Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 20/04/2017
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Achten a pu trouver sa voie - sa voix -, puisant sa technique et son inspiration auprès des 29 professeurs qui
l'ont accompagné plus ou moins longtemps.
1607. C'est aussi l'année de publication de l'Orfeo de Claudio Monteverdi - une Favola in musica -, composé
sur un livret d'Alessandro Striggio et très largement considéré comme étant le premier opéra de l'histoire de
la musique, éclipsant les tentatives du même genre d'Emilio Cavalieri, de Jacopo Peri ou de Giulio Caccini,
compositeurs romains actifs à Florence, attachés à la question du « comment parler en musique », autrement
dit à la question du « comment rendre musicalement l'impact émotionnel de la tragédie ».
Sans rien ôter à l'idée du génie de Monteverdi ni à son Orfeo, Nicolas Achten rétablit enfin cette sorte d'injustice
historiographique en nous offrant le premier enregistrement de L'Euridice de Giulio Caccini (1551-1618), une
œuvre méconnue et pourtant d'importance dans l'histoire de la musique. Si Caccini reste dans l'ombre de
Monteverdi, Nicolas Achten veut lui donner sa chance. Il pose d'ailleurs cette question, avec beaucoup de
justesse, comment peut-on juger une œuvre pareille aujourd'hui si on ne lui a pas donné la chance d'exister ?
Son disque, sorti en 2008, fait événement et est salué unanimement par la presse spécialisée :
[...] Le continuo est [...] de premier ordre, varié, coloré [...] , d'une richesse polyphonique et d'une pertinence
théâtrale admirables. [...] les chanteurs sont convaincants, tant dans le recitar cantando que dans les passages
ornementaux [...]. Réjouissons-nous donc ? : L'Euridice est enfin dignement ressuscitée. (Diapason)
L'œuvre de Caccini prend place dans un très bel écrin - digipak à deux volets pour le disque, livret séparé,
le tout dans un fourreau - publié chez Ricercar.
C'est à Florence, précisément, qu'on trouve les fondations du drame lyrique. Dès 1576, Giovanni Bardi, comte
de Vernio, s'entoure d'érudits, de poètes, d'artistes, formant la « Camerata Bardi », lieu de réflexion sur l'une
des grandes passions des esprits humanistes : la redécouverte et le renouvellement du drame grec.
Faisant référence aux modèles supposés de l'Antiquité, ils mettent en place, peu à peu, un nouveau langage
musical, un langage simple, vrai, où la musique est le seul moyen de rendre les affects évoqués par le verbe.
Autrement dit, pour rendre une place de choix au texte et pour correspondre à l'idée qu'ils se faisaient de
la tragédie grecque, ils vont tenter l'expérience et développer un mode de chant soliste accompagné d'un
instrument : le récitatif.
C'est dans ce contexte bouillonnant de culture et de soif de l'Antiquité que naissent les premiers « opéras »,
faisant la part belle à cette nouvelle manière de chanter. Plusieurs compositeurs s'essaient au genre. Jacopo
Peri et Giulio Caccini s'en disputent la paternité, chacun d'eux travaillant sur un même mythe, celui d'Orphée,
à partir du livret d'Ottavio Rinuccini. Si la Première de l'Euridice de Peri précède la Première de l'Euridice de
Caccini, les imprimés qui nous sont parvenus révèlent que l'édition de l'œuvre de Caccini devance de moins
de deux mois l'édition de celle de son rival. C'est dire l'émulation qui régnait alors.
Bien que les deux compositeurs poursuivent un même but, leur langage musical est néanmoins différent. Le
langage de Caccini est plus « vocal », peut-être plus technique (phénomène sans doute lié à sa fonction de
chanteur virtuose), avec une profusion de traits mélodiques.
L'ensemble a déjà un deuxième disque à son actif, toujours chez Ricercar, consacré à un compositeur plus
tardif d'une génération : Giovanni Felice Sances (ca 1600-1679).