique du Nord que l’idée est venue de lancer cette
vaste étude sur la Chine « hors les murs ». Les Conseillers d’Algérie faisaient état d’une concurrence intense, d’une stratégie organisée et
concertée des entreprises chinoises et du gouvernement chinois pour s’imposer sur ce marché : les grandes compagnies publiques chinoises
y étaient toutes présentes, et le plus souvent gagnaient les appels d’offres internationaux ; les plus grands chantiers d’infrastructure revenaient
aux groupes chinois et plusieurs dizaines de milliers de résidents chinois étaient au travail en Algérie.
Cette présence massive en Algérie était-elle un cas particulier ? Qu’en était-il dans le reste du monde ? Quels étaient le poids, le type, les méthodes
d’implantation des entreprises chinoises dans le monde ? Quelles étaient l’importance et les tendances de l’internationalisation des groupes
chinois à travers le monde ?
Le réseau des Conseillers du commerce extérieur de la France, 2 700 dirigeants d’entreprises, résidant dans 146 pays, est particulièrement bien
placé pour étudier ces questions. Je lui ai proposé de lancer cette vaste étude sur la Chine « hors les murs », défi que la commission Asie-Pacifique
de notre Institution relevait brillamment, comme on le verra dans les pages qui suivent.
6
Deux dates capitales marquent l’extraordinaire percée économique de la Chine. La première est bien connue : 1979, Deng Xiaoping met fin aux
choix économiques calamiteux de Mao Tsé Tong, ouvre la Chine aux échanges internationaux et parie sur l’exportation pour assurer le décollage
économique de son pays. La seconde est moins connue : 2002, le gouvernement chinois adopte le mot d’ordre « Go global », qui incitait les
entreprises chinoises à se déployer dans le monde, à s’internationaliser. Ce choix stratégique prenait toute sa force avec la décision de la Chine, en
novembre 2011, d’adhérer à l’OMC. Cette adhésion s’est depuis accompagnée d’un grand nombre de traités de commerce et d’accord bilatéraux,
facilitant les échanges commerciaux, les investissements et les financements. C’est avec les encouragements actifs et efficaces des autorités
chinoises que la Chine « hors les murs » s’installait.
Le constat particulièrement bien documenté, établi par les Conseillers du commerce extérieur de la France est clair : le mouvement
d’internationalisation de la Chine est lancé.
Il obéit en fait à des motifs géopolitiques et économiques d’une logique évidente et forte. Il est inévitable et irréversible. Il concerne tous les continents,
certes à des degrés divers. Il est spectaculaire même s’il est encore loin d’atteindre le degré d’internationalisation des entreprises américaines ou
européennes. Initié par les grands groupes publics, il est de plus en plus le fait du secteur privé. Bien que soutenu par le gouvernement chinois, il
apparaît moins comme planifié que comme « opportuniste », dans ses modalités comme dans ses cibles. Si elles inquiètent ici, elles sont accueillies
là à bras ouvert : les entreprises chinoises internationalisées sont perçues par les Etats, les milieux d’affaires et les opinions publiques, comme le
sont tous les grands groupes étrangers, souvent comme sauveurs ou parfois comme prédateurs selon les cas. Enfin, la progression internationale
des groupes chinois va de pair avec l’extension de leur influence : il faudra de plus en plus compter avec les normes chinoises, dans le domaine
des biens de consommation, mais aussi, dans le domaine technique et dans celui des processus industriels.
Il n’y a pas lieu de s’étonner de la globalisation des entreprises chinoises. C’est le contraire qui aurait été surprenant. La Chine a basé sa
stratégie de développement économique, il y a 35 ans, sur l’exportation et sur l’accueil des entreprises des pays avancés et de leurs techniques
sur son territoire. Le succès de cette stratégie devait avoir pour corollaire, une fois le décollage économique et industriel acquis, le déploiement à
l’international des groupes chinois issus du boom économique, groupes aujourd’hui nombreux et puissants.
Ce déploiement s’effectue lui-même d’une manière logique et prévisible.
Au sein de l’Asie, les groupes chinois s’implantent par cercles concentriques. Le premier est l’ASEAN, « hinterland » historique de la Chine. Le
second cercle est formé de l’Asie centrale et méridionale, zone d’intérêt politique sensible pour la Chine, où les groupes publics chinois sont très
actifs. Le troisième cercle est l’Asie du Nord : les échanges commerciaux avec le Japon et la Corée sont considérables et pourraient aboutir, à un
terme plus ou moins proche, à une sorte de marché commun.
Dans le reste du monde, apparaissent aussi différents « cercles extérieurs » où l’implantation économique chinoise se développe : le premier est
formé de l’Océanie et des BRIC ; le second, du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord au sein desquels la Turquie et l’Égypte sont des pays-cibles
caractérisés ; le troisième cercle est formé de l’Afrique sub-saharienne, et tout particulièrement de l’Afrique de l’Est, où l’Éthiopie, l’Angola et le
Mozambique figurent comme des priorités. Viennent ensuite les pays de la côte pacifique de l’Amérique Latine ainsi que le Venezuela.
Toutes ces zones, constituent, peu ou prou, pour les groupes chinois internationalisés, des sources d’approvisionnement en matières premières tout
autant, sinon plus, que des marchés de consommation. La Chine y conduit, parallèlement à l’implantation de ses entreprises, des politiques d’aide et
de coopération, notamment en Afrique, qui lui sécurisent ses approvisionnements et assurent ses implantations.
La politique du « Go global » lancée par les autorités chinoises en 2002 obéit à des objectifs parfaitement rationnels et légitimes : l’accroissement
des investissements à l’étranger, la diversification des productions chinoises, l’élévation des performances des entreprises, la promotion des marques
chinoises sur les marchés extérieurs matures. Mais le gradient de l’implantation internationale chinoise révèle aussi un objectif géopolitique hautement
stratégique : la sécurisation des approvisionnements en énergie, en ressources minérales, en ressources agroalimentaires -céréales, halieutique, bois.
On perçoit aisément que la globalisation des entreprises chinoises est le relais fondamental de l’ouverture au commerce international engagée
dans les années 80 et que ce mouvement est, de toute évidence, appelé à se poursuivre. Très différencié selon les pays -avancé en Asie du Sud-Est,
embryonnaire en Europe et aux États-Unis en dépit d’opérations très médiatisées- il est aussi directement lié aux profondes transformations que
l’économie chinoise connaît, du fait même du décollage fulgurant et de l’expansion économique sans précédent que l’ouverture de ses frontières
a entraînés et qui la placent maintenant face à de nouveaux défis.
Le modèle économique chinois reproduit, mutatis mutandis, celui du Japon du lendemain de la guerre, de Taïwan ou de la Corée des années 70,
pour ne citer que ces pays : exploitation intensive de l’avantage comparatif lié au coût de la main d’œuvre, taux de change « géré » ; excédents
commerciaux et des paiements extérieurs massifs ; acquisition puis maîtrise des technologies ; capacité de recherche et d’innovation atteignant
celles des pays occidentaux ; élévation continue de la qualification de la main d’œuvre ; hausse des rémunérations et des coûts salariaux tendant à
la réduction de l’avantage comparatif des coûts de main d’œuvre ; internationalisation des entreprises, tant pour délocaliser certaines productions
que pour améliorer l’accès aux marchés extérieurs ou pour atteindre les standards de performance des entreprises des économies développées.
Cependant, la comparaison avec les « dragons » d’Asie s’arrête là.
Il est clair que la masse démographique, la dimension continentale et le poids économique et financier de la Chine fait de l’expansion chinoise un
phénomène -on devrait plutôt dire une révolution- géopolitique majeur. Le monde contemporain est soumis, non pas à une mais à deux mutations
essentielles : celle, bien connue, du numérique et des technologies de l’information et de la communication ; mais aussi celle de la Chine en tant
que super puissance économique globale. Ni l’une, ni l’autre, ne sont près d’avoir produit tous leurs effets.
La Chine « hors les murs » reste encore très en deçà de ce que sa démographie, sa force de travail et son potentiel technologique laissent attendre.
Les investissements directs chinois à l’étranger, inférieurs à 30 milliards de dollars en 2002 dépassent 400 milliards de dollars en 2012. Pourtant,
malgré ce bond, la Chine reste très loin derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France. Elle est même toujours devancée par
Hong Kong et le Japon. La moitié du stock des investissements chinois à l’étranger est en Asie-Océanie tandis que 30 % d’entre eux se trouvent en
Union Européenne et aux États-Unis. Mais la tendance récente est toutefois à une forte accélération des investissements dans l’Union Européenne
avec un vif accroissement des prises de participation, même minoritaires. Rapportés au PIB chinois, les investissements chinois n’ont fait que
doubler en 10 ans.
On peut donc anticiper, sans risque de se tromper, que la Chine « hors les murs » n’en est qu’à ses débuts. En passant de l’état d’économie
émergente à l’état d’économie « convergente », pour reprendre le terme de l’OCDE, la Chine franchira de nouvelles étapes dans la globalisation,
qui conduiront ses entreprises à multiplier leurs activités à l’étranger. Le phénomène sera tiré de plus en plus par le secteur privé. On estime qu’en
2013, 80 % des acquisitions chinoises aux États-Unis et 70 % de leur montant sont le fait d’entreprises privées. On est loin de l’époque où la
Chine abordait les marchés internationaux en alignant les bataillons de puissants groupes publics.
Faut-il s’inquiéter de ces perspectives ? Faut-il craindre que la participation pleine et entière du géant chinois à la mondialisation n’accentue les
tensions sociales et politiques que celle-ci génère ici et là dans le monde ? Les mêmes craintes étaient déjà perceptibles dans les années 60 et 70,
lors de la montée en puissance du Japon et les mêmes critiques fusaient : concurrence déloyale, manipulation monétaire, excédents commerciaux
excessifs, puissance de frappe financière redoutable. Avec le recul, le monde n’a pas à regretter l’accession du Japon aux plus hauts standards de
développement. Pourquoi en irait-il différemment avec la Chine ?
On objectera que ce parallèle ne vaut guère car la puissance économique potentielle de la Chine est dix fois celle du Japon. Cette objection est
pertinente dans le champ des relations politiques internationales. L’expansion planétaire en cours de la Chine lui confère et lui confèrera une
puissance politique et une influence géopolitique sans égale dans quelques années. Cette perspective fera inévitablement bouger les lignes du
système de relations politiques internationales. Vers quel équilibre va-t-il tendre ? Nul ne le sait. Parviendra-t-on à un nouvel équilibre dans des
conditions pacifiques ? Tous l’espèrent.
Mais, si l’on revient au champ économique, qui est le nôtre dans cet ouvrage, ce type d’incertitudes n’apparaît pas. Le développement économique
chinois ne se fait pas au détriment de ses partenaires. On peut même soutenir le contraire. L’irruption de la Chine dans l’économie internationale
a en fait produit les mêmes effets qu’une révolution technologique majeure, génératrice de « destruction créatrice » ; même si dans ce cas, il n’y
a pas eu à proprement parler, révolution technologique mais révolution dans le facteur de production travail, avec l’arrivée de la force de travail
chinoise dans le système de production et d’échange international. Ce choc a bouleversé les courants économiques internationaux ; mais il a aussi
soutenu et démultiplié la croissance mondiale.
Les effets de ce bouleversement qui a nécessité de vigoureuses politiques d’adaptation chez les partenaires de la Chine vont s’atténuant
progressivement. Comme on l’a dit, d’émergente, la Chine devient convergente. Son organisation économique et sociale évolue vers des modes de
croissance qui se rapprochent de ceux des pays développés, qu’il s’agisse des salaires, de la répartition, ou de la demande intérieure.
C’est aussi cette convergence qui fait de l’internationalisation des entreprises chinoises un mouvement absolument nécessaire à la poursuite de la
croissance chinoise, ainsi qu’à la croissance économique mondiale. La « Chine hors les murs » n’est pas une menace. Elle participe de la maturité
de l’économie chinoise et de sa contribution à la prospérité mondiale.
J’invite le lecteur à se plonger dans cet ouvrage. Il y trouvera une mine d’informations sur l’internationalisation de la Chine et sur les voies
géographiques et sectorielles qu’elle emprunte. Ces informations sont livrées par les Conseillers du commerce extérieur de la France, c’est-à-dire
par des dirigeants d’entreprises, des professionnels de l’international, au jugement factuel, empirique, et dépourvu de toute coloration idéologique.
Je tiens à nouveau à les remercier et tout particulièrement, Alain Coine, président de la commission Asie-Pacifique, et Christophe Granier, président
du comité de rédaction de cet ouvrage, l’un et l’autre, excellents connaisseurs de l’Asie, de l’intérieur de l’Asie pour y avoir vécu.
Bruno Durieux
Président du CNCCEF,
ancien ministre.
7
INTRODUCTION
P
ar leur position stratégique au contact direct des réalités économiques de 146 pays dans le monde, les Conseillers
du Commerce Extérieur de la France ont parmi leurs rôles celui d’observer et de veiller aux évolutions plus
ou moins prévisibles des agrégats économiques, de signaler les courants d’affaires nouveaux et les grandes
tendances de la concurrence mondiale. Sensibilisé par plusieurs sections à l’ampleur que prend dans de nombreux
pays la présence économique chinoise, le Président du Comité National a chargé une équipe constituée autour de la
Commission Asie-Pacifique d’entreprendre une recherche sur ce sujet d’actualité. Le présent rapport est la synthèse
de l’enquête menée à cet effet auprès de toutes les sections et comités des CCEF.
8
Ce rapport s’inscrit dans la continuité d’une précédente étude sur « l’internationalisation des entreprises chinoises »,
réalisée par le Comité National et HEC-Eurasia Institute en novembre 2006. Son objectif et son rayon sont cependant
plus larges, et la mise au point graduelle de questionnaires performants pourra permettre à l’avenir la réédition à
intervalles réguliers de telles enquêtes sur ce grand sujet d’actualité.
*
Encouragée par l’administration de la République Populaire, la conquête directe de marchés extérieurs par
la mondialisation des entreprises chinoises est en cours. Le soutien politique à cette expansion fait l’objet de
nombreuses communications plus ou moins officielles, parmi lesquelles celles des think-tanks les plus influents.
Cette politique orchestrée bénéficiant de grands moyens commence à porter ses fruits mais le géant asiatique est
encore majoritairement confiné dans ses frontières et spécialisé dans certains domaines économiques. L’objectif du
plan quinquennal en cours est d’accentuer cette diversification en soutenant tous les acteurs candidats à l’expansion
de leurs activités hors de Chine mais également d’orienter le développement mondial des entreprises dans certains
domaines pilotes déterminés.
Phénomène de masse et puissance industrielle et financière s’allient pour faire de l’expansion chinoise récente un
évènement considérable ; bien qu’elle revête des aspects différents, son internationalisation est comparable et à
plusieurs points de vue plus impressionnante que l’expansion planétaire des Etats Unis lors de la période qui a suivi la
deuxième guerre mondiale. Représentant 29% de la croissance mondiale en 2013, la Chine est devenue le moteur du
monde : l’objet du présent rapport est de cerner les caractéristiques propres et la durabilité de son internationalisation,
d’évaluer ses conséquences sur les équilibres mondiaux et sur l’économie française et européenne.
*
Mullti-centenaire, l’émigration des populations chinoises, conséquence des périodes de disette et de misère ou d’une
simple aspiration à une vie meilleure, a précédé et entrainé l’installation des entrepreneurs chinois hors de leur pays.
Guidés par des intérêts multiformes, ces deux mouvements ont connu des épisodes divers, alternant les phases
d’expansion et de retrait. Ses conséquences historiques ont généré de lents succès et des réactions hostiles, mais
rarement des échecs retentissants. Historiquement, les phases d’expansion ont bénéficié du soutien des autorités
de Chine mais l’esprit d’entreprise individuel a présidé à certaines phases de développement. Ainsi, si on limite
l’examen au dernier siècle écoulé, une première vague d’internationalistion a d’abord été le fait des représentants
de la Chine dite « libre » : hongkongais puis taiwanais, mais a également inclus des entrepreneurs individuels
Chaozhou, Wenzhou et autres, héritiers d’une tradition déjà ancienne. Opportuniste et individualiste, cette expansion
s’est effectuée avec peu de moyens mais une énergie redoutable. Bien qu’elle n’ait pas été encouragée et soutenue
par une intention centrale, cette avant-garde a entraîné naturellement à sa suite certaines communautés régionales,
ethniques ou d’intérêt.
Debout ! Nous ne voulons plus être des esclaves !
C’est avec notre chair que nous allons bâtir notre nouvelle muraille.
(Premier couplet de l’hymne national chinois : la Marche des volontaires)
Si le régime communiste avait fait sienne la doctrine isolationniste qui a toujours eu ses partisans depuis les bâtisseurs
de la Grande muraille, la donne a considérablement changé depuis les réformes de Deng Xiaoping et l’entrée de la
Chine dans le concert des nations développées ; des contingents de plus en plus nombreux d’acteurs économiques
chinois regardent hors de leurs frontières avec l’assentiment et l’appui du gouvernement central. Bénéficiant de
l’exemple de la réussite de leurs cousins « libres », les Chinois continentaux feront ils preuve du même instinct
d’affaires qui a suscité tant de réussites objectives ? En excluant Hong-Kong, Macao et Taiwan de notre étude pour la
limiter aux acteurs de la République Populaire, nous avons tenté de répondre à cette question en nous inspirant des
réponses reçues de toutes les sections des CCEF dans le monde.
Après la présentation des résultats de l’enquête, la synthèse ci-après interroge en deuxième partie les cibles et
objectifs de l’expansion constatée, puis les moyens utilisés et les modes de développement choisis et tente en
troisième partie de faire un point de la présence chinoise par zone géographique puis par secteur d’activité en
choisissant quelques exemples parmi les principaux acteurs économiques chinois. En conclusion, nous avons envisagé
les conséquences que cette expansion pouvait avoir sur l’économie mondiale en général, et française et européenne
en particulier.
Nous espérons par cette étude contribuer à sensibiliser la communauté d’affaires et les autorités françaises aux
implications d’une évolution économique majeure et restons disposés à commenter plus avant nos travaux ainsi qu’à
les renouveler à intervalles réguliers par des enquêtes similaires.
Le Comité de pilotage
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